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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 18:29

 

reporterre.net

 

La Pologne a bafoué la loi européenne pour promouvoir le gaz de schiste

Sylvain Lapoix (Reporterre)

samedi 2 novembre 2013

 

 

 

Deuxième volet de notre reportage en Pologne sur les gaz de schiste. Ou comment le gouvernement tente de séduire les industriels en promettant une exploitation des gaz la plus rapide possible, tout en ne se fâchant pas avec Bruxelles.

 


 

- Reportage, Varsovie (Pologne)

« Un simple éclaircissement ! » Dans la bouche des cadres de la région de Poméranie, la réforme du code minier polonais n’est qu’une formalité administrative dans la ruée vers les gaz de schiste. En fait, Varsovie est depuis cet été sous le coup d’une condamnation de l’Union européenne : par un arrêté en date du 27 juin, la Cour de Justice a jugé le mode d’attribution des permis d’exploration pour cette énergie non conforme à la législation communautaire. Soucieux de ne pas s’exposer à des amendes, le gouvernement polonais tente depuis de rattraper le coup, sans se fâcher avec les sociétés étrangères venues exploiter.

Distribution de concessions sans appel d’offre

Durant les années récentes, cent dix permis d’exploration ont été accordés à travers le pays, couvrant un tiers du territoire suivant la diagonale nord-ouest / sud-est des ressources présumées en gaz de schiste. Or, chacune de ces autorisations de prospection fut livrée avec la concession pour l’exploitation en cadeau et ce, sans aucun appel d’offre !

Un généreux mode d’attribution qui contrevient au principe de mise en concurrence édicté par le droit communautaire en matière énergétique. La Cour de justice oblige donc la Pologne à découpler les deux phases (exploration et production) et à mettre en concurrence les prétendants aux permis d’exploitation. Une injonction qui n’arrange pas les autorités polonaises.

Au demeurant, le gaz de schiste n’est pas encore une source d’énergie du pays : une cinquantaine de puits ont été forés, dont une quinzaine avec fracturation hydraulique. Aucun ne produit au sens commercial, sinon à Lebien, dont le puits fournit un peu plus de 8 000 mètres cubes par jour.

 

 

Puit à Stzeszewo -

 

« Notre pays n’a pas beaucoup de moyens et documenter nos ressources coûte très cher, explique Małgorzata Maria Klawiter, chargée de mission gaz de schiste auprès du Maréchal (préfet) de Poméranie. Chaque forage de recherche coûte 30 à 35 millions de dollars et les compagnies n’en retirent aucun bénéfice, nous voulons donc que la loi soit équilibrée. » Comprendre : désireux d’exploiter ses ressources le plus rapidement possible, la Pologne ne veut pas faire fuir les compagnies présentes.

Législateurs et techniciens du ministère cherchent donc des manières d’avantager de manière indirecte les titulaires de permis. « Les compagnies qui font de la prospection produisent une documentation géologique précieuse sur les réservoirs, l’environnement du forage... nous pourrions faire peser ce type d’information dans la balance dans l’attribution des permis d’exploitation sur la zone », confie un fonctionnaire.

Administrativement, cette réforme tranche avec la légèreté initiale des contrôles : les premières permis ont été distribués sans consultation des autorités locales, sans exigence d’étude d’impact environnemental préalable ni d’information des populations (y compris des propriétaires des terrains)... Le Texas au bord de la Baltique.

Ne pas fâcher l’Union européenne

« Le gouvernement n’a pas renoncé à écrire la loi au seul bénéfice des industriels, met en garde Ewa Sufin-Jacquemard, membre du parti des Verts polonais. Il impose ses décisions par décret : le 25 juin, il a enlevé aux élus locaux le droit de demander des études d’impact ! » Auparavant, ces derniers pouvaient exiger une étude d’impact environnemental aux investisseurs en cas de doute sur un forage à plus de mille mètres. En abaissant cette limite à 5 000 mètres, le conseil des ministres a rendu toute demande de ce type impossible pour les forages visant les gaz de schiste (ils sont situés en Pologne entre 2 800 et 4 000 mètres).

Cela prive les « wójt » (chefs d’agglomération) d’arguments pour demander l’arrêt des travaux. Une décision poussée par le vice-ministre de l’Environnement, en charge de la protection des ressources... mais aussi de leur exploitation.

Également « premier géologue du pays », Piotr Woźniak a une attitude ambiguë à l’égard des questions environnementales. « Très déçu » par l’arrêté rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le vice-ministre avait cependant déclaré vouloir « modifier la loi » pour y intégrer les appels d’offre sans pour autant toucher « aucun permis ». Un zig-zag entre deux impératifs pour le gouvernement polonais : ne pas menacer la croissance économique du pays et ne pas fâcher l’Union européenne.

 

 

Piotr Wozniak -

 

Spécialiste de l’appel à subvention, la Pologne est le huitième pays de l’Union le plus apte à capter les investissements publics issus des fonds structurels ou des cofinancements communautaires. Mais si les gouvernements des frères Kaczyński et celui de Donald Tusk sont fort avisés pour quadriller le pays d’infrastructures nouvelles (comme durant l’Euro 2012 de football), leur compréhension des questions environnementales s’avère limitée. Un problème devenu financier puisque la stratégie 2020 (qui prévoit notamment la réduction de 20% des émission de gaz à effet de serre) est désormais intégrée aux critères d’attribution de fonds européens.

Conscients de ces nouvelles exigences, le gouvernement a ces derniers temps multiplié les gestes de bonne foi, souvent sans réaliser les conséquences. En attendant de trouver une solution pour la très polluante production électrique du pays, le gouvernement a ainsi interdit durant l’été le chauffage des particuliers au charbon. Une décision pertinente écologiquement, mais qui a placé deux millions de Polonais hors la loi du jour au lendemain, sans que le gouvernement les ait informés d’une solution alternative pour l’hiver ! Mais que ce soit pour les gaz de schiste ou la stratégie 2020, la stratégie d’esquive ne durera pas longtemps.

 


Mine de charbon à ciel ouvert de Bielszowice -

 

Le jugement de la Cour de Luxembourg sur le droit minier sonne comme un rappel à l’ordre. « Je pense que l’Union européenne est peut-être la seule force à même d’obliger le gouvernement à réguler efficacement les gaz de schiste, voire la seule capable de les en détourner », espère Ewa Sufin-Jacquemard. La réforme du code minier, qui devrait être présentée avant la fin de l’année, sera un premier test. Et, bien que peu nombreux, les opposants aux gaz de schiste le guettent attentivement, de peur qu’il n’échappe à l’attention des médias...

 


 

Source et photos : Sylvain Lapoix pour Reporterre.

Lire aussi Les épisodes de notre reportage :
- En Pologne, le pays européen qui a commencé l’exploitation, luttes et débats
- La Pologne compte sur le gaz de schiste pour payer ses retraites.

Photos :
. chapô : lefigaro.fr
. Stzeszewo : Julien Mucchielli Rue89
. Piotr Wozniak : Natural gas Europe
. mine de Bielszowice : Wikipedia

 

 

 

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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 18:10

 

reporterre.net

 

En Sierra Leone, des paysans en lutte contre le groupe Bolloré vont passer en justice

Stop intimidation

samedi 2 novembre 2013

 

 

 

Six membres sierra-léonais de l’association Maloa avaient contesté la manière dont le groupe Bolloré a acheté des terres pour les plantations d’huile de palme dans leur région. Ils sont accusés d’avoir détruit des plants de palmiers, ce qu’ils contestent formellement. Ils seront jugés le 15 novembre. Une pétition demande au groupe Bolloré d’abandonner les poursuites.


Depuis 2011, la société agricole Socfin a acquis en contrat de sous-location auprès du gouvernement une superficie totale de 6 500 ha de terres pour cultiver des palmiers à huile dans le canton de Malen. [Le groupe Bolloré est actionnaire à 38,7 % de la Socfin. Toutefois, les recherches ont démontré que la façon dont le terrain a été acquis par le gouvernement, et par conséquent par la société agricole de la Socfin, manquait de transparence. Le consentement libre, préalable et éclairé des propriétaires fonciers et des utilisateurs des terres, surtout celui des femmes qui sont défavorisées, n’était pas recherché.

La société a le soutien du gouvernement ainsi que le soutien de l’autorité locale qui procède à une quasi-expropriation des terres appartenant à des lignées. Les communautés ont affirmé que leurs chefs locaux ont dans de nombreux cas menacé de prendre leurs terres sans compensation. Il est connu que ces autorités disent aux paysans : "Soit vous prenez l’argent soit vous perdez l’argent et la terre." Les communautés sont ainsi forcées de choisir le moindre mal, c’est à dire d’accepter l’argent.

Les propriétaires fonciers sont trompés par l’équipe d’enquête de la société chargée de mesurer la superficie des terres où poussent leurs arbres (palmier à huile). Les communautés affirment que les équipes d’enquête de l’entreprise mesureraient seulement leurs plantations de palmiers à huile, toutes les autres terres appartenant à des exploitations familiales sont ignorées donc incluses dans leur propriété. La société a démenti à plusieurs reprises cette affirmation. Les fonctionnaires déclarent que les informations et sondage pour chaque exploitation familiale sont disponibles et donc accessibles. Jusqu’à présent, ces informations sont inaccessibles au public.

Plus de quarante villages ont été privés de leur unique source d’existence et de subsistance. La population de ces villages, soit plus de 10 000 personnes, ne peuvent plus : ni exploiter leurs fermes, ni avoir accès à la source d’énergie de base (feu de bois) pour la cuisine et le chauffage, ni avoir des recettes provenant de leurs palmiers pour lesquels la société a payé un coût de 250 $ par soixante arbres ou acres.

De nombreuses communautés peuvent difficilement désormais effectuer des rites traditionnels ou culturels, ni accéder aux herbes médicinales. La sécurité alimentaire dans le canton devient préoccupante et précaire selon les habitants. Ils doivent maintenant acheter tout ce dont ils ont besoin alors que ces produits étaient cultivés sur leurs terres.

Il y a désormais beaucoup de discordes sociales et de vices au sein des communautés. La prostitution gagne peu à peu du terrain, des familles sont brisées parce que les chefs de famille ne sont plus capables de subvenir à leurs besoins. Les parents retirent leurs enfants de l’école car ils ne peuvent plus se permettre les frais de scolarités, le plus souvent, les filles sont les premières à être déscolarisées.

L’état de pauvreté des indigènes affectés par l’accaparement des terres s’aggrave. Les communautés affirment qu’elles ont du mal à avoir deux repas par jour et que même quand elles y arrivent, la nourriture est insuffisante par rapport à ce qu’elles avaient avant l’arrivée de Socfin. Elles n’ont plus d’aliments nourrissants.

La demande européenne pour les produits industriels et le bio-carburant mène à une lutte douteuse pour les terres sierra-léonaises. Cela conduit les communautés pauvres encore plus loin dans la misère, la servitude et une nouvelle forme d’esclavage, parce que, quand des sociétés prennent toutes les terres, les communautés vulnérables deviennent laboureurs sur les plantations puisqu’elles ne peuvent rien faire d’autre.

