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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 18:58

 

« Voici mon numéro. Appelez-moi si vous voulez qu'on regarde ensemble vos fiches de paie. Vous avez des droits, vous devez être payé comme un travailleur français selon la grille des qualifications. » Laurent Dias n'a pas de carte de visite mais toujours un bout de papier sur lui où griffonner son numéro de téléphone portable. Secrétaire de la section Auvergne de la CGT construction, ce fils d'immigrés portugais, plombier de métier, toujours vêtu d'un vieux jean et de chaussures de chantier, parcourt la région au volant de sa Clio de fonction, avalant 30 000 kilomètres par an.

Avec la patience et le flair d'un inspecteur de police dont il a pris les tics à force de « descentes de chantier », il traque les dérives du détachement temporaire de travailleurs européens en France. Recense les ferrailleurs polonais, les maçons portugais, les soudeurs roumains, « payés comme des esclaves ». Fait la guerre aux petites et grosses boîtes qui redoublent d’imagination pour profiter de cette main-d’œuvre au meilleur coût. Et alerte l'Inspection du travail.

 

 
© Rachida El Azzouzi

Ce mercredi 7 novembre, l'élu syndical fait route avec Aurore, la juriste de leur section, et une stagiaire en droit qui prépare le concours du barreau, en direction de Cournon, une commune à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Dix Portugais, détachés par une agence d'intérim portugaise sur un chantier de BTP, seraient payés 700 euros brut tout compris pour 40 heures hebdomadaires – salaire, panier repas, hébergement et transport inclus !

Il a reçu la copie d'un contrat la veille. Chemin faisant, il s'inquiète de trouver « les Portugais » sur place. Souvent, il doit repasser plusieurs fois avant de nouer un contact. Soit les ouvriers sont absents, soit ils ont peur de parler et d'être renvoyés dans leur pays d'origine manu militari pour avoir brisé le silence. Pas ce matin.

Assis sur des blocs de matériaux, devant les préfabriqués qui servent de cantine, les intérimaires portugais, tous originaires de Braga, au nord du pays, région sinistrée par le chômage où le bâtiment est en crise, terminent leur pause déjeuner et se réchauffent sous le soleil hivernal à l'écart des « Français ». Laurent Dias les reconnaît à dix mètres, à leurs habits, toujours, un jean et des chaussures troués.

« On dirait des clochards à côté des Playmobil en bleu de travail qui ont droit à une tenue neuve de chantier par an », lâche ce fils d'immigrés portugais, réfugiés politiques en Auvergne dans les années soixante. Il parle la langue du pays, un atout précieux pour communiquer et susciter la confiance.

 
© Rachida El Azzouzi

Après quelques minutes de défiance, « le courant passe ». Manuel (*), la cinquantaine, est content de voir « un syndicaliste », et confirme les salaires. Prêt à fournir ses fiches de paie, il est le plus révolté de la bande, le plus calé en droit français. Il grille cigarette sur cigarette de colère, en répétant « França, païs de banana », « la France est une République bananière ».

Même en Espagne, où il a travaillé quinze ans, il gagnait mieux sa vie, raconte-t-il. « Là-bas, l'inspection du travail ne perd pas de temps. Elle verbalise directement les patrons qui n'appliquent pas la loi sur les chantiers. » Ses collègues acquiescent. Roberto (*), le plus jeune, le supplie, cependant, de ne pas faire de scandale et lui déconseille de montrer les fiches de paie « sinon retour Portugal », dit-il en roulant les « r ».

Laurent Dias n'est pas surpris : « Les gars vivent la peur au ventre. Ils se savent sur la sellette. Aller voir un syndicat, c’est risquer le retour au pays. » Il leur laisse ses coordonnées et repart, « pas certain de les revoir à la permanence ». Contacté par téléphone par Mediapart, l'employeur, à la tête d'une trentaine salariés, fait mine de tomber des nues devant la copie du contrat, assure être en règle. Il promet de se renseigner sur les pratiques du sous-traitant, de stopper le contrat si nécessaire et jure méconnaître les conditions de salaire « des Portugais » : « On n'a pas plus d'informations que ça sur leurs contrats. Tout se passe au Portugal selon le droit de là-bas. On n'intervient pas. »

C'est la première fois, dit-il, qu'il fait appel à ce type de sous-traitance sur les recommandations de collègues entrepreneurs qui l'utilisent « depuis des années ». « On s'y met tous à cause des délais de plus en plus courts pour finir les chantiers, pour éviter les pénalités, pas pour l'argent. On n'y gagne rien, à peine une petite marge », justifie l'entrepreneur qui ne fait que « copier les majors du BTP ».
«Il faudrait que je passe deux mois sur chaque dossier et que je puisse aller en Pologne»

Depuis la directive Bolkestein et avec la crise économique qui secoue l'Union européenne, la circulation des « détachés » explose, pas que dans les régions frontalières. Le nombre de déclarations de détachement est ainsi passé de 1 443 en 2000 à 35 000 en 2009. Mais ce n'est que la partie visible et la plus en règle de l'iceberg, comme le rappelle un rapport de la Commission des affaires européennes déposé en février 2011 à l'Assemblée nationale, car un tiers seulement des cas de détachement sont déclarés. On estime en réalité ces itinérants du grand marché européen à plus de 300 000.

Exponentiel depuis une dizaine d'années, le phénomène se banalise en France. Avec lui, les cas de fraude en tous genres, de l'absence de couverture sociale à l'optimisation fiscale. Dans les secteurs à forte main-d'œuvre, le bâtiment, l'agriculture, la restauration, petits et gros patrons affectionnent de plus en plus ces nomades low cost qui n'ont plus de travail chez eux et dont la force, la docilité sont vantées (vendues) sur le web.

Des travailleurs « importés » via des prestataires de services, des entreprises sous-traitantes ou des agences d'intérim étrangères, spécialistes du contournement d'une législation ultra-sophistiquée, qui jouent sur le temps de mission, font en sorte qu'elle dure moins de trois mois, pour que les détachés dépendent du droit du travail de leur pays d'origine et non de la France.

 

 

Un vrai business s'est développé. Tapez “travailleur polonais” ou “portugais” dans Google et vous ne saurez plus où donner de la tête, entre les agences d'intérim et les entreprises de gros-œuvre promettant des prix défiants toute concurrence. Ici, une petite annonce bourrée de fautes d'orthographe et en mauvais français d'une société portugaise fournissant « main d'ouevre flexible en tout la France dans le bâtiment ». , une agence polonaise spécialisée dans le recrutement d'ouvriers polonais courageux et motivés.

Bien souvent, les « détachés » constituent le gros des troupes sur des chantiers de prestige sans que leurs conditions de travail, de rémunération, d'hébergement, contraires à la législation française, ne dérangent. « Il faut voir les magouilles, les sociétés écrans au Luxembourg qui échappent aux cotisations sociales, les entreprises “boîtes aux lettres” dans les pays de l'Est sans y avoir d'activité réelle, spécialement créées pour détacher de la main-d'œuvre à bas prix, qui paient la plupart du temps au taux horaire du pays d'origine », constate un directeur du travail « dépassé par l'ampleur et la complexité du phénomène ».

Ses services sont « impuissants, débordés, pas toujours suivis par les parquets malgré les procès-verbaux pour délit de marchandage et prêt de main-d'œuvre lucratifs », raconte-t-il sous couvert d'anonymat. « Avec des modes de contrôles archaïques, de l'ère Cro-Magnon, nos agents ne peuvent pas lutter contre un système opaque qui passe par Internet, plusieurs pays et des législations toutes plus complexes. Ce ne sont pas les conventions de coopération avec les pays voisins qui vont régler la problématique. Tout cela prend un temps fou par rapport au temps réel de la vie. Entre le moment où le contrôleur descend sur le chantier et celui où il revient avec un traducteur assermenté près de la cour d'appel, les ouvriers exploités sont déjà partis ! »

Dans les unités territoriales des « Direccte », les directions régionales du travail, la révision générale des politiques publiques n'a pas simplifié les choses en saignant les effectifs. À peine 1 200 en France, les inspecteurs du travail se disent démunis devant les montages retors et chronophages, difficiles à traquer, à prouver.

