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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:50
| Par Louise Fessard

« Enlisée, l'affaire s'est complètement enlisée », estime Me Thierry Lévy, l'un des avocats des mis en examen de Tarnac, accusés d'avoir saboté plusieurs lignes à grande vitesse (LGV) entre octobre et novembre 2008. Trois ans après les faits et l'arrestation en fanfare de Julien Coupat, de sa compagne Yildune Lévy, ainsi que de sept autres personnes, à l'époque désignés comme appartenant à la « mouvance anarcho-autonome », l'information judiciaire pourrait se terminer beaucoup plus discrètement d'ici l'été.

Dès leur arrestation, la ministre de l'intérieur de l'époque Michel-Alliot Marie s'était empressée de saluer devant les micros une « opération réussie » et « rendue possible grâce au travail » de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), et de la sous-direction antiterroriste (Sdat). Politiquement, l'« opération » tombait à pic. Elle tourne maintenant au fiasco, un fiasco que le gouvernement tente de faire oublier.

A l'époque, ces spectaculaires arrestations étaient censées prouver l'efficacité du tout nouveau service de renseignement, la DCRI, née en juillet 2008 de la fusion de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des Renseignements généraux (RG). Plus encore, elle venait valider l'obsession de la ministre à l'égard des « risques d’une résurgence violente de l’extrême gauche radicale », dénoncés dès février 2008 dans une interview au Figaro.

Mais le spectre d'un ennemi intérieur, déployé internationalement, s'est rapidement dégonflé, et Michèle Alliot-Marie a disparu, contrainte de quitter le gouvernement pour avoir proposé, il y a un an, son savoir-faire sécuritaire... à Ben Ali. En revanche, à l'instigation des avocats, le feuilleton médiatique de l'affaire de Tarnac est devenu celui de la contre-enquête sur les méthodes de la police antiterroriste. « Si procès il y a, ce sera celui de l'antiterrorisme », met en garde Me Jérémie Assous, un des avocats du groupe.

Dernier épisode en date, le 3 janvier 2012, une information judiciaire a été ouverte à Brive-la-Gaillarde pour enquêter sur les écoutes sauvages de l'épicerie de Tarnac (Corrèze) gérée par plusieurs des suspects. Suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée en février 2011 par Me William Bourdon, au nom de magasin général de Tarnac, un juge d'instruction devra déterminer s'il y a eu « atteinte au secret des correspondances » et « atteinte à la vie privée ».

 

L'épicerie de Tarnac, reprise en 2007 par les jeunes militants. 
L'épicerie de Tarnac, reprise en 2007 par les jeunes militants.

En mars 2008, sollicité pour des problèmes de terminal carte bleue à l'épicerie de Tarnac, un agent de France Télécom avait découvert et désinstallé un boîtier connecté à l'une des lignes téléphoniques du magasin. Il ne pouvait s'agir d'une écoute judiciaire, l'enquête préliminaire visant le groupe de Tarnac pour « association de malfaiteurs à visée terroriste » n'ayant été ouverte que le 16 avril 2008.

Le mode opératoire ne correspond pas non plus à une écoute administrative (avec demande d'autorisation à la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité). « On est dans une logique de bricolage style Canard enchaîné (des agents de la DST avaient été surpris en train de poser des micros dans les bureaux du journal - ndrl)», estime Me William Bourdon. Le groupe de Tarnac a donc été écouté, vraisemblablement illégalement, dans un contexte policier et politique de paranoïa à l'égard des mouvements d'extrême gauche.

Quelques mois plus tard, la mise en examen de Julien Coupat pour avoir « organisé un groupement en vue de la préparation d'actes terroristes » porte d'ailleurs sur des faits « allant de 2002 au 10 novembre 2008 », preuve de la surveillance prolongée dont a fait l'objet celui tenu pour être le leader du petit groupe de Tarnac.

« Si preuve est rapportée que le point de départ de l'enquête n'a été possible qu'en raison d'écoutes clandestines, c'est tout le dossier qui serait fragilisé », estime M  William Bourdon. Le parquet de Paris avait ouvert l'enquête en avril 2008, à la demande de la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la direction centrale de la police judiciaire, qui soupçonnait l'existence d'« une structure clandestine anarcho-autonome entretenant des relations conspiratives avec des militants implantés à l’étranger et projetant de commettre des actions violentes ».

Une balise encombrante

Deux autres enquêtes, touchant deux pièces majeures du dossier, ont été ouvertes après le dépôt des plaintes par les avocats.

– A Clermont-Ferrand, une enquête préliminaire pour « subornation de témoin » vise la déposition d'un témoin sous X, qui aurait fait l'objet de pressions policières.

– A Nanterre, une information judiciaire a été ouverte par le parquet en novembre 2011 pour « faux et usage de faux en écriture publique » concernant le procès-verbal de filature de Yildune Lévy et Julien Coupat.

C'est ce procès-verbal, dit PV 104, qui démontre leur présence, la nuit du 7 au 8 novembre 2008, à Dhuisy (Seine-et-Marne), à proximité des lieux du sabotage sur la ligne TGV-Est. Il est d'autant plus important, qu'alors que trois autres fers à béton avaient été fixés cette nuit-là sur différentes lignes à grande vitesse (Nord, Est et Sud-Est), l'enquête s'est focalisée sur ce sabotage à hauteur de Dhuisy.

Or, d'après les avocats, le PV 104, qui retrace 17 heures de filature par une vingtaine de policiers de la sous-direction antiterroriste (Sdat) et de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), est truffé d'incohérences.

 

Pont auprès duquel la voiture de Julien Coupat aurait été vue, sur la ligne TGV Est. 
Pont auprès duquel la voiture de Julien Coupat aurait été vue, sur la ligne TGV Est.

L'usage d'une balise GPS clandestine pourrait expliquer certaines de ces contradictions, comme le fait que les policiers affirment avoir perdu la voiture porte de Châtillon, dans un parking souterrain, où une balise ne pouvait plus émettre. Julien Coupat « était suivi à bonne distance grâce à une balise GPS placée sur sa vieille Mercedes », avait expliqué en février 2011 dans Le Nouvel Obs une « source proche de l'enquête ». « A midi, le signal a disparu comme cela arrive quand la cible entre dans un parking souterrain. »

Autre élément troublant, les policiers affirment avoir repéré la Mercedes du couple à l'arrêt en pleine nuit aux abords de la ligne LGV où un crochet sera découvert au matin, sans avoir jamais vu Julien Coupat et Yildune Lévy eux-mêmes sur les voies. Ce qui paraît curieux vu la configuration des lieux, surtout si le couple (qui nie par ailleurs s'être trouvé sur les lieux) s'était aidé d'une frontale comme le soupçonnent les policiers.

