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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 22:53

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

Banques : le salaire des patrons évolue parfois... en sens inverse aux résultats

Le Monde.fr | 17.04.2014 à 18h05 • Mis à jour le 17.04.2014 à 21h04 | Par Mathilde Damgé

 
 

107,3 millions de dollars

Les banques américaines publient ces derniers jours des résultats relativement anémiques pour le premier trimestre. Les patrons de ces établissements sont-ils incités à redresser la barre, comme tout chef d'entreprise ? Pas sûr... Les émoluements des patrons des six plus grosses banques (Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan, Morgan Stanley, Wells Fargo) ont atteint un record en 2013, équivalent à 77,7 millions d'euros (107,3 millions de dollars).

Lire aussi : Arnaud Montebourg veut parler avec les dirigeants des banques de leurs rémunérations « indécentes »

 

Leurs salaires ont augmenté de 24 % en moyenne par rapport à 2012. Problème, cette hausse n'est pas proportionnelle avec le chiffre d'affaires, ni même avec les bénéfices (le résultat net). Loin s'en faut dans certains cas.

Les patrons de JPMorgan (Jamie Dimon, qui était à la manœuvre au moment de l'affaire de la Baleine de Londres) et de Bank of America (Brian Moynihan) ne brillent pas par leur vertu et s'attribuent une augmentation nettement plus forte que leurs performances. M. Moynihan a vu son salaire augmenter de 58 % alors que le chiffre d'affaires de BofA n'augmentait que de 7 %. Chez JPMorgan, le résultat net a reculé de 16 % tandis que le salaire du dirigeant était en hausse, lui, de 74 % !

Quant au nouveau patron de Citigroup Michael Corbat, il a été gratifié d'une amélioration de 42 % de sa fiche de paie, pour un chiffre d'affaires en baisse de 11 %. En fait, seule la Bourse semble y croire encore : le cours des actions des six groupes bancaires a grimpé de 39 % en un an.

 

En montant absolu, c'est Lloyd Blankfein, à la tête de Goldman Sachs, qui empoche la plus grosse enveloppe, avec 23 millions de dollars. Cependant, l'évolution de son salaire est moins éloignée de celle des bénéfices de la « pieuvre » (surnom de la banque) – une mesure prudente, puisque les chiffres du premier trimestre de l'année ont fait état, jeudi 17 avril, d'un effritement des résultats par rapport à l'an passé.

John Stumpf, chez Wells Fargo, suit non loin avec 19,3 millions de dollars, accusant toutefois une sérieuse reculade sur sa fiche de paie par rapport à l'an passé, alors que l'activité du géant bancaire de San Francisco a été fructueuse, tant au niveau du chiffre d'affaires, des bénéfices, que du cours de Bourse.

En matière de rémunération, les actionnaires ont leur mot à dire. Ils peuvent s'opposer à un aspect de la gouvernance de leur entreprise qu'ils désapprouvent. Ce qu'ils ne se sont pas privés de faire chez Citigroup : en 2010, le dirigeant de Citigroup a été rémunéré 1 dollar pour sa mauvaise gestion pendant la crise, alors que ses adjoints touchaient entre 5 et 8 millions d'euros. En 2012, après deux ans de salaire « punitif », le patron de la banque en grande difficulté financière, Vikram Pandit, n'a pas réussi à obtenir les 15 millions de dollars qu'il convoitait et a été remplacé.

Lire :  Les frondes contre les rémunérations des dirigeants se multiplient

Un ratio de 1 à... 473

Le PDG n'est donc pas toujours le mieux payé de son entreprise. A cet égard, le gendarme boursier américain, la Securities and exchange commission (SEC), a proposé l'an dernier que soit rendue publique la différence entre le salaire médian de l'entreprise et celui du dirigeant le mieux payé.

Si l'on regarde le classement réalisé par l'agence Bloomberg, les banques ne sont pas les plus injustes par rapport aux autres entreprises américaines : Wells Fargo est la première banque citée et n'arrive qu'en 33e position, derrière Abercrombie & Fitch, Starbucks ou encore Ralph Lauren.

Au sein de cet établissement bancaire, le ratio entre le salaire médian et celui de son patron atteint 473 ; c'est-à-dire qu'il faut 473 salaires médians pour atteindre l'équivalent de la fiche du paie du mieux payé de l'entreprise.

Des chiffres impressionnants quand on les compare avec d'autres industries, mais encore inférieurs à leurs confrères des fonds spéculatifs (hedge funds). James Levin, jeune patron de 31 ans du fonds Och-Ziff Capital Management, s'est ainsi vu attribuer cette année un salaire de 119 millions de dollars. Soit 2 300 fois le salaire médian de son entreprise.

 Mathilde Damgé
De l'éco, du décryptage et une pincée de data

 

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 


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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 21:48

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Elysée: les folies du conseiller de François Hollande

|  Par Michaël Hajdenberg

 

 

 

A-t-il l’image d’un médecin intègre, adversaire de l’industrie pharmaceutique depuis son rapport sur le Mediator ? Mediapart a découvert qu’il avait travaillé en cachette pour des laboratoires pharmaceutiques, y compris à une époque où il était censé les contrôler. A-t-il la réputation d’être solidement ancré à gauche ? Il se comporte comme un « petit marquis » au Palais où il abuse des privilèges de la République. Est-il connu pour sa plume aiguisée ? Il a longtemps fait écrire ses discours par d’autres. Aquilino Morelle, conseiller politique du président et nouvel homme fort de l'Élysée, a beaucoup menti.

La première fois que David Ysebaert a ciré les chaussures d’Aquilino Morelle, c’était au Bon marché, dans le VIIe arrondissement de Paris. Il lui a laissé sa carte. Et quelques semaines plus tard, raconte le cireur, « une femme, probablement sa secrétaire, m’a appelé pour prendre rendez-vous ». Au Palais même. Depuis, tous les deux mois environ, « le temps de garantie pour un glaçage », il revient à l’Élysée s’occuper des souliers du conseiller politique de François Hollande, également directeur de sa communication. « Aquilino Morelle a 30 paires de souliers de luxe faites sur-mesure, pour son pied qui a une forme particulière. Des Davison, des Weston… Des chaussures de plein cuir toujours du même style. »

À deux reprises, explique le cireur, confirmant des informations que nous tenions de bonne source à l’Élysée, Aquilino Morelle a même fait privatiser un salon de l’hôtel Marigny afin de se faire cirer les chaussures seul au milieu de cette pièce toute en dorures. « Il y avait une urgence apparemment. Il était au téléphone, en chaussettes, au milieu de cette salle immense. Et moi j’étais face à lui en train de lui cirer ses souliers. »


 

Aquilino Morelle. 
Aquilino Morelle. © Reuters

L’épisode, qui date de mars 2013, a alimenté bon nombre de conversations dans les couloirs de l’Élysée. Il tranche quelque peu avec l’image de modestie et de normalité que souhaitait imprimer François Hollande. Mais au Palais, plus rien n’étonne dans le comportement de celui qui est devenu l’homme fort du cabinet présidentiel, depuis que son ami Manuel Valls a été nommé premier ministre, et que son ennemi, le secrétaire général de l’Élysée Pierre-René Lemas, a été remercié.

Intrigué par le comportement de ce médecin, énarque, qui fut la plume de Lionel Jospin à Matignon, puis le directeur de campagne d’Arnaud Montebourg pendant la primaire socialiste, Mediapart a enquêté pendant six semaines sur l’itinéraire de ce fils d’immigrés espagnols, présenté à longueur de portraits comme « un fils du peuple » incarnant l’aile gauche au pouvoir.

Or ce que nous avons découvert est bien plus grave qu’un comportement mégalomane ou un goût prononcé pour la transgression. Aquilino Morelle, ce conseiller de l’ombre qui n’a pris qu’une fois la lumière, lorsqu’il a signé, en tant qu’inspecteur de l’IGAS (Inspection générale des affaires sanitaires), un rapport très médiatisé sur le scandale sanitaire du Mediator, a beaucoup menti, et a beaucoup omis.

Il a l’image d’un médecin parfaitement intègre, farouche adversaire de l’industrie pharmaceutique et des conflits d’intérêts depuis ce rapport ? Mediapart a découvert qu’il avait travaillé en cachette pour des laboratoires pharmaceutiques, y compris à une époque où il était censé les contrôler, au mépris de la loi. Il a la réputation d’être un homme aux idées bien ancrées à gauche ? Il se comporte comme un « petit marquis » au Palais où il abuse des privilèges de la République. Il est connu pour sa plume aiguisée ? Il a longtemps fait écrire ses discours par d’autres, notamment à l’Élysée, où son manque de travail fait jaser.

Depuis qu’il est sorti de l’ENA en 1992, Aquilino Morelle est rattaché à l’IGAS, ce grand corps de l’État en charge des affaires sociales et sanitaires. Il a fait, depuis lors, des passages par des cabinets ministériels et par le privé, mais en 2007, il réintègre son corps d’origine. Il est, cette année-là, le rédacteur d’un rapport sur « l’encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques ».

Au même moment, Aquilino Morelle travaille pour un laboratoire danois, Lundbeck. Un dirigeant du laboratoire de l’époque raconte : « Il nous avait été recommandé par un professeur de l’AP-HP (Assistance publique hôpitaux de Paris). Son profil était séduisant. On s’est rencontrés. Il m’a dit qu’il cherchait à travailler pour l’industrie pharmaceutique, qu’il avait du temps libre, que son travail à l’IGAS ne lui prenait que deux jours sur cinq, ce qui m’a semblé bizarre. Mais son profil et son carnet d’adresses nous intéressaient. »

Pour le compte du laboratoire, l’inspecteur de l’IGAS organise deux rendez-vous avec des membres du CEPS (comité économique des produits de santé), cet organisme chargé de fixer le prix des médicaments et les taux de remboursement. « Il nous a ouvert des portes, raconte le dirigeant. Et c’est un enjeu majeur : nous permettre d’aller défendre notre dossier auprès de la bonne personne. On cherchait à stabiliser le prix du seroplex, un anti-dépresseur. »

Ce dirigeant n’a cependant pas demandé à Aquilino Morelle de l’accompagner lors des rendez-vous. « J’ai pensé que ça pouvait être contre-productif. Il était dans une position tellement compliquée, si peu éthique, que ça pouvait être à double tranchant. D’habitude, ce sont plutôt des gens à la retraite qui ont ce type d’activité. »

Interrogé par Mediapart, Aquilino Morelle, n’a envoyé que des réponses par e-mail (voir la boîte noire), repoussant sans cesse le rendez-vous dont il avait convenu. Rémunéré 12 500 euros (hors taxe) pour cette prestation, il assure que tout a été fait dans les règles en vertu du fait qu’« en tant que fonctionnaire, un certain nombre d’activités annexes sont autorisées, dont l’enseignement et le conseil ».

A-t-il déclaré ce contrat auprès de son administration ? « Ces activités ont dû être déclarées à l’IGAS. Je n’en ai pas retrouvé la trace en dépit de mes recherches, nous écrit-il. Ce sont des faits anciens – sept ans – et banals. »

Sollicitée sur ce ménage auprès d’un laboratoire, l’IGAS nous a d’abord répondu que « l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 permet aux fonctionnaires d'exercer certaines activités annexes. À ce titre l'expertise, la consultation, les activités littéraires et scientifiques, les enseignements peuvent être autorisés par le chef de service. C'est ce qui a été fait en 2007. »

Nous avons donc retrouvé le chef de service (c’est-à-dire le directeur) de l’IGAS à l’époque, André Nutte, aujourd’hui en retraite. « J’ai franchement une bonne mémoire, explique-t-il après avoir cité dans l’instant les différents rapports écrits par Morelle à l’époque. Mais je ne me souviens pas avoir signé une telle autorisation. Si l’IGAS a une pièce, qu’ils la sortent. On verra bien qui a signé. Car ça n’a pas de sens. C’est comme si on accordait le droit à un directeur d’hôpital entré à l’IGAS d’aller travailler parallèlement dans une clinique privée. Ou à un inspecteur du travail de conseiller une entreprise. »

Nous avons rapporté l’échange à l’IGAS, qui a du coup changé de discours ce 16 avril. En réalité, explique l’institution, une autorisation n’a été donnée en 2007 que pour donner des cours à l’université Paris 1. Aucune autre autorisation n’a été retrouvée.

Il faut dire que permettre un tel cumul aurait été une aberration selon Michel Lucas, directeur de l’IGAS de 1982 à 1993, à l’origine des révélations sur les millions de francs détournés à l’ARC (association pour la recherche sur le cancer) : « Ces deux fonctions sont incompatibles. On n’autorise jamais un inspecteur à travailler pour une entreprise privée. Alors un laboratoire pharmaceutique… »

L’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 est d’ailleurs clair : « Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative, de quelque nature que ce soit. » À défaut de dérogation spécifique, « la violation (de cette règle) donne lieu au reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement ».

Pis, au vu de l’article 432-12 du code pénal, cette double activité pourrait être considérée comme une prise illégale d’intérêts. En 2007, au moment des faits, le délit était puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Chantre de la transparence… pour les autres

Aquilino Morelle a visiblement tout tenté pour dissimuler ces faits. L’argent qu’il a gagné pour ces activités a été encaissé via une société, l'EURL Morelle, qu’il a créée en 2006, et qui a été radiée par le tribunal de commerce en mars 2013. Mais les comptes n’ont jamais été déposés à ce même greffe en dépit des obligations légales.

Le 28 février 2007, le jour même où il réintègre l’IGAS, Aquilino Morelle, unique actionnaire de son entreprise, se démet de son rôle de gérant et y place son frère cadet Paul. Le profil de Paul Morelle, qui ouvrira deux ans plus tard, en 2009, un magasin de fleurs, vins et chocolats dans le XVe arrondissement de Paris, ne semble pas coller avec celui d’un expert en médicaments. Mais la démarche est utile : dès lors, plus aucune société n’est directement associée au nom d’Aquilino Morelle lors d’une recherche au greffe.

Jamais dans son histoire, Aquilino Morelle n’a fait référence à son travail pour l’industrie pharmaceutique. « Aucune règle ne disposait que je doive “faire état” de ces contrats », nous répond-il aujourd’hui.

C’est pourtant lui, qui, sur les plateaux de télévision, et lors de multiples émissions de radio, claironnait partout, au moment de son rapport sur le Mediator, que la transparence était nécessaire, comme ici lors d’un passage à France Info le 24 juin 2011 :

 


 

 

« (Il faut) que chacun soit au clair avec lui-même et avec les autres. Il n’y a pas d’interdiction d’avoir un rapport avec l’industrie pharmaceutique pour un médecin. Ça peut se comprendre. Ce qui est obligatoire, c’est de rendre public cela. Il faut que ces contacts soient publics. Quand vous publiez vos relations, vous êtes transparent et chacun peut regarder si (…) il n’y a pas quelque chose qui peut poser un problème en termes d’indépendance. C’est juste ça. Mais c’est énorme. (Si) on a un rapport avec l’industrie pharmaceutique, il faut que tout le monde le sache. On aboutit à des situations où les experts sont parties prenantes. Juge et partie. Il faut en finir avec ça. »

Lors d’un chat à Metronews, il synthétise assez bien ce qu’il martèle partout à l’époque : « Oui, il est exact que l'industrie pharmaceutique a une forte influence sur la politique actuelle du médicament. (…) La culture dominante considère que les laboratoires pharmaceutiques auraient une sorte de "droit" à commercialiser leurs produits, comme s'il s'agissait d'une "marchandise" comme les autres... Il faut changer cet état des choses. »

À la question d’un internaute : « Pouvez-vous citer les noms des laboratoires qui font le plus de lobbying auprès des hommes/femmes politiques? », il répond : « Toute l'industrie pharmaceutique est concernée. » L’internaute est probablement loin de s’imaginer qu’il parle en toute connaissance de cause.