 


« Il faudrait que je passe deux mois sur chaque dossier, que j'aie le droit de me déplacer en Pologne, en Suisse ou dans les Pyrénées selon le siège social des sous-traitants, que je puisse démêler la chaîne mais je ne suis pas un officier de police judiciaire », témoigne un inspecteur « teigneux », qui n'a pas de nouvelles des PV transmis il y a un an à la justice et qui ne peut pas « sortir de son territoire ». Signe du désarroi de la profession, poursuit-il, « le forum de discussion installé sur l’intranet de la Direction de la population et des migrations, le deuxième plus visité après celui consacré aux 35 heures ».

Partout en France, selon leur représentativité dans les branches, les syndicats, FO, CFDT, CGT, se saisissent du problème, dénoncent « ces filières mafieuses comme le trafic de drogue ». Cet été, l'inspection du travail a momentanément stoppé le chantier du stade de Nice, un partenariat public-privé, après la mort de deux Polonais à quelques jours d'intervalle.

« L'un, de 54 ans, a fait un AVC, le second, âgé de 64 ans, responsable de sécurité, a fait une chute de six mètres. Ils étaient employés par la société Lambda basée à Cracovie, sous-traitante d'un entrepreneur d'Avignon, lui-même prestataire de Vinci. Ils étaient là pour payer les crédits de leurs maisons au pays. La Direccte des Alpes-Maritimes n'a pas laissé faire. Elle a contraint Vinci à imposer au sous-traitant polonais que tous soient payés selon la convention collective du bâtiment français », raconte Miloud Hakimi, délégué CGT au comité de groupe Vinci.

La fédération de la CGT construction est bien décidée à déclarer la guerre aux sous-traitants peu scrupuleux. Elle rassemble ce lundi 12 novembre 1 500 délégués à La Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), pas très loin d’un gigantesque chantier pointé du doigt, celui du siège de l’opérateur SFR, et doit évoquer le sujet de la sous-traitance étrangère. Le 4 décembre, elle lui consacrera un colloque national spécifique.

Alors que la commission nationale de lutte contre le travail illégal se réunit, le lendemain, mardi 13 novembre, sous l'égide du premier ministre (lire la tribune d'Hervé Guichaoua, juriste en droit social sur Mediapart), la CGT construction entend sensibiliser le ministre du travail sur ce fléau qui « tire les salaires vers le bas et exploite les plus fragiles ».

Elle n'a de cesse d'écrire aux majors du BTP, Vinci, Eiffage, Bouygues, pour les alerter. En vain. « Ils sont tous contre dans la parole mais tous adeptes du dumping social dans les actes », peste Éric Aubin, le patron de la fédération cégétiste. Il réclame plusieurs mesures : « L'application systématique du droit français aux sous-traitants étrangers, la limitation à deux niveaux de la sous-traitance en cascade, le renforcement de la responsabilité fiscale et sociale des prestataires de services et plus de moyens de contrôle pour les agents de l'inspection du travail. »

 

« Si tu prends les textes, le monde est parfait mais tout le monde s'assoit dessus »

Laurent Dias, le secrétaire auvergnat de la CGT construction, sera du voyage car l'Auvergne n'échappe pas aux fraudes. « Ce qui se passe à Clermont-Ferrand, c'est ce qui se passe puissance mille dans les grandes métropoles. » L'inspection du travail n'y a pas de section « travail illégal » comme sur la Côte d'Azur ou en Île-de-France, mais elle ne chôme pas pour autant.

À la ville comme à la campagne, les entreprises, affiliées à la Fédération française du bâtiment, la principale organisation patronale, officiellement vent debout contre le dumping social, plébiscitent la prestation de services internationale, principalement de la péninsule Ibérique et des pays de l'Est.

 

Laurent Dias, secrétaire de la section Auvergne de la CGT Construction 
Laurent Dias, secrétaire de la section Auvergne de la CGT Construction© Rachida El Azzouzi


« Si tu prends les textes, le monde est parfait mais tout le monde s'assoit dessus », s'indigne Laurent Dias de retour dans les bureaux de sa section, au deuxième étage de la maison du Peuple, à Clermont-Ferrand. Il étale les dossiers en cours qui finissent ou finiront « classés sans suite comme les autres ». Celui du Carré Jaude II, dont le promoteur est Eiffage construction, les a préoccupés durant des mois sans qu'ils puissent prouver une quelconque dérive.

Monstre de béton, de verre et d'acier, c'est l'un des grands chantiers immobiliers de la capitale auvergnate, le plus important de France dans un hypercentre. D'après la CGT, « des Polonais étaient payés à la tâche, à la tonne de ferraille et des Portugais n’ont pas été payés ». Point commun : ils étaient employés par ASTP, placée en procédure de sauvegarde depuis, et connue pour ces pratiques, et Sendin, deux sociétés d’armaturiers tenues par des frères. Thierry Julien, le directeur de projet sur le chantier pour Eiffage, dément « de telles pratiques ». S'il y a effectivement eu recours à ces sous-traitants pour des intérimaires originaires du Portugal et de Pologne,  « les papiers étaient en règle ».

Laurent Dias n'est pas convaincu. Il n'a jamais retrouvé les salariés : « Il y a ceux qui repartent au pays ou sur d'autres chantiers, basculant dans la clandestinité. » Il bute en ce moment sur un autre dossier : le cas d'une entreprise de plomberie qui a fait venir deux Polonais « dans des conditions douteuses » via Commerce et communication Polska, une agence de recrutement française, à la tête d'une filiale à Varsovie. L’élu syndical n'arrive pas « à remonter le fil ». Le site internet est toujours actif mais le numéro de téléphone, mis en évidence, n'est plus attribué. D'après l'ancienne attachée de presse qu'il réussit à joindre après plusieurs tentatives, la boîte aurait déposé le bilan il y a quatre ans. Pourtant, le syndicaliste a en sa possession le contrat signé d'un Polonais par cette agence pour le compte de l'artisan-plombier début septembre 2012.

« C'est que le directeur a dû garder la branche commerce à Varsovie », avance, gênée, l'ancienne salariée avant de lui raccrocher au nez. Bien connu sur la place clermontoise, le jeune patron de cette agence repérée par l'Inspection du travail est injoignable. Mediapart a essayé par plusieurs canaux. En vain. L'employeur qui a fait appel à ses services nous met en relation avec une certaine Justina, sa collaboratrice, mais au bout du fil, on tombe sur un répondeur en langue polonaise.

L'artisan, qui ne veut pas d'ennuis, se défend d'être « mêlé à des trafics » : « On ne m’y reprendra pas deux fois. La sous-traitance m'a coûté plus cher que mes gars, ils ne parlaient pas un mot de français, ce qui crée des tensions sur le chantier et ils travaillaient guère mieux. » Il s’était tourné vers les « étrangers », « à force d'être harcelé par des mails et des appels de Polonais » et parce que « les Français ne veulent plus travailler ou alors ils veulent tous être à 25 euros de l’heure ».Le téléphone de Laurent Dias sonne. On lui signale un nouveau chantier « douteux » :un hôpital en rénovation, « encore des Portugais et des Roumains payés au Smic de leur pays d'origine ». Il a soudain « mal au cœur » : « Quand les majors du BTP détachent leurs cadres français au Portugal, ils ne sont pas soumis au Smic portugais. On a une monnaie unique, on doit pouvoir avoir des droits sociaux uniques. »

 


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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 18:41

 

Rue89 - Sylvain Gouz - Journaliste
Publié le 11/11/2012 à 16h56

 

Nul doute que le tête-à-queue gouvernemental sur l’augmentation de la TVA constituera un bel épisode de la conférence de presse du président de la République, mardi.