« Les policiers ont dû interrompre la filature, puis ont essayé de la reconstituer à partir de constations incomplètes réalisées grâce à la balise », pressent Me Thierry Lévy. Dans Libération (15 novembre 2008) puis dans Le Nouvel Obs (18 février 2011), des policiers ont confirmé avoir utilisé une balise GPS en complément de la filature, avant de nier son existence au juge d'instruction Thierry Fragnoli. 

« La Sdat n’a pas été amenée à faire usage de dispositif "GPS" sous le véhicule Mercedes (…) les 7 et 8 novembre 2008 », dément Eric Voulleminot, patron de la Sdat dans un courrier du 26 juillet 2011. Sans préciser si c'était également le cas pour la DCRI, qui suivait aussi la voiture de Julien Coupat.

Le code pénal français est muet sur l'utilisation de balises GPS. Elles ne sont donc pas explicitement soumises à une autorisation du juge, mais pour Me William Bourdon, il est évident que « tous les modes clandestins de surveillance, que ce soit de la parole ou des mouvements, sont illégaux ». « S'il n'y a pas de balise, les constations faites sont impossibles et le PV 104 plonge, mais si les policiers reconnaissent son existence, ils sont dans l'illégalité », résume Me Lévy.

Bref, trois ans après les faits, la justice antiterroriste en est encore à supputer l'utilisation ou non d'un dispositif GPS potentiellement illégal par les policiers chargés de la filature.
Du terrorisme vraiment ?

La qualification terroriste des faits elle-même reste en débat. Les jeunes militants de Tarnac et de Rouen ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », Julien Coupat étant lui poursuivi pour « direction et organisation ». Mais jusqu'à l'ordonnance de renvoi devant les assises ou le tribunal correctionnel, les juges d'instruction peuvent décider d'abandonner cette qualification terroriste. Ils n'ont pas tranché pour l'instant.

La définition pénale française du terrorisme est assez floue : il s'agit d'un certain nombre d'infractions « ayant pour but de troubler l'ordre public par la terreur ou l'intimidation ». Jusqu'ici, elle ne s'était jamais étendue aux atteintes aux biens. « Même s'il n'y a pas d'accord international sur la question, globalement on considère que le terrorisme, c'est faire couler le sang, explique Me William Bourdon. Si le juge Fragnoli décide d'étendre cette définition aux atteintes aux biens, il prend une lourde responsabilité, car il ouvre la possibilité de criminaliser demain les formes les plus violentes de la contestation sociale. C'est une jurisprudence qui mettrait la France en marge d'une espèce de consensus international. »

Une déqualification ouvrirait en tout cas une porte de sortie aux trois juges en charge de l'instruction, Thierry Fragnoli, Edmond Brunaud et Yves Jannier, dans un dossier que le gouvernement s'efforce aujourd'hui de faire oublier. Après les premières déclarations tonitruantes de la ministre de l'intérieur Michèle Alliot-Marie, ses successeurs place Beauvau se sont bien gardés de s'exprimer sur un dossier aussi contesté. 

« C'est une affaire qui avait un intérêt politique évident et qui a complètement disparu aujourd'hui, estime Me Thierry Lévy. Le temps de l'exploitation politique passé, reste à trouver une solution judiciaire. » Et il n'est pas certain que les mis en examen de Tarnac se contentent d'une sortie par la petite porte.

 

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:43
Tefy Andriamanana - Marianne | Vendredi 13 Janvier 2012 à 15:01

 

L’affaire de l’IGS se télescope avec les présumées bavures d’Aulnay et Clermont-Ferrand. Mais les pontes de la police semblent bénéficier de plus de mansuétude.



La police française traîne nombre de casseroles ces derniers temps. Après les affaires Neyret et du Carlton, un autre scandale vise l’IGS, la police des polices, accusée d’avoir monté un faux dossier contre plusieurs fonctionnaires de la préfecture de police de Paris. Le préfet Michel Gaudin, proche de l’Elysée et de Guéant, a été entendu comme témoin assisté dans cette affaire mais a dénoncé des « allégations » à son égard. Il est accusé d'avoir prononcé la suspension de fonctionnaires faussement accusés sur la base d'éléments d'enquête judiciaire qu'il n'avait pas à connaître.
 
Mais pour l’heure Claude Guéant a maintenu sa confiance en ses services. Il a même annoncé avoir porté plainte pour diffamation contre le PS Bruno Le Roux, porte-parole de Hollande, qui l’a accusé d’être « au cœur » de l’affaire de l’IGS. L’Inspection est également impliquée dans un des volets de l’affaire des écoutes du Monde. C’est ce service qui a épluché les fadettes de journalistes du quotidien sous ordre du procureur Courroye, toujours en place lui aussi. 
                
Dans l’autre volet de l’affaire des fadettes, Bernard Squarcini, patron du renseignement intérieur, a été mis en examen, mais a aussi été maintenu à son poste. Comme Frédéric Péchenard, patron de la police nationale et entendu comme témoin assisté, qui a avoué avoir été le donneur d’ordre de Squarcini.

Inégalité de traitement

Bref, qu’il s’agisse de Gaudin ou de Squarcini, des pontes de la police, proches de l’Elysée, ont pu sauver leur tête malgré leur implication dans des affaires judiciaires. La droite répond qu’ils bénéficient tous de la présomption d’innocence. Sauf que certains policiers de base risquent de protester contre l’inégalité de traitement entre simples agents et grosses huiles des forces de l’ordre.
 
En effet, l’affaire de l’IGS se téléscope avec deux affaires de bavures à Clermont-Ferrand et Aulnay. Lundi et Mardi, deux hommes sont morts après leur arrestation par la police. Des troubles ont eu lieu dans les deux villes par la suite. A Clermont, une information judiciaire a été ouverte pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique », un crime passible de 20 ans de prison. A Aulnay, l’enquête pour « recherche des causes de la mort » est toujours sous le contrôle du parquet de Bobigny.
 