Les pays européens peuvent aider en mettant un terme à cette situation. L’Union européenne peut imposer à Socfin et à ses actionnaires d’arrêter le projet dans le canton de Malen ou de conclure de nouveaux arrangements qui ne nuiront pas aux communautés. L’Union européenne devrait imposer à Socfin et ses actionnaires d’arrêter les poursuites contre les propriétaires de terres qui sont déjà victimes de l’accaparement des terres.


Signez et partagez cette pétition.


Source et photo : Stop intimidation

Complément d’info : Le rapport d’Oakland Institute sur l’activité de Socfin au Sierra Leone.

Lire aussi : Les plantations du groupe Bolloré critiquées par les ONG africaines

 

 

 

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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 17:46

 

blogs.mediapart.fr

 

Pourquoi favorise-t-on la livraison à domicile?

Copie de la lettre envoyée aujourd'hui à Mme Nathalie Griesbeck, Députée Européenne, intervenant entre autres au niveau de la commission des transports.

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Madame la Députée,

Je travaille depuis près de 20 ans en logistique pour des grands groupes, mais c'est au titre de simple citoyen que j'aimerais vous interpeller.

Je suis réellement choqué des conditions dans lesquelles s'exerce aujourd'hui le transport Express en Europe. Il s'agit à mon sens d'un scandale, tant au niveau des conditions de travail qu'en terme de sécurité routière mais également en terme écologique. Le contraste avec le transport routier traditionnel (>3,5 Tonnes), très encadré, très réglementé, très contrôlé, est absolument saisissant.

Je veux parler ici plus précisément du transport dit "du dernier km" réalisé en fourgon ou camionnette.

1/ Scandale au niveau des conditions de travail.

Tous les grands acteurs du secteurs (DHL, Chronopost, GLS, TNT, Hermès...) font appel à la sous-traitance de manière massive. C'est à dire que le livreur qui vient vous apporter votre colis à la maison et portant un T-shirt DHL n'est pas salarié de DHL. Son fourgon, bien que badgé DHL n'est pas propriété de DHL. DHL (comme les autres), se dégage donc de toute responsabilité en matière de temps et conditions de travail. Les sous-traitants ne possédant que quelques véhicules et employés ne sont pas tenus d'avoir des délégués syndicaux. Ils sont absolument soumis aux grands groupes qui leur dictent les conditions tarifaires.

La législation concernant les temps de travail ne peut être contrôlé car ces petits véhicules ne sont pas équipés de chronotachygraphe mesurant les temps de travail comme pour les 40 Tonnes.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que ces livreurs travaillent plus de 10 à 12 heures par jour... ce qui se passe effectivement.

J'imagine qu'il est également possible de faire travailler en France un livreur Polonais ou Hongrois employé par une agence d'intérim de ce pays... afin de réduire encore le coût et les risques de revendications salariales.

Plusieurs articles ont été publiés récemment sur ce sujet en France comme en Allemagne, en particulier celui-ci ou celui-ci.

2/ Scandale en terme de sécurité routière

Il faut savoir qu'un chauffeur-livreur doit livrer plus de 80 colis dans la journée. En 8 heures de travail, cela signifie plus de 10 colis par heure, soit une livraison toutes les 6 minutes. Si un destinataire n'est pas présent, le livreur doit repasser une seconde fois. Tout cela génère un stress et une nécessité de rapidité qui sont incompatibles avec une conduite sereine et un respect des règles de circulation et de stationnement. Comme cette activité a lieu principalement en milieu urbain, les menaces envers les autres usagers sont insupportables. Qui n'a jamais été 

"collé" par une de ces fameuses camionnettes blanches qui démarrent leur journée en retard ?

3/ Scandale au niveau écologique.

Faite l'expérience : commandez sur Amazon un Smartphone et sa housse de protection. Vous aurez 2 livreurs, probablement de sociétés de transport différentes, qui viendront se garer devant chez vous pour vous livrer les 2 articles séparément. A-t-on idée de ce que cela représente au niveau d'une ville, toutes ces petites livraisons séparées? Combien de kg de CO2 émis par livraison (un calcul rapide donne un minimum de 2kg)  ?Combien de particules nocives émises en ville, ces camionnettes fonctionnant exclusivement au diesel?

Ces petits véhicules de transport (<3,5 Tonnes) échappent par miracle à toutes les taxes écologiques.

* ils bénéficient de la sous-taxation du diesel par rapport à l'essence en France comme en Allemagne

* ils ne sont pas soumis au malus écologique

* ils ne sont pas soumis à l'écotaxe.

4/ Incohérences économique et politiques

Au vu de tous ces avantages en terme de coût (fiscalité, non contrôle des conditions de travail), on peut légitiment considérer que l'Etat favorise ce type de transport et donc ce type de distribution "juste à temps", "en ligne", "à domicile" par rapport à la distribution traditionnelle. Pourquoi fait-on ce genre de cadeau à Amazon (par exemple), qui, concrètement ne paie une livraison à domicile qu'entre 1,5€ et 3€ pour les petits colis ? Cela n'a véritablement aucun sens, surtout si l'on prend en compte les autres cadeaux fait à Amazon. Plutôt que de discuter comme aujourd'hui de rendre obligatoire la facturation de la livraison sur les livresil faudrait peut-être songer à faire payer au juste prix ce type de transport.

Pouvez-vous s'il vous plait m'apporter quelques éléments de réponse?

 

 

 

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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 17:27

 

rue89.com

Hélène Crié-Wiesner - Binationale

Publié le 02/11/2013 à 15h37

 

 


Des camions sur un site d’exploitation des gaz de schistes à Zelienople, Pennsylvanie, le 16 février 2013 (Keith Srakocic/AP/SIPA)

Le journaliste de Vice a titré son article : « Le fracking m’a filé une chaude-pisse ». Pas de quoi rire, ni crier à l’intox écolo. L’alerte est si sérieuse que les autorités dépensent des fortunes pour tenter de cerner le phénomène.

Lorsque j’étais tombée, en septembre, sur le rapport de la très respectable ONG environnementale Food & Water Watch, intitulé « Les coûts sociaux du fracking » (fracturation hydraulique) [PDF], je m’étais promis de fouiner ailleurs pour voir si d’autres Etats montraient les mêmes symptômes que ceux de la Pennsylvanie :

  • une augmentation considérable des accidents de poids lourds dans les comtés intensivement forés ;
  • un accroissement fulgurant des crimes et délits commis sous l’influence de drogue et d’alcool ;
  • une explosion des cas de MST : « Les infections par chlamydiae et les blennorragies ont bondi de 62% dans les comtés ruraux où l’exploitation du gaz est importante, par rapport aux comtés ruraux voisins. »

« Appétit féroce pour le sexe et les drogues »

Finalement, le magazine Vice a fait le boulot, en publiant mi-octobre cet article de Peter Rugh. Le titre est racoleur, mais l’enquête est correcte et le journaliste a rencontré des travailleurs dans la partie.

Le mieux est encore d’en traduire des extraits – traduction non professionnelle sans doute, « excuse my French » comme disent les Américains :

« Avec les équipements lourds nécessaires aux forages, qui ont envahi la campagne profonde américaine, sont arrivées des hordes de travailleurs nantis par un appétit féroce pour le sexe et les drogues dures. »

Evidemment, quand ça débute comme ça, on se demande quelle tournure va prendre l’article. Rappelons qu’il s’agit du magazine Vice, pas exactement dans le style de la revue Esprit :

« Les plateformes de fracturation ont poussé comme des champignons dans dix-sept Etats, y compris en Californie, Texas, Dakota du Nord et Pennsylvanie. 82% des puits ont été forés après 2005, selon un rapport de l’association Environment America.

Les images satellite montrent qu’une partie des Grandes Plaines de l’Ouest scintillent la nuit presque autant que la ville de New York, à cause des plateformes et des torchères de gaz.

L’industrialisation de la campagne nord-américaine a apporté les problèmes des grandes villes à l’Amérique rurale. Aux critiques contre les compagnies accusées de saloper l’air, l’eau potable et les sols agricoles avec des gaz pourris et des éléments cancérigènes, on peut désormais ajouter l’arrivée de la prostitution, du trafic d’amphétamines et des délits sexuels. »

Villes cernées par des « camps d’hommes »

« On compte ici 80 mecs pour une femme », raconte un briscard de l’exploitation, qui a vu les parcs de caravanes, les bars et les clubs de striptease envahir les prairies du Dakota du Nord ces dernières années.

« Un de mes potes est venu ici avec son épouse. Quand ils sont au supermarché, s’il a le malheur de tourner le dos une minute, quand il se retourne, elle est cernée par une nuée de bonhommes qui veulent tous lui parler. »

Pour compenser le manque de logements pour les ouvriers venus d’ailleurs, des unités préfabriquées – surnommées « camps d’hommes » – ont poussé partout autour de villes autrefois minuscules.

Ces types ont une vie dure. Vous avez 7,6 fois plus de risques de mourir sur une plateforme de pétrole ou de gaz que dans n’importe quel autre secteur industriel. Ça explique pourquoi, quand la paye arrive, les gars ont envie de relâcher la pression. »

Les femmes paniquent à la vue d’un homme

« Malheureusement pour de nombreuses petites villes, l’idée que se fait du bon temps un ouvrier du fracking a tout à voir avec ce que d’autres appellent la débauche.

“Les putes font la passe à 300 dollars”, explique un ouvrier qui veut rester anonyme. “Mais si vous voyez une femme dans la rue ou dans un magasin, elle se met à trembler juste si vous essayez de lui dire bonjour. Certaines piquent des crises de panique rien qu’à cause du genre de types qu’il y a ici.”

Certains opposants comparent le fracking à un viol de la Terre, mais là où sont passés les extracteurs de gaz de schiste, ce sont de vrais viols qui ont été commis.

Les violences faites aux femmes dans les villes-champignons du Dakota du Nord et du Montana ont tellement augmenté que le ministère fédéral de la Justice a lancé une enquête à un demi-million de dollars pour étudier la corrélation “entre l’exploitation du gaz de schiste, la violence domestique, la violence dans les fréquentations homme-femme, les agressions et le harcèlement sexuels”. »

Des coûts sociaux dont personne ne parle

Le journaliste de Vice présente ensuite l’étude conduite en Pennsylvanie par le groupe Food & Water Watch, et cite la directrice de FWW :

« Nous avons constaté que la fracturation entraîne des coûts sociaux très lourds pour les communautés affectées par les forages. Ces coûts-là, ils sont réels et personne n’en parle jamais. »

L’étude de FWW indique aussi l’augmentation considérable des accidents automobiles en Pennsylvanie. Le journaliste de Vice assure que le phénomène est le même dans les autres Etats concernés par l’industrie du fracking :

« La plupart des chauffeurs de la compagnie conduisent leurs camions à 160 km/h, doublant des camions-citernes dans les deux sens. »

Les ouvriers s’endorment au volant

Il y a aussi les problèmes de drogue et d’excitants, largement consommés par des ouvriers soumis à des horaires de travail délirants, qui sinon s’endormiraient sur pied.