  • François Hollande pourra toujours faire valoir qu’à côté de l’augmentation de 7 à 10% du taux intermédiaire et de 19,6 à 20% du taux normal, il est prévu une baisse de 5,5 à 5% du taux réduit, la balance est loin d’être égale.
  • François Hollande pourra ajouter que la TVA – surtout celle au taux normal – frappant également les produits importés, ceux-ci contribueront à l’effort national. Ce fut d’ailleurs l’argument des défenseurs de la TVA sarkozienne.
  • François Hollande, cependant ne se risquera probablement pas à admettre que, plus indolore parce qu’invisible au premier coup d’œil, la hausse de la TVA sera politiquement moins risquée que ne l’aurait été un relèvement de la CSG. Car celle-ci serait apparue clairement au bas de chaque feuille de paie. Mais elle aurait eu néanmoins comme grand avantage – au regard de la justice fiscale – de faire participer tous les revenus – y compris ceux du capital – au financement du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ».

Une question irrévérencieuse

A ce moment, j’imagine qu’un de mes confrères, une de mes consœurs, se lèvera pour poser une question quelque peu irrévérencieuse :

« Monsieur le Président, qui a écrit : “Je veux engager une grande réforme fiscale : la contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR)” ? »

Evidemment, chacun connaît la réponse, elle date de janvier 2012. Il s’agit de la proposition numéro 14 des « engagements » du candidat François Hollande. Bien sûr, au milieu de cette phrase prometteuse, figure une incise : « à terme ». Mais « à terme de quoi ? », autrement dit à quand ce rapprochement ?

Ce devrait être la pierre angulaire de la justice fiscale promise qui n’en est aujourd’hui qu’à ses prémisses. Cette « révolution fiscale » ferait en effet de la CSG un impôt « progressif » dont le taux augmenterait avec les revenus du contribuable et non un impôt proportionnel, c’est-à-dire à taux fixe. C’est la condition essentielle pour faire accepter son relèvement à tous les Français.

En définitive, ne pas avoir mis en œuvre cette réforme dès 2012 – en raison, dit-on, des frilosités de Bercy – explique peut-être pourquoi le gouvernement a choisi de relever la TVA, cet impôt certes intelligent, apparemment indolore mais foncièrement injuste.

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 18:59

 

Marianne

 Vendredi 9 Novembre 2012 à 05:00

 

Journaliste à Marianne, notamment en charge des questions de santé En savoir plus sur cet auteur

 

Infirmières et médecins préssurés, patients traités tant bien que mal, l'hôpital est étouffé par les politiques financières imposées sous le précédent quinquennat.

(ZEPPELIN/DEMANGE/SIPA)
(ZEPPELIN/DEMANGE/SIPA)
Une hémorragie. Aux urgences, en médecine interne, dans les couloirs encombrés de brancards des établissements de santé parisiens, lyonnais ou orléanais, partout la même effusion, de plus en plus difficile à contenir : les soignants battent en retraite, épuisés par la désorganisation des hôpitaux publics depuis une dizaine d'années. «Je me sens devenir impuissant pour diriger le service. Nos moyens sont trop insuffisants ou inadaptés en regard de l'activité qui ne cesse de croître et de se compliquer», écrivait, début septembre, le Dr Pierre Taboulet en démissionnant de la chefferie des urgences de l'hôpital Saint-Louis (Paris). «Les conditions minimales ne sont plus réunies pour que nous puissions continuer à prendre en charge nos patients, tous, sans discrimination, dans la dignité», renchérissaient, quelques semaines plus tard, les Drs Adrien Kettaneh, Kiet Phong Tiev et Cécile Toledano en claquant la porte du service de médecine interne d'un autre hôpital parisien, Saint-Antoine.  

Endetté, soumis à des réductions budgétaires drastiques, plombé par des emprunts toxiques, pressuré par des objectifs de rentabilité, l'hôpital souffre. Et avec lui les soignants et les soignés. «La pression exercée sur le personnel est délétère : importante démotivation, mouvements de colère, augmentation de la souffrance au travail, augmentation de l'absentéisme, difficultés de recrutement», ne peut que constater Bernard Granger, psychiatre à l'hôpital Tarnier et un des animateurs du Mouvement de défense de l'hôpital public (MDHP). Un tiers des postes de praticiens ne sont pas occupés par des titulaires, les anesthésistes-réanimateurs ne sont plus assez nombreux, les infirmières manquent à tous les étages.

Grâce à une politique de recrutement attractive et à des primes d'installation de 2 000 €, les Hospices civils de Lyon (HCL) ont pu recruter 820 infirmiers en 2011-2012. Une soixantaine de postes sont toujours vacants. Idem à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), où le manque d'infirmières a été quelque peu comblé, passant de 200 en 2011 à 30 en 2012. Mais pour combien de temps ? Le turn-over est énorme dans la profession.

De l'AVC au rhume

L'usure des personnels s'accentue à mesure que l'hôpital se mue en véritable refuge, dernière soupape d'une société en voie de précarisation. L'afflux aux urgences, exponentiel depuis que les médecins libéraux ne prennent plus de gardes, devient de plus en plus ingérable. «Chaque année, on enregistre 10 passages quotidiens en plus. Tout ça avec des moyens, eux, constants», explique Hélène*, assistante sociale dans un service d'urgences parisien. Aux accidentés graves, aux victimes d'AVC ou de malaise cardiaque se sont ajoutés des travailleurs pauvres enrhumés, des classes moyennes grippées qui ne trouvent plus les moyens de se soigner ailleurs, des familles à la rue faute de place dans les hébergements du Samu social... En dix ans, les passages aux urgences ont doublé, jusqu'à atteindre 17 millions par an.

«Nous ne refusons personne. On prend, on prend, sans avoir de moyens. Le personnel finit par craquer, poursuit Hélène, épuisée de ne pouvoir apporter de solution à tous ces gens. Je suis attachée au service public, mais je ne me vois pas continuer encore longtemps. Ce n'est pas tant en raison de mes conditions de travail. Plutôt à cause du peu de perspectives qu'on offre aux patients. Partir, c'est encore ce qu'il y a de plus honnête pour soi, pour les patients.»

Il faut que ça dépote

Une des causes de ce mal qui ronge l'hôpital public et la foi des plus acharnés se résume en trois lettres : TAA, la tarification à l'activité, introduite en 2004. A cette époque, les pouvoirs publics veulent en finir avec la dotation globale et réduire le déficit hospitalier. La TAA doit permettre d'améliorer la gestion hospitalière. Chaque acte médical est tarifé et les établissements sont payés en fonction des actes.

En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), concoctée par Roselyne Bachelot, apporte le coup de grâce : les mots mêmes de «service public hospitalier» disparaissent des textes, public et privé sont mis en concurrence. L'hôpital entreprise est né ! Des économies sont faites sur les personnels. Ceux qui restent sont priés d'être «efficients». Consigne est donnée d'«optimiser le codage» des actes. «Les hôpitaux ont tout intérêt à favoriser les activités qui rapportent. Quitte à tricher, en multipliant les actes ou en les surcotant», indique Bernard Granger.

Dans les services, il faut que ça dépote. Les ressources matérielles et humaines sont mutualisées - à moins que vous ne soyez un «mandarin» à fort pouvoir médiatico-politique, à qui on ne refuse rien, même pas ses exigences coûteuses et inutiles. Le moindre soin est soumis à toute une montagne de procédures. Des indicateurs de qualité mesurent l'efficacité des services. Aux urgences, les délais d'attente doivent être réduits. Tant pis si le taux de retour croît d'autant plus que le passage est rapide... Aux soins palliatifs, il faut mourir en vingt et un jours, sans quoi on vous envoie dans un autre service, dans un autre établissement. «Pour l'administration, le malade ne représente plus grand-chose», se désole un médecin hospitalier. Dans leur culte de l'indicateur, les «panseurs» autoproclamés de l'hôpital avaient même envisagé d'afficher le taux de mortalité de l'établissement dans le hall d'entrée !

«Les procédures, le management par la performance, aboutissent à une perte de motivation et d'argent phénoménale», estime une toubib. «On est tout le temps sur le fil du rasoir. Il ne faudrait pas grand-chose pour que ça craque», souligne Joséphine, secrétaire médicale. Pourtant, la machine tourne ! «L'hôpital fonctionne encore parce qu'on pense aux patients, parce que l'on a à cœur que le service public de santé continue à remplir son rôle», renchérit Nathalie, infirmière à l'hôpital Beaujon, à Clichy. La soignante, aussi doctorante, planche actuellement, avec le soutien de la direction, sur l'évolution du métier d'infirmière hospitalière, prenant en compte les besoins des patients, les contraintes de la démographie et des impératifs économiques.