Les défenseurs des droits de l’Homme et la gauche ont alors rapidement posé la question de la suspension des policiers de Clermont accusés de bavures. Claude Guéant a écarté cette solution estimant qu’il n’avait pas encore d’éléments à charge mais a en revanche annoncé que les policiers concernés étaient « hors service » et « en congés ». Des termes polis pour écarter les agents de leur commissariat tout en évitant de paraître trop sévère. Pour l’heure, aucune mise en examen n’a eu lieu. Mais les syndicats craignent qu’on ouvre une chasse à l’homme. Synergie, classé à droite, dénonce déjà les « inquisiteurs » s’en prenant à la police.  

L'IGS discréditée

Là est le problème, si les affaires de Clermont et de l’IGS n’ont évidemment rien à voir sur le fond, les simples policiers mis en cause n'ont pas bénéficié de la même protection que Squarcini et autres. Une fracture risque de se créer entre pontes proches du pouvoir politique et policiers de base qui prennent les risques sur le terrain et doivent déjà subir la baisse des moyens humains et matériels
 
Bernard Squarcini, mis en examen dans l’affaire des fadettes, est toujours en place, les policiers de Clermont, qui n’ont pas encore été accusés formellement, sont mis « hors service ». Une fracture risque aussi d’apparaître avec la justice. La juge Ganascia qui avait mis en examen 4 fonctionnaires en se basant sur le faux dossier de l’IGS avant d’être dessaisie et désavoué par la Cour d’appel n’a pas encore été inquiété mais le CSM a été saisi de son cas. De son côté, le procureur Courroye continue de dormir sur ses deux oreilles.
 
Le sentiment d’inégalité de traitement est d’autant plus fort que Le Monde a révélé qu’en 2009, le parquet et le ministère de la Justice ont bloqué une enquête sur le faux dossier de l’IGS. Pour la petite anecdote, Claude Bard, n°3 de l’IGS à l’époque du faux dossier, a été promu n°1 du service en juillet 2010. Autant d'éléments qui peuvent faire croire aux policiers de base qu'un certaine impunité règne en haut lieu. Pire, l'implication de l'IGS dans les affaires des fadettes et de la préfecture de police de Paris risque de discréditer toute enquête interne sur des bavures. Un service chargé de faire respecter la déontologie policière, lui-même suspecté d’avoir outrepassé ses droits, certains policiers doivent hésiter entre le rire et les larmes.
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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:39

 

Rue89 - Les initiés 18/12/2011 à 19h27 Alexis Buisson
 

On aimerait croire que les analystes à l'origine de la notation des dettes souveraines sont des monstres sans cœur. Et si cela n'était pas le cas ?

 


Des hommes portant des masques (Photography King/CC)

« Des gens intelligents dans une culture d'entreprise merdique. »

Un employé de hedge fund, qui a souhaité rester anonyme, ne mâche pas ses mots pour décrire les analystes de Moody's. Impossible de vérifier cette affirmation, l'agence de notation ayant refusé nos demandes d'entretiens. Sans surprise.

Qui sont donc ces analystes secrets qui ont le pouvoir, par simple communiqué, de mettre des gouvernements sens dessus dessous ? Eh bien, si l'on en croit une demi-douzaine d'entretiens anonymes avec d'anciens employés de Moody's, des gens ordinaires qui ont des envies… ordinaires, bien loin des fantasmes de la presse.

Un d'eux prétend qu'avant la crise, on choisissait de travailler à Moody's parce que la compagnie offrait un environnement de travail confortable, pas trop mal rémunéré et relativement stable, parfaitement « adapté à ceux qui voulaient aller à l'opéra à 20h ». Pepère quoi.

D'autres décrivent un job peu « glamour ». Rien à voir avec le train de vie de ces traders flambeurs de Wall Street. Un ancien de la division de finance structurée va même jusqu'à comparer la compagnie à – tenez-vous bien – l'« IRS », l'équivalent américain de notre bon vieux trésor public, pour son organisation hiérarchique et son image vieillotte.

« Imaginez la tête de votre maman quand vous lui dites que vous avez trouvé un travail aux impôts ! Moody's, c'est pareil », s'exclame cet ancien, qui conseillait aux analystes « junior » de privilégier les « hedge funds » ou les grandes banques s'ils voulaient gagner leur vie. « Ce n'est pas un endroit où l'on reste toute sa vie. »

Les intellos de la notation

Moody's est un mastodonte de 4900 employés dans le monde, dont 1093 analystes. Le service des investisseurs de l'entreprise est divisé en plusieurs entités qui offrent chacune des services de notation divers à destination des entreprises et des banques.

Son « sovereign risk unit », la cellule qui traite les demandes de notation d'entités publiques, aurait plus de 860 000 dossiers de dettes municipales et nationales en cours de traitement selon l'agence de presse Reuters. Une activité lucrative si l'on en croit le Washington Post qui chiffrait à jusqu'à 220.000 dollars le montant d'un service de notation, dans un article publié en 2004

Nos faiseurs de rois n'ont beau être qu'une petite quarantaine derrière les imposants murs du quartier général de l'agence, à quelques pas d'un Ground Zero en chantier, ils occupent néanmoins une place bien à part dans l'agence.

Tout d'abord parce qu'ils incarnent l'activité historique de Moody's et l'exigence d'intégrité que l'entreprise promet à ses clients depuis sa naissance en 1909. Ensuite, parce que cette unité très spéciale serait composée de vétérans du « risque-pays » qui partagent le point commun d'avoir parcouru le monde à la différence de leurs collègues des autres divisions, pour rencontrer leurs clients et se familiariser avec la culture et les traditions de leur pays.

Historiquement, l'unité s'est distinguée par la « diversité » de son recrutement. A sa création en septembre 1985, à la suite d'une restructuration des services de notation après le fiasco de la crise vénézuélienne de 1983 – Moody's avait accordé un triple A au pays alors qu'il était en défaut de paiement – elle comprenait aussi bien des banquiers que des économistes, multilingues, issus de grandes universités nord-américaines.

Les plus âgés d'entre eux avaient travaillé dans le secteur bancaire ou dans les institutions internationales, type Fonds monétaire international, pendant la crise de la dette latino-américaine des années 70 et 80. Parmi les managers, on comptait un Américain diplômé d'économie internationale à Georgetown et à l'université McGill de Montréal, un ancien de la banque de France et du FMl et un Mexicain diplômé de l'université de San Diego en Californie. L'actuel directeur de l'unité, Bart Oosterveld, est Hollandais et a étudié à l'université de Columbia à New York.