Aquilino Morelle s’interroge-t-il sur le bien-fondé de la démarche après que Lundbeck a choisi de mettre fin à leur relation commerciale en décembre 2007 ? Aucunement. En 2008 et 2009, il continue de vouloir travailler pour l’industrie pharmaceutique. Chez Sanofi, un haut dirigeant nous raconte l’avoir reçu. Et chez Servier, le laboratoire qu’il a démoli dans son rapport sur le Mediator et dont le patron Jacques Servier est mort ce 16 avril, on nous explique avoir également reçu sa candidature à cette époque. Il est vrai que le scandale sanitaire n’avait pas encore éclaté. Mais dans le milieu, la réputation de Servier, son recours systématique à de jeunes visiteuses médicales ou encore ses recherches approfondies sur les appartenances politiques de ses futurs salariés, sont déjà archi-connus.

À l’époque, de l’avis de différents laboratoires qui ont reçu sa candidature, Aquilino Morelle cherche un emploi à plein temps. Ou plus exactement une rémunération, pour accompagner son parcours politique, plutôt qu’une réelle activité. Ce qui n’intéresse pas les laboratoires. Il fait chou blanc.

 

 

Aquilino Morelle n’a cependant pas attendu la fin des années 2000 pour bien connaître l’industrie pharmaceutique. En 1992, il sort de l’ENA. Non pas à la 2e place comme il le raconte à Laurent Binet en 2012 dans le livre Rien ne se passe comme prévu. Mais à la 26e. Lors du grand Oral, il est repéré par Pierre Moscovici, et, assez vite, il intègre le cabinet de Bernard Kouchner, alors ministre de la santé.

Là non plus, nous n’en avons pas retrouvé trace dans ses biographies, mais Aquilino Morelle occupe un poste bien spécifique : conseiller technique en charge du médicament. La même fonction que celle occupée par Jérôme Cahuzac deux ans auparavant (voir notre article sur la corruption à ce poste à cette époque). Le rôle est si central qu’il permet de se faire en quelques mois un carnet d’adresses fourni dans le milieu pharmaceutique.    

Après la défaite de la gauche aux législatives de 1993, Aquilino Morelle réintègre l’IGAS, où il laisse un souvenir très mitigé. Vingt ans plus tard, des inspecteurs parlent encore de la façon dont il s’est servi d’une mission et d’un rapport collectif sur le don du sang en milieu pénitentiaire pour nourrir abondamment un livre personnel sur l’affaire du sang contaminé, La Défaite de la santé publique, qui lui vaudra un début de notoriété. À l’époque, il n’est pas vu comme tire-au-flanc. Mais comme un touche-à-tout, qui, du coup, a tendance à bâcler son travail d’inspecteur.

En 2002, après cinq années à Matignon auprès de Lionel Jospin, il est d’office réintégré à son corps d’origine. Il a perdu aux municipales de 2001 (Nontron), aux législatives de 2002 (Vosges), comme il perdra en 2007 (Seine-Maritime) : sa carrière politique est au point mort, et il veut gagner de l’argent. Euro RSCG, via Stéphane Fouks, qui a participé à l’échec de la campagne de Lionel Jospin, lui offre une porte de sortie, avec la bénédiction de la commission de déontologie.

À Euro RSCG, pourtant, il s’occupe très vite de l’industrie pharmaceutique. Du côté marketing dans la branche Healthcare. Et du côté Corporate, on lui demande de travailler sur l’image des laboratoires, de conseiller sur les stratégies de communication, de réfléchir à la façon d’améliorer l’image des médicaments auprès des consommateurs et des médecins. À l’époque, les principaux clients d’Euro RSCG dans ce secteur s’appellent Pfizer, Lilly, Aventis, Sanofi. Mais il ne donne pas satisfaction, visiblement jaloux de son carnet d’adresses, peu travailleur et pas bien doué pour les relations commerciales selon ses anciens collègues.

L’inspecteur en disponibilité décide alors de faire fructifier son carnet d’adresses pour son propre compte. Parallèlement à sa campagne pour le non au référendum européen aux côtés de Laurent Fabius en 2005, à des fonctions peu prenantes au Génopôle d’Évry puis au Pôle de compétitivité de Medicen, il met en place l’EURL Morelle. Le laboratoire américain Lilly le rémunère 50 000 euros (3 fois 12 500 euros hors taxe), essentiellement pour organiser des déjeuners dans de très bons restaurants du VIIIe arrondissement.

Un haut dirigeant de l’époque se souvient : « Il m’a fait rencontrer des parlementaires de gauche comme Marisol Touraine (aujourd'hui ministre des affaires sociales), Jean-Marie Le Guen (aujourd'hui secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement) ou Jérôme Cahuzac. Ainsi que des journalistes. » Autant de personnes qui savent donc pertinemment qu’Aquilino Morelle a travaillé pour l’industrie pharmaceutique… 

« Il participait au travail de lobbying habituel, raconte ce dirigeant. Il appuyait mon discours – forcément, on le payait pour – sur la place des génériques, sur l’emploi, sur la place à faire à de nouveaux médicaments innovants. En tant qu’administrateur du LEEM (syndicat des entreprises du médicament), je tenais un discours classique. Et lui, intellectuel, cultivé, agréable dans le contact, savait y faire pour appuyer. » À notre demande, Lilly a retrouvé dans ses archives l’intitulé du contrat : « mission d’analyse et de conseil sur l’image de Lilly, et préparation à la communication de crise ». À cette époque, Lilly doit d’ailleurs gérer une crise importante avec le scandale du Zyprexa, ce médicament pour les psychotiques qui génère des milliers de plaintes dans le monde en raison de risques connus du laboratoire mais cachés au public.

Abus en tous genres

Au vu de nos découvertes sur son parcours, cette expertise supposée en communication de crise pourrait lui être bien utile. D’autant qu’à l’Élysée, les langues se délient. Au cours de notre enquête, nous avons rencontré de très nombreuses personnes officiant au Palais. Nous avons pris soin de recouper et vérifier chaque information, surtout en raison des bouleversements actuels au cabinet, susceptibles d’attiser les règlements de comptes. D’ailleurs, le service communication a déjà commencé à faire passer le message qu’il « ne s’agit que de rumeurs malveillantes ». Nous n’avons pas pu poser de questions précises à Aquilino Morelle sur ces sujets, mais alerté du fait que nous souhaitions parler de ses abus, il évoque lui aussi des « affirmations dénuées de tout fondement, qui visent uniquement à me salir. Il arrive dans la vie politique que certaines personnes aient intérêt à jeter la suspicion sur une autre ».

Bien sûr, dans un univers compassé, le goût du luxe très assumé d’Aquilino Morelle surprend. Mais où est le mal ? D’autant qu’Aquilino Morelle ne manque jamais de rappeler ses origines modestes, sa famille nombreuse immigrée espagnole, sa mère parlant mal le français, son père ouvrier affûteur chez Citroën. On peut être riche, de gauche, « foncièrement de gauche » selon Les Échos, passer beaucoup de temps au Flore, et trouver que « ce qui est dur, c'est de voir les ouvriers pleurer », ainsi qu’il le déclarait au quotidien.

Suite à l’affaire Cahuzac, les ministres ont dû remplir une déclaration de patrimoine. « Le fils du peuple qui n’oubliera jamais d’où il vient » (dixit le JDD) leur envoie alors une tribune qu’il avait publiée en juillet 2010 dans Libération, titrée « Un homme de gauche peut-il être riche ? ». Il y développe l’idée que « la sincérité d’un engagement ou la force d’une conviction ne peuvent se mesurer à la seule aune d’un compte en banque ». Ce que personne ne dément, ni au Palais ni ailleurs.

Mais à l’Élysée, ce sont les manières qui choquent. La façon dont il s’adresse au petit personnel, l’utilise, le terrorise. Et les abus multiples. Aquilino a obtenu que ses deux chauffeurs ne soient pas versés au pool commun. Ils sont donc à sa disposition… et à celle de ses proches. Par exemple, le mardi en fin d’après-midi, comme nous avons pu le vérifier, un des deux chauffeurs véhicule son fils pour des activités personnelles dans le XVe arrondissement.

Au su de tous, Aquilino Morelle n’hésite pas non plus à demander à ses secrétaires de s’occuper de ses affaires personnelles, par exemple quand il a un souci avec un de ses nombreux locataires. D’après nos recherches dans différents cadastres de France, Aquilino Morelle, qui vit dans le Ve arrondissement à Paris, possède en effet des biens immobiliers à Paris, Saint-Denis, Sarlat, Périgueux ou encore Perpignan, la plupart acquis en indivision avec sa femme, elle-même directrice de cabinet de la ministre de la culture.

Depuis janvier, le conseiller politique se serait mis à travailler. Car jusque-là, Aquilino Morelle était parfois présenté comme un bourreau, mais jamais de travail. En mai 2013, lors de la projection à l’Élysée du documentaire « Le Pouvoir », de Patrick Rotman, une bonne partie du cabinet est présente pour se voir à l’écran. Au milieu du film, une scène montre Aquilino Morelle qui arrive à l’Élysée et monte l’escalier qui mène à son bureau. Dans la salle de projection, une voix s’élève : « Tiens, il est 11 heures ! » Éclat de rire général.

Toute l’année 2012, Aquilino Morelle s’est ainsi attribué auprès du président les discours écrits par l’ancienne plume Paul Bernard, avec qui les relations s’étaient rapidement tendues. Alerté, le président a fini par sortir le nègre des griffes du conseiller en décembre 2012.

Très souvent, le conseiller spécial s’absente. Et personne ne sait où il disparaît. Aux bains du Marais, il nous a été confirmé qu’il venait, à une époque, « pas tous les vendredis, mais très souvent en effet, au milieu de l’après-midi. Pour le sauna, le hammam, un gommage, parfois un massage ». À d’autres moments, il s’adonne aux sports de combat, avec un certain talent paraît-il, qu’il ne faut cependant pas exagérer : Aquilino Morelle est parfois présenté comme multi-champion de France de karaté. Vérification faite auprès de la fédération française, il ne l’a jamais été. Ni même finaliste. Ni même champion dans les catégories jeunes (consulter ici les palmarès complets).

Le poste de conseiller spécial du président laisserait-il tant de temps pour les activités parallèles ? Il faut le croire puisque Aquilino Morelle occupe par ailleurs un poste de professeur à mi-temps à la Sorbonne, soit « 96 heures équivalent TD par an », explique l’université. Nommé pour la première fois en 2003, il a été renouvelé pour la deuxième fois en 2012 comme l’a déjà écrit le Lab Europe1. Il dispense trois enseignements : Régulation du système de santé en Master 2, Grands problèmes contemporains en Master 1 et un cours de culture générale préparant les étudiants au concours de l'ENA. Ce qui lui procure un petit complément de salaire, de l’ordre de 2 000 euros par mois.

Le président de la République a été alerté de certains écarts de son conseiller. Pendant la première année de mandat, message a ainsi été transmis à Aquilino Morelle d’arrêter de faire monter de la cave de l’Élysée des crus haut de gamme pour de simples déjeuners ou des réunions de travail, parfois avec des journalistes. Une pratique qui passe mal quand d’autres membres de cabinet disent rembourser leurs plateaux-repas à 8 euros. Quelques semaines plus tard, François Hollande décidera d’ailleurs de limiter la consommation de bons crus, et de vendre une partie de la cave de l’Élysée.

Lors des voyages officiels de début de quinquennat, certains se plaignent aussi de son goût peu modéré pour la piscine en journée et les chambres de luxe en soirée.

Rien ne semble trop beau, trop grand pour le conseiller du président. Dans son bureau – celui qu’occupait Henri Guaino sous la présidence Sarkozy – juste à côté de celui de François Hollande, il a demandé quelques menus travaux lors de son arrivée. Puis a fait changer des meubles plusieurs fois.

En avril 2013, alors que se solde l'affaire Cahuzac et qu'apparaissent au grand jour ses relations avec l'industrie pharmaceutique, une succession d’incidents au Palais semblent sonner son heure. Il est mis en retrait pendant plusieurs mois, ne participe plus aux déplacements à l’étranger ni à certaines réunions décisives. Mais François Hollande ne prend pas la décision de s’en débarrasser.

 

 
© Reuters

Et c’est même l’inverse qui se produit, à l’automne 2013, après plusieurs ratés dans la communication présidentielle. Il revient particulièrement en grâce au moment de l’affaire Julie Gayet. Puis il est carrément promu. Artisan du rapprochement Montebourg/Valls, il n’a de cesse de militer pour que Manuel Valls remplace Jean-Marc Ayrault. Ce qui advient le 31 mars 2014. Quinze jours plus tard, plus que jamais, il est parvenu à se placer au centre du dispositif et règne en maître à l’Élysée.

 

 

Boîte noire

À l’issue de cette longue enquête de six semaines, à plein temps, j’ai sollicité Aquilino Morelle le vendredi 11 avril, afin qu’il puisse répondre à mes nombreuses questions. Il rentrait d’un voyage officiel au Mexique le samedi 12 avril. Il m’a appelé dès son retour. Mais il a rapidement voulu que l’entretien se fasse par écrit, ce qui est contraire aux règles de Mediapart. Il a alors souhaité que je lui adresse les questions à l’avance. Nouveau refus, bien évidemment.

Il a alors exigé les thématiques, de la façon la plus détaillée possible. Ce que j’ai accepté de faire, en partie. Il a alors renvoyé un e-mail avec des éléments de réponse, forcément partiels. Nous avons fixé un rendez-vous, de façon que je puisse lui poser des questions complémentaires, insister, relancer, pointer les incohérences : autant de choses impossibles par écrit, ce que sait parfaitement un directeur de communication rodé.

Mais le rendez-vous a été repoussé plusieurs fois à sa demande, au vu de sa « lourde charge de travail ». Alors que nous devions nous voir mercredi 16 avril, il m’a de nouveau fait savoir qu’il ne pourrait honorer ce rendez-vous, me proposant d'envoyer de nouvelles questions par mail. Il n'y a pas répondu.

AJOUT: Ce jeudi 17 avril après-midi, Aquilino Morelle a publié un droit de réponse à Mediapart sur sa page Facebook. Il ne nous l'a pas spécifiquement adressé, mais comme ce message est public, nous le reproduisons en intégralité sous l'onglet Prolonger.Vous pouvez lire également en cliquant ici notre billet de blog qui répond à ce texte.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 21:32

 

 

Source : www.associations-citoyennes.net

 

Nous refusons le désastre social qui s’annonce

 

Communiqué

Paris, le 16 avril 2014

 

 

Nous refusons le désastre social qui s’annonce :

L’avenir ne se construira pas sans les associations citoyennes !