Carte Vitale contre carte Gold

«La finalité de l'hôpital, c'est la santé des gens, pas gagner de l'argent», rappelle Bernard Granger. A l'ère de la rentabilité à tous crins, les besoins de santé sont quelque peu occultés. En tout cas, ils ne sont plus prioritaires. C'est ainsi que l'été des lits sont fermés pour permettre aux personnels de dégonfler un peu leur compte épargne temps, saturé de jours de récup. Ailleurs, les activités jugées peu rentables, comme les centres d'IVG, sont laissées à l'abandon.

Pendant ce temps-là, quelques «médecins stars» utilisent les moyens de l'hôpital pour soigner leur ego, qui en exigeant la création d'un service là où il n'y en a pas besoin, qui en oubliant sa fonction de soignant à force de cumuler trop de casquettes, qui en explosant les compteurs légaux d'activité libérale... Les dépassements d'honoraires, véritable plaie de l'hôpital. Ce sont dans les couloirs aseptisés des établissements publics que sont facturés les plus extravagants, les plus excessifs. Dans l'opacité la plus totale. Paradoxe de l'hôpital public français : à mesure que l'accueil des patients qui n'ont qu'une carte Vitale se détériore, ceux qui dégainent la carte Gold ont droit à un traitement de VIP.

>> Lire aussi : Quand se soigner devient un privilège 

Un rendez-vous en privé s'obtient plus rapidement qu'une consultation en public. Pour obtenir une chambre simple, il faut banquer. Les patients les plus fortunés peuvent même s'offrir un «garde-malade» pour les veiller la nuit. «Le système de santé est devenu commercial, c'est très dangereux», s'alarme André Grimaldi, diabétologue et grand défenseur d'une santé égalitaire. L'arrivée prochaine de riches étrangers prêts à aligner les «biffetons» pour profiter de l'excellente réputation de la médecine française risque bien d'institutionnaliser l'hôpital à plusieurs vitesses. «Ces patients auront certainement des exigences particulières, demanderont des passe-droits. Pourquoi pervertir notre système ?» interroge André Grimaldi.

En pleine débandade financière, les hôpitaux ne rechignent pas à gratter un peu d'argent où ils le peuvent : tournages de films et de séries, ventes du patrimoine immobilier, développement d'activités non essentielles mais qui «rapportent», comme la chirurgie esthétique ou de l'obésité...

Le candidat Hollande avait promis que, lui, président, l'hôpital ne serait plus considéré comme une entreprise. Début septembre, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a lancé un «pacte de confiance» pour l'hôpital public. Laminés par le quinquennat précédent, les soignants attendent énormément du nouveau gouvernement, ils veulent que les paroles se transforment en actes. Sans quoi l'hémorragie reprendra de plus belle. C.C.

* Le prénom a été changé.

CONSOMMATION DE SOINS ET BIENS MÉDICAUX (2011)

Soins hospitaliers : 83,6 milliards d'euros (dont 63,8 dans les établissements publics)

Soins de ville : 45,7 milliards d'euros

Transports de malades : 3,9 milliards d'euros

Médicaments : 34,7 milliards d'euros

Autres : 12,2 milliards d'euros

Total : 180,1 milliards d'euros, pris en charge à 75,5 % par l'assurance maladie

L'ACTIVITÉ PRIVÉE À L'HÔPITAL

12 % des médecins du public ont une activité privée à l'hôpital (soit 4 500 blouses blanches). Un peu plus de 1 800 d'entre eux fixent librement le prix de leurs honoraires.

La moyenne des dépassements varie de 68 à 408 % du tarif de la Sécu pour une quarantaine d'actes

(Source : 60 Millions de consommateurs.)
 

* Article publié dans le numéro 811 du magazine Marianne paru le 3 novembre 2012

 

 

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 18:31

 

 

Marianne - Tribune

Vendredi 9 Novembre 2012 à 16:00

 

par Gabriel Amard*

 


TOURNERET/SIPA
TOURNERET/SIPA
Lundi 12 novembre, le conseil de la Communauté urbaine du Grand Lyon devrait se prononcer sur la délégation de service public pour l'eau potable. Confier la gestion de cette ressource au privé est un choix à courte vue qui ne préserve que les intérêts financiers des multinationales. Je connais un peu la situation pour m'être rendu à Lyon cinq fois en deux ans, à la demande d’élus ou d’usagers pour promouvoir la gestion publique de l’eau. Le Maire de Lyon et président du Grand Lyon, qui pourtant voit toujours grand pour son agglomération, passe à côté d’une chance historique de mettre en place une politique de l’eau basée sur le seul intérêt général.

Le conseil communautaire du 12 novembre sera sous haute pression, si j’en crois mes collègues Maires et Vice-Présidents Front de Gauche. Ils me font état des appels qu'ils reçoivent de l'entourage de Gérard Collomb, pour manifester la « solidarité de gestion » dont ils devraient faire preuve. Comme si les votes socialistes et UMP ne suffisaient pas pour que cette décision passe ! « Bien sûr qu’elle va passer ! Pas besoin de menacer, Monsieur Collomb ! ». Faut-il rappeler que le vote dans une assemblée est libre et que nul ne peut le contraindre ? C’est même illégal.

Alors pourquoi Monsieur Collomb s’entête ? Faut-il chercher la réponse en dehors du sujet ? Dans la stratégie de développement de son agglomération ? Dans ses convictions politiques toujours plus social-libérales ? La priorité accordée au capitalisme financier par Gérard Collomb n’a-t-elle donc aucune limite ? Pas même quand il s’agit d’un bien commun indispensable à la vie ?

« 3 jours sans eau et nous sommes morts ! L’eau est l’égal de l’air et du rayon de soleil », nous a enseigné Danielle Mitterrand. Mais rien ne les arrête et ils vont courber l’échine devant les rapaces de la finance, qui, calculette à la main, établissent le rendement financier de leur contrat. De l’aveu même d’un élu lyonnais qualifié sur le sujet, pendant une réunion publique à Villeurbanne le 24 octobre dernier, « Il faut reconnaître qu’on a obtenu des avancées, puisque Gérard Collomb ne voulait pas de la gestion publique. Un cahier des charges bien bordé et une marge bénéficiaire de seulement 5 % par an », ajoute-il ! Mais si pour les marchands d’eau il y a 100 millions d’euros de chiffres d’affaires, ça veut dire 5 millions d’euros ! Et sur dix ans, 50 millions d’euros de bénéfices pour les actionnaires sur le futur contrat si bien négocié ! Ainsi, quand de plus en plus de citoyens peinent à payer leurs factures, le maire (PS) de Lyon se féliciterait sans vergogne de 50 millions d’euros de surfacturation sur le dos de ses concitoyens ? De qui se moque-t-il ? Et puis la facture ne s’arrête pas là puisque nous savons calculer qu’avec les frais de siège et les mécanismes de remontées financières à la holding, ce sera au moins le double. Cent millions d’euros ! que les actionnaires dégageront en profits sur la facture des Lyonnais. Pourtant d’autres, comme Paris ou Viry-Chatillon, ont fait le choix inverse. Une autre voie est possible pour les Lyonnais.

