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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 16:30

 

Rue89 -  Usine à gaz 23/10/2012 à 12h45
Martin Untersinger | Journaliste Rue89

 

 

 

L’Assemblée examine ce mardi la loi de finances pour 2013. Retour sur cinq promesses ou annonces que François Hollande et la majorité n’ont pas tenues.

                                                                                                                                                                                                                             1 Régime fiscal des créateurs d’entreprise

 

Ce qui était prévu

Le gouvernement voulait augmenter l’imposition des plus-values de cession d’entreprise (ce que l’on gagne en revendant une entreprise dans laquelle on a des parts), en les taxant comme n’importe quel revenu. Dans certains cas, cela aurait fait passer leur imposition à 60% de leurs revenus.

Le gouvernement espérait récupérer environ 1 milliard d’euros. Cela correspondait à un des engagements-phares de François Hollande pendant la campagne présidentielle : imposer le capital au même niveau que le travail.

Ce que le gouvernement prévoit

 


François Hollande dans la cour de l’Elysée, le 31 juillet 2012 (Bertrand Langlois/AFP)

 

La taxation forfaitaire de 19% sera maintenue, à condition d’avoir été actionnaire de sa société pendant au moins cinq ans, dont deux ans à 10% minimum et d’avoir occupé des fonctions de direction. Pour les autres, le taux pour les cessions de 2012 passera de 19% à 24%.

A partir de 2013, ils seront soumis à l’impôt sur le revenu, mais avec des systèmes d’abattement (jusqu’à 40%) en fonction du temps passé au capital de l’entreprise.

De même, un système de déductibilité sera instauré si la plus-value est réinjectée dans l’économie. Bercy réfléchit également à des aménagements concernant les fonds d’investissement et les salariés ayant été payés en actions qui revendent leurs parts.

Le moment-clé

Fin septembre, des entrepreneurs créent le mouvement des pigeons. Fort d’un certain succès sur la Toile, il parvient à faire plier le gouvernement.

Au cabinet de Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au budget, on tient à préciser que « la promesse de François Hollande de taxer le capital comme le travail n’a souffert d’aucun coup de canif, la réforme est pleine sur les intérêts et les dividendes ».

                                                                                                                                                                                                                              2 Déductibilité des intérêts d’emprunts

 

Ce qui était prévu
Définitions
Abattement : diminution du montant sur lequel est calculé l’impôt.

Déduction : diminution du montant de l’impôt.

François Hollande voulait supprimer la déductibilité des intérêts d’emprunt. Cette disposition permet aux dirigeants et aux salariés d’une entreprise de déduire de leurs revenus les frais liés à un emprunt contracté pour investir dans une entreprise.

Cette mesure était destinée à « définanciariser » l’économie – à savoir limiter son financement par l’emprunt – et à rétablir l’équilibre entre petites et grandes entreprises, les secondes étant plus avantagées par ce mécanisme que les premières.

Ce que le gouvernement prévoit

La déductibilité sera maintenue. La part des charges déductibles diminuera : 85% en 2012 et 2013, puis 75% à partir de 2014. Afin de ne cibler que les grands groupes – et pas les PME – le montant maximum des charges financières ne pourra pas excéder 3 millions d’euros. Cette mesure devrait rapporter entre 3 et 4 milliards d’euros par an.

Le moment-clé

De nombreux patrons, et en particulier le Medef, ont alerté le gouvernement sur les conséquences en termes d’investissement. « L’impact sur l’investissement peut être gigantesque, je dirais même dramatique, dans certains secteurs d’activité », avait notamment déclaré fin septembre Laurence Parisot, présidente de l’organisation patronale.

« Dans les rendements, nous sommes dans les clous, et cela permet de réduire l’écart d’imposition entre les PME et les grandes entreprises », souligne-t-on au Budget.

                                                                                                                                                                                                                              3 Allègements de charges sur les bas salaires

 

Ce qui était prévu

Le gouvernement voulait réduire les allègements de charges sociales patronales sur les bas salaires. Pour cela, il entendait faire passer le seuil maximal donnant droit à ces allègements de 1,6 à 1,5 smic. Cette mesure, qui devait financer les contrats d’avenir, était censée rapporter 2,3 milliards d’euros.