Passion et émotion pour convaincre

L'interaction de ces profils aurait donné lieu, pour ceux qui ont travaillé au sein de l'unité, à un environnement particulièrement stimulant sur le plan intellectuel pour une division d'une grande institution financière. Vincent Truglia, qui a dirigé l'unité de 1992 à 2007, se souvient de confrontations de points de vue et d'échanges d'expérience « passionnés » et « émotionnels » lors des comités de notation au cours desquels l'auteur de l'analyse doit « convaincre » ses pairs de son bien fondé.

Ces débats étaient d'autant plus chauds que « jusqu'en 2003-2004 » la promotion interne n'existait presque pas au sein de la petite unité, poursuit Truglia. Ce qui signifiait que les managers étaient recrutés à l'extérieur de l'entreprise pour favoriser l'expression d'opinions diverses et que les analystes « junior » pouvaient avoir jusqu'à « 10-15 » ans d'expérience au sein de Moody's. Rare dans le monde fluctuant de la finance.

Aujourd'hui associé dans une firme de gestion d'actifs, Truglia insiste sur l'indépendance de son unité : seuls les analystes décidaient de la note finale, assure-t-il, tout simplement parce que la batterie de paramètres, financiers, politiques, institutionnels et économiques qui fondait leur décision, était trop complexe pour des cerveaux extérieurs au groupe.

Il raconte par exemple que quand un dirigeant sud-américain dont le pays venait d'être noté s'est adressé au PDG de l'époque John Rutherfurd pour plus d'informations, celui-ci lui a répondu :

« Je suis l'administration de l'hôpital, adressez-vous aux médecins ».

Pour ces « médecins », la fierté de l'analyste ne venait pas de l'argent engrangé pour la notation, poursuit-il, mais de la finesse de l'analyse :

« Nous voyions notre travail comme une combinaison de commercial, car nous travaillions pour une firme financière, et d'académique. Les employés se voyaient comme des universitaires. Lors de nos débats en comité de notation, les analystes rappelaient souvent à leur collègues des positions qu'ils avaient défendues il y a cinq ans ».

Matheux contre académiciens

Il est difficile de dire si cette sous culture au sein de Moody's perdure dans ce monde post-crise dans lequel la crédibilité des agences de notation est fragilisée.

En tout cas, un changement est intervenu en 2000, quand, pressé par ses clients et la « Securities and exchange comission » (SEC), l'organisme américain de contrôle des marchés financiers, Moody's s'est lancé dans une initiative de mathématisation accrue de ses modèles de notation afin de les rendre plus transparents et objectifs. Dans une interview récente, l'ancien dirigeant de l'unité David Levey a dit avoir « résisté » à cette évolution, préférant l'approche « pluridisciplinaire, hautement qualitative » qui avait été pratiquée jusqu'alors.

Cet effort de mathématisation a entraîné ce que la presse a vu comme des « couacs » de notation. En 2007, un nouveau modèle appelé « Joint Default Analysis », censé intégrer dans le calcul de la note la capacité d'un gouvernement à soutenir financièrement une banque en difficulté, a artificiellement gonflé le niveau de certaines notes. Le modèle a été revu et corrigé depuis.

Pour Kevin Selig, un analyste auteur d'une étude de cas sur la crise et les agences de notation :

« Il ne fait aucun doute que les employés d'agences de notation sont incroyablement intelligents. La complexité des modèles avec lesquels ils travaillent est impressionnante (…) Ces “ smart guys ” ont juste été rattrapés par un business, la notation de crédit, pressé de toute part pour changer ses standards. »

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:35

 

Vendredi 13 : la France perd son triple A

Rue89 - Baudry

Publié le 13/01/2012 à 04h48

 


La France perd son triple A (Baudry)

Chronique du triple A > Les 10 conséquences de la perte du triple A

Rue89 - Créé le 16-12-2011 à 13h19 - Mis à jour le 13-01-2012 à 17h30     

 

Le triple A de la France est menacé ? (Sipa)

Le triple A de la France est menacé ? (Sipa)

 

"Ce serait une difficulté de plus", avait déclaré Nicolas Sarkozy lundi 12 décembre. Mais "pas un cataclysme", a poursuivi le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé mercredi 14 décembre.

Les commentaires des responsables politiques sur la dégradation de la note de la France par Standard and Poor's évoluent au rythme de la crise européenne. Nicolas Sarkozy n'avait-il pas glissé il y a quelques temps : "Si on perd le triple A, je suis mort" ?

Ainsi, après avoir fait de la préservation de la note souveraine l'indicateur sacré de la réussite de sa politique, la majorité tente d'en minimiser l'impact auprès de l'opinion. Mais quelles seront les conséquences réelles de la perte du AAA en France ?

 

1. Une hausse des taux d'intérêts

C'est un avertissement pour les créanciers de la France. Le triple A, décerné par les agences de notation comme Standard and Poor's, indiquait que le risque de non-remboursement de la dette française était quasi nul. Rassurant pour les investisseurs à la recherche de placements sûrs, qui acceptaient de lui prêter à taux bas. Vont-ils désormais réclamer des taux supérieurs pour couvrir ce risque ?

2. Une confirmation de la crise

Se basant sur les analyses du Fonds monétaire international, sur les notes des deux autres grandes agences (Moody's et Fitch) et surtout, sur les analyses des banques, les investisseurs n'ont pas attendu la perte du triple A pour paniquer.

La preuve de cette anticipation ? Avant sa dégradation, les taux d'intérêts des emprunts réalisés par l'Agence France Trésor n'ont cessé de monter ces dernières semaines, notamment par rapport à l'Allemagne. Et d'ailleurs, l'annonce, en décembre, de la mise sous surveillance par S&P de la note française a à peine fait ciller les marchés.

Cela dit, bien qu'anticipée, une dégradation n'arrange rien à la situation, car la France n'est pas le premier marché de la dette. Contrairement aux Etats-Unis qui, de ce fait, paient moins chers leurs emprunts aujourd'hui, bien qu'ils aient perdu leur triple A l'été dernier.   

3. La fuite des investisseurs

En décembre, Standard and Poor's avait mis sous surveillance quinze pays européens, mais elle avait ciblé plus particulièrement la France, en menaçant de lui retirer deux crans. "Si tous les pays de la zone sont dégradés d'un cran, c'est moins grave pour la France : les investisseurs ne la délaisseront pas au profit de ses voisins", expliquait Pascal Canfin, eurodéputé Verts et fondateur de Finance Watch, le Greenpeace de la finance.