Une Délégation de service publique (DSP) ne vaut jamais une régie publique. Parce qu’elle ne refacture ni frais de sièges, ni dividendes, ni impôts sur les sociétés. Les  résultats de fin d'année sont reversés dans le compte de l'année suivante et ne s’évaporent pas dans les bénéfices du délégataire. Cela permet plus d’investissements sur le réseau, pour protéger la ressource en eau et ne pas facturer des milliers de m3 d’eau qui fuient dans la nature. Face à l’opacité de la gestion des multinationales, la transparence de fonctionnement d’un conseil d’exploitation de régie peut être renforcée en l’ouvrant  aux représentants d'usagers, associations de familles et de consommateurs. L’usager est enfin traité comme un usager de service public et non comme un consommateur ou un client. Sans objectifs de rentabilité financière, la régie permet de bâtir une tarification juste et écologique : la suppression des parts fixes, la gratuité des mètres cubes indispensables à la survie ; la progressivité du tarif pour distinguer les consommations indispensables, de confort et de luxe ; la distinction entre l'usage domestique et l'usage professionnel…
 
Voilà la démarche démocratique dans laquelle aurait pu s’engager Monsieur Collomb ! Au contraire, tout était déjà ficelé avant le débat avec les usagers, la commission des services publics locaux ou les élus des conseils municipaux. C’était pourtant le moment de se poser les bonnes questions. Ce contrat vieux déjà de 30 ans a déjà largement rempli les poches de Véolia, avec l'un des accès au service de l'eau les plus chers de France et un taux de renouvellement moyen sur la période de 0,5 % (d'où le rendement très faible à 78 % seulement), et des marges annoncées à 12 % mais auxquelles il faut ajouter les marges réalisées par les sous-traitant affiliés à Veolia de près de 18%. 

Alors que vaut l’argument fallacieux de Monsieur Collomb qui met en avant la baisse immédiate de la part fixe (15 € par an !) pour les usagers ? On croit rêver quand on sait que les délégations prolongées ont fait chuter leurs prix d'en moyenne 20 %. L'intégration des personnels ne tient pas non plus la route. Gérard Collomb invoque le fait qu'en intégrant une régie, les salariés de Véolia jusque là dévolus au contrat seraient embauchés « pour la vie ». Le simple fait qu'il le regrette marque la considération qu'il a du service public. Mais plus encore, c'est faux : les agents d'une régie publique de l'eau (EPIC loi 1926) sont régis par des contrats de droit privé.

Pour améliorer la DSP, Gérard Collomb propose de mieux contrôler le délégataire... C'est à dire d'embaucher 15 à 20 fonctionnaires pour surveiller une mission de service public effectuée par une société privée, dans une structure supplémentaire dédiée. Cela invalide d'un coup l'argument précédent et c'est double peine pour les usagers du Grand Lyon : ils payeront le service plus cher en DSP et une part de leurs impôts ou de leur facture d'eau servira à financer le contrôle de cette DSP.

Enfin, la question du calendrier est troublante. Il était possible d'organiser un large débat avant d'opérer un choix, l'agenda le permettait. Mieux encore, avec tous les travaux d'hypothèses effectués en amont pour permettre aux citoyens de se faire une opinion, les élections municipales de 2014 auraient pu servir à trancher ce débat, pour ensuite soit créer une régie, soit repartir en DSP.

Il est du coup limite juridiquement et incorrect politiquement d'annoncer qu'on prend une décision maintenant à propos de ce contrat. En effet, il ne sera appliqué qu’après les prochaines échéances électorales et engagera la prochaine équipe communautaire. Ce contrat d'une durée minimale de 8 ans sera signé en 2015. Il s'imposera même aux deux prochaines équipes communautaires ! C'est faire fi du débat citoyen validé par le suffrage universel.

La durée de 8 ou 10 ans pose un dernier problème. La part des investissements réalisés par le délégataire (même si elle est allégée) sera amortie sur la durée du contrat. Plus la durée est courte, plus le montant du remboursement des emprunts est élevé. Compte tenu du montant de la part fixe, les compteurs sont en plus payés plusieurs fois par les usagers durant la durée du contrat. En cas de gestion en régie publique, c’est sur la durée d'usage des matériaux que les investissements peuvent être amortis, c'est à dire 12 ans, 30 ans ou plus.

Cette précipitation calendaire est troublante et demande à être éclaircie. Reste à espérer que ce choix n'est pas conditionné par des éléments extérieurs au dit contrat, et que seule la gestion de l'approvisionnement en eau justifie ce choix.


* Gabriel Amard est directeur et coordonnateur du Guide de la gestion publique de l’eau, auteur de L’eau n’a pas de prix, Vive la Régie publique (Editions Bruno Le Prince) et prrésident de l’Association nationale des élus du Parti de gauche et apparentés - La Gauche par l’exemple.

 

 

 

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 19:40

 

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Marianne - Jeudi 8 Novembre 2012 à 12:00 |
Journaliste à Marianne, entre société et culture En savoir plus sur cet auteur

 

Faute d'argent, plus d'un Français sur cinq reporte ou renonce tout bonnement à se soigner. Ce phénomène touche les plus démunis mais aussi les classes moyennes, et inquiète de plus en plus les professionnels de la santé.

 

 

GIRAUD FLORE/SIPA
GIRAUD FLORE/SIPA
Décrocher un emploi n'est pas toujours une bonne nouvelle. Quand il était au chômage, Luc, 43 ans, pouvait se faire soigner. Comme 4 millions de Français, il était bénéficiaire de la couverture maladie universelle (CMU), mais aussi de la CMU-C, une complémentaire gratuite réservée aux personnes dont les revenus n'excèdent pas 661 e par mois ; un plafond, soit dit en passant, très inférieur au seuil de pauvreté (803 euros pour une personne seule). Aujourd'hui, il a décroché un emploi dans une association, mais, revers de la médaille, il a perdu ses droits à la CMU. Et, du coup, il ne va plus chez le médecin, la Sécurité sociale ne couvrant ses dépenses qu'à hauteur de 55 %.

La difficulté d'accès à la santé ne frappe pas seulement les plus démunis, elle touche désormais les classes dites «moyennes». Ces ménages qui ne sont pas éligibles aux aides telles que l'aide médicale de l'Etat (AME) ou la CMU (voir l'encadré, p. 25), mais qui ne gagnent pas assez pour se payer une mutuelle efficace. Selon le baromètre Europ Assistance 2012, 27 % des Français ont renoncé à, ou reporté des soins de santé au cours de l'année. Même constat pour le Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique (Cecop), qui détaille les motifs invoqués : pour 57 % des répondants, c'est le «manque d'argent» qui les a maintenus à distance de leur médecin et, pour 41 % d'entre eux, «parce que le remboursement aurait été insuffisant».

Pour l'UFC-Que choisir, l'inflation des dépenses de santé rend indispensable l'adhésion à une complémentaire. Et c'est bien là que se dessinent les contours d'une médecine à plusieurs vitesses. Bénéficier de la CMU n'ouvre pas toutes les portes des cabinets médicaux. Loin de là. «Si vous dites à la secrétaire que vous êtes à la CMU, elle vous donne un rendez-vous dans trois mois. C'est une façon de vous dire qu'on ne veut pas de vous», estime Ludovic, 36 ans, qui est au revenu de solidarité active (RSA)*. Le motif invoqué par les médecins pour justifier ce non-respect des droits ? Le retard des remboursements par les caisses.

Indispensable mutuelle

Pour tous les autres, ceux qui doivent se débrouiller seuls pour bénéficier d'une mutuelle, l'accès aux soins est fonction de la taille du compte en banque. Quand la carte Vitale ne suffit plus, c'est la carte de crédit qui fait la différence. Car les performances de couverture des mutuelles ou des assurances varient évidemment en fonction de leur coût : pour être bien protégé, il faut y mettre le prix, une mutuelle coûtant en moyenne 481,20 euros par an. «Si on a de quoi payer, on est bien remboursé, dit Marc Paris, du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). C'est le principe de l'assurance individuelle : certains ménages sont très bien pris en charge, mieux que jamais même, et d'autres sont exclus du système.» Au congrès de la mutualité, le 20 octobre 2012, François Hollande a fait la promesse qu'à l'horizon 2017 tous les Français auront accès à une mutuelle. Pour l'instant, ils sont 8 % à y renoncer.


Pour faire face aux dépenses de santé, certains font appel à des microcrédits auprès des CCAS, les centres communaux d'action sociale. «Beaucoup de nos centres reçoivent des demandes de ce type. Pourtant, à l'origine, ça ne fait pas vraiment partie de nos champs d'action», rappelle Hélène-Sophie Mesnage, de l'Union nationale des CCAS. Un tiers des CCAS estiment que les frais de santé constituent un poste de dépenses que les ménages qu'ils rencontrent renoncent à assumer. Un constat qui les a conduits à accompagner les familles dans leur quête de spécialistes qui ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires. Une denrée rare : selon la très récente enquête de l'UFC-Que choisir, 80 % des Français habitent dans une zone où l'accès à un gynécologue ou à un ophtalmologue au tarif de la Sécu est compliqué. Pour 27 % d'entre eux, c'est la consultation d'un simple généraliste qui relève de la mission impossible, surtout dans les grandes villes et en zone rurale.