Curtis, un de ces travailleurs spécialisés dans les forages récemment retraité, raconte à Vice :

« Avant, sur une plateforme, on employait trois équipes de cinq hommes. Maintenant, il n’y a plus que deux équipes, qui bossent douze heures d’affilée. C’est dangereux. On perd pas mal de gars comme ça quand ils rentrent chez eux ; ils s’endorment au volant. »

Pourquoi des cadences aussi infernales ? A cause du boom de l’industrie du gaz, qui fait creuser à un rythme effréné des centaines de nouveaux puits, et installer autant de nouvelles plateformes.

Comme la main-d’œuvre qualifiée manque, alors des ouvriers novices et inexpérimentés sont mis au taf, au mépris des règles de sécurité. Les accidents du travail explosent. Mais comme les jobs sont bien payés, les hommes arrivent en foule de tous les coins des Etats-Unis pour tenter leur chance.

La même chose en France ?

En lisant ce papier dans Vice, ainsi que les différents rapports cités plus haut, je me disais qu’un pareil bordel ne pourrait jamais advenir en France si un jour l’exploitation du gaz de schiste y était autorisée.

Le droit du travail français est bien plus strict, il faudrait compter avec les syndicats, les habitants des campagnes ne laisseraient pas les choses dériver ainsi…

Ou bien si ?

« Des sacrifices à court terme valent le coup »

Pour revenir aux Etats-Unis, voici deux commentaires relevés sur le site de Vice, sous l’article de Peter Burgh.

« Offrir un emploi et de l’argent à des hommes rudes dans des endroits où il n’y avait rien avant débouche inévitablement sur ce genre de situation : les hommes rudes vont dépenser leur fric de manière rude. Et alors ? Le journaliste énumère les problèmes, OK, mais ne mentionne aucun des bénéfices induits pour la société, notamment la transition énergétique du charbon vers le gaz, qui est une bonne chose. »

« Je ne dis pas qu’il faut laisser forer intensivement n’importe comment, une régulation et des normes sont bien sûr nécessaires. Mais oh ! Regardez plus loin que le bout de votre nez : des sacrifices à court terme valent le coup quand on considère les gains économiques et environnementaux. »

Ces commentaires émanent sans doute de gens vivant bien loin des champs gaziers. En tout cas, leurs auteurs sont des hommes, pas des femmes.

 

 

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 22:04

 

 

marianne.net

Quand les politiques publiques encouragent les bulles immobilières
Jeudi 31 Octobre 2013 à 14:00

 

Michel Santi*

 

Il semble nul n'ait tiré les enseignements de la crise des subprimes : pas plus les privés que les banques et même les États qui, ayant évacué la catastrophe immobilière US des années 2007 et 2008, participent tous aujourd'hui à gonfler une nouvelle bulle dont l'ampleur semble même dépasser la précédente.

 

FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA
FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA

« Il y a eu plus de volatilité sur le marché immobilier ces cinq dernières années que pendant les cinq cent années précédentes ! ». C'est en ces termes significatifs que s'est tout récemment exprimé Glenn Kelman, grand patron de Radfin, une importante société immobilière américaine, qui ne fait qu'exprimer des inquiétudes légitimes par rapport à un marché immobilier devenu - en tout cas aux États-Unis - aussi volatil que les Bourses.

Il semblerait que nul n'ait tiré les enseignements de la crise des subprimes : pas plus les privés que les banques et même les États qui, ayant évacué la catastrophe immobilière US des années 2007 et 2008, participent tous aujourd'hui à gonfler une nouvelle bulle dont l'ampleur semble même dépasser la précédente. Une récente étude de Goldman Sachs n'est-elle pas parvenue à la conclusion aberrante que le P.I.B. américain (attendu à 2% pour 2013) serait, en réalité, de - 1% sans l'escalade du marché immobilier ? Voilà donc les gouvernements britanniques et américains qui rivalisent d'inventivité fiscale afin de promouvoir les acquisitions immobilières sur leurs territoires respectifs. Politique insensée assimilable à une campagne contre l'obésité qui serait menée parallèlement à des subventions accordées aux fast-food
 

L'index « Better Life » de l'OCDE le dit pourtant sans équivoque : il n'existe nulle relation de cause à effet entre l'accès à la propriété et la qualité de vie. De même, ce n'est pas les nations aux économies les plus développées, ni même celles dont les citoyens jouissent des plus hauts revenus, qui ont le pourcentage le plus élevé de propriétaires. En effet, tandis que la France, l'Allemagne et le Japon ont 30 à 50% de leurs citoyens qui sont propriétaires de leur domicile, cette proportion grimpe à 80% dans des pays comme le Mexique, le Népal ou la Russie. Et à 65 - 70% aux USA et en Grande-Bretagne. Ces deux derniers pays se rendent-ils seulement compte des distorsions majeures qu'ils induisent sciemment sur leurs économies en encourageant sans équivoque l'accès à la propriété, voire à la multi-propriété ? C'est effectivement toute la chaîne des intervenants, privés et publics, qui conjugue ses efforts dans ces deux pays : de l'État qui accepte toutes les déductions fiscales corrélées aux prêts hypothécaires et aux rénovations comme aux travaux immobiliers, aux établissements financiers qui n'hésitent pas à solliciter le propriétaire afin de lui augmenter son financement en cas d'appréciation de la valeur de son bien.
 

Dans nombre de pays aux économies dites « intégrées », l'association et les actions actives de la volonté publique et des intérêts privés se traduisent donc en une situation potentiellement catastrophique où les avoirs des ménages se réduisent à leur seul bien immobilier. Ainsi, les pouvoirs publics motivent-ils ouvertement les familles et les individus à placer leur épargne dans un actif souvent volatil, dont la valeur est difficile à quantifier, dont la réalisation (c'est-à-dire la vente) prend parfois plusieurs mois et qui occasionne en outre divers frais d'entretien, charges de copropriété, etc. Quelle est la crédibilité d'une politique publique dont l'objectif est de canaliser l'épargne en direction du marché immobilier, quand il est tellement plus utile à la collectivité d'investir dans la recherche et le développement, dans les infrastructures, ou encore dans la création de nouvelles entreprises ? La pierre est effectivement un placement stérile tant pour l'individu que pour l'ensemble de l'économie, sachant que - par ailleurs - la promotion de l'accès à la propriété immobilière constitue une régression sociale fondamentale.
 

L'accumulation de richesses immobilières ne profite effectivement qu'à celles et à ceux qui ont suffisamment de chance d'avoir des parents et des grands-parents propriétaires, dont ils vont hériter. La propriété immobilière ne fait que perpétuer un système basé sur la succession qui défavorise indiscutablement les laissés pour compte privés d'ascenseur social. Ce faisant, l'État encourage une authentique évasion fiscale - ou à tout le moins une méga niche fiscale - qui renforce les lobbies immobiliers, qui autorise de payer moins d'impôt, et qui déséquilibre la compétition par le mérite en favorisant notoirement les héritiers chanceux. La propriété immobilière décourage indirectement le développement de nouveaux talents qui, d'une part se retrouvent privés de liquidités préférant aller se loger dans la pierre et qui, d'autre part, sont pénalisés par rapport à celles et à ceux ayant la chance d'hériter de l'épargne de leurs parents. Comme la propriété immobilière a, en outre, un impact négatif tout à la fois sur la mobilité géographique du travail que sur la création de nouvelles entreprises, il est possible d'en conclure que l'immobilier constitue une externalité négative sur l'emploi.
 

Une étude de l'Université de Warwick  étant même parvenue à la déduction selon laquelle l'augmentation du chômage dans un état américain était étroitement corrélée au nombre de propriétaires de biens immobiliers ! S'il va de soi que tout individu est libre d'acquérir une propriété, il ne devrait pas être des attributions de l'état de subventionner de tels investissements, comme il ne permet aucune déduction fiscale pour un achat de bien de luxe. La clémence et la sollicitude fiscales accordées par l'État aux propriétaires de biens immobiliers créent donc une distorsion majeure dans l'allocation du capital, favorisent les lobbies liés au marché immobilier, nuisent aux transferts équitables des richesses, et sapent une mobilité indispensable dans un marché du travail en pleine évolution. Tout en contribuant à la formation de bulles spéculatives aux effets dévastateurs pour l'ensemble de l'économie. Enfin, l'encouragement de l'accès à la propriété ne bénéficie malheureusement pas aux pauvres qui restent - dans leur écrasante majorité- locataires, alors qu'une politique publique digne de ce nom devrait au contraire avoir pour objectif de rendre le marché immobilier accessible à l'ensemble de la société.
 

Au lieu d'aider à siphonner les ressources au profit de l'immobilier, l'Etat devrait donc au contraire s'employer à circonscrire la fièvre spéculative de ce marché afin de le rendre abordable à l'ensemble de la population. C'est effectivement en pesant sur ce marché pour en restreindre l'escalade irraisonnée de ses prix que l'Etat peut matériellement contribuer à augmenter notre pouvoir d'achat. Ainsi, pourquoi l'acquisition d'une propriété immobilière est-elle considérée autrement que celle d'une voiture ? Tout comme les politiques publiques ne font pas la promotion de voitures chères qui entament sérieusement notre pouvoir d'achat, elles ne devraient pas plus encourager les acquisitions immobilières, qui réduisent tout autant notre train de vie. Au lieu de cela, - et en consentant une fiscalité extrêmement avantageuse aux propriétaires et à toute la chaîne alimentaire qui gravite autour de ce marché -, l'Etat participe activement de cette raréfaction immobilière et des flambées de ses prix. S'il coule de source qu'un privé ou qu'une famille bénéficierait pleinement de l'appréciation de son bien immobilier, on voit difficilement comment la hausse du marché immobilier pourrait bien profiter à l'ensemble de la collectivité ?
 

Loin de contribuer à la prospérité de nos pays, les flambées immobilières de ces dernières années pourraient bien au contraire avoir fondamentalement contribué à l'incontestable appauvrissement de notre Occident. Car le but ultime de toute politique publique devrait bien être l'accessibilité des ressources au plus grand nombre, et non les retours sur investissement.


(*) Michel Santi est économiste, auteur de « L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique », « Capitalism without conscience ». Son dernier ouvrage est  «Splendeurs et misères du libéralisme»  (l’Harmattan), 

 

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:53

 

 

reporterre.net

 

L’Allemagne bloque la lutte contre le changement climatique pour protéger son industrie automobile

Marie-Paule Nougaret (Reporterre)

jeudi 31 octobre 2013

 

 

 

La chancelière allemande, Angela Merkel, freine l’application de directives européennes limitant le taux de CO2 autorisé pour les voitures ou l’emploi d’un gaz à fort effet de serre. Son parti a reçu un don de 690 000 € de la famille Quandt, actionnaire majoritaire de BMW. L’Allemagne privilégie son industrie à l’écologie - et le gouvernement français se couche, alors que Peugeot et Renault sont bien placées pour respecter les nouvelles normes.