Le premier ministre a annoncé la réduction des dépenses publiques de 50 milliards en 3 ans et de 11 milliards de la dotation de l’État aux collectivités d’ici 2017 (soit 3 milliards par an). Ces décisions auraient pour conséquence, si elles sont appliquées, la disparition de très nombreuses associations et de dizaines de milliers d’emplois associatifs. La diminution du montant des dotations publiques constitue en effet  la principale variable d’ajustement laissée aux collectivités territoriales pour compenser la perte de leurs ressources tout en maintenant les crédits destinés à exercer leurs compétences obligatoires. (plus de précisions ICI) Ce gouvernement, comme les précédents, semble ignorer que les richesses produites par la très grande majorité les 1 300 000 associations sont constituées avant tout de développement humain, de démocratie et de participation à la vie de la cité, de renforcement du lien social et d’épanouissement des personnes. Paradoxalement, cette annonce tombe au moment même où le premier ministre affirme qu’il a besoin des associations pour gagner la bataille de l’emploi et reconstruire l’espérance, notamment dans les quartiers et les territoires ruraux ou périurbains où le désarroi gagne chaque jour du terrain. -        Les ruptures de financements publics ont des conséquences extrêmement graves pour les associations :un recul général de leurs capacités d’agir, y compris pour celles dont l’action ne repose que sur l’engagement bénévole, – une forte dégradation des conditions de travail, tant pour les salariés que les bénévoles, – la destruction de dizaines de milliers d’emplois qualifiés, porteurs d’expérience et de savoir faire associatifs, – leur remplacement partiel par des emplois précaires et sous qualifiés, souvent en substitution de services publics territoriaux détruits par ailleurs. En particulier la signature de milliers de contrat temporaires dit « emplois d’avenir », destinés à des jeunes peu qualifiés, ne saurait masquer durablement la réalité de ce plan social déguisé, – la disparition des associations les plus porteuses de citoyenneté, de lien social et de coopération. Les associations petites et moyennes  sont les plus frappées par ces mesures et par la multiplication des appels d’offres. À cette approche comptable s’ajoutent toutes les conséquences humaines et les souffrances que cela entraîne  par la destruction progressive des liens sociaux. La réduction aveugle des subventions est un non-sens, car la suppression des actions de prévention et de lien social génère des coûts bien supérieurs de maladie, de sécurité, d’action de réparation, etc…. Le coût des cotisations sociales perdues et des prestations de chômage induites par les licenciements est supérieur au montant des subventions supprimées. Uniquement préoccupés par leurs effets d’annonce et une vision court-termiste, les pouvoirs publics ne semblent plus s’intéresser à la globalité des choses. Leur seul objectif : appliquer l’idéologie de ce capitalisme libéral dominateur en France, dans l’Union Européenne et dans le monde. Face à ces décisions inacceptables, nous appelons les associations, en lien avec les collectivités et tous les acteurs qui partagent les mêmes valeurs d’égalité, de liberté, de fraternité et de démocratie, à se mobiliser par tous les moyens, avec leurs bénévoles, leurs salariés, leurs adhérents et usagers, pour résister à leur asphyxie et à la dégradation continue de nos conditions de vie ensemble. Nous demandons la mise en œuvre de politiques publiques concertées prenant en compte tout le tissu associatif et pas seulement quelques milliers de grosses associations, la restauration de relations avec les acteurs publics fondées sur le partenariat et non sur la commercialisation de prestations, le retour à des financements publics stables et garantis aux associations qui contribuent à l’intérêt général et au bien commun. « La reconduction à l’identique de la circulaire Fillon du 18 janvier 2010, qui tend à réduire les associations à un simple acteur économique, constituerait en l’occurrence une atteinte de plus à la vie associative » déclare Didier Minot, porte-parole du CAC, ajoutant qu’une mobilisation spécifique sur ce dossier était lancée. Les associations citoyennes refusent le désastre social qui attend la France au bout de cette course à l’austérité (aggravant les déficits publics), expérimenté dans d’autres pays européens comme le Portugal, l’Irlande ou la Grèce, et dans plus de 80 pays depuis 30 ans. Rester silencieux aujourd’hui à ce sujet, c’est faire courir un risque majeur à notre pays à brève échéance.

P1140508 web (4)

Version PDF ICI

www.associations-citoyennes.net et www.nondisparitionassociations.net

Contact : Isabelle Boyer au 07 70 98 78 56, contact@associations-citoyennes.net

 

Source : www.associations-citoyennes.net

 


 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 20:57

 

Source : blogs.rue89.nouvelobs.com/yeti-voyageur

 

Les bénéfices d’une sortie de l’euro selon Jacques Sapir

 

Le Yéti - voyageur à domicile

Publié le 16/04/2014 à 09h20

 

 

Intéressante étude de Jacques Sapir sur les mérites et inconvénients d’une sortie de l’euro. Il ressort de son texte court mais dense que les avantages d’un retour aux monnaies nationales primeraient largement sur les risques que les eurolâtres déchaînés montent en mayonnaise pour affoler la foule (des électeurs).

L’enterrement de quelques idées reçues

Jacques Sapir tord d’abord le cou à quelques grossières idées reçues :

  • non, ni l’Union européenne, ni la zone euro ne peuvent prétendre représenter toute l’Europe à elles seules ;
  • non, ni l’une ni l’autre n’ont été des « forces de paix » sur le vieux continent, mais « cause de conflit en précipitant hier la désintégration de l’ex-Yougoslavie et la guerre civile qui en a résulté » (on pourrait rajouter l’exemple tout frais de la dissolution de l’Ukraine par des putschistes « pro-euro ») ;
  • enfin, plutôt que de faciliter la coopération entre les pays membres, UE et zone euro ont surtout figé leurs relations entre ceux-là, favorisé la contagion de la crise financière de 2008 et ouvert toutes grandes les vannes du chômage de masse.

Les trois avantages d’un retour à une monnaie nationale

Sortir de l’UE et de sa monnaie unique implique naturellement un retour à des monnaies nationales. Jacques Sapir en a mesuré précisément les trois avantages :

  • une dévaluation de fait d’environ 20 % du Franc entraînerait ce « choc de compétitivité » si recherché et bénéficierait à la croissance, même en cas de dévaluation plus importantes des monnaies espagnoles et italiennes ;
  • l’effet bénéfique immédiat sur les recettes fiscales diminuerait fortement le poids de la dette ;
  • l’impact bénéfique de la reprise sur l’emploi serait également et rapidement conséquent.

Ne pas surévaluer les inconvénients d’une dévaluation

Jacques Sapir ne néglige pas les inconvénients résultants d’une sortie de l’Euro et d’une forte dépréciation du Franc. Inconvénients « qu’il ne faut cependant pas s’exagérer ». Sapir en répertorie quatre :

  • la hausse du prix des carburants, résultant d’une dépréciation de 20 % du Franc, n’excéderait pas 6 % ;
  • la perte des détenteurs étrangers d’obligations françaises seraient en partie compensée par la hausse des taux d’intérêts ; il n’y aurait aucun changement pour les détenteurs français de cette dette puisque celle-ci est essentiellement détenue par des banques françaises ;
  • l’inflation due à la dévaluation serait limitée à 5 % la première année, 3 % la suivante ;
  • enfin, le risque politique concernerait surtout les pays membres qui prendraient trop tard et en marche le train du retour inévitable aux monnaies nationales.

Une analyse pertinente et philosophiquement satisfaisante

On peut reprocher à Jacques Sapir de fonder son analyse sur les credos du monde d’avant : la reprise, la croissance, la compétitivité, le mythe du retour à l’emploi. Mais tant qu’à faire de rester dans une certaine logique économique, le choix de Sapir paraît infiniment plus sain que les hérésies malsaines imposées par la Troïka.

On pourrait trouver un brin excessif son recours systématique à une modélisation mathématique qui ne prend guère en compte l’impondérable des réactions humaines.

Les grotesques études, catastrophistes à l’extrême, comme celles de l’Institut Montaigne, brandissant leurs épouvantails dans le seul but, idéologique, de discréditer toute remise en cause des vieilles structures finissantes, montrent que l’oligarchie dominante est absolument prête à tout, même au pire, pour préserver ses intérêts et son pouvoir.

Il n’en demeure pas moins que les conclusions de Jacques Sapir restent bien plus pertinentes – et philosophiquement bien plus satisfaisantes – que les cris d’orfraies pathétiques poussés par les tenants d’un monde révolu et d’un ordre détestable.

Aller plus loin

 

 


                                                                             *************************************
Sortir de l’Euro
14 avril 2014
 

Les élections européennes vont être l’occasion de faire le point sur le sentiment des peuples face à la construction de l’Union Européenne. On sait que cette opinion s’est fortement dégradée depuis 2009, ce que montrent nombre de sondages. Le problème est particulièrement aiguë en France où, pour la première fois, le nombre d’opinions défavorables à l’Union Européenne est majoritaire.

Il convient tout d’abord de rappeler que l’Union Européenne n’est pas l’Europe, quoi qu’elle puisse le prétendre. L’Europe est une réalité géographique, une réalité politique – même et y compris dans ses conflits – et, bien entendu, elle est une réalité culturelle. Cette réalité a existé bien avant que ne naissent les premiers projets d’union ou de fédération.

L’Union européenne n’est pas l’Europe…

L’Europe a existé, culturellement et d’une certaine manière politiquement, bien avant la Communauté Économique Européenne (ce que l’on appelait le « Marché Commun » et qui est l’ancêtre de l’UE) et bien entendu avant l’UE. L’UE a institutionnalisé des mécanismes de coopération, mais elle a aussi figé les relations entre les pays Européens qui en faisaient par et a déstabilisé largement ceux qui étaient à sa périphérie. L’UE, et la CEE avant elle, n’ont pas été des « forces de paix » à l’échelle du continent européen. Le prétendre, c’et oublier le rôle fondamental de la dissuasion nucléaire, assurée par des Etats (le couple URSS-Etats-Unis puis la Grande-Bretagne et la France). La dissuasion nucléaire, en rendant impossible une guerre majeure en Europe, et ceci en particulier dès que la dissuasion française est devenue effective (milieu des années 1960) a joué un rôle bien plus décisif que la CEE et l’UE dans le maintien de la paix. C’est à ce moment là que la réflexion militaire en Union soviétique commence à argumenter que toute guerre majeure débouchera sur une guerre nucléaire et  que l’on ne peut pas gagner une guerre nucléaire[1]. De ce point de vue, la contribution de la CEE et de l’UE au maintien de la paix en Europe est plus que discutable. L’UE a été une cause de conflit, en précipitant hier la désintégration de l’ex-Yougoslavie et la guerre civile qui en a résulté. Il faut se souvenir que la cause essentielle de cette désintégration fut l’attraction de l’UE sur la Slovénie et la Croatie. La mise ne place d’un plan de stabilisation, dont les effets étaient perçus de manière inégale entre les Républiques de la Yougoslavie, a attisé l’opposition entre la Croatie et la Serbie. Mais, c’est bien la perspective d’une adhésion rapide à l’UE qui a convaincu les dirigeants slovènes et croates de faire sécession. Le même phénomène est aujourd’hui à l’œuvre en Ukraine.

Enfin, la politique économique menée par l’UE depuis 2009 (et même depuis en réalité 2000 dans la zone Euro) est la cause de la faible croissance européenne et de la montée astronomique du chômage en Grèce (plus de 28%) en Espagne, au Portugal, mais aussi en Italie et en France. Loin de protéger les populations, l’UE s’est trop ouverte et elle a favorisé la contagion de la crise financière de 2007-2008[2]. On peut comprendre, dans ces conditions, le ressentiment que de nombreux électeurs éprouvent, qu’il s’agisse de l’UE ou plus précisément de la zone Euro qui est elle directement en cause dans la stagnation économique et la crise que connaissent certains pays. C’est l’une des raisons du mécontentement anti-européen qui monte aujourd’hui dans divers pays. C’est pourquoi, les élections européennes de mai 2014 porteront entre autres sur la question de l’Euro. Cette question est en réalité posée depuis le début des années 2000[3], mais il est vrai qu’elle n’a pris la dimension d’un problème central que depuis la crise de la Grèce fin 2009[4].

Les avantages d’une dissolution de l’Euro

Une sortie de l’Euro, qu’elle résulte d’une dissolution coordonnée de la zone Euro ou d’une sortie « sèche », aurait de nombreux avantages pour les pays de l’Europe du Sud et en particulier pour la France. On a tenté d’en mesurer les effets dans un ouvrage publié en septembre 2013[5].

Tout d’abord, à travers une dépréciation du Franc retrouvé qui pourrait être de 20% à 30% (et tout concourt à penser qu’en réalité on sera autour de 20%) cela reconstituerait immédiatement la compétitivité des entreprises françaises, tant à l’export que sur le marché intérieur français. C’est le « choc de compétitivité » dont l’économie française et l’industrie en particulier ont besoin. Par rapport à cela le fameux « pacte de responsabilité » du gouvernement ne représente qu’une pichenette. Notons ici qu’une dévaluation de l’Euro, telle qu’elle est défendue par le Ministre de l’Économie M. Arnault Montebourg, n’aurait que des effets bien plus réduit. Elle ne jouerait que par rapport aux pays de la zone Dollar. C’est certes important, et le Ministère des Finances a calculé qu’une dépréciation de 10% entraînerait un gain de 1,2% à 1,8% de croissance du PIB. Ceci valide d’ailleurs les hypothèses de calcul qui ont été utilisées dans l’ouvrage paru en septembre[6]. Notons aussi que ces calculs donnent tort à tous ceux, et ils sont nombreux, qui prétendent que aujourd’hui la compétitivité n’est plus mesurée par le coût du produit.

Mais la France ne fait qu’environ 50% de son commerce international avec la zone Dollar. Le reste se fait avec la zone Euro, et concerne pour l’essentiel nos échanges avec l’Allemagne, mais aussi avec l’Italie et l’Espagne. C’est bien pourquoi une sortie de l’Euro serait bien plus avantageuse qu’une simple dépréciation de l’Euro. Les calculs qui ont été réalisés avec P. Murer et C. Durand montrent que dans une telle hypothèse, et en admettant que la dépréciation de la monnaie italienne et de la monnaie espagnole soit plus importante que celle du Franc, autrement dit en adoptant une hypothèse de dévaluations compétitives des divers autres pays de l’Europe du Sud, cela donnerait un coup de fouet impressionnant à l’économie française, entraînant une croissance – toute chose étant égale par ailleurs – de 15% à 22% sur une durée de 4 ans. Il faut ici signaler que non seulement l’industrie serait la grande bénéficiaire de cette dépréciation, mais que son effet bénéfique se ferait aussi sentir dans les services, soit dans les services associés à l’industrie soit dans des branches qui sont très sensibles à des mouvements de taux de change, comme le tourisme, l’hôtellerie et la restauration.

Un deuxième avantage induit serait une forte réduction du poids de la dette, sous l’effet des recettes fiscales engendrées par cette croissance. Il deviendrait possible d’alléger le fardeau de la fiscalité pesant sur les ménages et sur les entreprises. Dans les quatre années suivant la décision de sortir de l’Euro, nous verrions le poids de la dette publique passer de 93% du PIB à 80%-66% suivant les hypothèses. C’est bien plus que ce que l’on pourra jamais réaliser en restant dans l’Euro.

Un troisième avantage, et de mon point de vue c’est le plus important, serait de faire reculer massivement le chômage, et de créer en grande quantités des emplois dans l’industrie. Ici encore, nous avons estimé – sur la base des demandeurs d’emploi de catégorie A – que l’on aurait une création nette d’emploi de 1,5 à 2,2 millions en trois ans. Rapporté aux autres catégories utilisées par la DARES, le gain devrait être encore plus important car la croissance permettrait de pérenniser nombre d’emplois précaires. Si l’on considère le total des catégories A, B et D, le gain pourrait se monter de 2,5 millions à 3 millions d’emplois. Notons qu’un tel retour massif à une situation de plein emploi améliorerait immédiatement le financement des caisses d’assurance-chômage, mais aussi celles de l’assurance-vieillesse.

Les inconvénients potentiels d’une sortie de l’Euro

Une sortie de l’Euro et une forte dépréciation de la monnaie (le Franc) auraient aussi des inconvénients, qu’il ne faut cependant pas s’exagérer.