Ce que le gouvernement prévoit

Le gouvernement a finalement renoncé et maintient ces allègements de charges, introduits par François Fillon.

Le moment-clé

C’est encore une fois sous la pression des patrons, qui craignaient un alourdissement de leurs charges, que le gouvernement a reculé. Un rapport de l’Inspection des finances a également joué un rôle : il pronostiquait la destruction de 40 000 postes, et plus spécifiquement dans l’industrie.

Mise à jour du 23/10, 17h05 : contrairement à ce que l’article laisse entendre, cette mesure n’est pas comprise dans le projet de loi de finances. Elle n’en demeure pas moins une des mesures prises par le gouvernement.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             4 Fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu

 

Ce qui était prévu

Pendant la campagne, François Hollande avait dit vouloir revenir sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu.

Cette mesure un peu technique a une incidence directe : avec l’inflation, les seuils d’imposition diminuent. Le coût réel de l’impôt augmente donc, et certains contribuables commencent même à payer des impôts alors qu’ils n’en payaient pas auparavant.

Ce que le gouvernement prévoit

Pour pallier cette conséquence pour les plus modestes, des aménagements sont prévus.

Le retour de l’indexation sur l’inflation, lui, n’interviendra finalement pas pour l’année fiscale 2013.

Le moment-clé

Au journal télévisé de TF1, le 9 septembre dernier, François Hollande annonce que le gel sera maintenu. Sans doute que les 3,4 milliards de recettes supplémentaires découlant de ce gel n’y sont pas pour rien.

                                                                                                                                                                                                                              5 La taxe à 75%

 

Ce qui était prévu

La proposition d’une taxe portant l’imposition marginale à 75% pour les revenus supérieurs à un million d’euros avait secoué la campagne.

Ce que le gouvernement prévoit

Au final, trois ajustements ont été consentis par la majorité :

  • elle ne durera que deux ans, pour les revenus de 2012 et de 2013 ;
  • les revenus du capital ne sont pas pris en compte ;
  • cette taxe prend en compte la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu. Ce qui revient, notent Les Echos, à « un taux effectif plus proche de 67% ».

 

Mise à jour du 23/10, 17h05 : contrairement à ce que nous écrivions, l’individualisation de cette taxe en augmente le rendement.

Le moment-clé

Tout l’été, les patrons se sont succédé au perron de l’Elysée, brandissant la menace d’un exil fiscal massif (menace très relative). Certains acteurs du monde du sport ont également donné de la voix, craignant une fuite des sportifs vers l’étranger.

On aurait pu rajouter une sixième promesse oubliée à cette liste. En 2010, alors candidat à la primaire, Hollande n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer l’incroyable complexité de notre système fiscal

« Notre système de prélèvements est devenu illisible ; nul ne sait qui paye l’impôt, qui peut comprendre quoi que soit [...] ? A force d’être mitée et minée, notre fiscalité est devenue opaque. [...] Le système est non seulement illisible, il est instable. »

Comme le rappelle très justement Le Monde, cette loi de finances est, comme les précédentes, « truffée des usines à gaz que dénonçait le candidat ».

« Quand on veut être juste, il n’est pas toujours facile d’être simple », se défend-on à Bercy.

 

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato, Alexandre Le Bars
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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 16:23

 

 

LE MONDE | 23.10.2012 à 11h30 • Mis à jour le 23.10.2012 à 12h03

Par Jean-Baptiste Chastand

Ils ont vite appris à faire la distinction. Si la nuance entre trimestres "validés" et trimestres "cotisés" pour la retraite échappe à la majorité des Français, eux savent parfaitement de quoi il s'agit. Pour les seniors au chômage qui ont témoigné sur Lemonde.fr, la différence est de taille : dans le décret sur le retour partiel à la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, qui doit entrer en vigueur le 1er novembre, seuls les trimestres travaillés, dits cotisés, compteront pour pouvoir partir plus tôt. Les validés, qu'ils accumulent pour certains depuis plusieurs années de chômage, ne serviront à rien, ont-ils découvert.