"Des affaires comme ça, il y en a des milliers. Ça arrive tous les jours que des Etats n’appliquent pas le droit communautaire", soupire au téléphone Carlo Corrazza, porte parole du Commissaire Andreo Tajani, chargé de l’entreprise et de l’industrie dans l’Union Européenne. La presse s’y intéresse rarement, mais Reporterre si.

L’offensive a commencé dès le 23 mars. Ce jour là le Daily mail annonçait que les Mercedes dernier cri risquaient l’interdiction sur les routes anglaises, parce qu’elles ne respectaient pas la directive 2006/40/EC dite MAC, pour Mobile Air Conditioning. En cause, le gaz utilisé dans les climatiseurs, qui exerce un effet de serre mille deux cents fois plus important que le CO2 (gaz carbonique). Or la directive n’admet pour les voitures récentes que des gaz ayant un effet de serre beaucoup plus faible, inférieur à 150 fois celui du CO2.

En conséquence, la France arrêtait en juin dernier l’immatriculation des deniers modèles Mercedes. Mais fin août, le Conseil d’Etat l’autorisait à nouveau, en attendant de statuer sur le fond comme Reporterre l’a raconté.

Mercedes arguait que le nouveau gaz - dont le nom barbare est R1234yF - employé sur la 305 Peugeot, par exemple, avec un effet de serre quatre fois seulement celui du CO2, s’enflammerait au contact du moteur en cas d’accident. Le fabricant du gaz, Honeywell, soutenu par les constructeurs américains, répliquait que c’était une question de conception de circuit. Des expériences de collision ont eu lieu des deux côtés pour établir la réalité des faits, et Mme Merkel aurait demandé à l’organisme d’Etat qui homologue les voitures en Allemagne, de les reprendre. Les résultats n’ont pas été publiés. Mais une chose reste certaine : le gaz aux vieilles normes (R 134) est très nuisible au climat.

Berlin a écrit à la Direction générale de l’entreprise et de l’industrie, qui a rédigé la directive, pour s’expliquer. La lettre date du 14 août. Bruxelles disposait de dix semaines, mais assure aujourd’hui à Reporterre qu’il s’agissait "seulement d’un délai indicatif". Début novembre, donc, les juristes de la Commission auront évalué la réponse allemande. Si celle ci contient "assez d’éléments pour éclairer la situation, il n’y aura pas de suivi". Dans le cas contraire, la Commission doit "poursuivre le dialogue avec l’Allemagne, avec l’objectif de corriger la situation". Ensuite seulement, le Collège des Commissaires de l’Union pourrait engager une procédure d’infraction. On attendait la première décision plus tôt, pour le 28 octobre, mais deux événements ont perturbé le cours des opérations.

Le 14 octobre, le Conseil des ministres de l’environnement s’est réuni pour voter l’accord avec la Commission et le Parlement Européen, obtenu en juin, par l’Irlande, alors présidente de l’Union, sur la limitation à 95 g de Co2 par km des gaz d’échappement en 2020. L’Allemagne a demandé son report à 2024. Sa position et le soutien de la Pologne et du Royaume Uni ont créé la minorité de blocage, qui l’a emporté. Au reste, la France n’a défendu l’accord que très mollement.

On peut s’en étonner, alors que les Renault, Peugeot et Citroën pouvaient appliquer ces normes avec aisance, davantage que les lourds engins allemands, et que Paris avait là une occasion de soutenir avec un bon argument son industrie automobile. Mais Paris a mis la pédale douce. Interrogés par Reporterre à ce propos, ni le ministèrere de l’Ecologie ni celui du Redressement productif n’ont répondu.

D’autres pays, parmi les vingt-huit, ont posé devant le Conseil, en termes poignants, la véritable question en jeu : l’impact sur le climat, dont l’Allemagne aussi devrait souffrir, moins toutefois que la Grèce et le Portugal, soumis aux feux de forêt, ou les Pays Bas, dont les deux tiers sont conquis sur la mer. En réalité, l’affaire était jouée d’avance, Mme Merkel ayant fait campagne sur la défense de l’automobile allemande pour sa réélection.

La surprise est venue de l’annonce, le lendemain, d’un don de 690 000 € à son parti, consenti par la famille Quandt, principal actionnaire de BMW, autre fabricant que cet accord dérangeait quelque peu. "Aucun rapport !" s’est récrié la chancelière, mais peu d’observateurs la croient. On l’appelle désormais "autochancelière" outre Rhin.

"Aucun rapport" insiste aussi Corrazza, le porte parole de la DG Entreprise et l’industrie. L’affaire Mercedes risque tout de même de déboucher sur une procédure à la Cour de justice de l’Europe. Si la Cour constate l’infraction, si l’Allemagne ne s’amende pas et persiste à ignorer la directive, un autre jugement pourrait fixer une amende, ce qui prendra encore des mois. Tout se passera tranquillement, tel est le message aux industriels. Le porte parole se montre confiant : "c’est comme l’Eglise catholique, explique-t- il dans un sourire : il y a toujours moyen de s’améliorer". Mais pas besoin de se presser…


Le commissaire européen… roule en Mercedes

On dira que c’est la faute au hasard. Mais le Commissaire européen à l’Entreprise et à l’Industrie, Antonio Tajani, roule en Mercedes Classe A - le modèle même qui utilise le gaz à fort effet de serre.

C’est ce que révèle sa déclaration d’intérêts, que l’on peut télécharger ici :

PDF - 37.7 ko

Source : Marie-Paule Nougaret pour Reporterre

Photo :
. BMW : Les Echos
. Mercedes : Sulekha.com

Lire aussi : L’Allemagne bloque la lutte contre la pollution automobile

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:40

 

 

reporterre.net

Relance de la mobilisation pour les écologistes de Greenpeace emprisonnés en Russie

Barnabé Binctin (Reporterre)

mercredi 30 octobre 2013

 

 

Un mois et demi après leur arrestation, les « 30 de l’Arctique » sont toujours détenus en Russie. La mobilisation pour obtenir leur libération s’accentue, et Reporterre s’y associe. Le verdict est attendu pour le 24 novembre. Retour sur les faits.


18 septembre 2013, mer de Pechora. Deux militants de Greenpeace tentent d’escalader la plateforme pétrolière de Prirazlomnaya, appartenant au géant russe Gazprom. Il s’agit de se hisser le plus haut possible pour déplier une banderole et immortaliser le moment par une photographie qui fera le tour du monde.

L’association écologiste veut dénoncer les forages pétroliers et alerter sur les risques écologistes de l’extraction du pétrole en Arctique. Greenpeace est habituée de ces méthodes non-violentes de communication, qui font « partie de son ADN » selon Isabelle Philippe, porte-parole du mouvement. Le procédé est le même que lors de l’intrusion dans la centrale nucléaire du Tricastin en France en juillet, ou lors du Grand Prix de Belgique, le 25 août dernier, déjà pour dénoncer l’exploration de pétrole en Arctique par la compagnie Shell.

Mais cette fois, la réaction des autorités est violente. Les gardes-côtes russes dégainent les canons à eau du haut de la rambarde. Sur la vidéo disponible sur le site de Greenpeace, on voit des armes à feu être pointées et on peut entendre plusieurs tirs de sommation. Les deux militants rejoignent le Zodiac et rebroussent chemin vers l’Arctic Sunrise.

Le lendemain, le 19 septembre, un commando héliporté des forces de sécurité russe –le FSB – arraisonne le navire, alors en dehors des eaux territoriales de l’Etat russe. Le bateau est remorqué jusqu’à Mourmansk, et les membres de l’équipage sont retenus à bord, détenus dans le réfectoire pendant quatre jours, le temps de rejoindre les côtes.

Greenpeace avait-il envisagé un tel scénario ? « C’est la méthode qui est inattendue. On n’imaginait pas être abordé dans un tel contexte, par voie d’hélicoptère, en dehors des eaux territoriales » explique Anne Valette, chargée de la campagne Save the Arctic lancée en juin 2011 par l’association. La situation est d’autant plus surprenante qu’une action similaire avait eu lieu l’année dernière, n’entraînant alors aucune conséquence particulière.

Accusés de piraterie, puis d’hooliganisme

Le 26 septembre, les membres de l’équipage sont auditionnés un à un par un tribunal russe. Soit vingt-huit militants de Greenpeace et deux journalistes indépendants, un photographe et un cameraman. Accusés de piraterie, ils sont placés en détention provisoire pour deux mois et encourent jusqu’à quinze ans de prison.

Piraterie ? Un mobile d’accusation « rocambolesque » selon Anne Valette. Lavsemaine dernière, les autorités russes ont ramené le chef d’accusation au hooliganisme, passible de sept ans de prison en Russie. Les militants de Greenpeace font ainsi face aux mêmes accusations que les Pussy Riots.

Pour le Parlement européen, ces accusations restent « disproportionnées ». Dans le même temps, les Pays-Bas – où se trouve le siège social de Greenpeace International – lance une requête en procédure d’arbitrage auprès du Tribunal international du droit de la mer visant à faire appliquer la Convention des Nations Unies en la matière.

Les prisonniers semblent actuellement détenus dans différents centres de rétention autour de Mourmansk. Peu d’informations filtrent. Pour Anne Valette, « la situation est tellement imprévisible qu’il est impossible de faire des pronostics sur la suite ».

La mobilisation se poursuit

Tout au long des dernières semaines, le mouvement de soutien s’est organisé en France et en Europe, se rendant visible grâce à différentes actions. Le 27 septembre, une manifestation de protestation se tenait devant l’Ambassade de Russie en France. Le 1er octobre en Suisse, lors d’un match de football de Ligue des champions opposant Bâle à Schalke, quatre militants de Greenpeace déployaient une grande banderole hostile à Gazprom – sponsor officiel du club allemand et de la compétition en question – sur laquelle était inscrit « Don’t foul the Arctic » (N’abîmez pas l’Arctique).

Le 5 octobre, une journée d’appel à mobilisation internationale a vu des manifestations se tenir dans quarante-sept pays, de la Belgique à la Chine, en passant par la Suède et la Nouvelle-Zélande.

Samedi 26 octobre, c’est le symbole de la Tour Eiffel à Paris qu’a occupé le mouvement. Pendant près d’une heure, un militant suspendu dans une tente depuis le deuxième étage du monument a fait le tour des chaînes d’information françaises avec sa banderole « Free the Arctic 30 ».

Ce jeudi 31, une nouvelle journée de mobilisation est prévue sur la place de la République, à Paris, à 15 heures. Il s’agira d’enfermer des représentants d’associations de droits de l’Homme ou de protection de l’environnement dans des « cages » semblables aux cellules dans lesquelles les militants emprisonnés comparaissent au tribunal.

Cette action coïncide avec le voyage du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault en Russie pour deux jours. Il doit rencontrer jeudi Dimitri Medvedev, chef du gouvernement, puis vendredi Vladimir Poutine, président de Russie.