Tout d’abord, il y aurait une hausse des produits importés quand ils proviennent de pays par rapport auxquels le Franc se serait déprécié (Allemagne, pays de la zone Dollar). C’est d’ailleurs le but de toute dépréciation de la monnaie. Mais, cet inconvénient est fortement surestimé par des politiciens sans scrupules qui ne cherchent qu’à affoler la population pour défendre l’Euro. Ainsi, dans le cas des carburants, compte tenu du poids immense des taxes, une dépréciation de 20% du taux de change du Franc par rapport au taux actuel de l’Euro face au Dollar, ne provoquerait qu’une hausse de 6% du prix à la pompe. On voit que ceci est très raisonnable.

Il y a ensuite la dimension financière des conséquences d’une telle dépréciation. Regardons tout d’abord ce qu’il en est en ce qui concerne la dette publique. On sait que les Obligations émises par le Trésor public, quand elles sont émises depuis le territoire français, doivent être remboursées dans la monnaie ayant cours légal en France. C’est la seule obligation légale les concernant. Si cette monnaie n’est plus l’Euro mais le Franc, elles seront remboursées en Franc. Et, si le Franc s’est déprécié vis à vis de l’Euro les détenteurs étrangers d’obligations françaises prendront leurs pertes, tout comme un détenteur français de bonds du Trésor américain prend ses pertes quand le Dollar se déprécie fortement face à l’Euro. Cependant, il est clair que cela provoquera par la suite une hausse des taux d’intérêts (ce que l’on appelle dans le jargon financier une « prime de risque ») pour toute nouvelle émission. Mais, on peut parfaitement contourner ce problème. Il faudra réintroduire le mécanisme qui existait jusqu’au début des années 1980, et qui obligeait les banques françaises (ou toute banque souhaitant travailler en France) à avoir dans leur bilan un certain montant d’obligations du Trésor (mécanisme du plancher obligatoire des effets publics).

Pour les dettes mais aussi l’épargne des particuliers et des entreprises, comme cette épargne et ces dettes sont essentiellement détenues dans des banques françaises, il n’y aurait pas de changement. Il est ainsi criminel, comme le font certains politiciens tant de l’UMP que du PS, d’aller affirmer – en cherchant à affoler une nouvelle fois la population – qu’une dépréciation de 20% du Franc se traduirait par une perte de 20% de l’épargne. En réalité, et tous les économistes le savent, il n’y a de perte de valeur que dans la mesure où l’on achète, avec son épargne, des biens provenant de pays par rapport à la monnaie desquels le Franc s’est déprécié. Pour les achats réalisés en France, ou de produits (et de services) français, ce qui représente plus de 60% des transactions en volume, il n’y aurait aucun changement. De plus, certains pays ayant une monnaie se dépréciant plus que le Franc (l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce), l’épargne française verrait son pouvoir d’achat se réévaluer pour des opérations dans ces pays.

Le seul véritable inconvénient est une poussée d’inflation qui se fera sentir dans les 24 mois succédant à cette sortie de l’Euro et cette dépréciation du Franc. L’inflation induite par la dépréciation du France devrait être de 5% la première année et de 3% la seconde. Il faudra, pour y faire face, rétablir très probablement des mécanismes d’indexation des salaires et des pensions. Néanmoins, toute hausse de l’inflation, aura aussi pour effet de faire baisser mécaniquement les taux d’intérêts réels (par la différence entre le taux nominal et le taux d’inflation). Ceci pourrait avoir un effet très positif sur l’investissement des ménages et des entreprises. De plus, l’inflation efface mécaniquement une partie de la dette accumulée. Aussi, même la perspective de connaître à nouveau une période de relative inflation ne doit pas être vue comme uniquement un inconvénient, mais bien comme quelque chose qui pourrait être utile pour l’économie.

Il faut enfin ajouter que, bien entendu, des réformes sont nécessaires en France. Mais, tous les pays qui ont fait des réformes de profondeur l’ont fait APRÈS une forte dépréciation de la monnaie. Sortir de l’Euro, laisser le Franc se déprécier, cela peut être un premier pas décisif sur la voie des réformes.

Le risque politique d’une sortie de l’Euro

Le risque politique n’est pas à négliger, mais il convient de dire que le risque d’une séparation est d’autant plus facile à envisager qu’il est anticipé. C’est le paradoxe central d’une dissolution de la zone Euro. Personne ne veut, au niveau des gouvernements, l’envisager ouvertement. Pourtant, cette attitude est profondément autodestructrice. En effet, si cette dissolution pouvait se faire de manière coordonnée, le choc serait minime. Mais, le refus actuel des gouvernements à envisager cette solution ne laisse plus comme solution qu’une sortie de l’Euro par un ou deux pays (l’Italie et la France) entraînant à sa suite une désintégration générale de l’Euro qui pourrait prendre entre 6 mois et un an. Dans ces conditions, il est clair que les pays qui souffriront le plus seront ceux qui sortiront de l’Euro les derniers. Dans une telle situation, il y a en effet une prime au « premier sorti », qui bénéficie à plein de l’effet de dépréciation de sa monnaie. C’est d’ailleurs pour cette raison que dès qu’un pays important aura quitté l’Euro le mouvement de sortie deviendra rapidement irréversible. S’il s’agit de la France, l’Italie se verra obligé de nous imiter en quelques semaines. La sortie de la 2ème et de la 3ème économie de la zone Euro entraînera celle de l’Espagne (4ème économie), et en chapelet le Portugal, la Grèce, mais aussi la Belgique et les Pays-bas. Si l’Italie sort la première, la pression sur l’économie française deviendra telle que nous devrons nous aussi sortir dans les trois mois qui suivent. Quelle que soit l’origine, la chaîne des sorties successives sera activée et deviendra une réalité en moins de douze mois.

La dissolution de la Zone Euro, ou des sorties de certains pays, ont bien été étudiées dans de nombreux pays : Allemagne, France, Italie, Espagne et Pays-Bas. Dans les études officielles, que ce soit celles qui ont été réalisées par les Banques Centrales, ou par les Ministères des Finances, et dont j’ai pu avoir connaissance, le bilan d’une telle sortie est globalement positif. Il est même très positif pour la France et l’Italie, et c’est ce qui inquiète les partisans d’une défense absolue de l’Euro. Toutes ces études mettent en avant le caractère positif d’une dépréciation du taux de change. L’obstacle se situe donc au niveau politique. Des études « privées » ont aussi été réalisées, et mon centre de recherches y a contribué[7]. Certaines de ces études ont été faites dans le but de discréditer une sortie de l’euro, et elles font état de résultats aberrants. Ainsi, l’Institut Montaigne envisage une chute importante du PIB sans donner d’indication sur le pourquoi ni le comment du calcul. Cela jette un grand doute sur certaines de ces études. On peut penser que les chercheurs supposent un effondrement du commerce à l’intérieur de la zone Euro. Mais, le retour aux monnaies nationales – qui est d’ailleurs largement anticipé dans nombre de banques et d’entreprises – ne compromettra nullement ce commerce, tout comme le passage à la monnaie unique n’a pas produit le surcroît de commerce et de croissance que certains prédisaient.

En ce qui concerne la fraction de la dette publique détenue par des « non-résidents », toutes les personnes interrogées, qu’elles appartiennent à des administrations ou à des banques privées, reconnaissent que le principe de la « Lex Monetae », soit le fait que la dette d’un pays, si elle émise dans ce pays doit être remboursée dans la monnaie du pays, que cette monnaie s’appelle l’Euro ou un autre nom (Franc, Lire Italienne, Pesetas espagnole…) s’appliquera. Il n’y aura pas d’espace pour des procès en droit international.

Reste alors un argument souvent évoqué : quel serait le poids d’un pays comme la France dans la « mondialisation » si nous sortions de l’Euro. Mais, cette mondialisation n’empêche pas la Corée du Sud (44 millions d’habitants) ou même Taiwan, de bien fonctionner. En Europe, la Suède et la Grande-Bretagne ne se portent pas plus mal de n’être pas dans la zone Euro. En fait, ceux qui tiennent ce discours sont les héritiers indirects du régime de Vichy, en ceci qu’ils ne font pas confiance en notre pays, en ses valeurs et en ses capacités. Il faut avoir confiance dans les points forts de la France, qui sont nombreux. Il est de plus important de préserver notre modèle social, qui fait désormais partie de notre culture politique ce que reconnaît le préambule de notre Constitution ce que l’on a trop tendance à oublier. De ce point de vue, la pratique du Conseil Constitutionnel a été honteuse dans l’accommodation à des règles étrangères.

Dire cela ce n’est nullement refuser de coopérer avec les autres pays d’Europe. Dire cela ce n’est nullement refuser de coopérer avec des pays européens qui ne font pas partie de l’UE comme la Russie qui est à la fois en Europe et en Asie. Dire cela, ce n’est nullement refuser de coopérer avec les pays d’Afrique. Aujourd’hui, l’Union Européenne fait obstacle à une vision plus large de nos coopérations. Où est l’UE quand la France s’engage au Mali ? Par contre, la Russie est à nos côtés, et ce sont des avions russes qui assurent une bonne part de la logistique de nos opérations extérieures. Il faut en tirer les leçons, aussi déplaisantes qu’elles puissent être pour certains.

La posture de l’État-Nation est, par ailleurs, et il faut le rappeler sans cesse et sans faiblir, la seule à garantir la démocratie, car il ne saurait y avoir de démocratie sans souveraineté ni légitimité. Ici encore, qu’il s’agisse de raisons conjoncturelles, et ce sont des raisons importantes, ou de raisons de principe, il est clair que la France doit s’attacher à retrouver sa souveraineté.

De la solidarité entre les pays européens

C’est un véritable problème, mais il est très mal posé. Tout d’abord reconnaissons qu’avec une budget de l’UE égal à 1,26% du PIB, et dont une large partie est dévorée par la bureaucratie bruxelloise, cette solidarité ne peut être financière. On l’a vu avec le cas de la Grèce et de l’Espagne. L’aide n’a pas été fournie aux populations, mais aux créditeurs des banques et de l’État, soit avant tout aux banques françaises et allemandes. Il faut dire et redire ici que l’on a fait payer aux populations de ces deux pays le soutien à nos banques. Ni plus ni moins.

De plus, sans doute exige-t-on trop de la solidarité de peuples qui ne se connaissent que peu et mal. La solution du fédéralisme intégral doit être rejetée en raison de la charge financière qu’un tel fédéralisme ferait porter sur certains pays, comme l’Allemagne en particulier. Il n’est pas réaliste de penser que les Allemands pourraient contribuer à hauteur de 8% à 12% de leur PIB pendant plusieurs années aux budgets des pays du Sud de l’Europe. Cette solidarité doit donc être déplacée sur le terrain du politique et doit pouvoir s’incarner dans des projets, tant industriels que scientifiques, menés dans des cadres bi ou multilatéraux. Tel fut, il faut s’en souvenir, l’origine d’Airbus et d’Ariane.

L’Euro est condamné

Aujourd’hui, nous avons la possibilité de dire que la monnaie unique est condamnée, tant pour des raisons conjoncturelles (le poids de l’austérité qu’elle impose aux peuples du Sud de l’Europe) que pour des raisons principielles. Ce fut folie que de faire la monnaie unique sans réaliser au préalable l’Europe sociale et fiscale. Ce fut folie en effet que de faire une monnaie unique entre des pays dont les structures, tant économiques que sociales et démographiques étaient aussi différentes et divergentes. Ce fut folie que de faire une monnaie unique entre des pays qui, en conséquence, avaient des taux de gains de productivité très différents et des inflations structurelles (ainsi qu’un rapport entre l’inflation et la croissance) aussi différent. L’Euro a été réalisé pour des raisons politiques. On a cru qu’en imposant un premier élément d’Europe fédérale, alors que les populations en refusaient le principe, on arriverait, par petits  bouts, à construire subrepticement cette Europe fédérale. On a vu le désastre auquel cette politique du fédéralisme furtif a conduit. Les dirigeants, et M. Jacques Delors en premier, ont cru que l’économie se plierait à la politique. Mais, les faits sont tétus. Quand on les méprise, ils se vengent. La divergence macroéconomique entre les pays de la zone Euro était évidente dès 2006. J’avais tiré la sonnette d’alarme à cette époque[8]. Elle est devenue insupportable avec la crise financière et ses conséquences. Avant que la crise de l’Euro n’emporte tout, il serait plus sage de dissoudre l’Euro et de commencer à voir entre quels pays il serait possible d’organiser une convergence tant sociale que fiscale, qui pourrait permettre de reconstruire, dans un délai qui reste à préciser, un instrument monétaire commun.

On nos dira alors qu’il faut « changer l’Europe ». Vieille antienne devenue une véritable scie. Mais, c’est un discours que l’on tient depuis plus de vingt ans et qui n’a aucun effet, pour des raisons qui sont d’ailleurs simples à expliquer. Pour changer l’Union Européenne, il faudrait que les 27 autres pays se convertissent à nos valeurs, et à notre situation. Tache impossible et même tache malsaine, car la différence peut être source d’enrichissement. Mais alors, il faut trouver des solutions permettant à ces différences de s’exprimer sans que nous ayons à en payer les frais. Cela impose des changements institutionnels substantiels. Ce n’est pas « changer l’Europe » qu’il faut, mais bien « Changer d’Europe », et pour cela ne pas hésiter à détruire ce qui est un obstacle, comme l’Euro. Tel est le point capital qui doit guider notre vote lors de ces élections européennes.


[1] Les Voroshilov Lectures le confirment, à partir de 1971-72.

[2] Sapir J., « From Financial Crisis to Turning Point. How the US ‘Subprime Crisis’ turned into a worldwide One and Will Change the World Economy » in Internationale Politik und Gesellschaft, n°1/2009, pp. 27-44.

[3] Sapir J., « La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84.

[4] Sapir J., « Is the Eurozone doomed to fail », pp. 23-27, in Making Sense of Europe’s Turmoil, CSE, Bruxelles, 2012.

[5] Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand) Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.

[6] Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand), op.cit..

[7] Voir Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand), op.cit..

[8] Voir mon article « La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84.


Ses travaux de chercheur se sont orientés dans trois dimensions, l’étude de l’économie russe et de la transition, l’analyse des crises financières et des recherches théoriques sur les institutions économiques et les interactions entre les comportements individuels. Il a poursuivi ses recherches à partir de 2000 sur les interactions entre les régimes de change, la structuration des systèmes financiers et les instabilités macroéconomiques. Depuis 2007 il s'est impliqué dans l’analyse de la crise financière actuelle, et en particulier dans la crise de la zone Euro.

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Source : russeurope.hypotheses.org

 


 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 20:35

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

Explicateur 17/04/2014 à 16h40
Alors l’austérité, ce serait couper un doigt à chaque Français ?
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

 


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Manuel Valls, Premier ministre, chez Pujadas, mercredi soir : « Il ne s’agit pas d’un plan d’austérité. L’austérité, ce serait d’empêcher la création d’emplois publics. »

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales ce jeudi matin, sur Inter  : « L’effort, il ne consiste pas à baisser les prestations, ça ce serait l’austérité. L’austérité, c’est la baisse des salaires, des ressources, des rémunérations. »

Michel Sapin, ministre des Finances, ce jeudi matin sur RTL : « On n’est pas dans une politique d’austérité, on est dans une politique sérieuse. [...] On ne va pas baisser les prestations. »

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Vendredi 5 juillet 2013, lors d’une conférence, le premier ministre Jean-Marc Ayrault : « Ce que nous faisons ce n’est pas de l’austérité, c’est le sérieux budgétaire. [...] L’austérité, c’est autre chose. C’est la déconstruction d’un système social historique. »

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Discours à l’Assemblée du premier ministre Jacques Chaban Delmas, le 16 septembre 1969 : « Rien ne sera facile, certes. Les mesures prises doivent nous permettre de limiter à quelques mois la phase d’austérité, d’ailleurs toute relative et de retrouver des bases économiques saines. »

Forward ⏩ ⏩

Nicolas Sarkozy, dans L’Express, le 3 mai 2011 : « Nous avons réduit cette année notre déficit de 14 milliards d’euros de plus que prévu : il faut continuer. Ce n’est pas de l’austérité, c’est de la raison. »

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Bon. Qu’est-ce que l’austérité, terme que détestent visiblement les gouvernants, quel que soit leur bord ? Quand commence-t-elle ? Comment la mesure-t-on ?