Les fonds de pension, qui gèrent les actifs des retraités, ne prendront aucun risque : ils se tourneront mécaniquement vers les pays les mieux notés.

4. Le début d'un cercle vicieux

La dette de la France est de plus de 1.600 milliards d'euros. Le montant des intérêts est supérieur au plus gros budget de l'Etat. Et ce n'est pas fini : la France devra emprunter près de 180 milliards d'euros pour son financement public en 2012.

La poursuite de la hausse des taux d'intérêts signifierait une nouvelle réduction des marges de manœuvre du gouvernement. Notamment pour réformer l'Etat, relancer l'investissement et mettre en place une économie compétitive. Sans quoi il est impossible pour la France de retrouver une croissance suffisante pour réduire sa dette !

5. Une action de la banque centrale

La BCE n'est pas censée acheter des obligations souveraines. Son indépendance, gravée dans le marbre par les traités européens, lui interdit de financer un pays. Cependant, face au risque d'écroulement du système, elle a tout de même racheté des obligations grecques, irlandaises, portugaises, espagnoles et italiennes ces derniers mois.

Son but ? Restaurer la confiance sur les marchés obligataires et enrayer la hausse des taux, afin de sortir ces pays du cercle vicieux. En cas de déclenchement d'un tel phénomène en France, la BCE interviendra-t-elle ?

6. Une menace sur le système bancaire

Quelques jours après la menace de déclassement de la France, Standard and Poor's a placé les banques françaises sous surveillance. Son exécution entrainera-t-elle une nouvelle dégradation du système bancaire ?

Là encore, les marchés ont sûrement anticipé. Les règles prudentielles européennes obligent les banques à détenir une proportion minimum de dette souveraine dans leur bilan, considérée il y a peu de temps comme un actif sûr.

Mais "elles vont avoir besoin de financement au premier trimestre 2012", expliquait récemment Moritz Krämer, analyste chez S&P. Il estime à 200 milliards d'euros le montant des crédits arrivant à maturité pour une cinquantaine de banques européennes au premier trimestre 2012. Les banques françaises vont devoir vendre des actifs qu'elles avaient gardés jusqu'ici. Les prix étant bas sur les marchés, elles vont afficher des pertes dans leurs comptes. D'où les milliers de suppressions de postes annoncées cette année.

Conséquence de cette menace sur les banques : une hausse probable des taux d'intérêts pour les crédits aux entreprises et aux particuliers.

7. Une dégradation des institutions publiques

Certaines entités, disposant de la même signature que l'Etat pour leurs emprunts, devraient être dégradées. L'Unedic, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Réseau ferré de France (RFF), perdraient tous leur AAA. Même chose pour La Poste dont le coût de financement augmenterait.

Quelle conséquence pour la CDC, qui doit justement venir en aide à l'assureur Groupama et à la banque Dexia ? Ou pour la banque de financement des PME Oseo ? "Bénéficiant d'autres sources de financement que les marchés, elle ne sera pas nécessairement contrainte d'augmenter les taux pour ses clients dans un premier temps", explique un de ses cadres. Mais à plus long terme, il est possible qu'elle doive le faire dans certains cas. Reste à savoir lesquels, et quand.

8. Une augmentation des prix pour les particuliers

L'Etat participe au capital d'EDF, la SNCF, GDF-Suez, Air France-KLM, EADS, France Telecom, Renault, etc. A leur tour, ces grosses entreprises pourront voir leurs coûts de financement augmenter. Cela posera notamment problème aux filiales les moins solides, pour lesquelles la garantie de l'Etat est précieuse.

"Difficile de savoir quand se matérialiseront les conséquences de la perte du triple A pour les clients. L'impact sera probablement inégal et réparti sur plusieurs années", affirme Karine Berger, conseillère de François Hollande pour l'économie.

9. Un nouveau risque pour les collectivités locales

Leur système de financement par les banques est "en train d'exploser" affirme une analyste chez S&P. Leur budget dépend pour moitié des subventions de l'Etat, et elles utilisent sa garantie pour se financer ailleurs à des prix raisonnables. Et "parmi elles, il y a des centaines de petite Grèce", affirme Karine Berger.

10. Un tournant dans l'élection présidentielle

A qui profite la pression des agences ? Pour le président socialiste de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac, "en acceptant par avance une dégradation et en refusant de mener une politique de redressement juste et efficace qui permettrait de l'éviter, Nicolas Sarkozy privilégie son intérêt électoral de court terme plutôt que l'intérêt de moyen et de long terme des Français".

François Hollande avait ajouté en décembre : "Je ne sais pas ce qui se passe avec le triple A mais pour l'instant il y a un triple échec de Nicolas Sarkozy: échec par rapport à l'obligation de croissance, nous sommes en récession, échec par rapport à l'objectif de réduire le chômage, échec par rapport à la réduction des déficits".

 

Par Donald Hebert


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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:31

LEMONDE.FR avec Reuters | 13.01.12 | 13h21   •  Mis à jour le 13.01.12 | 13h56

 

Un SDF assisté par des infirmiers du Samu social lors d'une maraude.

Un SDF assisté par des infirmiers du Samu social lors d'une maraude.AFP / JOËL SAGET


Près de la moitié des demandes d'hébergement d'urgence en France n'ont pas abouti en décembre, rapporte le baromètre hivernal publié, vendredi 13 janvier, dans le quotidien La Croix.

La prise en charge en hébergement d'urgence s'est cependant améliorée de 13 points par rapport au mois de novembre, alors même que le nombre des demandes a augmenté de 5 %, précise l'étude. Une amélioration qui témoigne de "l'ouverture de quelques places hivernales d'urgences", écrit dans un communiqué la Fédération nationale d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui a réalisé ce baromètre.

 

"INCOHÉRENCE DE LA GESTION HIVERNALE DE L'EXCLUSION"

Mais cette proportion reste "trop importante" d'après la fédération, qui dénonce "l'incohérence de la gestion hivernale de l'exclusion". "[La gestion] 'au thermomètre' (…) adapte l'offre d'hébergement d'urgence aux conditions climatiques avant de s'adapter aux besoins des personnes", écrit-elle, rappelant que les températures de décembre n'ont pas été suffisamment basses pour déclencher l'ouverture de places supplémentaires.