« Nous demandons explicitement au gouvernement de mettre le sujet de la libération des « 30 de l’Arctique » à l’agenda de ce voyage », dit Anne Valette. Le mot d’ordre reste le même : « nos militants ne sont pas des criminels, dit Axel Renaudin, directeur de la communication chez Greenpeace France, ils manifestaient pacifiquement. Il faut de la solidarité dans cette mobilisation car l’enjeu est global : le climat est encore plus en danger si on met ses défenseurs en prison... »


Source : Barnabé Binctin pour Reporterre.

Photos :
- Militant emprisonné : Greenpeace
- Artic Sunrise : Maritime connector

Lire aussi : "Liberté pour les militants de Greenpeace", demandent ensemble Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:32

 

 

*Petite précision qui a son importance pour l'historique de cette belle initiative; Jean (étant à l'origine de cet action solidaire) nous a envoyé ce commentaire:

 

Bonjour, je suis "l'inventeur" du concept d'une baguette en attente ou suspendue. A cet effet j'ai crée en mai dernier ma page facebook  une baguette en attente"

Les villes de Clermont, Bordeaux, Evreux, Boulogne, participent au grand mouvement. Et maintenant, à qui le tour. Voici le kit à diffuser autour de vous ( *accessible sur ce lien ou ci-dessous)


lien page facebook


Cette page est une initiative citoyenne. L'idée est qu'un grand nombre de personnes soient solidaires de cette action et la mettent en oeuvre dans leur boulangerie de quartier



 

 

Merci à toutes et tous.

Jean (téléphone 04-73-19-00-30)

 

N'hésitez pas à partager !

 

 

 

                                                         ********************************************

 

sudouest.fr

 

Bordeaux : un boulanger lance la "baguette suspendue", sur le principe du "café suspendu"

VIDEO - Chez Noël Capron, boulanger à Saint-Pierre, on peut payer d'avance une baguette de pain qu'une personne dans le besoin viendra récupérer

 

 

Chez Noël Capron, vous pouvez acheter deux baguettes dont la seconde sera offerte à un inconnu dans le besoin.
Chez Noël Capron, vous pouvez acheter deux baguettes dont la seconde sera offerte à un inconnu dans le besoin. (photo x. D.)
 

La boulangerie du 5, rue de la Cour-des-Aides derrière l’église Saint-Pierre, fondée en 1810, est sans doute l’une des plus anciennes de Bordeaux. Rebaptisée À La Recherche du pain perdu par Noël Capron, aux baguettes depuis 1998, celui-ci renoue aujourd’hui avec une tradition vieille comme le monde : le partage du pain.

« C’est en allant sur Facebook, explique-t-il, que j’ai découvert que dans l’est de la France, un boulanger avait mis au point ce concept baptisé du ‘‘pain suspendu’’. Des internautes d’ici se demandaient pourquoi cela n’existait pas sur Bordeaux. Vous payez d’avance la baguette de l’inconnu qui n’a pas les moyens de s’en offrir une. Et ça peut arriver à n’importe qui. Soient deux fois 0, 95 €. Pour les personnes qui n’ont pas l’appoint exact, j’ai installé un bocal sur le comptoir destiné à récolter toute la petite monnaie qu’ils veulent bien laisser. »

Noël Capron s’est également inspiré de l’exemple du bar Chez Fred, place du Palais, qui voici six mois, avait mis le même principe de solidarité en marche avec le café.

Alors coup de cœur ou coup de pub ? Noël répond : « Cela fonctionne très bien dans son bistrot mais ce n’est pas pour ça qu’il a vu son chiffre d’affaires exploser. Pouvoir bénéficier du minimum vital, du pain à manger, ce ne devrait pas être exceptionnel. J’espère que le bouche à oreille ira vite et les gens dans le besoin ne doivent pas avoir honte. Ils ne viendront pas mendier puisque ce pain a été payé. La baguette les attend. »

 

 

 

En attendant, ce boulanger aussi atypique qu’entrepreneur, livre aussi à bicyclette et uniquement dans le cœur du centre-ville, les petits-déjeuners à domicile. Monsieur Capron ou le Père Noël.

À la recherche du pain perdu, 5, rue de la Cour-des-Aides à Bordeaux. Renseignements au 06 68 17 54 52.

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:21

 

 

mediapart.fr

Le roman noir de l'écotaxe

|  Par Martine Orange

 

 

Un contrat léonin souscrit au détriment des intérêts de l’État, des soupçons de favoritisme et de corruption, la menace d'un montant faramineux de 800 millions d'euros à verser en cas d'annulation, une taxe qui ne répond pas aux objectifs de fiscalité écologique... La mise en place de l’écotaxe en France tourne au scandale d’État.

 

Qui a signé le contrat de l’écotaxe ? Au lendemain de l’annonce de la suspension de la taxe sur les transports de poids lourds annoncés par Jean-Marc Ayrault, la pression politique monte au fur et à mesure que le gouvernement révèle les termes du contrat de partenariat public-privé dans lequel il se retrouve piégé. L’État devrait verser 800 millions d’euros de dédit à la société privée Ecomouv, chargée de la mise en place de cette taxe, si jamais il revenait sur sa décision de l’implanter dans les conditions arrêtées par le contrat.

 

 
© reuters

800 millions d’euros ! La somme a sidéré l’ensemble des Français. « Il n’y a pas un scandale de l’ écotaxe, il y a un scandale Ecomouv », a dénoncé Joël Giraud, député radical de gauche lors de la séance des questions d’actualité. Le sénateur PS François Rebsamen demande une commission d’enquête parlementaire pour mettre au clair les conditions d'attribution de ce partenariat public-privé. Il avoue avoir des « doutes sur la création de cette société censée collecter l’écotaxe ».

Jusqu’alors déterminée à utiliser sur tous les tons politiques le thème du ras-le-bol fiscal, prête à dauber sur le énième recul du gouvernement, la droite se tient silencieuse. C’est elle qui a imaginé, porté, choisi les modalités de la mise en œuvre de l’écotaxe, accepté les termes de la société Ecomouv. Même si le contrat a été officiellement signé le 20 octobre 2011 par le directeur des infrastructures, Daniel Bursaux, la signature a été précédée d’un accord écrit de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’environnement, Valérie Pécresse, ministre du budget, François Baroin, ministre de l’économie et des finances.

Mais, brusquement, les uns et les autres se dégagent de toute responsabilité. Tout semble s’être passé ailleurs, sans eux. « Nathalie Kosciusko-Morizet a bien signé. Mais elle ne s’en est pas occupée. Tout était déjà bouclé », assure sa porte-parole, éludant la question de savoir si elle aurait pu remettre en cause le projet. « Moi, je n’ai rien signé. Le seul texte que j’ai approuvé est le décret pour l’application de l’écotaxe, le 6 mai 2012 (le jour même du second tour de l’élection présidentielle - ndlr) », semble presque se féliciter Thierry Mariani, alors ministre des transports et normalement chargé de la gestion du dossier. Lui aussi dit qu’il n’avait aucun pouvoir de modifier les choses, « tout avait été arrêté avant ».

Tous les regards se tournent vers Jean-Louis Borloo, qui a occupé auparavant le poste de ministre de l’environnement. C’est lui qui a lancé l’écotaxe, seul résultat tangible du Grenelle de l’environnement. Très bavard au lendemain de la révolte bretonne, critiquant la mauvaise gestion gouvernementale, l’ancien ministre de l’environnement se tait désormais. Il n’a pas retourné nos appels. Quant à Dominique Bussereau, ministre des transports qui a supervisé lui aussi le lancement du projet, il a disparu des écrans radars.

Le jeu de défausse des responsables de droite traduit leur inquiétude. Les uns et les autres flairent le danger. Tout est en place pour un scandale d’État. Car il n’y a pas que les 800 millions d’euros de dédit qui sont hors norme. Des choix du contrat aux conditions d’implantation en passant par la sélection de la société, tout a été fait dans des conditions extravagantes, au détriment de l’État. Sous couvert d’écologie, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et l’administration ont accepté des mesures exorbitantes du droit commun, allant jusqu’à revenir sur le principe républicain que seul l’État perçoit l’impôt. Chronique d’un naufrage.

Dans l’opacité du PPP

Cela n’a jamais fait l’objet d’un débat. D’emblée, il était évident pour Jean-Louis Borloo que la mise en place de l’écotaxe se ferait dans le cadre d’un partenariat public-privé. « Il y a un consensus dans la haute fonction publique sur ces contrats. Elle ne jure que par eux, avec toujours les mêmes arguments. D’abord, le privé est toujours mieux et sait toujours mieux faire. Et maintenant, l’État est ruiné. Il ne peut plus s’endetter pour mener les projets par lui-même. Désormais, tout passe par les PPP. Cela a coûté dix fois plus cher, comme l’a démontré la Cour des comptes, engagé la Nation et les finances publiques pour des décennies, et on continue. Depuis dix ans, on est ainsi en train de découper tranquillement tous les biens publics pour permettre à des privés de se constituer des rentes à vie », explique un ancien trésorier payeur général.

Dans le cadre de l’écotaxe, un autre argument est ajouté : celui de la technicité. Il faut implanter des portiques de détection, diffuser des équipements embarqués à bord des camions pour permettre de les identifier, gérer les données, percevoir la taxe. Tout cela demande des équipements, des hommes, des logiciels, des traitements de données. Qui mieux que le privé peut gérer une telle complexité ? s’interroge le ministre de l’écologie, qui pas un instant n’imagine faire appel à des prestataires de services au nom de l’État. Toute la charge doit être déléguée au privé.

Il y a bien un problème, malgré tout. C’est la perception de l’impôt. Depuis la Révolution, l’impôt ne peut être perçu que par l’État. Mais si le privé n’est pas assuré de mettre la main sur les recettes, jamais il n’acceptera de participer au projet. Qu’à cela ne tienne, on habillera le procédé d’un nouveau terme en novlangue : on parlera « d’externalisation de la collecte de l’impôt ». Une grande première qui sera confirmée dans les articles 269 à 283 quater du Code des douanes. Jamais l’État n’a confié au privé la perception des impôts. « C’est le grand retour des fermiers généraux », dénonce Élie Lambert, responsable de Solidaires douanes, qui redoute le précédent.

Très tôt, le syndicat s’est élevé contre les conditions obscures et léonines de ce partenariat public-privé en décortiquant avec précision tous les enjeux de ce contrat, mais sans rencontrer jusqu’à maintenant beaucoup d’audience (lire ici son analyse). « Non seulement, ce contrat tord tous les principes républicains. Mais il le fait dans des conditions désastreuses pour l’État. En exigeant 240 millions d’euros par an pour une recette estimée à 1,2 milliard d’euros, le privé a un taux de recouvrement de plus de 20 %, alors que le coût de la collecte par les services de l’État, estimé par l’OCDE, est d’à peine 1 %, un des meilleurs du monde », poursuit-il.