                                                                                                                                                                                                                             1 Austérité, tentative de définition

 

Ce n’est pas, comme le suggèrent presque Manuel Valls, Marisol Touraine ou Michel Sapin, trancher la gorge des Français ou leur couper des doigts ni baisser leurs salaires.

On parle généralement d’austérité en période de difficultés économiques : les déficits publics s’accroissent car lorsque la croissance est en berne, les recettes fiscales (TVA...) entrent moins bien et les dépenses sociales (allocations chômage...) sont plus importantes.

L’austérité consiste à lutter contre cette tendance, en augmentant les impôts et/ou en empêchant la hausse des dépenses. Ce choix n’est pas neutre : ces politiques d’austérité freinent la croissance déjà faible. Les économistes parlent de politiques « récessives » (car elles affectent la croissance) ou « procycliques » (car elles vont dans le sens du cycle économique, au lieu de le contrecarrer).

L’austérité, ce n’est donc pas forcément « baisser » les dépenses publiques. Geler les salaires dans la fonction publique, geler les prestations sociales, geler les revalorisations du RSA... C’est déjà un choix « procyclique ».

Oui, Manuel Valls, Michel Sapin, Marisol Touraine, vous faites de l’austérité.

                                                                                                                                                                                                                             2 A partir de quand l’austérité commence ?

 

Vous tombez du canoë, dans la Loire : vous pouvez nager vigoureusement dans le sens du courant pour arriver le plus rapidement possible vers la rive ; vous pouvez vous laisser porter paresseusement par le courant ; vous pouvez vous épuiser à essayer de le remonter.

De même, trois politiques sont possibles en période de ralentissement :

  • les politiques de relance ;
  • les politiques « neutres » ;
  • l’austérité.

L’austérité ne commence pas quand « on baisse les prestations » ou « quand on baisse les salaires » : elle commence quand on cesse d’être neutre face à la dégradation des déficits liée à la mauvaise conjoncture. Quand on commence à s’épuiser à remonter le courant.

  • Relance  : c’est ce que prônent les économistes keynésiens : on ne se soucie pas, à court terme, du déficit public, car il disparaîtra plus facilement si l’on fait redémarrer la croissance. Au lieu de freiner celle-ci, il vaut mieux l’encourager par une politique « contracyclique » (une politique qui va à l’encontre du cycle économique). On peut baisser des impôts et augmenter des dépenses publiques.
  • Politique neutre  : si la croissance ralentit, une politique neutre consiste à ne pas chercher à « compenser » les baisses de recettes ou les hausses de dépenses qu’entraîne mécaniquement ce ralentissement. On laisse jouer les stabilisateurs automatiques : par exemple les allocations chômage augmentent, ce qui amortit l’impact de la disparition des salaires.
  • Austérité  : malgré la mauvaise conjoncture, on maintient un cap chiffré de réduction du déficit. Et si l’économie flanche un peu plus, on accroît encore l’effort pour parvenir à l’objectif – ce qui le plus souvent aggrave la situation... Cela semble déraisonnable. Mais c’est pourtant au nom de la « raison », du « sérieux », que les gouvernements européens suivent cette politique. Ils cherchent à séduire les marchés (et obtenir de meilleurs taux d’intérêt) et à contenir la dette publique.

 


Le cercle vicieux de l’austérité (Rue89)

                                                                                                                                                                                                                             3 Comment mesure-t-on le degré d’austérité ?

 

La mesure la plus simple est de calculer les hausses d’impôts et les baisses de dépenses engagées volontairement par les gouvernements. Puis on observe si ces mesures ont été accentuées ou non.

Ainsi, au début de l’année dernière, la comparaison des politiques budgetaire et fiscale montrait que la France se distinguait par l’accentuation de l’austérité.

 


L’austérité budgétaire en France en 2013 (Via Sober Look)

 


La consolidation fiscale entre 2011 et 2013 (OCDE/The Economist)

 

Le tableau ci-contre, proposé par The Economist, donne une idée de la « consolidation fiscale » entre 2011 et 2013 : les mesures visant à augmenter les recettes sont en bleu foncé, les coupes budgétaires en bleu clair.

Autre méthode simple, pour mesurer l’intensité des politiques d’austérité, observer l’évolution du déficit budgétaire « structurel ». Il s’agit du déficit qui n’est pas lié à la détérioration de la conjoncture : le déficit qui serait constaté même si la croissance était sur sa pente habituelle.

Si la courbe de ce déficit est plate, c’est le signe que la politique budgétaire adoptée est neutre.

Voici l’évolution du déficit structurel primaire (primaire = hors intérêt de la dette) dans la zone euro. On y voit que les pays ont creusé les déficits au début de la crise, suivant en cela des politiques contracycliques, conformes à ce que préconise la théorie économique.

Puis, au début de l’année 2010, ils ont brutalement inversé leurs politiques, pour adopter tous ensemble des mesures d’austérité, ce qui n’a pas manqué d’étouffer toute chance de reprise économique.

 


Déficit structurel primaire de la zone euro (IMF/Paul Krugman)

 

La politique économique de la France a suivi le même chemin. Sur la courbe ci-dessous, le Crédit Agricole montre les deux composantes du déficit : la partie conjoncturelle et la partie structurelle. On voit que la baisse du déficit public (vert) ne tient aujourd’hui qu’à la réduction du déficit structurel (orange), c’est-à-dire aux mesures dites de « sérieux budgétaire ».

 


Le déficit structurel de la France, en orange (Crédit agricole)

 

Ces politiques d’austérité sont un désastre : même les institutions comme le FMI ou l’OCDE s’en rendent compte. Mais les gouvernements européens, après quelques mois de lucidité en 2008, persistent à les poursuivre, fétichisant les critères absurdes prévus par leurs traités, au détriment de leurs populations.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 20:23

 

Source : www.mediapart.fr

 

Travailleurs détachés: la fin du «dumping social» n'est pas pour demain

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

Une majorité d'eurodéputés a approuvé mercredi le compromis final sur les travailleurs détachés, avec le soutien des socialistes français. La portée limitée du texte ne mettra pas un terme aux multiples abus des dernières années.

Après des années de débats électriques, une large majorité d'eurodéputés a fini par donner son feu vert, mardi à Strasbourg, à un tout petit accord sur les travailleurs détachés. Le compromis final, adopté à 474 voix contre 158 (39 abstentions), avec le soutien des socialistes français, ne fait qu'aménager à la marge la directive fondatrice de 1996. La commission avait, dès le départ, refusé de proposer une nouvelle directive qui puisse répondre à l'ensemble des abus constatés sur le terrain. Pas de quoi mettre fin, pour de bon, à la rivalité entre travailleurs européens.

Comme attendu, le groupe des socialistes au parlement s'est fortement divisé sur la question : si le PS a voté pour, des élus socialistes d'Italie, d'Espagne ou de Belgique ont eux rejeté le compromis. La majorité s'est constituée autour d'une alliance de circonstance entre le PPE (droite, majoritaire), les libéraux, les Verts et donc une partie des socialistes. La gauche unitaire européenne (GUE) a voté contre ce texte, qui n'a pratiquement pas bougé par rapport au compromis scellé par les ministres des 28 en décembre, et qui s'efforce de préciser, par exemple, la définition juridique du « détaché » pour éviter certains abus. 

Sur le front institutionnel, le dossier est désormais classé. Mais il pourrait resurgir à tout moment, durant la campagne des européennes jusqu'à fin mai, alors que le Front national de Marine Le Pen a fait de ce texte l'un des symboles d'une Europe qui organiserait le « dumping social », sourde aux intérêts des travailleurs nationaux – c'est un texte « criminel », a-t-elle jugé mardi.

Sur le terrain, les dégâts provoqués par la directive de 1996 sont profonds. Environ 1,2 million de travailleurs étaient considérés comme « détachés » en 2011 sur le continent – c'est-à-dire envoyés dans un autre État membre par leur entreprise, au nom de la « libre prestation des services » prévue par les traités. À l'origine, le texte, entré en vigueur en 1999, encadrait surtout l'arrivée de travailleurs grecs ou portugais dans les pays d'Europe du Nord. Mais l'élargissement à l'Est à partir de 2004 a changé la donne, et accéléré le phénomène, tout comme l'évolution de la jurisprudence européenne (lire notre article : Pourquoi l'Union peine à lutter contre le dumping social).  

Dans les principaux pays d'accueil (l'Allemagne, la France et les Pays-Bas), des entreprises ont recours à ces travailleurs « low cost », sans toujours respecter la durée maximale du temps de travail, ou encore les règles salariales en vigueur. Une forme de concurrence déloyale pour les travailleurs « locaux » des États membres en question, alors que les taux de chômage enregistrent des pics, sous l'effet de la crise. La situation est particulièrement sensible dans le secteur du BTP, qui emploie au moins le quart des « détachés » (lire notre reportage sur un chantier en Auvergne). C'est pour répondre à ces abus que la commission a proposé de « toiletter » sa directive de 1996.

 

Le secteur du BTP est l'un de ceux qui emploient le plus de salariés détachés. Ici, un chantier à Madrid en janvier 2014. 
Le secteur du BTP est l'un de ceux qui emploient le plus de salariés détachés. Ici, un chantier à Madrid en janvier 2014. © Reuters


En décembre, les ministres de l'emploi des 28 étaient parvenus à s'entendre sur un « deal » provisoire. C'était loin d'être une mince affaire, tant l'Europe, sur cette question emblématique, est écartelée. D'un côté, des exécutifs soucieux d'imposer davantage de garanties sociales et de contrôles pour les entreprises. De l'autre, des gouvernements, surtout à l'Est (Pologne en tête), pour qui ce principe de libre circulation des travailleurs est un pilier de l'Union, qu'il n'est pas question d'affaiblir, en renforçant le recours aux contrôles par des inspecteurs du travail, par exemple.

À la sortie du conseil de décembre, Michel Sapin avait paradé, vantant un « accord satisfaisant et ambitieux, conforme à la position défendue avec constance par la France ». Dans la foulée se sont ouvertes des négociations à trois, ces « trilogues » bruxellois à huis clos (avec des représentants du parlement, du conseil et de la commission), dont rien ne filtre jamais, et dont il n'est pas sorti – pour cette fois – grand-chose. Les marges de manœuvre, côté parlement, semblaient particulièrement faibles pour améliorer la copie, tant l'accord de décembre s'est fait à l'arraché.

Facteur supplémentaire de l'équation : c'est Pervenche Berès, une socialiste française, qui supervisait les négociations au nom du parlement – et qui semble avoir tout fait pour protéger le compromis dégagé en décembre par son collègue Michel Sapin, qui était alors ministre de l'emploi.

Ce qui fait dire aujourd'hui à Jean-Luc Mélenchon, dans un communiqué particulièrement vif : « Pervenche Berès, la présidente PS de la commission de l'emploi et des affaires sociales, a trahi sa commission en donnant l'accord du parlement aux chefs d'État sur ce contenu au rabais, alors que sa commission était bien plus exigeante ». Le co-président du Front de gauche fait référence au texte voté en juin 2013 par la commission Emploi, qui était effectivement plus ambitieux que le compromis voté ce mercredi.

Réponse de l'intéressée : « Oui, l'accord a ses limites. C'est pour cette raison que notre programme pour les élections européennes appelle à une révision du texte de 1996. Une simple directive d'application ne peut pas tout régler. » Et de poursuivre : « L'art de la critique est facile pour ceux qui voient en permanence le verre à moitié vide. Le remplir à moitié plein est déjà bien plus difficile… »

« Communiquer » plutôt que « notifier »...

Au chapitre des avancées, les négociations en trilogue du début d'année ont permis de clarifier un point de vocabulaire – décisif aux yeux de certains. Les États membres qui souhaitent muscler les contrôles des inspecteurs du travail, ou de l'Urssaf, pourront le faire, à condition qu'ils « communiquent » les nouveaux critères en vigueur, en amont, à la commission. Jusqu'à présent, le texte parlait de « notifier » ces critères à l'exécutif bruxellois, laissant entendre que la commission pouvait juger de la pertinence, ou non, de certains critères. Désormais, cette inquiétude est évacuée, et les capitales feront ce qu'elles veulent en la matière. Le changement de terme peut paraître anecdotique, mais la confédération européenne des syndicats (CES), par exemple, en avait fait l'un de ses chevaux de bataille.

C'est tout ? Oui, ou presque. Le renoncement le plus spectaculaire, côté parlement, porte sur le champ d'application de la « responsabilité conjointe et solidaire ». En décembre, c'était l'un des volets les plus ambitieux du compromis: si un sous-traitant met la clé sous la porte, du jour au lendemain, le travailleur détaché qui en était l'employé peut se retourner, juridiquement, à l'échelon du dessus. Pour le dire vite : Bouygues devient responsable, en dernier ressort, de tous les salariés détachés d'un chantier Bouygues. Mais cette avancée n'est obligatoire que dans un seul secteur, celui du BTP. Pour les autres, c'est facultatif...

Or en juin 2013, une majorité d'eurodéputés de la commission emploi avait plaidé pour que l'obligation porte sur l'ensemble des secteurs de l'économie – y compris dans l'agroalimentaire, ou les transports, où les fraudes, là aussi, sont nombreuses. La position était plutôt audacieuse, quand on connaît les équilibres européens sur le sujet. Il y avait donc un enjeu, pour le parlement, à jouer sa carte dans les « trilogues ». Mais l'affaire n'a rien donné, les négociateurs ayant, semble-t-il, capitulé d'entrée de jeu sur ce dossier très sensible.

De ce point de vue, la manœuvre rappelle les négociations sur le budget pluriannuel de l'Union, en 2013. Le parlement, qui avait fixé une position beaucoup plus ambitieuse à l'origine, avait fini par se coucher, et accepter les grandes lignes de l'accord conclu quelques mois plus tôt lors d'un conseil européen de chefs d'État et de gouvernement, incapable de dégager des marges de négociations sur un dossier très délicat. À chaque sujet très sensible pour les capitales, les élus peinent toujours autant à exister.

« Tout n'est pas résolu », reconnaît l'eurodéputée EELV Karima Delli, qui s'est impliquée tôt dans ce dossier, et a voté pour le compromis. Mais « toutes les formations politiques, dont le Front national, qui demandent "l'annulation" de la directive, se trompent. Détruire ce texte, arraché au forceps, condamnerait l'Union européenne à l'immobilisme, c'est-à-dire à la "loi de la jungle" et à la concurrence déloyale entre travailleurs européens, qui font le lit des populismes d'extrême droite et des eurosceptiques ». Karima Delli mise en particulier sur le texte sur les détachés en cours d'adoption en France, pour combler certaines des lacunes de la législation européenne (lire ici et pour les discussions côté français).

Comme souvent à Bruxelles, l'alternative se répète, quand il s'agit de dossiers de cette complexité. Soit accepter quelques avancées, même modestes, qui vont dans le bon sens, mais qui peuvent aussi paraître bien dérisoires par rapport à l'ampleur du problème. Soit refuser en bloc, pour ne pas cautionner ces compromis forcément frustrants, et ne rien renier de ses ambitions de départ.