Le manque de spécialistes pratiquant des tarifs raisonnables révèle une discrimination tout aussi choquante que la barrière financière : pour se livrer à un tel parcours du combattant, il faut avoir le temps d'attendre. Une visite annuelle chez le gynécologue peut, certes, se prévoir longtemps à l'avance, mais certainement pas une affection «surprise». Celui qui doit faire face à un imprévu de santé se retrouve dans la même situation que l'étourdi qui a oublié ses clés en partant de chez lui : faire appel à un serrurier, quel qu'en soit le coût, ou bien rester dehors.

* Cité par Caroline Desprès dans «Le renoncement aux soins pour raisons financières», Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), mars 2012.

 

POURQUOI LES LUNETTES SONT SI CHÈRES

Selon le baromètre Europ Assistance, les Français qui ont reporté des soins, ou y ont renoncé, ont commencé par délaisser d'abord les soins dentaires (19 %) et, immédiatement après, l'achat de lunettes (10 %). Deux secteurs historiquement mal remboursés par l'assurance maladie : chez le dentiste, seul le traitement des caries est pris en charge et, chez l'opticien, la Sécurité sociale couvre environ un douzième des coûts d'une paire de lunettes. Pour financer ses binocles, c'est donc vers les mutuelles que l'on se tourne. Sauf que, même pour les mutuelles, les prix pratiqués par les opticiens, qui margent entre 60 et 80 %, deviennent prohibitifs. Elles sont de plus en plus nombreuses à créer un «réseau d'opticiens partenaires» avec qui elles négocient des tarifs préférentiels. Pour bénéficier du meilleur remboursement, le consommateur doit donc se rendre dans l'une des boutiques «partenaires» de sa mutuelle. Pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire, le choix proposé par les opticiens se limite en général à cinq montures. Pour ceux qui ne trouveraient pas leur bonheur dans ce qu'on leur propose, le reste à charge est en moyenne de 165 €. A ce tarif, pas étonnant que beaucoup fassent le choix de rester dans le flou.

Source : Crédoc 2011.

LES AIDES AUX PLUS DÉMUNIS

Aide médicale de l'Etat (AME) : dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Prise en charge à 100 % des soins médicaux et d'hospitalisation en cas de maladie ou de maternité dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale.

Couverture maladie universelle (CMU) : protection maladie obligatoire pour les personnes qui ne sont pas déjà couvertes par un autre régime obligatoire d'assurance maladie. Le bénéficiaire paie ses dépenses de santé (consultations médicales, médicaments, examens médicaux) et l'assurance maladie rembourse la part obligatoire, également appelée «part Sécurité sociale».

CMU complémentaire : complémentaire santé réservée aux revenus n'excédant pas 661 € par mois. Prise en charge à 100 % de la part complémentaire des dépenses à hauteur de 100 % des tarifs de la Sécurité sociale.

Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) : pour les revenus n'excédant pas 874 € par mois. Elle permet d'avoir une réduction de la cotisation à payer à l'organisme de protection complémentaire.
 

 

* Article publié dans le numéro 811 du magazine Marianne paru le 3 novembre 2012

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 19:34

 

 

Le Monde.fr | 08.11.2012 à 10h43 • Mis à jour le 08.11.2012 à 15h18 Par Alexandre Léchenet 

 

 
La pauvreté s'est durci en France ces dix dernières années selon un rapport du Secours catholique.

L'intensité de la pauvreté est de plus en plus forte. C'est une des conclusions de l'étude annuelle du Secours catholique sur la pauvreté, qui se penche cette année sur l'évolution de celle-ci en dix ans.  Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté – correspondant à 60 % du niveau de vie médian, soit 964 euros – a augmenté de près de 10 % en dix ans selon l'Insee, atteignant le chiffre de 8 millions. Les personnes en situation de très grande pauvreté, soit 40 % du niveau de vie médian, étaient un peu plus de 2 millions en France en 2009.

 

LES FAMILLES MONO-PARENTALES PLUS TOUCHÉES

Dans son étude, le Secours catholique se concentre sur les personnes pauvres ayant fréquenté leurs centres, qu'il considère comme "un échantillon représentatif des personnes en difficulté". "Le nombre de personnes en grande pauvreté (...) ne cesse de s'accroître, tout simplement parce qu'il y en a qui tombent dans la pauvreté et qu'il y en a très peu qui en sortent", a déclaré sur RTL François Soulage, le président de l'association.

Il constate notamment une augmentation du nombre de femmes accueillies. Cette évolution s'explique, selon eux, par le nombre croissant de familles monoparentales touchées par la pauvreté, dont les mères sont le plus souvent cheffes de famille, ainsi que par le difficile retour à l'emploi des femmes de 55 à 65 ans.

Les familles monoparentales ont représenté en 2011 30 % des familles rencontrées dans les centres, alors qu'elles ne sont que 9 % parmi les ménages français en général. La situation est confirmée par la situation des enfants accueillis, dont la moitié vivent au sein d'une famille mono-parentale.

 

 DES DÉPENSES OBLIGATOIRES DE PLUS EN PLUS IMPORTANTES

La situation des familles étudiée par le Secours catholique montre une augmentation importante des dépenses incompressibles. Les loyers et les prix de l'énergie ont augmenté de manière plus importante que les revenus de ces personnes et que l'indexation des prestations sociales, leur faisant subir une inflation plus importante que pour le reste de la population. "Nous pensons qu'il faut impérativement augmenter les minimas sociaux. Les minimas sociaux, c'est le moyen pour des personnes de vivre décemment et d'avoir une chance de retrouver une situation normale et un emploi", a affirmé M. Soulage.

L'augmentation de ces dépenses a également augmenter les impayés constatés. En effet, 60 % des ménages déclarent au Secours catholique faire face à des impayés, concernant dans 40 % des cas le loyer, puis le gaz, l'électricité ou les combustibles.

 

Alexandre Léchenet

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 18:00

 

 

Le Monde.fr | 08.11.2012 à 14h25 • Mis à jour le 08.11.2012 à 14h42 Par Samuel Laurent

 

 

Louis Gallois et Jean-Marc Ayrault, le 5 novembre à Matignon.

Qui se souvient du rapport Malinvaud de 2001 ? Du rapport Charpin de 1992 ? Ou de celui de Dominique de la Martinière et Alain Demarolle en 1996 ? Mis à part pour quelques historiens, ces documents sont tombés dans l'oubli. Ils ont pourtant un point commun avec le rapport que Louis Gallois vient de remettre au gouvernement Ayrault : ils plaidaient déjà pour un allègement des cotisations sociales payées par les entreprises. Comme le fera après eux Jacques Attali en 2007, entre autres.

 

 DEPUIS 1990, LES ALLÈGEMENTS SE MULTIPLIENT

La question des cotisations sociales des entreprises, généralement appelées "charges sociales", est en effet tout sauf nouvelle. Depuis vingt ans, c'est même une antienne régulièrement reprise à la fois par le patronat et nombre d'économistes. Dès le début des années 1990, estimant que le coût du travail au niveau du smic est trop élevé – et explique en partie l'incessante hausse du chômage, notamment dans l'industrie –, gouvernements et économistes sont unanimes : il faut réduire les charges sur les bas salaires afin d'inciter les employeurs à embaucher.

Et c'est ce qui est fait, par une série de mesures prises sous les gouvernements Balladur, Rocard et Juppé. MM. Balladur, puis Juppé, cibleront les salaires voisins du salaire minimum (1,1, puis 1,3 smic). En juillet 1993, Edouard Balladur exonère totalement de cotisations sociales les salaires jusqu'à 1,1 smic, puis à 50 % jusqu'à 1,2 smic, avec extension progressive jusqu'à 1,6 smic. En 1995, les cotisations patronales d'assurance maladie sont aussi réduites.