Selon l'étude, menée du 5 décembre au 1er janvier dans 37 départements, 49 % des appels au 115 n'ont pas été suivis d'une réponse favorable, essentiellement du fait d'absence de places disponibles. Un manque de place particulièrement criant dans certains départements comme la Loire et le Rhône, où respectivement 91 % et 88 % des demandes n'ont pas donné lieu à un hébergement. "L'absence de places disponibles demeure le principal motif de réponses négatives, elle concerne 60 % des 37 départements, et s'élève sur certains départements de 70 à 80 % des non-attributions", souligne la Fnars.

Les familles, qui représentent 35 % des demandeurs d'hébergement d'urgence en décembre, restent moins hébergées que les personnes isolées. Même constat pour les personnes étrangères (42 % des demandeurs) par rapport aux demandeurs français. La Fnars rapporte par ailleurs que 65 % des personnes qui ont appelé le 115 en décembre étaient "déjà connues dans le dispositif d'urgence", signe d'après elle de la difficulté pour ces personnes d'accéder à un logement stable.

D'après un autre sondage réalisé du 6 au 9 janvier par Harris interactive pour la Fnars, 85 % des Français estiment que les candidats à l'élection présidentielle de 2012 devraient faire de la lutte contre la précarité une priorité.

 

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:28

LEMONDE | 13.01.12 | 14h30   •  Mis à jour le 13.01.12 | 14h32

 

 

 

Dans un marché de Téhéran en 2008.

Dans un marché de Téhéran en 2008.AFP/ATTA KENARE


A la veille de nouvelles sanctions occidentales contre la République islamique, accusée de vouloir se doter d'un arsenal nucléaire, la situation économique et surtout monétaire se dégrade en Iran. Au cours de ces trois dernières semaines, la monnaie nationale, le rial, a perdu 30 % de sa valeur face au dollar, en dépit des efforts de la banque centrale iranienne.

La raison semble surtout être d'ordre psychologique. "Les 200 millions de dollars injectés sur le marché n'ont pas donné de résultats et le rial a poursuivi sa chute. Les gens sont inquiets pour l'avenir. C'est pourquoi ils se ruent sur le dollar", note Mohammad-Reza Djalili, professeur honoraire à l'Institut des hautes études internationales et du développement, à Genève.

Au cours officiel, le dollar s'échange à quelque 14 000 rials, mais sur le marché informel il dépasse les 17 000 rials. "Ceux qui ont accès au dollar officiel sont ceux qui sont proches du pouvoir. Ils le revendent au marché noir. Une nouvelle forme de corruption est ainsi apparue et grandit", ajoute M. Djalili.

Le 23 janvier, l'Union européenne (UE) devrait annoncer un embargo sur le pétrole iranien. Si les recettes de la République islamique proviennent pour 80 % de l'or noir, l'UE ne dépend que pour 18 % du pétrole iranien. La France n'achète à Téhéran que 5 % de ses importations. La Grèce, l'Espagne et l'Italie, elles, importent d'Iran 15 % de leurs besoins. Il faudra environ six mois pour que cet embargo soit effectif, le temps que ces trois pays puissent se retourner.

Quel sera l'effet de cet embargo ? C'est toute la question, la grande majorité de l'or noir iranien étant achetée par l'Asie. La Chine est le premier client de l'Iran, suivie du Japon, de l'Inde et de la Corée du Sud. Le Japon vient de céder aux pressions américaines et a annoncé, le 12 janvier, qu'il s'engageait à réduire ses importations de brut iranien (soit 10 % de ses besoins).

LA POPULATION TRÈS TOUCHÉE

Presque aussitôt, la Chine a fait savoir qu'elle restait décidée à se fournir en pétrole iranien. Pékin pourrait augmenter ses achats de brut à l'Iran. De son côté, Téhéran pourrait choisir de brader son pétrole, prévoient les experts.

Sur place, en Iran, les sanctions internationales touchent pour l'instant davantage la population que le régime. Les biens de consommation et d'équipement sont encore disponibles sur le marché, mais à des prix exorbitants, et l'inflation est galopante (de l'ordre de 20 %). Le taux de chômage est officiellement de 10 %, mais les spécialistes l'évaluent au moins au double, et même à 25 % au moins chez les jeunes, particulièrement chez les diplômés. Pas d'indication officielle sur le taux de croissance mais on estime qu'en 2011, il aura tourné autour de 2 %.

"Les gens ne sont cependant pas prêts à descendre dans la rue. Ils souffrent, mais ils ont pris l'habitude d'endurer et de tenir bon, depuis trente ans que leur pays est soumis à des sanctions", relève Thierry Coville, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.

La solidarité familiale reste forte, de même que l'aide apportée par les réseaux religieux. Pour Thierry Coville, la classe moyenne est celle qui souffre le plus, tandis que les plus démunis bénéficient d'aides mieux ciblées qu'autrefois de la part du pouvoir, en particulier depuis que l'énergie et le pain ont cessé d'être subventionnés.

Dans l'immédiat, le régime ne paraît pas être aux abois. Les réserves en devises sont encore importantes : Téhéran dispose d'un an d'importations et son endettement extérieur est faible.

Le principal problème est celui des transactions financières. En raison des sanctions, les banques internationales se refusent à traiter avec leurs homologues iraniennes, ce qui paralyse les opérations commerciales.

La Grande-Bretagne a coupé tous les ponts avec Téhéran. Les Etats-Unis veulent empêcher la banque centrale iranienne d'être opérationnelle. Ils ont annoncé à plusieurs reprises qu'ils gèleraient les avoirs de toute institution financière étrangère qui commercerait avec elle. Pour se fournir sur le marché international ou se faire payer ses livraisons de pétrole, l'Iran passe par des banques turques ou pratique le troc. La Chine déverse ainsi sur les étals iraniens quantité de produits bas de gamme pour régler une partie de ses factures pétrolières.

Le régime iranien finira-t-il par plier ? La France veut y croire. "Notre stratégie est celle de la double approche : dialogue et sanctions", dit-on au Quai d'Orsay. Si Mohammad-Reza Djalili n'exclut pas que cette stratégie puisse, à terme, faire céder Téhéran, Thierry Coville est plus sceptique. "L'objectif des Occidentaux n'est pas très clair. Derrière la question du nucléaire, se cache un non-dit : faire tomber le régime, analyse-t-il. Or il n'y a pas d'exemple historique d'embargo économique qui ait réussi."

Florence Beaugé


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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:25

LEMONDE.FR | 12.01.12 | 20h01   •  Mis à jour le 13.01.12 | 10h47

 
 

 

Les suies jouent un rôle important dans l'augmentation des températures.