Soupçons de corruption

Dès le 31 mars 2009, Jean-Louis Borloo lance donc un appel d’offres pour la mise en place d’un télépéage sur l’écotaxe, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Mais il le fait dans le cadre d’une procédure spéciale, uniquement possible pour les PPP : le dialogue compétitif. Cette procédure, dénoncée par des parlementaires dès la première loi sur les PPP en 2004, permet tous les détournements de la loi. L’État et les parties privées ne sont plus tenus par rien, ni par le code des marchés publics, ni par la loi Sapin. Les offres peuvent évoluer au gré des discussions. Une solution proposée par un candidat peut être reprise par l’autre. Officiellement, cela permet à l’État de garder la main sur toute la procédure et prendre les meilleures idées partout. Dans les faits, cela peut donner lieu à tous les tours de passe-passe.

Vinci, premier groupe de BTP et premier concessionnaire autoroutier en France, qui était très attendu, choisit de ne pas répondre à l’appel d’offres « jugé trop compliqué » selon un de ses dirigeants. Trois candidatures demeurent : celle du groupe italien autoroutier, Autostrade, au départ tout seul ; celle de Sanef, deuxième groupe autoroutier français contrôlé par l’espagnol Abertis, accompagné par Atos et Siemens ; enfin un troisième consortium est emmené par Orange. Les enjeux sont si importants qu’ils vont donner lieu à une bataille féroce.

 Soupçons de corruption

Pierre Chassigneux 
Pierre Chassigneux© Dr

Le 13 janvier 2011, Pierre Chassigneux, préfet, ancien responsable des renseignements généraux, ancien directeur de cabinet de François Mitterrand, devenu président de Sanef, écrit à Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet du premier ministre François Fillon. Il est inquiet. Par de multiples bruits de couloirs, si fréquents dans l’administration, la même information lui revient : la proposition de Sanef qui, jusqu’alors semblait en tête, est en train d’être distancée par celle d’Autostrade. Celui-ci fait maintenant figure de favori.

Dans sa lettre, Pierre Chassigneux met en garde le directeur de cabinet sur la candidature d’Autostrade, qui n’a aucune référence en matière de télépéage à la différence de Sanef. Il le prévient aussi qu’au vu d’un certain nombre de distorsion dans l’appel d’offres, son consortium n’hésitera pas à porter le dossier devant le tribunal administratif. Son courrier est explicite : « Ajouté au risque politique évident que présente déjà l’instauration d’une taxe poids lourds, celui d’un cafouillage de mise en place dû à l’incapacité de l’opérateur choisi, additionné d’un contentieux (…)  dont le résultat ne fait aucun doute, me paraît présenter une forte accumulation de facteurs négatifs. » Il ajoute : « Le groupe est tout à fait prêt à s’incliner devant une offre concurrente jugée meilleure, à condition que les règles de fair-play et de saine concurrence soient respectées, ce qui n’est hélas ici manifestement pas le cas. »

Car le consortium emmené par Sanef a noté tous les changements intervenus depuis le dépôt des candidatures à l’appel d’offres. Le groupe italien qui était tout seul au départ s’est « francisé » en s’adjoignant le concours de la SNCF, Thalès, SFR et Steria comme partenaires très minoritaires (Autostrade détient 70 % du consortium). De plus, l’État a introduit des critères très imprécis pour évaluer les offres, comme celui de la crédibilité. Il a  aussi changé les critères du coût global de l’offre. Enfin, le consultant extérieur, Rapp Trans, chargé d’aider l’État à évaluer les candidatures, est aussi conseiller d’Autostrade dans de nombreux projets. Cela fait beaucoup de transgressions par rapport aux règles usuelles.

Mais il y a un autre fait qui alarme Pierre Chassigneux. Des rumeurs de corruption circulent autour de ce contrat. Sanef se serait vu conseiller d’appeler un grand cabinet d’avocats, rencontré dans de nombreuses autres affaires, s’il voulait l’emporter. L’ancien directeur des RG décide alors, comme cela a déjà été raconté par Charlie Hebdo et Le Point, de faire un signalement auprès du service central de prévention de la corruption.

Tous ces faits ne semblent pas retenir les pouvoirs publics. Le 14 janvier 2011, le classement des appels d’offres, signé par Nathalie Kosciusko-Morizet, est publié : Autostrade, comme l’a annoncé la rumeur, est en tête. Sans attendre les deux mois de réflexion accordés par les textes, la ministre de l’écologie choisit de retenir tout de suite l’offre du candidat italien.

Furieux, le consortium emmené par Sanef  dépose une requête en référé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour contester l’appel d’offres. Il reprend tous les griefs qu’il a déjà relevés pour souligner la distorsion de concurrence. Une semaine après, le tribunal administratif lui donne raison sur de nombreux points, notamment le changement de la candidature d’Autostrade avec l’arrivée de la SNCF, le caractère discrétionnaire des critères, le conflit d’intérêts avec le conseil de l’État, Rapp Trans, et casse l’appel d’offres.

 

Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon  
Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon © dr

Dans ses attendus, le tribunal administratif souligne notamment un point intéressant, celui du prix : « L’État ne paierait pas le prix stipulé dans l’offre du candidat mais un prix qui se formerait dans des conditions qu’il ne maîtrise pas et qu’un candidat peut, le cas échéant, manipuler ; que le critère du coût global a été privé de signification par le pouvoir adjudicateur en introduisant la modification tendant à ne plus rendre comme objectif obligatoire le pourcentage d’abonnés ; qu’ainsi des soumissionnaires tels qu’Alvia (nom du consortium dirigé par Sanef) ont été défavorisés », écrivent les juges.

Sans attendre, Thierry Mariani, ministre des transports, fait appel de la décision du tribunal administratif auprès du conseil d’État, au nom du gouvernement. Le 24 juin 2011, le conseil d’État casse le jugement du tribunal administratif, déclare l’appel d’offres valable et confirme la candidature retenue d’Autostrade. Ce jour-là, selon des témoins, Jean-Paul Faugère, ancien magistrat au conseil d’État, serait venu exceptionnellement assister à la délibération.

Affaire d'Etat

Mais tout ce remue-ménage a laissé des traces. Au ministère des transports et de l’équipement comme dans les milieux du bâtiment, on n’a guère apprécié les initiatives de Pierre Chassigneux. D’autant qu’après avoir saisi la direction de la prévention de la corruption, il a aussi signalé le dossier à la brigade de la délinquance économique. Dans le monde discret du BTP, ce sont des choses qui ne se font pas. Et on le lui fait savoir. « On a fait pression sur moi pour que j’arrête. Certains sont venus me voir en me disant de tout stopper, sinon (dixit) "des gens risquaient d’aller en prison" », raconte Pierre Chassigneux aujourd’hui. Un de ses amis préfets, proche du pouvoir, lui confirmera en juillet 2011 : « C’est une affaire d’État. »

Les représailles ne tarderont pas à son encontre. Dès le printemps, le milieu du BTP décide de le rayer de la présidence de l’association des autoroutes de France qui lui était destinée. Plus tard, profitant de ce que Pierre Chassigneux est atteint par la limite d’âge, l’actionnaire principal de Sanef, l’espagnol Abertis, qui a aussi des liens étroits avec l’italien Autostrade – ils voulaient fusionner en 2007, mais la direction de la concurrence européenne s’y est opposée –, optera pour un candidat nettement moins turbulent pour le remplacer : il nommera Alain Minc.

Lorsqu’il était président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac s’était intéressé aux conditions d’obtention du contrat de partenariat public-privé et avait auditionné Pierre Chassigneux. Il y fera référence lors d’un débat à l’Assemblée sur l’écotaxe le 17 juillet 2012  : « La régularité des procédures qui ont suivi l’adoption de la loi a été contestée devant les juridictions administratives. En première instance, l’appel d’offres qui avait attribué le marché à une entreprise italienne aux dépens d’une entreprise française, la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, a été annulé. Le Conseil d’État a rétabli en appel la décision. Il ne m’appartient pas de juger les raisons pour lesquelles la Haute assemblée a désavoué la première instance, mais ceux qui s’intéressent à ce sujet seraient sans doute intrigués par certaines des modalités qui ont présidé à cette conclusion », déclare-t-il alors. 

Le ministère du budget, cependant, ne semble jamais s’être vraiment penché sur le sujet. Lorsque Pierre Chassigneux s’est enquis des suites données au dossier, un conseiller lui a répondu que c’était désormais dans les mains de la justice.

Une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Paris. En juin 2011, le dossier a été transmis au parquet de Nanterre, territorialement compétent. À l’époque, ce parquet est dirigé par le juge Philippe Courroye.  Depuis, il n’y a plus aucune nouvelle sur le sujet.

Un contrat en or

Au fur et à mesure des discussions avec l’État, le contrat de partenariat public-privé a beaucoup évolué par rapport à ce qui était envisagé au moment de l’appel d’offres. De dix ans au départ, celui-ci est passé à treize ans et trois mois. Comment ? Pourquoi ? Rien n’a été dit à ce sujet. Est-ce que cela seul ne remet pas en cause le contrat ?

 

Thierry Mariani 
Thierry Mariani© dr

Mais ce changement est tout sauf anodin : au lieu de 2,4 milliards, ce sont 3,2 milliards d’euros qui sont promis à la société Ecomouv, société formée par le consortium dirigé par Autostrade. Jamais l’État n’a signé un PPP aussi ruineux. À titre d’exemple, le contrat de PPP pour la cité judiciaire de Paris, fortement contesté lui aussi, prévoit une rétribution de 3 milliards d’euros pour Bouygues qui a gagné l’adjudication. Mais c’est sur une période de trente ans.

« Vous ne pouvez pas comparer la construction d’un bâtiment à un marché d’équipements où il faut des investissements, des remises à niveau, du personnel », objecte Thierry Mariani. Parlons-en justement des équipements, des investissements. Sous prétexte qu’il s’agit d’un contrat privé, peu de détails sont donnés. La société Ecomouv a pour mission d’assurer la surveillance de quelque 15 000 kilomètres de routes nationales. Elle affirme avoir investi 600 millions pour l’installation des portiques de télépéage, les boîtiers de géolocalisation, les logiciels. Un terrain a été acheté à Metz auprès du ministère de la défense pour installer des centres d’appels.

Mais la société va aussi bénéficier de l’aide des douaniers, comme le confirme Élie Lambert de Solidaires douanes : « Nous sommes dans une complète confusion des genres. D’un côté, cette société va percevoir l’impôt, aura le droit de mettre des amendes, ce qui est aussi du jamais vu dans l’histoire de la République. Mais de l’autre, les services de Douanes vont être requis pour poursuivre et arrêter les contrevenants. C’est-à-dire que la tâche la plus coûteuse et la plus difficile est mise à la charge du public, pour des intérêts privés. » 

Côté recettes, l’État s’est engagé à verser 20 millions par mois à la société à partir du 1er janvier 2014, quelle que soit la date de départ de l’écotaxe. « Il faut bien commencer à rembourser les investissements et les frais financiers », a expliqué Michel Cornil, vice-président du groupement au Figaro. Ecomouv n’a pas retourné nos appels.