 

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 20:13

 

Source : www.mediapart.fr

 

Xavier Timbeau (OFCE): «Hollande fait ce que Sarkozy voulait faire»

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

Pour Xavier Timbeau, directeur de l'OFCE, le pacte de responsabilité de François Hollande ne créera pas d'emploi. « Donner de l’argent en échange de bonnes volontés, c'est l'histoire qu'on raconte aux Français », explique l'économiste, qui préconise ardemment d'en finir avec l'austérité.

Xavier Timbeau est directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour cet économiste français de premier plan, les choix économiques faits par le gouvernement, à l’initiative de François Hollande, sont une grave erreur de stratégie. À commencer par le pacte de responsabilité. « Les élections européennes vont montrer que cette austérité aura été un échec économique mais aussi politique, un échec grave », s'alarme-t-il. Entretien.

L’inversion de la courbe du chômage en 2013 n’a pas eu lieu. François Hollande mise tout sur le pacte de responsabilité : 30 milliards d’euros de baisses de charges aux entreprises. Après les avantages fiscaux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de l’automne 2012 (20 milliards en 2015), faut-il voir dans ce dispositif un nouveau cadeau du gouvernement au patronat, comme le pointent des syndicats (FO, CGT) mais aussi des voix dans les rangs de la majorité ?

Le pacte est dans la lignée du CICE. C’est son extension, son approfondissement. Il est présenté comme de la politique de l'offre, des mesures structurelles. En fait, il s'agit de mesures conjoncturelles pour redonner de l'oxygène aux entreprises dont la situation est malgré tout ce qu'on peut en dire très détériorée. Ces mesures apparaissent opportunes. On ne doit pas être manichéen, et il ne faut pas oublier que les entreprises, c’est le vecteur de l’emploi des ménages et de leurs revenus. Pour juger de l’orientation de la politique de François Hollande, c’est plutôt dans ce qui n’est pas fait et dans les politiques impliquées par le pacte qu’il faut rechercher.

 

Manifestation contre le pacte de responsabilité, mardi 18 mars, à Paris.Manifestation contre le pacte de responsabilité, mardi 18 mars, à Paris. © Rachida El Azzouzi

Après une campagne sur le thème « Je ne ferai pas ce qu’a fait mon prédécesseur », Hollande fait finalement ce que Nicolas Sarkozy voulait faire. D’un côté, il accorde 30 milliards d'euros de baisses de charges aux entreprises et, de l’autre, il annonce 50 milliards d’économies de dépenses publiques. Cette réorientation nette de sa politique, avec des impôts sur les ménages et pas sur les riches, alors qu'au départ sa promesse était de ne faire payer que les 10 % les plus riches, touche à l'héritage du modèle social de la gauche.

C'est en cela que le pacte prend sa couleur politique : dans la façon dont il est financé et dans les autres cadeaux qui ne sont pas faits. Il apparaît à gauche comme la trahison d’une orientation politique qui n’était pas celle espérée et traduit l’influence ou la victoire du patronat, qui obtient ce qu’il avait demandé et qui d'ailleurs continue à obtenir des choses.

Il y a 30 ans, sous Mitterrand après le tournant de la rigueur, un autre Gattaz promettait des embauches contre des allègements du coût du travail et plus de flexibilité dans une France qui comptait 2 millions de chômeurs. Le pacte réclamé aujourd'hui par son fils va-t-il créer des emplois ? Sans contrepartie, les patrons peuvent-ils tenir cet engagement ?

Ce discours remonte à la France du général de Gaulle. Il est aussi maladroit que celui sur les contreparties. Les entreprises ne créeront pas d’emplois parce qu'il y a un pacte. Elles créeront des emplois parce qu'il y aura de la demande, que le coût du travail sera plus bas en France que dans les pays voisins, car elles embaucheront plus de personnes à bas salaires. Elles créeront des emplois pour des raisons économiques dans le jeu de la globalisation. Donner de l’argent en échange de bonnes volontés, ça, c’est une histoire qu’on raconte aux Français. Et ce discours est maladroit, parce qu’il entretient le sentiment de la connivence entre les représentants patronaux et le gouvernement.

Concernant les baisses de dépenses publiques, l’État et ses agences en prendront la plus grande part, 18 milliards d’euros. 10 milliards proviendront de l’assurance maladie, 11 milliards des collectivités locales, 10 milliards en rognant sur les prestations sociales. Que vous inspire ce projet d'austérité, qui prévoit notamment le maintien du gel du point d'indice des fonctionnaires et zéro revalorisation des prestations sociales, sinon leur diminution ?

La raison pour laquelle on s’engage dans cette ligne est que la France doit faire la preuve auprès de ses partenaires européens que son modèle de protection sociale est sous contrôle. Limiter le jugement sur la bonne gestion publique à la capacité à réduire les dépenses publiques est choquant. À cela s’ajoute que la pression semble venir de l’extérieur : si l'on ne demande pas de façon répétée à la France de réduire ses dépenses, alors rien ne sera jamais fait. « Prouvez que vous gérez bien en dépensant moins » est devenu la bonne mesure en matière de gestion des deniers publics.

Pourtant, la Grèce a divisé par deux ou trois ses dépenses publiques et elle n’est pas devenue un modèle d’administration publique, encore moins de fonctionnement de la société. Il est idiot de s’intéresser à la réduction sans aborder la question de la qualité et des modes d’organisation qui conduisent à cette qualité. C’est ce chantier-là qui n’est pas abordé.

 

Tableau extrait de l'étude de l'OFCE 
Tableau extrait de l'étude de l'OFCE © @dr

On justifie les 18 milliards d'économies pour l’État et ses agences par un argument : le fait que cela a trop augmenté les années précédentes. En Angleterre, des efforts importants ont été faits avec une grande brutalité, mais cela partait d’une refonte complète du modèle d'évaluation, de décision, de confirmation des dépenses, de la notion des contrats passés avec les différents agents. Ce n’est pas ce genre de réflexion qui est menée en France. C’est du rabot sans réflexion sur la qualité pour faire plaisir à nos partenaires.

D’un autre côté, l’engagement de réduire de 50 milliards la dépense devait être concrétisé. C’est le slogan publicitaire de Schweppes : « What did you expect? » Dans cet exercice, Valls a été plus habile que son prédécesseur dans le discours : il a passé des messages. Il dit : « Je gèle le point d’indice mais je garde l’avancement, je gèle les prestations sociales mais je ne m’attaque pas aux plus pauvres en revalorisant le minimum vieillesse », comme une logique d’efforts partagés. Le non-dit est : comment arrive-t-on au bout du compte aux 50 milliards ? Quelles sont les mesures non encore annoncées ? Seront-elles encore plus brutales ?

Dernier point : en donnant des gages à nos partenaires européens, on gagne en crédibilité et on peut obtenir un assouplissement de nos engagements budgétaires. Ceci laisse de la marge pour ne pas complètement financer le pacte de responsabilité, donc baisser les prélèvements et éventuellement aller au-delà en ajoutant des baisses de prélèvement ou des dépenses d’investissement. Mais il n’est pas clair que l’on va gagner de grandes marges de manœuvre. C’est très important pour savoir au bout du compte si l'on s’installe dans l’austérité jusqu’en 2017 ou si globalement, parce que la baisse de prélèvement est supérieure à l’économie de dépenses, on stimule l’activité en France.

«Les mécanismes de trappe à bas salaire»

Après la version Balladur (CIP) ou Villepin (CPE), le président du Medef, Pierre Gattaz, réclame l'instauration à titre “temporaire” d'un sous-Smic, pour laisser rentrer sur le marché du travail les jeunes. « Une logique esclavagiste », dénonce même Laurence Parisot, sa prédécesseure...

Pierre Gattaz a le sentiment d’avoir l’oreille du gouvernement. Il a demandé, il a obtenu. Autant continuer à jouer. Mais ce serait une très mauvaise idée. La France se caractérise par un salaire minimum relativement plus élevé que celui qui est pratiqué en Europe. Pour « compenser » cela, on a abaissé les cotisations sociales sur les bas salaires. Et d’ailleurs, le pacte de responsabilité prolonge cette logique en aménageant une nouvelle réduction du coût du travail au niveau du salaire minimum.

Aller au-delà, c’est entrer dans la pauvreté laborieuse, et la concentrer sur les jeunes. Difficile de concilier cette approche du marché du travail avec un discours pour la jeunesse. Si les jeunes sont au chômage, ce n’est pas parce qu’ils sont « trop » payés. C’est parce qu’il y a du chômage et que la réduction des déficits publics alimente la récession. Baisser le salaire des plus jeunes pourrait diminuer leur chômage, mais nous conduirait à entériner la pauvreté laborieuse et l’entrée dans la déflation. Ce que le pacte de responsabilité veut éviter.

 

Paris, Invalides, 18 mars 2014. 
Paris, Invalides, 18 mars 2014. © Rachida El Azzouzi

La suppression des cotisations patronales pour les salaires au niveau du Smic fait craindre l'ouverture d'une trappe à bas salaire, soit un encouragement pour les employeurs à n’embaucher qu’au niveau du Smic, et le moins possible au-dessus, contribuant à un écrasement des hiérarchies salariales. Est-on en train de la rouvrir ?

La question de la trappe à bas salaire est l’autre versant du débat sur la réduction du Smic. Au passage, réduire le Smic, pour les jeunes, c’est aussi accentuer les mécanismes de trappe à bas salaire s’ils existent. Les mesures prises aujourd’hui visent surtout à rétablir les marges des entreprises. Quant à la trappe à bas salaire, elle est plus alimentée par les jeunes qui sortent avec peu ou pas de qualification du système scolaire que par la structure des allègements. La causalité est probablement inverse : la faible qualification d’une partie de la main-d’œuvre oblige à réduire le coût du travail, et non pas : la réduction du coût du travail induit l’échec scolaire et la faible qualification.

De plus, le système français propose rarement une seconde chance à ceux qui sortent sans qualification du système éducatif. Là encore, la structure des allègements est un débat secondaire par rapport à ce que provoque cet échec de la formation et de la qualification tout au long de la vie.

 

Tableau extrait de l'étude de l'OFCE 
Tableau extrait de l'étude de l'OFCE © @dr

Pourtant Martine Aubry, alors ministre du travail, avait bien ouvert ces trappes à bas salaire en 1992, en ciblant ces allègements sur le travail féminin ; et ses successeurs de droite ont suivi son exemple…

Avant les 35 heures, il existait des dispositifs favorisant le temps partiel. Ces mesures sont sans doute efficaces pour réduire le chômage, mais elles ont un effet désastreux sur la situation des femmes sur le marché du travail (temps de travail, rémunération horaire et type de secteur ou d’activité qu’elles occupent). Cette discrimination les met dans une situation d’inégalité et compromet leurs possibilités d’émancipation financière par le travail. C’est un des effets positifs des 35 heures que d’avoir fermé la porte à ces trappes à temps partiel !

Certains économistes prônent le gel du Smic, misent sur le RSA et la prime pour l'emploi en vue de lutter contre la pauvreté. Qu'en pensez-vous ?

On peut imaginer passer de notre triptyque (SMIC « élevé », baisse de charges sur les bas salaires, temps plein) à un schéma où le SMIC est plus bas, où le temps plein n’est pas garanti et où l'on complète le revenu des plus pauvres par le RSA ou la PPE. On peut imaginer que la situation familiale soit prise en compte pour compléter le revenu afin de concentrer le complément de revenu sur les familles les plus pauvres. Mais faire de cette façon, c’est renoncer à l’individualisation de notre choix actuel, ce qui sera désastreux pour l’égalité femmes/hommes, et éventuellement jouera sur l’égalité entre générations. C’est également renoncer aux droits ouverts à la retraite ou au chômage que notre système accorde aux bas salaires. Le complément de revenu par le RSA ne contribue pas au calcul de l’allocation chômage ou ne donne pas lieu à cotisation retraite. On sort les foyers de la pauvreté, mais on occulte le devenir des individus au-delà de leur ménage et de leur période d’activité. C’est moins cher, mais bien moins juste.

«L'austérité aura été un échec grave »

Le « pacte de responsabilité » serait complété par un « pacte de solidarité »…

La partie « pacte de solidarité » masque, à la manière d’un « cache-misère », le caractère déséquilibré du pacte initial. Austérité, baisse du coût du travail… c’est difficile à avaler. Mais là aussi, il ne faut pas s’arrêter aux apparences. Ce qui compte, c'est de savoir quelle est la trajectoire globale des finances publiques d’ici à 2017. Si elle reste restrictive comme acté en mai 2013 avec la commission, alors les pactes n’y changeront rien, le chômage augmentera et nous ne sortirons pas de la nasse dans laquelle nous sommes. Le pacte apparaîtra comme un échec et le gouvernement sera désavoué.

L’habileté du gouvernement est de concentrer le débat sur les 3 % de déficit public en 2015 et de taire le reste de la trajectoire en 2016 et 2017. Si l’on ajoute le pacte de solidarité au pacte de responsabilité et à la réduction de l’impôt sur les sociétés entérinée aux assises de la fiscalité, alors les 50 milliards de réduction du déficit structurel en 2017 ne seront pas tenus. Les 50 milliards d’euros de réduction du déficit structurel se sont mués en 50 milliards d’économies de dépenses publiques, mais ne tiennent pas compte des 30 à 40 milliards de « dépenses fiscales » des différents pactes. Au lieu de 50 milliards de réduction du déficit structurel en 2017, ce sont plutôt 10 à 20 milliards d’effort, un écart important par rapport à ce que nous avions négocié au cours du semestre européen de 2013.

Pour 2015, les 3 % ne pourront pas être contournés. Un collectif budgétaire à l’été 2014 ajoutera sans doute quelques mesures pour s’en assurer. Le projet de loi de finance de l’automne 2014 sera lui aussi orienté vers cet objectif. Mais l’échéance électorale, c’est 2017. Pour avoir une chance de réélection, François Hollande doit avoir un bilan positif. La marge gagnée en 2016 et 2017 pourra alors être utilisée dans cette courte fenêtre. Le calendrier est pour le moins serré.

Pour redresser les comptes publics, quelle alternative au pacte de responsabilité ? N’est-ce pas contre-productif de faire de l'austérité, d'autant plus à la veille des élections européennes dans une Europe qui compte près de 20 millions de chômeurs ?

Le mal a été fait. L’austérité a été faite au plus mauvais des moments. Elle a produit le maximum de dégâts sans apporter de francs résultats. Elle ouvre aujourd’hui la porte à la déflation. L'Espagne, le Portugal, la Grèce, dans une certaine mesure la France et l’Italie sont emblématiques de cet échec. Les élections européennes vont montrer que cette austérité aura été un échec économique mais aussi politique, un échec grave. On a infligé l’austérité brutale pour sauver l’Europe mais, en alimentant une défiance justifiée des citoyens vis-à-vis de l’Europe, on risque aujourd’hui l’éclatement de la zone euro, non pas par le canal de la finance, mais par celui de l’économie (réelle) et de la politique, par la montée spectaculaire du souverainisme.

L’alternative était d’étaler l’austérité budgétaire, de laisser les bilans privés (entreprises et ménages) se rétablir en réduisant leur endettement et en leur permettant d’encaisser le choc sur leurs revenus. Pour étaler l’ajustement des finances publiques, il fallait être crédible quant au fait de la faire plus tard. Sinon, la sanction des marchés aurait rendu caduque le gain de l’étalement. La zone euro n’avait ni les institutions ni les instruments pour un tel étalement, d’autant que pour que cela fonctionne il faut sortir de la logique intergouvernementale et entrer dans un contrôle démocratique à la fois de la politique budgétaire et monétaire en zone euro.