Les suies jouent un rôle important dans l'augmentation des températures.AFP/BORYANA KATSAROVA


Eviter plusieurs millions de morts prématurées chaque année tout en permettant de "gagner" un demi degré de réchauffement climatique à l'horizon 2050, ainsi qu'en améliorant la sécurité alimentaire mondiale ? Le tout grâce à la mise en œuvre de seulement quatorze mesures simples et techniquement, comme financièrement, abordables – ne concernant pas, de surcroît, le dioxyde de carbone (CO2) ? Ce n'est pas une plaisanterie, mais la conclusion d'une vaste étude internationale et pluridisciplinaire, publiée vendredi 13 janvier dans la revue Science.

Il n'y a nul tour de magie. Mais l'estimation des bénéfices climatiques, économiques et sanitaires de la limitation des émissions de deux produits des activités humaines : le méthane (CH4) d'une part et les suies d'autre part, ces poussières noires en suspension dans l'atmosphère, issues des combustions incomplètes. Le méthane est, outre un puissant gaz à effet de serre, le précurseur chimique de l'ozone (O3) troposphérique, qui joue un rôle non négligeable dans le réchauffement climatique et dégrade localement la qualité de l'air.

Quant aux suies, elles sont principalement émises dans les grands pays émergents comme l'Inde et la Chine. Elles sont largement issues des fourneaux fonctionnant au charbon, au bois et à d'autres combustibles traditionnels. Ces suies jouent un rôle important dans l'incidence de maladies respiratoires et cardiovasculaires de même qu'elles absorbent l'énergie solaire qu'elles reçoivent, jouant ainsi un rôle certain dans l'augmentation moyenne des températures.

QUATORZE MESURES SUR QUATRE CENTS

"Nous avons essayé de simuler, de la manière la plus réaliste possible, les effets du déploiement des technologies disponibles qui permettent d'améliorer à la fois la qualité de l'air et d'avoir un impact positif sur le climat", explique le climatologue Drew Shindell, chercheur au Goddard Institute for Space Studies et premier auteur de l'étude. Outre de jouer sur les deux aspects – santé publique et climat – l'intérêt de la démarche est que les deux polluants ciblés ont un temps de résidence faible dans l'atmosphère, au contraire du CO2 qui y demeure un siècle au moins. Si l'on cesse de les émettre, leur concentration atmosphérique décroît très vite et les effets bénéfiques sont rapidement sensibles.

Les auteurs ont d'abord introduit dans leurs modèles de simulation quatre cents mesures permettant de réduire toutes sortes d'émissions polluantes. Ils en ont retenu quatorze, les plus rapidement et fortement efficaces : toutes concernent la réduction des émissions de CH4 et de suies. En particulier : le déploiement de systèmes de récupération du méthane dans les mines de charbon ou les installations pétrolières, l'amélioration des réseaux de transport de gaz naturel, la gestion des effluents du bétail, le drainage régulier des rizières (culture très émettrice de méthane), la généralisation des filtres à particules dans les véhicules diesel, le remplacement des fourneaux traditionnels ou le bannissement de la culture sur brûlis...

GAGNER DU TEMPS

La limitation des émissions de suies a surtout un effet sanitaire fort. L'ozone troposphérique issu du méthane a pour sa part un effet important sur les rendements agricoles. Au total, les chercheurs estiment que si les quatorze mesures sélectionnées étaient scrupuleusement appliquées, ce seraient 700 000 à 4,7 millions de morts prématurées annuelles qui seraient évitées, principalement en Chine et en Inde. Par rapport à aujourd'hui, le monde ne se réchaufferait "que" de 0,8 °C d'ici à 2060, contre 1,3 °C anticipé... Dans le même temps, les gains de rendements agricoles permettraient une production mondiale annuelle – toutes cultures confondues – accrue de 35 millions de tonnes, à 135 millions de tonnes... Les marges d'incertitudes sont importantes mais les chiffres sont énormes.

"Il faut vraiment distinguer plusieurs problèmes qui sont un peu mélangés dans la présentation habituelle des enjeux climatiques, rappelle toutefois le climatologue français Hervé Le Treut, qui n'a pas participé à ces travaux. Le CO2 joue un rôle majeur à long terme à cause des quantités énormes qui sont émises et de sa longue durée de vie: il n'y a pas d'alternative à la réduction des émissions de CO2 si l'on veut se protéger d'un réchauffement de 4 °C ou plus, d'une fonte du Groenland ou de l'Antarctique qui se prolonge dans les siècles prochains."

En d'autres termes, les propositions de Drew Shindell sont surtout, comme les auteurs le rappellent eux-mêmes dans leur étude, un moyen de gagner du temps. Car il y a "une crainte forte et justifiée", poursuit M. Le Treut, que "la diminution des émissions de gaz qui restent moins longtemps dans l'atmosphère ne soit vue comme un substitut possible à la diminution du CO2".

Stéphane Foucart


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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:22

Oléoduc Keystone : le lobby pétrolier arrose le Congrès américain

 

Le Monde - Vendredi 13 janvier 2012

 

Le Keystone gate, comme on va bientôt le surnommer, n'a pas fini de faire des vagues aux Etats-Unis. Ce projet d'oléoduc géant, qui permettrait d'acheminer chaque semaine des millions de barils de pétrole issu des sables bitumineux du Canada vers le golfe du Mexique, était déjà sous le feu des critiques après les accusations de conflits d'intérêts à l'encontre de l'opérateur TransCanada et de la Maison Blanche, censée valider le projet.

Mercredi 11 janvier, c'est une autre révélation qui a ébranlé le futur Keystone XL : une étude a dévoilé l'étendue des fonds versés aux membres du Congrès par l'industrie pétrolière et gazière pour s'attribuer leur soutien. Une force de frappe susceptible de faire plier Barack Obama dans sa décision, qu'il doit rendre avant le 21 février, alors qu'il cherche tous les appuis possibles avant l'élection présidentielle de novembre.

 

A l'origine de l'enquête, Maplight, un groupe de recherche indépendant américain, qui traque les transferts de fonds en politique, s'est concentré sur les dons financiers du secteur pétrolier et gazier à des membres de la Chambre des représentants. Car la chambre basse est à l'origine de l'adoption d'un projet de loi, en juillet, pour forcer Obama à accélérer l'approbation du projet Keystone. Le texte avait finalement été rejeté, faute d'un accord du Sénat, mais les parlementaires, en particulier républicains, avaient continué à faire pression sur le président américain pour qu'il donne son accord à ce projet industriel fortement décrié pour ses conséquences environnementales désastreuses.