"On ne s'occupe jamais assez de sa retraite", s'excuse presque Dominique Wozniak, 173 trimestres validés, mais 165 cotisés, pour expliquer la situation dans laquelle il se trouve. Ce Lensois âgé de 59 ans avait besoin de quatre trimestres pour espérer pouvoir partir en retraite anticipée pour carrière longue, malgré plus de quarante-trois ans de vie professionnelle. Licencié en 2009, il n'avait pas prévu que la réforme des retraites de 2010 repousserait l'âge minimum légal pour partir. Pas prévu non plus qu'il serait si dur, à son âge, d'acquérir les trimestres manquants.

Lire aussi : Michel Sapin : Les chiffres du chômage seront mauvais encore plusieurs mois

M. Wozniak dit avoir "dû faire des sacrifices". Fini les 3 000 euros bruts de salaire, il a "fait et refait son CV", notamment pour cacher son grade d'agent de maîtrise. Mais il estime pourtant avoir eu "de la chance" : en alignant les heures comme agent d'entretien dans une école lilloise, il espère pouvoir partir en retraite en 2013. Au rythme de 86 heures par mois, payées au smic, cotiser ses quatre trimestres lui aura pris dix mois. "Heureusement que j'ai réussi à trouver cet emploi l'année dernière avant de finir tous mes droits, se réjouit-il, il y a nettement moins d'offres cette année."

L'échéance tant redoutée, pour ces seniors, est bien celle de la fin de l'indemnisation. Les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans bénéficient des allocations chômage pendant trois ans. Après, c'est – dans le meilleur des cas – l'allocation de solidarité spécifique (ASS), 470 euros par mois pour un célibataire, qui les attend. Or, les chiffres du chômage de septembre, qui seront publiés mercredi 24 octobre, risquent une nouvelle fois de confirmer la hausse du nombre de seniors inscrits à Pôle emploi.

 "ENFUMAGE COMPLET"

Ces seniors sont donc souvent prêts à tout pour cotiser des trimestres, mais ils disent, pour la plupart, faire face aux réticences des employeurs potentiels. Licenciée fin novembre 2008, Maryse Vizioz, 59 ans, ancienne acheteuse dans une usine de caoutchouc, ne touche plus rien depuis avril. "Mon indemnité s'est arrêtée subitement, j'avais épuisé tous mes droits. Et comme mon mari touche une retraite tout juste supérieure aux plafonds de ressources, je n'ai même pas le droit à l'ASS", raconte cette Grenobloise.

Avec ses 156 trimestres cotisés, elle n'a aucun espoir de retrouver un travail qui lui permette de partir dans le cadre du dispositif carrières longues (applicable aux salariés ayant commencé à travailler à 17 ans ou avant). "Qui veut embaucher une personne de 59 ans ? J'ai postulé partout, sans succès", dit-elle.

Elle en veut beaucoup à François Hollande et "son enfumage complet" du retour de la retraite à 60 ans. Un geste a été fait pour les chômeurs : le décret prévoit que deux trimestres de chômage par carrière puissent être déclarés comme cotisés. Mais il en manque neuf à Mme Vizioz. "Je ne pourrai pas prendre ma retraite avant septembre 2014. D'ici là, je ne toucherai rien, c'est vraiment injuste : j'ai commencé à travailler à 17 ans !"

HEURES EN INTÉRIM
 

Ce sentiment d'injustice, Alain Casiez, 58 ans, au chômage depuis trois ans, le partage. "Dans deux mois, je ne serai plus indemnisé et je vais passer à l'ASS. Après avoir travaillé pendant trente-sept ans, je ne trouve pas normal qu'on me laisse dans la même situation que des chômeurs n'ayant pas assez travaillé", affirme cet ancien technicien d'entretien chez Saint-Gobain, qui a connu une rupture conventionnelle en 2009. Depuis, il aligne quelques heures en intérim, mais pas de quoi cotiser les neuf trimestres qui lui manquent.