On peut encore corriger le tir : c’est le débat sur le desserrement de la contrainte en France, mais aussi en Espagne ou en Italie. En desserrant cette contrainte simultanément en zone euro dans plusieurs pays, il y aurait un effet d’amplification. On peut aussi se lancer dans un plan d’investissement public. S’il est productif, rentable et donc bien piloté, alors la dette que l’on contracte pour le financer est couverte par un actif. C’est de la dette brute mais pas de la dette nette.

 

Extrait de l'étude de l'OFCE 
Extrait de l'étude de l'OFCE © @dr

Contrats d’avenir, de génération, accord sur l'emploi (ANI), CICE… L'OFCE a simulé les effets des grandes mesures en matière de politique de l’emploi menées par le gouvernement depuis son arrivée au pouvoir. Sont-ils positifs ? A-t-on tout essayé pour lutter contre le chômage ?

La stabilisation du chômage observée début 2014 est en fait liée à ces politiques. D'après nos calculs, si elles n'avaient pas été menées, il y aurait un point de chômage en plus. Hollande n'a pas eu tort en pensant que ces mesures auraient un effet sur la courbe du chômage, mais elles n’ont pas suffi à compenser la hausse du chômage liée aux effets de l’austérité. Il a sous-estimé les dégâts de l’austérité et surestimé les effets des dispositifs d’accompagnement. Mais ces dispositifs ne vont pas permettre de retrouver le plein emploi et, pour certains, ne créent pas de l’emploi pérenne. On le verra très vite lorsqu'ils s'arrêteront et que le chômage repartira à la hausse.

Ce qui vient est terrible. Le chômage va progressivement baisser, comme les salaires. Le marché du travail va se rééquilibrer par la diminution des salaires. Le chômage va se transformer en moins de revenus. On ne commentera pas les revenus comme les chiffres du chômage tout les mois. Au bout du compte, la promesse qu’on n'aura pas tenue, c’est celle de la prospérité. On aura une France enkystée avec encore moins de justice sociale, plus d’inégalités, moins d’égalité des chances.

Vous publiez aujourd'hui vos prévisions pour l’économie mondiale, européenne et française en 2015. En 2013, elles étaient marquées par une croissance zéro, en 2014, par un retour à une croissance positive, 1,3 %. À quoi ressemblera 2015 ?

L'année 2015 sera du même acabit que 2014 même si la croissance sera positive, de l'ordre de 1,6 %. Nous nous installons doucement dans notre décennie perdue avec un chômage élevé, une hausse du chômage de longue durée, des salaires qui baissent dans un contexte où l'on rabote sur la protection sociale et la dépense publique.

Ce n'est pas parce que la croissance redevient positive que nous retrouvons une dynamique de sortie de crise. Nous allons au contraire entrer dans la phase où nous allons découvrir toutes les fragilités accumulées et leurs conséquences. Au plus fort de la crise de 2009, il y avait eu une communauté de destins entre riches et pauvres. Là, nous entrons dans une séquence où celui qui a un emploi, une qualification, un patrimoine ne pourra se plaindre que d’une augmentation d’impôts. Les autres subiront les ajustements de façon diffuse mais pour longtemps.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 19:55

 

Source : www.mediapart.fr

 


Un plan d’austérité injuste, dangereux et illégitime

|  Par Laurent Mauduit

 

 

Blocage des rémunérations des fonctionnaires, gel des retraites et des prestations sociales, mesures d'économies sur les pauvres : Manuel Valls détaille un plan d'austérité de 50 milliards d'euros d'une violence à laquelle même la droite n'a pas eu recours. À croire que la France a été placée sous la tutelle de la Troïka européenne.

La rupture de François Hollande avec la gauche est décidément consommée ! Après avoir décidé d’organiser un plan d’allègements fiscaux et sociaux d’une ampleur historique en faveur des entreprises sans leur demander la moindre contrepartie ; après avoir nommé à Matignon le premier ministre le plus à même de mettre en œuvre cette politique néolibérale, en l’occurrence Manuel Valls, il a donné son imprimatur, mercredi 16 avril, au cours du conseil des ministres, à l’un des plans d’austérité les plus violents que la France ait connus depuis la Libération, de même nature que ceux de 1982 ou 1983. Ce plan d’austérité, dont Manuel Valls a décliné les grandes lignes en milieu de journée, présente la triple caractéristique d’être économiquement dangereux, socialement injuste et démocratiquement illégitime.

Voici ci-dessous les deux documents qui permettent de découvrir les détails de ce plan d’austérité. Le premier document est l’allocution que Manuel Valls a prononcée à l’issue du conseil des ministres, pour présenter ces mesures. Le second document a été publié dans la foulée par ses services pour présenter le détail des dispositions.

 

* Un plan d’austérité injuste

À l’examen de ce plan, qui n’est encore guère détaillé, le premier constat qui saute aux yeux est, de fait, son caractère socialement injuste. Portant sur 50 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées en 2015, 2016 et 2017, à hauteur de 18 milliards sur le budget de l’État, 11 milliards sur les collectivités locales, 10 milliards sur l’assurance maladie et 11 milliards sur les autres dépenses de protection sociale, il vise en somme à faire financer par les salariés modestes, les fonctionnaires, ou encore les retraités les cadeaux de plus de 36 milliards d’euros (30 au titre du « pacte de responsabilité », auxquels s’ajoutent d’autres baisses d’impôt) qui viennent d’être annoncés en faveur des entreprises.

C’est cela, la principale injustice de ce plan : il vise à organiser le plus gigantesque transfert de revenus qui ait jamais eu lieu en France des ménages, notamment les plus pauvres, vers les entreprises, y compris les plus riches.

Ce plan, qui ressemble strictement en tous points à celui qu’aurait pu présenter en des circonstances identiques un François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comporte, ensuite, quand on l’examine poste par poste, de nombreuses autres injustices.

– 18 milliards d’euros d’économies sur l’État. Ce premier volet du plan d’austérité, ce sont les 5,2 millions de fonctionnaires qui vont en faire les frais puisque leurs rémunérations de base vont continuer à être bloquées. « Nous confirmons le gel du point d’indice », a en effet déclaré Manuel Valls. Ce gel a commencé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et devrait donc se poursuivre. Jusqu’à quand ? Jusqu’en 2017 ? La formulation utilisée par le premier ministre est assez ambiguë pour le suggérer.

Cette disposition sera socialement très lourde de conséquences, puisque les rémunérations de base des trois fonctions publiques sont bloquées continûment depuis plus de quatre ans. Ce gel va contribuer à un effondrement du pouvoir d’achat de catégories sociales dont les revenus sont souvent faibles. À titre d’indication, l’Insee vient de publier une étude (elle est ici) qui révèle que les salaires net moyens des trois fonctions publiques ont baissé en euros constants en 2012.

Explication de l’institut : « Dans la fonction publique de l’État (FPE), ministères et établissements publics confondus, le salaire net moyen en équivalent-temps plein (EQTP) a augmenté de 1,1 % en euros courants entre 2011 et 2012. Compte tenu de l’inflation, il a baissé de 0,8 % en euros constants. Il atteint en moyenne 2 460 euros net par mois en 2012.  Dans la fonction publique territoriale (FPT), l’évolution entre 2011 et 2012 est de + 1,4 % en euros courants, soit - 0,5 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 1 850 euros par mois en 2012. Dans le secteur hospitalier public (SHP), le salaire net moyen croît de 1,3 % en euros courants entre 2011 et 2012  et baisse de 0,6 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 2 240 euros par mois en 2012. »

Les fonctionnaires, qui ont très majoritairement voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, vont donc payer un lourd tribut au plan d’austérité. L’Élysée et Matignon n’ont, toutefois, pas osé aller au-delà, en mettant en application une autre mesure sulfureuse qui avait été aussi mise à l’étude dans le groupe de réflexion constitué autour de François Hollande : un blocage des mesures de promotion ou d’avancement dans la fonction publique.

Pour ce qui concerne l’État, les autres dispositions évoquées par Manuel Valls lors de son allocution, ou dans le document publié par Matignon, restent particulièrement imprécises. Si imprécises qu’il ne faut pas exclure d’autres très mauvaises surprises lorsque le véritable détail du dispositif sera transmis au Parlement et ne pourra plus être entouré de fortes zones d’ombre.

Dans le cas des effectifs de la fonction publique, les 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, qui constituaient la promesse phare du candidat François Hollande, sont-elles ainsi toujours d’actualité ? Ou, comme y a réfléchi secrètement ces dernières semaines l’Élysée, ces créations pourraient-elles être légèrement revues à la baisse, d’environ 15 000 postes ?

Dans son allocution, Manuel Valls est resté très évasif, sans mentionner le moindre chiffre : « Les effectifs des ministères, hors éducation nationale, sécurité et justice continueront de diminuer. Ces diminutions s’accompagneront toutefois de redéploiements afin de préserver nos services publics. » Le communiqué de Matignon est, lui, un tout petit peu plus précis : « Les créations d’emplois prévues dans l’Éducation nationale, la sécurité et la justice seront maintenues, dans le cadre de la priorité donnée à la jeunesse, et à la sécurité des Français. »

Toujours au titre de l’État, le document de Matignon fait cette mention qui n’a pas été remarquée parce qu’elle est très elliptique : « Les interventions de l’État seront également recentrées pour être plus efficaces. » Énoncée de la sorte, la formule passe, effectivement, inaperçue. Mais c’est un tort car il faut avoir à l’esprit que ce que les têtes d’œuf de Bercy, dans leur jargon, appellent « dépenses d’intervention » constitue une immense enveloppe budgétaire de plus de 60 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur le revenu, et dans ce montant sont compris de nombreux crédit sociaux. Dans le lot, il y a ainsi ce que l’on appelle les interventions de guichet (minima sociaux, aides au logement, prestations versées aux anciens combattants, bourses scolaires ou universitaires...), mais aussi les subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite ou transferts aux collectivités locales…

Même si le gouvernement a démenti depuis plusieurs jours toute suppression des aides au logement pour les étudiants non boursiers, il faudra donc encore attendre pour savoir qui d’autre sera visé par les coupes claires dans ces crédits.

Enfin, dans ce chapitre, une dernière formulation évasive peut susciter une légitime inquiétude et inviter à penser que quelques mauvais coups sont en gestation : « Les opérateurs et autres agences de l’État verront leurs dépenses de fonctionnement et leurs interventions revues à la baisse », peut-on lire dans le document. Dit de la sorte, cela passe aussi inaperçu. Mais il faut avoir à l’esprit que les opérateurs de l’État sont au nombre de 550 (on peut télécharger la liste ici) et jouent un rôle économique et social souvent décisif (on trouvera ici beaucoup de données à leur sujet).

Un plan avec beaucoup de zones d'ombre

– 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales. Ce second volet est encore plus évasif et imprécis que le premier. Lors de son intervention, Manuel Valls n'a guère donné de détails. Et le document de Matignon se cantonne, lui aussi, à des généralités, du genre : « La Dotation Globale de Fonctionnement sera reformée dans le projet de loi de finances (PLF 2015), pour encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées. »

Mais il est fort probable que dans les semaines et les mois qui viennent, lorsque l’on aura une idée plus concrète de ce qui se trame, on découvrira des mesures lourdes de conséquences. Soit parce qu’elles contribuent à l’asphyxie financière de certaines collectivités, soit parce qu’elles poussent à des dispositions impopulaires.

– 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce troisième volet du plan d’austérité entretient, lui aussi, de grandes zones d’ombre sur ce que veut réellement faire le gouvernement. Le document de Matignon indique en effet trois pistes pour réaliser ces économies – mais trois pistes singulièrement floues : « - mieux organiser les parcours de soins, en renforçant les soins de premier recours, en développant la chirurgie ambulatoire, en facilitant le retour à domicile après une hospitalisation, en améliorant le suivi des personnes âgées en risque de perte d’autonomie ; - agir sur la pertinence médicale pour réduire le nombre d’actes et améliorer notre dépense de médicaments, grâce à une consommation plus raisonnée, à un plus grand recours aux génériques et à des prix davantage en adéquation avec l'innovation thérapeutique ; d’interventions inutiles ou évitables. »

Là encore, il faut donc attendre pour savoir ce que cachent ces formulations langue de bois.

– 11 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce quatrième paquet du plan d’austérité est, lui, dès à présent un peu plus précis et comprend des mesures qui auront aussi des conséquences sociales graves.

D’abord, les prestations sociales ne seront pas revalorisées pendant un an. Explication du document de Bercy : « Cette stabilité concernera les pensions du régime de retraite de base (1,3 milliard d’euros). Le même effort pourrait être réalisé s’agissant des retraites complémentaires qui relèvent des partenaires sociaux (2 milliards d’euros). Cet effort temporaire épargnera les retraités dont les pensions sont les plus modestes puisque le minimum vieillesse continuera, lui, d’être revalorisé. Le niveau des autres prestations sociales (logement, famille, invalidité) sera également stable jusqu’en octobre 2015 (0,7 milliard d’euros). Cette mesure ne touchera pas les minima sociaux (RSA, ASS, AAH, minimum vieillesse), dont la revalorisation sera garantie. »

Cette décision va donc avoir de très graves répercussions sur les 15 millions de Français qui sont retraités, dont le pouvoir d’achat, de l’avis de tous les spécialistes, risque de s’effondrer, car cette disposition de gel des retraites de base va venir se cumuler avec l’accord survenu entre les partenaires sociaux, prévoyant que les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) soient revalorisées d'un point de moins que l'inflation en 2013, 2014 et 2015 (lire L'accord sur les retraites rogne le pouvoir d'achat).

Sus donc aux retraités ! Mais sus aussi aux pauvres… Ne prenant visiblement soin de n’épargner aucune catégorie de Français, même les plus pauvres, François Hollande et Manuel Valls ont décidé que les bénéficiaires du RSA apporteront aussi leur quote-part au plan d’austérité. « Décidés dans le plan pauvreté de janvier 2013, les engagements de revalorisation exceptionnelle pour le RSA, le complément familial et l’allocation de soutien familial sont confirmés. Mais elles seront décalées d’une année », a dit le premier ministre.

Décryptons, pour que cela soit plus clair. Lors de sa campagne, le candidat socialiste avait pris des engagements énergiques pour faire reculer la pauvreté. Et en application de ces promesses, une conférence nationale de lutte contre la pauvreté s'est tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2012. C’est à cette occasion qu’un plan avait été présenté, prévoyant toute une série de mesures comme la revalorisation de 10 % du RSA (Revenu de solidarité active) sur cinq ans et la création de 8 000 places d'hébergement d'urgence. Dans la vidéo ci-dessous, on peut visionner Jean-Marc Ayrault résumant les décisions de cette conférence pour le RSA.

 

 

En clair, la hausse de 1,3 % du Revenu de solidarité active (RSA) « socle » (revenu minimum pour personnes sans ressources) intervenue au 1er janvier 2014 aurait dû être complétée par une augmentation exceptionnelle de 2 % le 1er septembre 2014. Dans le cadre de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le gouvernement avait en effet décidé une augmentation de 10 % d'ici à la fin du quinquennat.

Au terme du plan d’austérité, c’est donc cette hausse de 2 % qui est finalement annulée. Et du même coup, le plan pauvreté est gravement remis en cause.