Le résultat de l'étude est édifiant : seulement 2 des 118 membres de la Chambre des représentants qui listent des entreprises pétrolières et gazières parmi leurs dix premiers donateurs de campagne se sont opposés au projet de loi visant à accélérer la validation de l'oléoduc. Et en élargissant aux 195 représentants qui indiquent l'industrie pétrolière dans leurs 20 premiers contributeurs, les proportions ne diffèrent guère : seuls dix d'entre eux ont voté contre le texte.

Au total, ce sont pas moins de 12 millions de dollars qui ont été versés directement aux membres de la Chambre entre 2009 et 2011, soit juste après la décision de lancer le projet du Keystone XL, en 2008.

Le Guardian s'est amusé à comparer la liste des 17 représentants les plus arrosés (plus de 100 000 dollars reçus en deux ans pour chacun d'entre eux) et leurs positions sur le projet Keystone XL. Tous sont républicains et tous ont voté en faveur du texte de loi visant à accélérer la validation de l'oléoduc.

En tête, on trouve Steven Pearce, représentant du Nouveau-Mexique, qui a touché le gros lot avec 370 000 dollars de contributions directes reçues entre juillet 2009 et juillet 2011. "Il est temps de mettre les enjeux politiques de côté, avait-il déclaré sur son site Internet le mois dernier. Nous devons tous travailler ensemble pour veiller à l'aboutissement de projets tels que l'oléoduc Keystone." Arrive ensuite Mike Pompeo, représentant du Kansas, avec 333 000 dollars, puis Bill Flores, représentant du Texas, avec 266 000 dollars, qui estimait en juillet, lors de l'examen du projet de loi : "Si nous ne nous emparons pas de cette ressource précieuse, les Chinois ou d'autres pays le feront."

Audrey Garric

Photo : MARK RALSTON / AFP

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:17

LEMONDE.FR avec AFP | 13.01.12 | 06h37   •  Mis à jour le 13.01.12 | 14h25

 
 

 

Un prisonnier politique embrasse son frère après avoir été libéré de prison le vendredi 13 janvier.

Un prisonnier politique embrasse son frère après avoir été libéré de prison le vendredi 13 janvier. Reuters/Soe Zeya Tun


La Birmanie libérait vendredi 13 janvier plusieurs prisonniers politiques de premier plan, une amnistie réclamée sans relâche par l'Occident comme preuve de la sincérité des réformes du nouveau régime et qui a été immédiatement saluée par l'opposition. Plusieurs leaders du soulèvement étudiant de 1988, dont la répression avait fait quelque 3 000 morts, sont cette fois concernés, alors que les précédentes amnisties ces derniers mois avaient déçu en n'incluant aucun d'entre eux.

Min Ko Naing, qui a passé la majeure partie de son temps en prison depuis 1988 et qui purgeait une nouvelle peine de soixante-cinq ans pour son implication dans la "révolte Safran" de 2007, devait ainsi sortir de prison dans la matinée, a indiqué sa sœur. Htay Kywe, autre leader de la "génération 88", également condamné à soixante-cinq ans de prison en 2007, "a été libéré", a annoncé une proche.

Plus important encore peut-être, sur le plan politique, l'ex-premier ministre Khin Nyunt, victime d'une purge, va également bénéficier de cette amnistie, selon un haut responsable birman. Khin Nyunt avait été limogé en 2004, puis arrêté et condamné l'année suivante à une peine de quarante-quatre ans de résidence surveillée pour corruption. Sa chute s'était accompagnée du démantèlement complet des services de renseignement militaire.

"UN SIGNE POSITIF"

La Ligue nationale pour la démocratie de l'opposante Aung San Suu Kyi a immédiatement salué cette troisième amnistie depuis octobre, annoncée jeudi soir via les médias officiels. "C'est un signe positif pour tout le monde. Nous saluons ces libérations", a indiqué son porte-parole Nyan Win, selon lequel plusieurs dissidents étaient "déjà en train de rentrer chez eux". Selon le quotidien officiel anglophone New Light of Myanmar, cette amnistie concerne au total quelque 650 personnes et a pour objectif "la réconciliation nationale [et] leur participation au processus politique".

La junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est dissoute en mars et a transmis ces pouvoirs à un gouvernement dit "civil" mais totalement contrôlé par d'anciens militaires. Ce gouvernement a depuis multiplié les réformes politiques spectaculaires, tranchant avec l'immobilisme autocratique de la junte du généralissime Than Shwe et le climat de terreur qui régnait dans ses rangs. Il a notamment permis le retour au cœur du jeu politique de Suu Kyi, qui se présentera aux prochaines élections partielles d'avril alors qu'elle était encore en résidence surveillée en novembre 2010.

Le pouvoir a également promulgué des lois autorisant les manifestations et les grèves et suspendu la construction d'un barrage controversé financé par son puissant allié et voisin chinois. Il a enfin entamé un dialogue avec les groupes rebelles des minorités ethniques qui n'ont jamais pacifié leur relations avec le pouvoir depuis l'indépendance en 1948, signant même une trêve avec certains d'entre eux dont la dernière en date, jeudi, avec la principale rébellion des Karens.

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:14

 

Le Monde - 13 janvier 2012

 

C'est une première. L'agence américaine de protection de l'environnement (APE) a mis en ligne sur son site une carte interactive référençant les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre aux Etats-Unis, rapporte le New York Times. L'agence explique que la carte, élaborée à partir de 66 157 sources, couvre 80 % des émissions de gaz à effet de serre du pays pour l'année 2010. Aucune centrale électrique, raffinerie ou usine chimique n'échappe au référencement.

Selon le quotidien américain, les données montrent que l'industrie du charbon est responsable de 72,3 % des émissions déclarées et que les trois plus grandes sources – deux centrales en Géorgie et une dans l'Alabama – sont la propriété de la Southern Company, basée à Atlanta.

On apprend par ailleurs que le Texas est l'Etat qui a de loin la plus importante émissions de gaz polluants, avec 294 millions de tonnes métriques d'équivalent de dioxyde de carbone rejeté dans l'atmosphère. La Pennsylvanie est bon deuxième avec 129 millions de tonnes métriques.

L'un des cadres de l'APE explique qu'il espère que la mise en ligne de ces données finira par contraindre à la réduction de ces gaz.

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