Manifeste des Indignés et Indignées de Lille (version 1.0)
Voté au consensus à l’AG des indigné-e-s de Lille le 9/3/2012
Pour une Démocratie Réelle, Maintenant !
** Nous sommes **
Nous sommes un mouvement mondial, politique, apartisan, sans leader ni porte parole, non violent mais néanmoins combatif. Citoyen-e-s de tous âges, de toutes nationalités, de toutes origines sociales et culturelles, nous nous rassemblons pour exercer notre droit à la liberté de réunion, de contestation et d’action.
2011 fût une année charnière : une vague de révoltes mondiale a déferlé en Tunisie, Égypte, Syrie, Maroc, Yémen, Espagne, Grèce, Italie, Portugal, USA, Chili, Chine, Inde, Russie… Dans la continuité des mouvements espagnols et grecs des 15 et 25 mai 2011, et des mouvements «Occupy» commençant le 17 septembre 2011 aux USA, des millions d’indigné-e-s luttent de par le monde, pour une “Démocratie Réelle Maintenant”, et afin que les peuples puissent construire de nouveaux modèles de société, justes et dans le respect de l’humain et de l’environnement.
Indigné-e-s par le manque de perspectives politiques pour les peuples, à contre-courant de l’individualisme ambiant, nous nous réapproprions l’espace public en y organisant des assemblées populaires, lieux d’expérimentation d’une démocratie directe et participative. Nous invitons chaque citoyen-ne à y assister, à venir s’exprimer ou écouter, débattre et proposer les solutions de demain.
** Nous refusons **
Nous refusons de nous voir imposer un modèle économique de productivité à outrance où règnent une compétition mondialisée, la corruption, l’exploitation et la culpabilisation des travailleurs, les destructions environnementales, la guerre et la traque des illégaux.
Nous refusons de voir le rentable sacralisé au détriment de l’humain. Nous dénonçons les méfaits, dysfonctionnements et injustices imposés par le monde financier et politique, qui gouvernent le monde aujourd’hui sans écoute ni respect pour l’être humain et son environnement.
Nous refusons de voir notre vie prise en otage par des états et des banques irresponsables, de croire à des discours absurdes prétendant que la création de richesse passe par l’endettement et la croissance, lesquels ne visent qu’à renforcer l’asservissement par l’argent, l’accroissement des profits, l’individualisme, le pillage des ressources non-renouvelables, le gaspillage organisé, et l’industrie de la guerre.
Nous refusons d’assumer des dettes illégitimes car contractées en dépit de l’intérêt collectif par des élus corrompus, marionnettes de la grande finance internationale. Ces oligarches se refusent à toute baisse même symbolique de leurs revenus, alors que dans le même temps, ils exigent de plus en plus d’efforts de la part des peuples et les soumettent à la volonté des riches et des banques, par centaines de millions et pour plusieurs générations.
Nous refusons de voir nos droits sociaux, acquis de haute lutte par nos parents, démantelés sur l’autel de la compétitivité. Nous n’acceptons pas de savoir qu’aujourd’hui en France, cinquième puissance économique mondiale, plus de 8 millions de français vivent sous le seuil de pauvreté, ni que dans le monde, 1 milliard d’humains vivent dans la pire des misères.
Nous refusons que pour maintenir ce système, nos libertés individuelles et nos droits fondamentaux se voient bafoués par la dictature du tout sécuritaire, de la répression policière, de la désinformation médiatique, du développement planifié des fascismes et de l’extrême droite, ayant pour conséquence l’instauration d’un climat anxiogène, de la division, de la peur et de la haine entre les citoyen-ne-s.
** Nous rêvons **
Nous rêvons d’un monde de paix, d’égalité, de richesses partagées, où les humains et les idées circuleront librement.
Nous rêvons d’un monde convivial où les fruits de notre travail participeront au bien être individuel et collectif, à la liberté et à la solidarité, sans misère organisée, sans exploitation, ni oppression, ni destruction, ni surconsommation.
Nous rêvons d’une éducation populaire, pour toutes et tous, visant à développer le sens de l’humanisme, le sens critique et créatif. Une éducation qui suscitera un profond désir de liberté, car c’est le moyen pour les peuples de comprendre le monde dans lequel ils évoluent et d’acquérir les moyens véritables de leur émancipation.