On comprend que la société soit impatiente de réaliser très vite des rentrées d’argent. Car tout son montage financier repose sur une lévitation : une pincée de capital et une montagne de dettes. Créée le 21 octobre 2011, juste après la signature définitive du contrat, la société dominée par Autostrade – ils ont sept représentants sur dix – a constitué un capital de 30 millions d’euros. Pour un projet évalué autour de 800 millions d’euros, c’est peu. Il est étonnant que cet aspect n’ait pas attiré l’attention de l’État. Comment confier un tel projet à une société si peu solide même si elle a des actionnaires puissants derrière elle ? Que se passe-t-il si tout dérape ? Qui intervient ? On craint de connaître la réponse.

Dès la première année, compte tenu des pertes liées aux investissements de départ, elle n’avait plus que 9 millions de capital. Depuis, à notre connaissance, aucune augmentation de capital n’a été réalisée. En face, il n’y a que des dettes. Au 31 décembre 2012, la société avait déjà un endettement de 300 millions d’euros. Selon ses déclarations, celui-ci s’élève à 485 millions d’euros aujourd’hui.

L’effet de levier est donc gigantesque. Le financement est apporté par un consortium de banques emmené par le Crédit agricole, les banques italiennes Unicredit et Mediobanca, la Deutsche Bank, le Crédit lyonnais et la Caisse des dépôts. Le taux moyen est de 7,01 %. L’État, lui, emprunte à 2,7 %.

Goldman Sachs en percepteur ?

Le montage est conçu de telle sorte que la société qui va dégager une rentabilité hors norme – sur la base des versements prévus, les investissements seront remboursés en moins de trois ans – ne fera jamais de bénéfices. Enfin, officiellement. Ce qui lui permettra de ne jamais payer d’impôts. Un comble pour celui qui se veut percepteur au nom de l’État.

Un alinéa prévoit que Autostrade est libre de revendre toutes ses actions après deux ans de fonctionnement, après en avoir informé l’État qui n’a rien à dire sur le changement de contrôle, selon les statuts de la société. Là encore, pourquoi l’État a-t-il consenti une telle libéralité ? Compte tenu du dispositif, il n’est pas impossible que dans les prochaines années, Ecomouv repasse, avec fortes plus-values à la clé pour ses anciens propriétaires, dans d’autres mains attirées par cette rente perpétuelle. Un Goldman Sachs par exemple, qui prendrait ainsi un contrôle direct sur les impôts des Français. 

Curieusement, à entendre la société Ecomouv, elle n’a que des droits vis-à-vis de l’État. Il lui doit 800 millions de dédit si le contrat est cassé, 20 millions d’euros au 1er janvier 2014, même si l’écotaxe est retardée. Mais il n’est jamais évoqué ses propres engagements. Dans tout contrat, il est normalement prévu des dates de mise en exécution, des pénalités de retard ou si les recettes ne sont pas à la hauteur espérée, faute d’une mise en place satisfaisante. Dans celui d’Ecomouv, il n’en est jamais question.

Les retards pourtant sont nombreux. L’écotaxe devait être mise en place en avril 2013 en Alsace et en juillet 2013 dans toute la France. Cela n’a pas été possible. Ecomouv n’était pas prêt. Le système technique était toujours défaillant. Comment se fait-il que l’État n’invoque pas des pénalités de retard, des amendes pour manque à gagner des recettes, voire n’ait pas envisagé la mise en œuvre d'une clause de déchéance ? Faut-il croire que le contrat a été rédigé de telle sorte que l’État soit dépourvu de toute arme ? Dans ce cas, qui a accepté de telles clauses ?

Fin octobre, le système de télépéage n’a toujours pas reçu l’attestation de validation par l’administration. Cette attestation est espérée en novembre. De même, il était prévu afin que le système de perception fonctionne bien que 800 000 abonnements de télépéage soient souscrits au moment du lancement. Fin octobre, les abonnements ne dépassaient les 100 000. « La suspension de l’écotaxe décidée par Jean-Marc Ayrault est une vraie bénédiction pour Ecomouv. Car il n’est pas prêt pour entrer en service au 1er janvier. Cela lui permet de cacher ses défaillances », dit un connaisseur du dossier.

Une taxe qui n’a plus d’écologique que le nom

Il existe tant de problèmes autour de ce contrat de PPP que cela semble impossible qu’il demeure en l’état. Mais le pire est que l’écotaxe, telle qu’elle a été conçue, ne répond en rien aux objectifs d’une véritable fiscalité écologique souhaitée officiellement par l’État.

Lorsque Jean-Louis Borloo présente son projet d’écotaxe à l’Assemblée, le 17 juin 2009, le texte est adopté à une quasi-unanimité. À droite comme à gauche, chacun se félicite de cette avancée écologique. Chacun alors semble avoir compris qu’une nouvelle fiscalité écologique est en train de se mettre en place sur la base du pollueur-payeur, et que les recettes vont servir au développement des transports durables. Erreur !  Car le ministère des finances veille. L’écotaxe pour lui, ce sont des recettes nouvelles pour remplacer les 2 milliards d’euros évaporés à la suite de la perte des autoroutes, bradées au privé. Un moyen aussi de récupérer en partie la TVA sociale que le gouvernement n’a pas réussi à mettre en place.

« Quand l’Allemagne a instauré une taxe sur les transports routiers, les élus alsaciens ont vu tous les camions passer chez eux. Ils ont alors demandé l’instauration d’une taxe pour freiner les nuisances et compenser les dégâts. L’idée a soulevé l’enthousiasme. Taxer les poids lourds était une idée de financement qui circulait depuis 2000. Alors qu’il y avait des autoroutes payantes, les routes nationales restaient gratuites. Pour les camions, c’était un moyen d’échapper aux taxes. Dans l’esprit de Bercy, cette taxe devait être récupérée par les camionneurs et payée par les consommateurs. Ensuite, on habillait tout cela de vert », raconte un ancien membre de cabinet ministériel à Bercy. C’est bien cela qui s’est passé : on habillait de vert sur les routes gratuites jusqu’alors.

Lorsque le Conseil d’État approuve le 27 juillet 2011 le schéma futur de taxation du réseau routier soumis à l’écotaxe, il y a une première surprise : les autoroutes, principaux points de transit de tous les transports internationaux, n’y figurent pas. Motif avancé par les intéressés : les camions paieraient déjà la taxe au travers des péages. Dans les faits, ils ne paient rien du tout. Les sociétés privatisées d’autoroutes reversent juste une redevance d’utilisation du domaine public. Alors que la Cour des comptes dénonce l’opacité des tarifs et l’enrichissement sans cause des sociétés d’autoroutes, la redevance n’a jamais été réévaluée depuis leur privatisation : elle est de 200 millions d’euros par an pour 7,6 milliards de recettes en 2011. Le gouvernement vient de l’augmenter de 50 % pour la porter à 300 millions d’euros.

« Ne pas inclure les autoroutes, c’est donner une super-prime au privé. Tout est fait pour créer un effet d’aubaine et ramener du trafic sur les autoroutes privées, au détriment de l’État et des principes écologiques », dénonce Élie Lambert.

Mais il n’y a pas que cela qui choque dans le schéma retenu. La Bretagne, qui n’a aucune autoroute payante, se voit imposer une taxation sur l’essentiel de son réseau routier. Comme le relevait un excellent billet de blog sur le sujet, l’Aveyron, grand lieu de passage de camions s’il en est, se voit taxé en plusieurs endroits. En revanche, a pointé le député Joël Giraud, toutes les routes nationales empruntées par les camions entre la France et l’Italie, et qui sont un cauchemar pour certains villages, n’ont aucun portique de taxation. « Nous sommes dans un scandale absolu. Cette taxe qui devait servir à limiter les transports internationaux, réduire les nuisances, a été conçue et détournée de telle sorte qu’elle va en fait être payée par les seuls transporteurs locaux, tandis qu'une partie des transports internationaux en seront exemptés. Une fois de plus, le monde politique et le monde administratif tuent le pays réel », accuse Jean-Jacques Goasdoue, conseiller logistique.

La fureur des clients et des transporteurs est d’autant plus grande qu’ils se sentent totalement piégés. Dans cette période de crise, alors que la pression des clients et en particulier de la grande distribution est très forte, ils ne peuvent pas répercuter la taxe qui varie entre 3,7 % et 4,4 % en moyenne, quelle que soit la valeur de la marchandise transportée, et qui va venir s’ajouter au prix de transport. Autant dire que pour nombre d’agriculteurs et de transporteurs, c’est leur marge qui risque de disparaître dans cette taxe.

Le pire est qu’ils n’ont aucun choix. Depuis l’annonce de l’écotaxe en 2009, rien n’a été fait pour développer des transports alternatifs, mettre en place des solutions de ferroutage, de transport multi-modal. La faillite de la SNCF en ce domaine est pointée du doigt. « Nous sommes en matière de transport ferroviaire dans une situation pire qu’en 2007. Alors que le fret en Allemagne ne cesse de se développer, chez nous il régresse à vue d’œil », accuse Jean-Jacques Goasdoue. « En 2008, il y avait eu un accord entre Sarkorzy et Pepy (président de la SNCF). Le gouvernement aidait la Sncf à conforter son pôle marchandise, en regroupant le fret et les transports routiers sous l’enseigne Geodis. Geodis a été confié à Pierre Blayau. Ce président qui a déjà ruiné Moulinex dans le passé est en train de ruiner Geodis. Sous sa présidence, le fret n’a cessé de régresser. Il a supprimé le transport wagon par wagon, fermé certaines gares de triage. Il a été incapable de mettre en place une offre sur les grandes lignes, d’aider au développement du transport multi-modal », poursuit-il. 

Aucun changement ne se dessine. Les 750 millions d’euros de recettes que l’État est censé percevoir par le biais de l’écotaxe doivent normalement servir à l’amélioration des infrastructures de transport. C’est l’agence de financement des infrastructures de transports qui a la responsabilité de gérer cet argent. Une agence parfaitement inutile, a dénoncé la Cour des comptes, mais qui a tenu lieu de sinécure pour certains : Gérard Longuet puis Dominique Perben, ancien ministre des transports, en ont eu la présidence depuis sa création en 2005. C’est le maire de Caen, Philippe Duron, qui la dirige depuis novembre 2012.

Cette agence n’a aucun pouvoir de décision. Elle ne fait que verser l’argent à des projets qui ont été sélectionnés ailleurs. Dans son rapport sur le sujet, le député UMP Hervé Mariton ne cachait pas quelle serait la principale utilisation de cet argent : tout devait être fait pour conforter l’offre routière et autoroutière française. Pas étonnant que la fédération des travaux publics ait été la première à s’émouvoir de la suspension de l’écotaxe. Elle devrait être la première bénéficiaire de cette manne. Cette fédération est dominée par les grands du BTP, qui (hasard...) sont aussi, à l’exception notable de Bouygues, les grands bénéficiaires de la privatisation des autoroutes.

Pour l’avenir, Bercy a déjà un schéma tout arrêté sur le futur de l’écotaxe. « Dans l’esprit des finances, il est évident que les recettes de l’écotaxe sont appelées à augmenter. En fonction de son acceptabilité, il est possible de jouer sur différents leviers : son taux, son périmètre – on peut très bien imaginer inclure certaines départementales dans la taxe – et son assiette. Pour l’instant, la taxe est payée par les camions au-dessus de 3,5 tonnes, mais il est possible d’abaisser ce seuil, d’aller jusqu’aux fourgonnettes », dit cet ancien haut fonctionnaire des finances. Un vrai projet écologique !