Usant toujours de la langue de bois, le document de Matignon apporte aussi cette autre précision, un tantinet elliptique : « La modernisation de la politique familiale engagée en 2013 sera poursuivie, en renforçant l'équité des aides aux familles, et en orientant davantage les prestations vers l'emploi des femmes (0,8 milliard d’euros). » Traduction : cette mesure qui vise à renforcer « l’équité » – il faut être gonflé pour oser écrire cela ! – permettra de dégager 800 millions d’euros d’économies. Mais la formule est encore trop tordue pour que l’on puisse comprendre quelle disposition de la politique familiale va être rabotée…

* Un plan d’austérité dangereux

Socialement explosif, ce plan d’austérité est aussi économiquement dangereux, pour de multiples raisons.

D’abord, le gouvernement soumet les fonctionnaires, les retraités ou encore les pauvres à un violent plan d’austérité dans un seul but : trouver les financements nécessaires pour apporter les 36 milliards d’euros de cadeaux annoncés aux entreprises. Sans ces cadeaux, il n’aurait pas eu besoin de soumettre le pays à une telle purge. En clair, le plan d’austérité ne vise en rien à réduire les déficits publics, pour être en conformité avec les engagements pris auprès de Bruxelles.

Or, le gouvernement va offrir ces 36 milliards d’euros aux entreprises sans la moindre contrepartie. Sans obtenir des entreprises des engagements en termes d’emploi ou d’investissement. Il est donc probable que ces cadeaux provoquent surtout des effets d’aubaine et viennent gonfler profits et dividendes au profit des actionnaires. C’est ce que suggérait une étude récente de l’Insee (lire Le choc de compétitivité stimulera d’abord... les profits !).

En clair, le plan d’austérité n’a aucune justification économique. À l’inverse, il risque d’avoir de nombreux effets pervers. Poussant à la baisse le pouvoir d’achat des Français, qui a subi depuis deux ans une chute sans précédent depuis 1984, il risque de replonger le pays dans l’anémie, alors que les signes de reprises sont encore extrêmement ténus.

Il y a donc une forme de dogmatisme de la part du gouvernement, dans la décision qu’il a prise de mettre en œuvre ce plan d’austérité, et dans les modalités. Car, à bien des égards, on sent la patte de la « Troïka » dans ce plan d’austérité : il est très proche de ces fameuses réformes dites structurelles dont raffolent le FMI, Bruxelles et la Banque centrale européenne. Voici donc, en somme, la France en train de suivre une voie assez proche de celle de l’Espagne. Une sorte de cercle vicieux : davantage d’austérité qui conduira à moins de croissance qui conduira à plus de déficits, qui conduira à plus d’austérité…

Ce cercle vicieux, c’est le prix Nobel d’économie Paul Krugman qui l’a le mieux décrit dans l’une de ses chroniques récentes du New York Times : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux. Ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. (…) Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième “grande dépression”. »

* Un plan d’austérité illégitime

C’est la dernière réflexion à laquelle invite ce plan d’austérité : s’il apparaît stupéfiant, c’est aussi parce qu’il est mis en œuvre, comme dans une folle fuite en avant, par un pouvoir qui vient d’être gravement sanctionné, précisément pour avoir ébauché cette politique d’austérité.

Ce plan prend donc des allures de provocation. Alors que la gauche est fracturée comme elle ne l’a jamais été ; alors que la majorité présidentielle vient d’imploser et que les Verts viennent de sortir du gouvernement ; alors que la fronde a gagné jusqu’aux rangs socialistes, avec des députés de l’aile gauche qui refusent de voter la confiance au nouveau gouvernement, François Hollande, plus isolé que jamais, continue, tête baissée, dans son impasse. Pas un geste social en direction des pauvres, pas un geste en direction des députés de son propre parti, il use des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de la Ve République pour faire l’exact contraire de ce que semble vouloir le pays.

Cet entêtement-là, où conduira-t-il ? Depuis de longs mois, François Hollande attise contre lui une colère qu'il fait mine de ne pas entendre. Une colère qui va encore grossir…

 

Lire aussi

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 22:47

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

Les mots pour comprendre le discours de Manuel Valls

Le Monde.fr | 08.04.2014 à 12h48 • Mis à jour le 08.04.2014 à 16h20 | Par Mathilde Damgé, Jonathan Parienté et Maxime Vaudano

 
 
 A 15 heures mardi 8 avril, le nouveau chef du gouvernement doit prononcer un discours très attendu de politique générale devant l'Assemblée nationale.

Voici un éclairage sur les principaux termes et notions à comprendre pour suivre le discours de politique générale de Manuel Valls.

Le pacte de responsabilité

C’est le grand chantier de François Hollande pour 2014. Annoncé lors des voeux du 31 décembre, le pacte de responsabilité est présenté comme un donnant-donnant :

Un coup de pouce aux entreprises...

  • Suppression d’ici 2017 des cotisations familiales payées par les entreprises et les travailleurs indépendants pour financer la branche famille de la Sécurité sociale (elles représentent 5,25 % du salaire brut, soit 35 milliards d'euros par an).

  • Simplification des normes et des procédures administratives.

… censé inciter les entreprises à embaucher...

  • Plutôt qu’un objectif général d’un million ou de deux millions de créations d’emploi, le pacte prévoit des négociations branche par branche sur les contreparties que consentiront les entreprises.

… financé par une baisse drastique des dépenses

  • Si le pacte devrait coûter à l’Etat 10 à 15 milliards d’euros par an, François Hollande vise 50 milliards d'euros d'économies supplémentaires entre 2015 et 2017.

  • Nombre et rémunération des fonctionnaires, simplification du mille-feuille territorial, coupes budgétaites dans certains secteurs ? Les arbitrages ne sont pas encore rendus.

Chez les partenaires sociaux, le pacte de responsabilité est soutenu par les trois principales organisations patronales (Medef, CGPME, UPA), les syndicats CFDT, CFTC, mais plus par la CFE-CGC. S’il est officiellement soutenu par le PS, il est critiqué par l’aile gauche du PS et les écologistes.

Lire : Le mode d’emploi du pacte de responsabilité


Le pacte de solidarité

Le 31 mars, lors de l’allocution qui a suivi la cuisante défaite du PS aux élections municipales, François Hollande a annoncé que le pacte de responsabilité serait complété par un « pacte de solidarité ».

Très vague pour le moment, ce nouveau pacte. Tout juste sait-on, après le discours présidentiel, qu’il concernera l'« éducation », la « formation de la jeunesse » ; qu’il donnera la « priorité à la santé ». M. Hollande a également indiqué que ce pacte aurait pour but d’améliorer le « pouvoir d'achat », via des des réductions d’impôts pour les ménages « d'ici à 2017 » et « une baisse rapide des cotisations payées par les salariés ».

Lire : Ce que François Hollande a dit du pacte de solidarité


Les cotisations salariales

Le pacte de solidarité, annoncé fin mars par le président Hollande, prévoit notamment de baisser les cotisations payées par les salariés. Il s’agit de l’ensemble des contributions que doivent verser les salariés pour financer la sécurité sociale, l’assurance-chômage ou la retraite complémentaire. François Hollande souhaite réduire leur volume « d'ici à 2017 » mais, comme le rappelle La Tribune, l’Etat n’a son mot à dire que sur le volet sécurité sociale. Les marges de manœuvre du gouvernement sont donc très réduites.

Un rapport rendu début avril par un groupe de travail sur la fiscalité préconise de concentrer les baisses de cotisations sur les seuls bas salaires, et de financer cette mesure par une suppression de la prime pour l’emploi.

Lire (édition abonnés) : Un rapport prône la baisse des cotisations sur les bas salaires


Les cotisations ou charges patronales

Le 14 janvier, à l’occasion de sa troisième conférence de presse, le président de la République a annoncé son intention de mettre fin d'ici 2017 aux cotisations patronales pour les familles – une revendication de longue date des organisations patronales, Medef en tête.

Lire : Fin des cotisations patronales pour les familles, une victoire pour le Medef

Ces cotisations familiales payées par l’employeur représentent 5,25 % du salaire brut. Au total, ce sont 35 milliards d’euros qui abondent ainsi les caisses de la branche famille de la sécurité sociale, même si, en réalité, de nombreuses entreprise bénéficient déjà d'exonérations.

Lire : Mais au fait, c'est quoi, les cotisations familiales ?


La fiscalité des ménages

Les conclusions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, installé en fin janvier, n'encouragent ni le prélèvement à la source ni la fusion de l'impôt sur le revenu et de la Contribution sociale généralisée (CSG) mais recommandent un meilleur ciblage sur les bas salaires et un lissage des seuils pour améliorer la progressivité de l'impôt. En clair, la réforme de la fiscalité promise par Jean-Marc Ayrault à l'automne est réduite à sa portion congrue.

Dans ce rapport, dont des extraits ont été publiés par l'Agence France-Presse, le groupe de travail prévient dès l'introduction que « la remise à plat ne sera pas réalisée d'un coup » mais « par étapes », jugeant qu'elle doit « s'inscrire dans la durée en tenant compte de notre trajectoire de redressement des finances publiques et dans le cadre d'une baisse progressive des prélèvements obligatoires ».

Evoquant toutes les idées de réforme qui ont ponctué le débat, le groupe de travail en retient cependant très peu. En particulier, il n'exclut pas, mais ne recommande pas non plus, la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG.

Il reste également perplexe sur le prélèvement de l'impôt à la source, lui préférant la poursuite de « la modernisation et la simplification de la gestion de l'impôt ». Il recommande aussi « une plus grande synchronisation entre la perception du revenu et le paiement de l'impôt » qui est de plus d'un an actuellement.


La CSG

C'était l'engagement de campagne présidentielle n°14 de François Hollande : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG [contribution sociale généralisée] dans le cadre d'un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). » Las, difficultés techniques et risques budgétaires (l'arrivée d'un impôt devant compenser exactement la disparition d'un autre) semblent avoir eu raison de cette promesse.

Lire : Le rapport qui enterre la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG


Le RSA

Le revenu de solidarité active (RSA) dit d'activité (1,5 milliard d'euros en 2012 pour 700 000 bénéficiaires) pourrait être renforcé, si l'on en croit les propositions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Le RSA activité est versé aujourd'hui entre 0 et 1,15 smic en complément du revenu d'activité et constitue une avance sur la PPE de l'année suivante.

Lire : La réforme de la fiscalité des ménages est réduite à la portion congrue


La prime pour l’emploi

La PPE est un crédit d’impôt dont peuvent bénéficier les travailleurs à bas revenus, qui travaillent généralement peu. Elle a pour but de les inciter à revenir sur le marché du travail. Selon le « pacte de solidarité » annnoncé par François Hollande au lendemain de la défaite du PS aux municipales, le gouvernement envisage de la supprimer et de la remplacer par une baisse des cotisations sur les bas salaires.


La fronde des « cent députés PS »

Pacte de solidarité, Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), suppression des cotisations patronales pour la famille, choix de Manuel Valls comme premier ministre : c’est à l’aile droite de sa majorité – voire à la droite tout court – que le président de la République a donné des gages ces derniers mois. Ce qui passe mal du côté des parlementaires PS.

Après la défaite aux municipales, ces députés – qui représentent un tiers du groupe PS à l’Assemblée – ont enjoint l’exécutif à leur proposer un « contrat de majorité ». Parmi leurs conditions, figure la « réorientation » de l'Europe par « un plan de relance contre la déflation » et « une révision des trajectoires budgétaires insoutenables et ennemies de la croissance et de l'emploi ». Ces députés considèrent que la trajectoire budgétaire européenne n'est pas « tabou » et qu'« il y a urgence à [la] rediscuter ». Selon eux, l'Union européenne doit procéder à des « investissements massifs » dans « les énergies renouvelables, les transports, le numérique, la construction de logements, la recherche » qui sont le seul « échappatoire au déclin ».

Lire : Cent députés PS en colère réclament un « contrat de majorité »


La transition énergétique

La loi de programmation sur la transition énergétique, d’abord annoncée pour 2013, doit être présentée en juin et adoptée d’ici la fin de l’année. Elle doit mettre en œuvre plusieurs engagements de François Hollande : la réduction de la dépendance au nucléaire, la fermeture de la centrale de Fessenheim, la réduction de la facture énergétique, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre et le soutien aux énergies renouvelables.


Le collectif budgétaire

A en croire les députés socialistes, Manuel Valls va annoncer pendant son discours un collectif budgétaire pour « la fin du mois de juin ». Il s'agit d'un mini-budget, voté en cours d'année pour rectifier certains aspects du budget initial, adopté à l'automne précédent. Selon le député Christian Eckert, le nouveau premier ministre souhaite faire « de nouvelles économies », pour aller au-delà des 15 milliards d'euros de dépenses déjà rabotées par les parlementaires dans le budget 2014. Cette solution lui permettra donc d'imprimer sa marque (et de rassurer l'Europe sur la trajectoire budgétaire française) sans devoir attendre les discussions sur le budget 2015, qui n'auront lieu qu'à l'automne.

 Maxime Vaudano
Journaliste au Monde.fr

 

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

 

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 22:29

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

Un quart des SDF ont un travail

Le Monde.fr avec AFP | 08.04.2014 à 18h22 • Mis à jour le 08.04.2014 à 18h37

  
 
24 % des sans-domicile francophones travaillent, mais le plus souvent occupent des emplois « très précaires », relève l'Insee dans une étude publiée mardi.

Un quart des sans-domicile adultes francophones (24 %) travaillent, mais le plus souvent occupent des emplois « très précaires », relève l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans une étude publiée mardi 8 avril. 39 % des SDF étaient au chômage et 37 % étaient inactifs, un terme qui englobe les personnes élevant des enfants, les retraités, les invalides, les demandeurs d'asile ou les sans-papiers n'ayant pas le droit de travailler

  • Quels types de contrat de travail ont les actifs ?

Seuls 39 % des sans-domicile en emploi ont un CDI, 24 % bénéficient d'un CDD, 15 % d'un travail temporaire et 22 % travaillent sans aucun contrat. Près de la moitié des actifs sont à temps partiel, particulièrement chez les femmes (63 % contre 37 % pour les hommes).

  • Les Français plus avantagés

Parmi les SDF actifs, des disparités existent entre Français et étrangers, ces derniers occupant « un peu plus souvent un emploi régulier ou un “petit boulot” (27 %) que les Français (22 %) ». Mais, dans tous les cas, ces travailleurs occupent « presque exclusivement des emplois peu qualifiés », souligne l'Insee.

  • Dans quels secteurs sont-ils employés ?

Plus de neuf sur dix (93 %) sont employés ou ouvriers. Les hommes sont employés surtout dans le bâtiment (20 %), l'hôtellerie ou la restauration (22 %). Près de la moitié des femmes sont quant à elles employées dans les services aux particuliers, 15 % étant dans l'hôtellerie-restauration.

L'enquête note également que « le taux d'emploi des personnes sans domicile est d'autant plus élevé que leurs conditions d'hébergement sont stables ». Près d'un tiers (31 %) des personnes ayant un logement fourni par une association travaillent, un quart de ceux logés dans un centre où ils peuvent rester dans la journée, 21 % de ceux qui sont à l'hôtel et 13 % seulement des personnes en centre d'hébergement la nuit uniquement ou dans la rue.

  • Quelles sont leurs sources de revenus ?

Le revenu de solidarité active est le principal revenu déclaré des SDF (perçu par 30 % d'entre eux) devant les revenus du travail (25 %), les allocations chômage (8 %), l'allocation adulte handicapé (7 %) et autres prestations sociales.

Lire aussi : Le nombre de SDF a augmenté de 50 % en trois ans

Méthode

 

Cette enquête a été menée auprès des utilisateurs francophones des services d'hébergement et de distribution de repas, en janvier et février 2012, par l'Insee et l'Institut national d'études démographiques.

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

 

 

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