Alain Juppé fusionne les deux mesures en 1996, et permet, en 1997, à des entreprises de bénéficier d'allègement sur les salaires de 5 millions d'employés, ce qui abaisse le coût du travail au niveau du smic de 12 %. Dans un rapport de 2005, le ministère du travail résume dans une série de graphiques ces baisses de cotisations sociales et leur effet sur les salaires peu qualifiés, qui montrent bien l'effet de ces allègements. 

Comme le rappelle un rapport du conseil économique et social, à partir de 1997, le gouvernement Jospin maintient l'ensemble de ces dispositifs, et en ajoute d'autres, destinés à accompagner le passage aux 35 heures, et qui touchent cette fois toutes les entreprises. Ce sont les "lois Aubry", qui instaurent des allègements plus élevés, tant en montant que dans le niveau des salaires en bénéficiant (jusqu'à 1,7 smic). 

En 2003, la droite, revenue au pouvoir, poursuit cette politique, fusionne les allègements de charge Aubry, Juppé et Balladur en "allègements Fillon", et met en place une réduction de cotisations sociales pour les employeurs, qui les diminue de 26 points au niveau du salaire minimum. En 2007, l'exonération est à nouveau augmentée, jusqu'à 28 points. Le coût de ces allègements explose, représentant, en 2009, 22,9 milliards d'euros de manque à gagner pour l'Etat.

Ce graphique, extrait d'un rapport parlementaire de 2009, montre bien les allègements de charge successifs sur les bas salaires au cours des années 1990 et leur coût, qui augmente régulièrement. Quant à leur effet, il est discuté. Si on estime que les allègements ont contribué à diminuer, voire stabiliser, la chute des emplois peu qualifiés, le rapport entre leur coût et leur effet sur le chômage reste peu efficient. Cependant, la plupart des experts s'accordent à dire que leur suppression entraînerait des dizaines de milliers de destructions d'emplois.

  SUPPRESSION DE TAXE PROFESSIONNELLE ET AIDES DIVERSES

Malgré ces allègements, la compétitivité française, et la part de la fiscalité dans cette dernière, ne cesse d'être remise en question, notamment par les représentants patronaux. Et les gouvernement successifs continuent de mettre en place des dispositifs fiscaux destinés à aider les entreprises. Dans un rapport de 2010, le Conseil des prélévements obligatoires (CPO) de la Cour des comptes en recense 293, contre 252 en 2002. Toujours selon le Conseil, ces dépenses représentaient en 2010 (en y incluant les baisses de charges) 35,3 milliards d'euros, un chiffre en hausse de 33 % depuis 2005.

Parmi ces niches, les exonérations de cotisations sociales représentent une part non négligeable. Et font de la France un cas à part en Europe. Le CPO écrit que "la France se caractérise comme un pays où les dépenses fiscales [niches fiscales] sont particulièrement nombreuses et diversifiées et ont un impact relativement plus important que dans d'autres pays de l'OCDE sur l'imposition effective des activités économiques correspondantes". 

 Mais malgré ces aides successives, la France reste fiscalement moins intéressante que ses voisines pour les entreprises. Selon la Cour des comptes, le taux effectif moyen d'imposition sur les sociétés était, en France, de 34,6 % en 2009, soit 7,3 points au-dessous du taux de 1998... Mais 12,5 points au-dessus de la moyenne européenne (22,3 %) et 5,4 points au-dessus du taux effectif moyen allemand.

Ce graphique montre l'évolution des recettes de l'impôt sur les sociétés, et illustre ce décrochage franco-allemand. Il faut cependant rappeler que l'Allemagne était, en 2009, le pays d'Europe où la part de l'impôt sur les sociétés dans le PIB était la plus faible.

En 2010, le gouvernement Fillon fait un geste majeur pour les entreprises, avec la suppression de la taxe professionnelle. Cette cotisation, créée en 1975, finance les collectivités locales en fonction de la valeur locative des locaux des entreprises. Selon le Sénat, les entreprises y gagnent entre 7,5 et 8,2 milliards d'euros, même si d'autres taxes (et notamment la contribution économique territoriale, CET) sont créées en remplacement. Néammoins, cette aide n'a pas d'effet immédiatement visible.

 

PERCEPTION ET RÉALITÉ

Il y a pourtant un contraste certain : à rebours des diagnostics qui fustigent le manque de compétivité de la France, le pays reste fortement attractif depuis longtemps. Et si études et rapport plaidant des baisses de charges pour les entrepreneurs se succèdent, il en est de même pour les enquêtes et les travaux montrant que la fiscalité n'est pas le premier critère d'implantation d'une entreprise étrangère en France. 

On peut ainsi citer une étude de 2004 du Conseil des impôts, qui concluait en estimant que "si l'on considère tout d'abord la localisation des entreprises, l'examen des critères et des indicateurs macroéconomiques de l'attractivité de la France ne fait pas apparaître de rôle observable de la fiscalité. L'examen au niveau microéconomique suggère de même que la fiscalité est un paramètre pris en compte au même titre que les autres, dont l'effet n'est souvent pas explicité." D'autres enquêtes plus anciennes parvenaient aux mêmes conclusions.

Il faut d'ailleurs rappeler que la France était, en 2011, la seconde destination des investissements étrangers en Europe, derrière le Royaume-Uni, mais devant des pays généralement jugés comme bien plus "attractifs" fiscalement, comme l'Irlande, la Pologne ou les ex-pays de l'Est. Et que notre pays reste parmi les premières destinations mondiales en matière d'investissements. Parmi les raisons citées le plus souvent, la qualité des infrastructures françaises, la productivité horaire des salariés et le degré élevé de qualification sont autant d'atouts pour la France.

Autre point qui va à l'encontre de certaines idées reçues : selon une étude du cabinet KPMG, qui a comparé les coûts d'implantation d'une entreprise dans neuf pays, la France est au 4e rang, devant les Etats-Unis, l'Allemagne ou le Japon, bon dernier.

Si la France n'est pas toujours bien placée en Europe en matière de fiscalité des entreprises, le vieux continent est, en général, fiscalement plus avantageux pour les entreprises que l'Amérique du Nord ou l'Asie, comme le montre ce graphe extrait de cette étude de l'Assemblée.

Mais ces chiffres et ces faits sont souvent oubliés par les entrepreneurs français. Selon une enquête menée par Ipsos, en 2011, auprès des chefs d'entreprises européens, les patrons hexagonaux sont 48 % à juger la fiscalité nationale "très élevée", loin au-dessus de la moyenne européenne (36 %) et devant des pays à la fiscalité plus importante, comme l'Espagne ou la Suède

On retrouve la même dichotomie lorsqu'on demande aux patrons européens s'ils jugent que leur pays est attractif : seuls 9 % des patrons français jugent la France "plutôt" attractive, contre un écrasant 84 % d'entre eux qui estiment qu'elle ne l'est "plutôt pas" ou "pas du tout". Une perception, on l'a vu, à l'opposé de la réalité, qui fait de la France l'un des pays les plus attractifs pour les investissements étrangers.

Samuel Laurent

 

 

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 17:57

 

 

Le Monde.fr | 08.11.2012 à 17h29 Par Antoine Reverchon

 

 

Quartier d'affaires de la Défense, qui abrite de nombreux sièges sociaux de grandes entreprises.

Près des deux-tiers (64%) des salariés français estiment que les entreprises mettent en avant les notions d'éthique et de déontologie "pour se donner une bonne image" plutôt "qu'avec sincérité pour mener des actions concrètes" (24 %), selon un sondage BVA pour le Cercle d'éthique des affaires et La Poste, publié par le quotidien "20 minutes" le 6 novembre.

Pourtant, ces mêmes salariés de grandes entreprises (505 personnes travaillant dans des sociétés de plus de 500 salariés ont été interrogées par téléphone du 20 au 29 septembre, un échantillon sans doute un peu faible pour ce type de sondage) se préoccupent du sujet, puisque 86 % estiment "important" d'avoir un interlocuteur responsable de l'éthique et de la déontologie dans leur entreprise, ce qui n'est le cas que pour seulement 58 % d'entre eux.