 

 

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:13

 

mediapart.fr

Travailleur au noir en France pour une banque suisse

|  Par Agathe Duparc

 

 

 

La banque privée genevoise Syz & Co a été mise en examen le 2 octobre dernier pour travail dissimulé et vente illégale de produits financiers. L'ancien employé français qui a tout déclenché témoigne : durant cinq ans, il a dans la plus totale illégalité vendu en France des fonds de placements à une clientèle institutionnelle.

Après les ennuis d’UBS, de Reyl & Cie et d’HSBC, c’est au tour de la banque privée genevoise Syz & Co d’être rattrapée par la justice française. Mais, cette fois-ci, il n’est pas question de démarchage illicite de clients sur le territoire français, ni de blanchiment de fraude fiscale, mais de travail dissimulé et de fourniture de services financiers en France sans autorisation.

Le 2 octobre dernier, la banque a été mise en examen par le juge Renaud Van Ruymbeke sur ces deux chefs d’inculpation, comme le révélait récemment La Tribune de Genève. L’instruction est close et le procureur de la République doit prononcer ses réquisitoires, pour un possible renvoi devant le tribunal correctionnel. La banque risque une amende ou l’interdiction d’exercer certaines activités en France.

 

Renaud Van Ruymbeke, Paris, octobre 2012 
Renaud Van Ruymbeke, Paris, octobre 2012© Reuters

L’affaire aurait pu passer relativement inaperçue, si Jérôme G., un ancien vendeur de fonds de placement chez Syz & Co, l’homme qui a tout déclenché en déposant une plainte en septembre 2009 et en se constituant partie civile, ne s’était juré de mener jusqu’au bout le combat contre une banque qui, selon lui, « se croit au-dessus de toutes les lois et lui a fait tout perdre ». Et de briser l’omerta qui règne dans le secteur bancaire.

Mediapart a pu rencontrer ce Français quadragénaire qui, pour des raisons professionnelles et personnelles, témoigne sous couvert d’anonymat.

Son récit, très détaillé et documenté, permet de lever le voile sur les pratiques d’un établissement suisse qui, pendant cinq ans, a fait fonctionner un bureau dissimulé à Paris pour commercialiser des fonds de placement sans agrément, ne payant ainsi ni charges sociales ni impôts en France.

L’affaire tombe à point nommé, au moment où les banques suisses, estimant qu’elles ont fait de nombreuses concessions en matière de secret bancaire, réclament avec insistance l’accès aux marchés européens : la possibilité par exemple de diffuser des produits financiers sans demander une autorisation dans chaque pays. Sur ce point, la banque Syz avait apparemment pris les devants.

En mai 2004, Jérôme G., diplômé de l’université de Lyon, est engagé par Syz & Co comme « vendeur sur la France » au sein du département « Oyster » (fonds communs de placement). Son contrat de travail ne mentionne aucun lieu de travail. Sa mission est de placer auprès d’une clientèle institutionnelle (banques, caisses de retraite ou compagnies d’assurances) des produits financiers, en l’occurrence des Sicav luxembourgeoises « Oyster Funds ». Titulaire d’un permis G (permis frontalier) et disposant d’une adresse à Bellegarde à 40 km de la frontière suisse, le commercial a en principe l’obligation d’exercer son activité à partir de Genève.

La réalité est bien différente. Pendant cinq ans, Jérôme G. a vendu des produits financiers depuis son appartement parisien, puis dans un petit bureau qu’il louait lui-même, passant plus de 90 % de son temps en France et se rendant trois à quatre fois par mois à Genève. Au vu et au su de sa hiérarchie, contrairement à ce que prétend aujourd’hui la Banque, qui s’est fendue, le 3 octobre, d’un communiqué de presse pour annoncer sa mise en examen et indiquer que son ancien collaborateur, « contrevenant à ce que prévoyait son contrat de travail, a, de sa propre initiative et pour des raisons d’ordre personnel, passé plus de temps en France que demandé ».

Cette version fait bondir Jérôme G. Elle n’a, à ce stade, pas non plus convaincu la justice française.

« Avant mon embauche, on m’a demandé si j’avais un appartement à Paris et si je pouvais y travailler et y habiter. La banque recherchait clairement quelqu’un qui avait mon profil », raconte-t-il. « À Genève, au siège de la banque, la place de travail qui m’était réservée était située en face de celle de mon supérieur direct, dans un espace ouvert de 14 personnes. Croyez-vous vraiment qu’un employé puisse pendant cinq ans ne pas venir au travail sans que personne fasse une réflexion ? » ajoute l’ancien vendeur. 

Il fait également valoir le fait qu’on lui remboursait ses frais de téléphone en France et qu’il recevait tous les documents marketing à son adresse parisienne.

Pour être dans la légalité, la banque aurait dû soit vendre ses produits à partir de la Suisse, soit ouvrir une succursale déclarée en France. Ni l'un ni l'autre n'a été fait. Jérôme G. dénonce ainsi la mise en place d’un « système » qui a permis pendant cinq ans à Syz & Co, qui ne déclarait donc aucune activité commerciale, ni chiffre d’affaires en France, d’échapper au paiement des charges sociales et des impôts sur les sociétés. Et d’écouler des produits financiers, sans avoir reçu l’autorisation du comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.  

« Mon chiffre d’affaires annuel était en moyenne de 50 millions d’euros. Cela représente d’importants montants », explique le Français. Il précise qu’un autre Français, lui aussi frontalier, était dans le même cas, logé fictivement chez un cadre de Syz à Annemasse alors qu'il travaillait la plupart du temps à Paris, mais « ce collègue a préféré partir avec des indemnités après que j’ai déposé plainte, et sans faire de remous, car il continue à travailler dans ce secteur ».

Travail dissimulé en France

Jérôme G., lui, a vu sa vie chamboulée. En mai 2009, alors que depuis quelques mois il envisage de quitter la banque car ses conditions de travail se détériorent, il fait appel à un avocat suisse pour négocier un départ à l’amiable avec des indemnités.

Ce conseil de la grande étude genevoise Lalive lui apprend qu’il est dans la plus totale illégalité. « Il m’a alors très rapidement dit : “Attention, vous êtes complètement en travail dissimulé en France !” Je ne suis pas à l’origine de cette découverte comme le prétend aujourd’hui la banque, qui veut me faire passer pour un maître chanteur », explique-t-il.

Des soupçons, l’ancien commercial en a eu dès le début : « Tous les ans, j’envoyais un mail à ma DRH (Direction des relations humaines) en leur demandant si ma situation était bien légale. Chaque année la banque me répondait, comme par hasard par oral, que tout était en ordre. » Et puisque la mention « vendeur sur la France » figure dans son contrat, Jérôme G. est convaincu que son employeur a effectué toutes les démarches légales auprès des autorités boursières et administratives en France.

Fin 2008, le Français demande à transférer sa résidence principale de Bellegarde à Paris, et pose la question de la licéité de ce changement. À juste titre, on lui explique que depuis 2004, il est possible d’avoir un permis frontalier avec une adresse parisienne et non plus seulement en zone frontalière. Mais la banque se garde bien de soulever la question du temps de travail passé en France…

Quelques mois plus tard, devant les questions un peu trop pressantes de son employé, Syz & Co finit par se raviser. Fin avril 2009, elle exige que son « vendeur sur la France » passe désormais dix jours par mois à Genève, au lieu des trois à quatre jours jusqu’alors demandés.

Parallèlement à cela, le commercial songe de plus en plus à quitter son poste. C'est alors qu'il apprend par son avocat genevois qu'il travaille dans la plus totale illégalité. Des discussions s’engagent avec la banque pour sortir de cette situation. 

Mais, le 17 juillet 2009, le Français est licencié avec effet immédiat, entre autres choses pour « attitude insolente à l’égard de la hiérarchie » et « harcèlement à l’égard d’un collègue de travail », alors que, fait-il remarquer, il travaillait « seul à Paris depuis des années ».

Les avocats des deux parties s’expliquent pas voie de courrier. Mediapart a pu consulter certaines de ces lettres. Dans l’une d’elles, Syz & Co se dit victime d’une « tentative d’extorsion », ce qui aurait été la cause du licenciement de l’ancien vendeur, alors que ce motif ne figure nullement dans sa lettre de licenciement.

L’avocat genevois de Jérôme G. rétorque que, « dans le contexte de négociations à caractère prud’homal, qu’un employeur avisé a exercé une activité soumise à déclaration et autorisation sans respecter plusieurs lois et règlements en vigueur dans le pays concerné ne relève pas de la menace, mais d’une constatation purement factuelle ». 

En septembre 2009, les ponts sont rompus. L'ancien employé dépose une plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris et intente une action devant les prud’hommes en France pour licenciement abusif, réclamant des dommages et intérêts de deux millions d’euros. « C’est une somme importante, mais qui couvre les dommages que j’ai subis », estime-t-il.

Il explique comment Syz & Co, outre des bonus impayés, refuse de lui verser l’argent des cinq ans de retraite cotisés via la prévoyance professionnelle, en Suisse. Au chômage de 2009 à 2011, il travaille aujourd’hui à son compte : « Ils veulent m’assécher financièrement pour que je ne puisse plus payer les avocats et témoigner », estime-t-il.

Entre 2010 et 2011, Jérôme G. a été entendu à plusieurs reprises par les policiers de la Brigade financière de Paris, les Douanes et la direction du fisc. Épinglée, Syz a déjà fait l’objet d’un redressement fiscal pour un montant qui n’a jamais été communiqué.

Puis dans le cadre d'une instruction pénale ouverte en 2012, il a été auditionné en mars et juin 2013 par le juge Van Ruymbeke, qui a également interrogé la responsable du service juridique de la banque.

Depuis sa mise en examen, Syz & Co – qui s'est finalement décidée à ouvrir un bureau à Paris en 2011 – tente de minimiser l’affaire. Contacté par Mediapart, son porte-parole refuse de s’exprimer, renvoyant au seul communiqué de presse du 3 octobre, qui explique que « la procédure en cours se limite aux agissements d’une seule personne (sic) et n’a aucun impact sur la commercialisation des fonds de la banque en France, ni d’ailleurs sur ses autres activités ».

La banque n'a pas ménagé sa peine pour que Jérôme G. ne retrouve pas d’emploi salarié en France. Deux semaines après son licenciement, une société française de distribution de fonds l’engage. « Le responsable du département “Oyster” s’est alors déplacé à deux reprises à Paris pour expliquer à mon nouveau patron que j’étais un escroc. J’ai été viré », raconte le Français. La banque parvient ainsi à faire capoter plusieurs embauches. La réputation de l’ancien commercial est peu à peu ruinée, au point de pousser un jour un célèbre chasseur de têtes parisien à le convoquer en lui expliquant qu’il voulait juste « voir en personne celui qui s’est complètement grillé à Genève et dont tout le monde parle ».

 

 

 

 

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