Nous rêvons d’un monde où nous aurons réussi à neutraliser le complexe militaire, industriel et financier qui ravage les peuples et leur environnement.
Nous rêvons d’un monde où tous ensemble, unis, nous saurons imposer cette vision politique.
** Nous exigeons **
Considérant que l’état dit de démocratie représentative entretient des oligarchies politiques, médiatiques, intellectuelles, militaires, industrielles et foncières, qui confisquent de fait aux citoyens et citoyennes le pouvoir de décider de leur destin politique,
nous exigeons que soient convoquées des assemblées constituantes citoyennes dont le but sera de définir un système politique visant :
– à rendre le pouvoir au peuple par le biais de consultations populaires permanentes, garantissant l’égalité de chacun-e dans les processus de réflexion et de décision,
– à ce que la participation aux processus de décision soit libre et ouvert à toutes et à tous, aux niveaux locaux aussi bien que globaux,
– à garantir que jamais le pouvoir ainsi acquis par le peuple ne puisse lui être retiré, notamment par la représentativité, l’autocratie et le rétablissement d’ordres hiérarchiques.
Considérant que les principales cause d’oppression de l’humain dans le monde capitaliste sont le rapport salarial, le rapport marchand, le travail forcé, le remboursement contraint de dettes illégitimes publiques et privées, ainsi que la misère organisée,
nous exigeons que soit établi un salaire citoyen à vie, inconditionnel et universel, satisfaisant aux besoins physiques et psychologiques, à la dignité de chaque être humain, et visant :
– à éliminer le chômage, le travail forcé, l’exploitation salariale, et à transformer radicalement notre rapport au travail,
– à ne plus nous rendre dépendants d’emplois nous réduisant en esclavage au profit des exploiteurs,
– à ce que la création de richesse soit universellement socialisée et également partagée.
Considérant que la possession de biens de luxe est la jouissance de l’extrême minorité exploitante, et que leur acquisition se fait toujours au détriment de ce qui est nécessaire pour la majorité des humains,
nous exigeons que les plus hauts revenus soient strictement limités à l’échelle mondiale, et que les 2% d’humain les plus riches en terme de possessions financières, industrielles et foncières, soient immédiatement expropriés à hauteur de 20% de leurs biens, ceci visant :
– à limiter immédiatement les profits galopants des plus riches, à abolir à terme la propriété privée des moyens de production ainsi que l’exploitation du travail d’autrui, pour en finir avec le « faire pour les riches », et le « faire faire par les pauvres »,
– à généraliser les coopératives ouvrières sur les lieux ainsi réappropriés pour le peuple, ce qui garantira le développement local de la démocratie directe et de l’autogestion, le partage rigoureux et collectivement consenti des richesses produites, ont ainsi l’égalité entre les travailleur-e-s,
– à répondre aux revendications des « Sans Terres » et à rétablir une agriculture vivrière mondiale, écologique, propre à nourrir l’ensemble de l’humanité tout en préservant les écosystèmes, les ressources vitales (terre, eau, air) et chaque organisme vivant sur notre planète.
Considérant que la limitation de circulation des humains sur terre crée une ségrégation entre les plus riches et les plus pauvres, entraînant la violence aux bordures des empires et dans les ghettos, et impliquant la surveillance policière des exclus et des pauvres, ainsi que la protection armée des propriétés et villégiatures des plus riches,
nous exigeons la libre circulation des citoyens dans le monde entier, ainsi que la limitation et le contrôle strict de la circulation des minerais, marchandises et des capitaux, ceci visant :
– à ce que chaque citoyen puisse avoir la liberté de découvrir les différentes cultures sur terre, et à permettre un échange et un mélange harmonieux entre les peuples,
– à ce que les frontières entre les pays ne soient plus des lieux de guerres mais de rencontres,
– à éliminer les commerces et trafics d’armes, de drogues et d’humains, ainsi que l’évasion fiscale, qui forment les piliers du capitalisme mondialisé,
– à ce que les marchandises ne parcourent plus des distances absurdes autour du monde, et que les lieux de production et de consommation soient les plus proches possibles.