Car pour discuter d'un problème éthique ou déontologique, un quart estime ne pas pouvoir faire confiance à leur supérieur hiérarchique ou à un collègue, un tiers au responsable des ressources humaines ou à un syndicat, la moitié à une personne extérieure à l'entreprise.

 

 SOUCI DE L'IMAGE

Si les trois quarts des salariés interrogés apprécient positivement ce qui se fait et les progrès enregistrés dans ce domaine dans leur entreprise, leur constat est plutôt sévère en ce qui concerne les motivations et les pratiques réelles. Concernant les motivations, le souci de "l'image" et de "la confiance" des partenaires et des clients vient en tête (plus de 90 % de réponses), suivis des objectifs plus concrets d'écarter "les risques juridiques" (88 %) et, à égalité (80 %), "d'améliorer les résultats économiques" et l'"attractivité sur le marché du travail".

En dernier lieu apparait le souci "d'améliorer la confiance" (73 %) ou le "bien-être" (70 %) de son propre personnel.

Dans la pratique, les salariés constatent que leurs employeurs mettent au premier rang de leurs actions d'amélioration éthique ou déontologique "le respect des clients" (93 %) et "la conformité aux règles et règlements" (92 %), loin devant les sujets qui fâchent réellement, tels que  "la prévention des conflits d'intérêt", "l'intégrité du management", "le respect des salariés" (71 %) ou "la lutte contre la corruption" (68 %).

Antoine Reverchon

 

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 17:54

 

Le Monde.fr avec AFP | 08.11.2012 à 17h02

 

 

La collecte du lait auprès des 12 400 producteurs de la coopérative restera inchangée, précise le groupe.

Le groupe coopératif Sodiaal a annoncé jeudi 8 novembre le projet de fermeture de trois sites de conditionnement de lait de consommation de Candia d'ici à 2014, ce qui impliquerait la suppression de 313 postes. Sont concernés les sites de Lude (Sarthe), de Saint-Yorre (Allier) et de Villefranche-sur-Saône (Rhône), détaille-t-il dans un communiqué.

Le groupe envisage "le regroupement de la production de la société Candia sur cinq sites de conditionnement de lait de consommation à l'horizon 2014, au lieu de huit actuellement" afin "de renforcer" l'entreprise dans le secteur du lait de consommation qui "voit, année après année, sa compétitivité se dégrader face à la concurrence européenne".

La collecte du lait auprès des 12 400 producteurs de la coopérative restera inchangée, précise le groupe. Ce projet de fermeture de sites a été présenté jeudi matin aux syndicats au cours d'un comité central d'entreprise (CCE) et doit faire maintenant "l'objet d'une concertation approfondie", précise-t-il.

 

 

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7 novembre 2012 3 07 /11 /novembre /2012 22:59

 

 

 

« Je ne peux pas être en accord avec un “choc de compétitivité” dont on enverrait la facture aux ménages via une hausse de la TVA », explique Guillaume Balas, président du groupe PS à la région Île-de-France et secrétaire général du courant socialiste «Un monde d'avance», de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli.

 

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Reconstruire le tissu industriel. Alors que la balance commerciale de la France a accusé un déficit de 70 milliards d’euros en 2011, l’industrie doit retrouver son rôle moteur au sein de notre économie. Après 10 années de gouvernement de droite, ce sont plus de 750 000 emplois industriels qui ont disparu sur notre territoire. Le rapport Gallois a l’immense mérite de soulever, à l’occasion de ce débat, nombre de problèmes structurels rencontrés par notre pays.

Là où l’industrie française a régressé, c’est dans sa compétitivité « hors coût ». La compétitivité « hors coût » compare l’évolution de facteurs tels que la qualité, le contenu en innovation, en ergonomie et en design des produits offert. C’est là que le bât blesse. Il faut donc faire un effort massif en faveur de la recherche et de la formation professionnelle. La compétitivité d’un pays, c’est aussi la qualité de ses infrastructures et le niveau de ses services publics. D’où la nécessité de maintenir les investissements publics à un niveau élevé. Sur ces questions, le Gouvernement est engagé dans une dynamique de reconquête de notre tissu industriel.

 

 Ne pas se tromper de débat. L’idée que les entreprises ne sont plus en mesure d’investir en raison d’un coût du travail trop élevé ne résiste pas à l’analyse : dans la même période, c’est la rémunération des actionnaires qui a bondi. Les dividendes ont atteint leur niveau le plus élevé depuis l’après-guerre, avec 9% de la valeur ajoutée contre 2.5% au début des années 1990 !

Ce n’est pas le coût du travail qui est élevé, mais le coût du capital !

S’il est exact de dire que le coût horaire du travail en France est supérieur au coût horaire du travail en Allemagne, il faut néanmoins distinguer les secteurs et prendre en compte les réels facteurs de compétitivité « coût ». Dans l’industrie manufacturière notamment, on constate que le coût de la main d’œuvre par unité produite est lui, largement comparable.

Je ne peux donc pas être en accord avec un « choc de compétitivité » dont on enverrait la facture aux ménages via une hausse de la TVA, leur pouvoir d’achat ayant été largement écorné ces dernières années.

Il ne serait pas non plus acceptable de présenter la facture aux collectivités territoriales à travers une baisse des dotations de l’Etat ! Leur situation est déjà extrêmement critique alors même que leur intervention en termes d’investissements publics et d’organisation des solidarités locales est indispensable.

Il existe des propositions alternatives : d’abord, il faut moduler l’impôt aux entreprises en fonction de leur niveau d’exposition au marché mondial. Le crédit d’impôt doit être ciblé sur les entreprises qui sont en concurrence avec l’extérieur. Il est aussi absolument indispensable de conditionner ces aides pour qu’elles servent uniquement à créer de l’emploi ou à générer de l’investissement, et pas à augmenter les dividendes !

Je m’interroge également sur la place de la taxe écologique dans ce dispositif. Cette taxe devrait en effet financer prioritairement la transition énergétique, plutôt que la baisse du coût du travail ! On ne doit pas hypothéquer notre avenir, la croissance verte, pour restaurer les marges de nos entreprises.

 

Pour résoudre les problèmes de compétitivité, plaçons nous à l’échelle de l’Europe. L’échelle pertinente pour aborder la question de la compétitivité se situe au niveau européen. Avec la création de l’euro, nous ne pouvons plus dévaluer notre monnaie, et permettre ainsi à nos entreprises de bénéficier d’une baisse de leurs prix sur le marché mondial. Avec l’adoption du TSCG, nous nous retrouvons dans une Europe de l’austérité et de la compétition. C’est pourquoi les Etats sont aujourd’hui contraints à des politiques de rigueur, pourtant contre-productives face à la crise.

Résolument européen, le courant Un Monde d’Avance milite pour une Europe fédérale, démocratique, sociale et solidaire. Or réduire le coût du travail en France, faire du dumping social avec nos partenaires européens, n’est pas notre idée de l’Europe…

60% de nos échanges se situent dans la zone Euro. Se lancer dans une « guerre de compétitivité » est l’exact contraire de la stratégie coopérative dont l’Europe a besoin. Puisqu’elle consiste pour l’essentiel à gagner des parts de marché sur nos partenaires de la zone euro, il ne s’agit rien moins que de dumping social… dont rien n’indique qu’elle sera suffisante pour rétablir nos comptes car nos partenaires utiliseront le même procédé ! Pire, cette démarche est porteuse de risques pour la croissance, en diminuant fortement les demandes intérieures des pays européens.

Nous devons agir pour le retour de la politique monétaire de l’Union dans le champ démocratique, pour le retour sous l’égide des gouvernements des décisions prises au niveau de la Banque Centrale Européenne. Le rapport Gallois le pointe, « l’euro fort a pesé sur les prix à l’exportation (…) et il a stimulé les importations de produits manufacturés concurrents des productions locales ».


Il est donc grand temps de remettre la politique monétaire au service de la croissance et de l’emploi.

 

Guillaume BALAS,  Secrétaire Général du courant Un Monde d’Avance

 

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