Considérant que les militaires, leurs dirigeants et leurs armes entretiennent le premier commerce du monde, USA, Russie, France et Angleterre en contrôlant les deux tiers, et qu’ils ne servent qu’à semer la mort et la destruction pour le contrôle des peuples et des ressources de notre planète,
nous exigeons le démantèlement universelle et immédiat des armes et de leurs usines de production , ceci visant :
– à l’abolition de l’armée, du mercenariat, et de la guerre, soit du plus grand effort et du pire fléau affligé à l’homme par l’homme,
– à ce que soit libérée l’énorme masse de travailleurs contraints de participer à ce travail mortifère, à ce que les soldats du monde soient affranchis de leur tâche aliénante et inhumaine, et à ce que les petits et grands chefs de guerre soient enfin réduits à l’impuissance,
– à ce que l’ensemble des moyens militaires restant soit mis à disposition d’une logistique civile de redistribution mondiale et de répartition des biens élémentaires, de développement des infrastructures vitales, et d’aides immédiates aux populations en cas de catastrophes environnementales.
Considérant que la volonté guerrière, la logique productiviste, les excès de la société de consommation et le goût du luxe provoquent d’irrémédiables dégâts sociaux et environnementaux — au rythme d’extinction actuel, 40 % des espèces sont amenées à disparaître d’ici la fin du siècle, 75 % d’ici 300 ans – et mettent en péril la survie même de l’humanité,
nous exigeons un contrôle démocratique et universel de l’ensemble des choix et stratégies industrielles ainsi que du développement des infrastructures urbaines et agricoles, ceci visant
– à préserver les ressources écologiques qui peuvent encore l’être et dont la destruction peut facilement s’avérer fatale à l’humanité,
– à protéger les sols et les écosystèmes des pollutions chimiques et de l’érosion provoquées par l’agriculture intensive, les monocultures, les OGM, les pollutions militaires liées notamment aux munitions radioactives, mais aussi par l’urbanisme, les transports, le traitement des déchets, et protéger ainsi les populations de l’ensemble de ces pollutions mortelles, mutagènes et cancérigènes, aujourd’hui massivement répandues dans l’environnement,
– à enrayer les phénomènes d’intenses variations climatiques provoquant d’ores et déjà d’importants cataclysmes, ouragans, désertification, montée du niveau des océans, et limiter la catastrophe humanitaire annoncée que sera la migration des centaines de millions d’humains touchés.
Considérant que la misère, la compétition et la domination, l’individualisme et l’égoïsme tendent à nous isoler les uns des autres, génèrent le stress et la folie, la haine et la violence, nous contraignant ainsi à réaliser pour survivre les tâches les plus inhumaines, dégradantes et dangereuses,
nous exigeons le développement d’une éducation universelle visant :
– à favoriser le savoir vivre ensemble, le sens de l’égalité et de la coopération, le sens de la liberté individuelle et collective, le respect, l’écoute, la curiosité, la découverte de soi et de l’autre,
– à construire une société conviviale et festive substituant à l’aliénation du travail productif le droit à l’oisiveté et au temps libre, l’improvisation, la joie de vivre, l’émancipation,
– à cultiver les savoir humains fondamentaux, construction et ingénierie civile, agriculture et écologie, médecine et sciences, philosophie et arts, permettant de faire soi même et de faire ensemble,
– à développer nos moyens d’analyser le monde et de développer notre esprit critique, nous permettant de jouer pleinement notre rôle de citoyen responsable dans la société.
** Révoltons-nous **
Nous, les indigné-e-s manifestons notre révolte. Nous sommes réalistes et bien conscients des injustices de ce monde. Nous sommes conscients qu’on ne peut pas espérer voir la situation politique et économique s’améliorer si l’on ne procède pas rapidement à un changement radical de notre société. Laissés pour compte, sans droits, sans emplois, retraités, lycéens, étudiants, précaires, ouvriers, employés, petits entrepreneurs, travailleurs indépendants, cadres, professeurs, agriculteurs, penseurs et rêveurs, philosophes et bidouilleurs, artistes, routards, migrants, policiers et militaires qui voudront déserter, petits maîtres qui abandonneront leurs petits pouvoirs, utopistes de toutes nations, ceci est notre appel : UNISSONS NOUS ! RÉVOLTONS NOUS !
Les Indignés/Démocratie Réelle, Maintenant !/Mouvement du 15 Mai 2011, Lille, le 9 Mars 2012.