"François Hollande a gardé tout au long de la campagne l'ambiguïté sur la façon dont il compterait les trimestres. J'étais pourtant allé à des débats où des membres de son équipe avaient dit que tous ceux ayant commencé jeunes pourraient partir à 60 ans", abonde Gérard Germond, ancien agent de maîtrise de 59 ans, au chômage depuis 2010, à qui il manque cinq trimestres pour partir. "Dans l'Allier, le seul travail que j'ai trouvé était d'aller distribuer [le quotidien] La Montagne entre 3 et 7 heures du matin pour 400 euros par mois. A mon âge, je ne me vois physiquement pas capable de faire ça", défend-il, se disant "même prêt à cotiser sur indemnités chômage s'il faut".

 LA TENTATION DE TRICHER

Combien sont ces laissés-pour-compte qui se disent prêts à tout pour grappiller quelques trimestres ? Aucun chiffre officiel n'est disponible, dit-on au ministère des affaires sociales. Parmi le million de seniors inscrits à Pôle emploi, une majorité pointe depuis plus d'un an, et ils sont considérés à ce titre comme chômeurs de longue durée.

Acculés financièrement, plusieurs internautes du Monde.fr font part de leur tentation de tricher. "La directrice de l'agence Pôle emploi m'a dit que j'aurais dû me mettre en arrêt-maladie pour prolonger mon indemnisation chômage", témoigne l'une. "Je réfléchis à trouver quelqu'un qui puisse faussement m'employer tout en versant des cotisations que je lui rembourserai", écrit un autre.

Lire aussi : La nouvelle allocation pour les chômeurs seniors embarrasse l'exécutif (zone abonnés)

Jean-Baptiste Chastand

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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 14:55

 

 

LE MONDE | 23.10.2012 à 14h35 • Mis à jour le 23.10.2012 à 15h29

Par Gérard Davet et Fabrice Lhomme

 

Les juges ont acquis la conviction qu'Edouard Balladur a entrepris à partir de 1994 de décrocher de juteux contrats avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite.

Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du volet financier de l'affaire de Karachi, en ont acquis la certitude : l'ancien premier ministre Edouard Balladur et l'ex-directeur de son cabinet Nicolas Bazire auraient été les architectes d'un vaste réseau de financement politique occulte, à travers des contrats d'armement. Nicolas Bazire, déjà poursuivi pour "complicité d'abus de biens sociaux", risque une nouvelle mise en examen, pour "recel" de ce même délit.

Celui qui fut aussi directeur de la campagne présidentielle de M. Balladur en 1995 est convoqué à cette fin, lundi 29 octobre, par les deux juges. Il n'est plus seulement soupçonné d'avoir supervisé la signature de contrats d'armement douteux, mais aussi d'avoir détenu des fonds illicites issus desdits contrats. Fonds qu'il aurait eu pour mission de remettre à M. Balladur...

 

 DEVANT QUELS JUGES ?

Ce nouvel épisode d'une enquête portant sur les dessous de ventes d'armes négociées par le gouvernement dirigé, entre 1993 et 1995, par M. Balladur, confirme l'implication de ce dernier et pourrait bientôt le contraindre à répondre judiciairement de ses actes. Mais devant quels juges ? Ceux de la Cour de justice de la République (CJR), seuls compétents pour enquêter sur des faits commis par des ministres pendant l'exercice de leurs fonctions ? Ou ceux du droit commun, en l'occurrence les juges d'instruction qui enquêtent sur l'affaire ? L'ex-premier ministre pourrait en fait devoir répondre devant les deux juridictions.

En effet, si les actes relatifs aux ventes d'armes conclues par son gouvernement relèvent à l'évidence de la CJR – s'agissant d'Edouard Balladur à Matignon et de son ministre de la défense, François Léotard –, les faits d'enrichissement personnel éventuels, postérieurs à 1995, peuvent continuer à être instruits par les deux juges du pôle financier. Ces derniers enquêtent notamment sur l'acquisition, en 1996, d'une propriété en Normandie par le couple Balladur.

Lire  La mémoire à éclipses de la princesse de Yougoslavie (abonnés)

Les derniers développements de l'enquête mettent un peu plus en lumière le rôle décisif joué par les duos Balladur-Bazire (à Matignon) et Léotard-Donnedieu de Vabres (à la défense) dans la mise en place d'un réseau d'intermédiaires, dans des marchés d'armement portant sur des milliards d'euros, en contrepartie de financements occultes. Questionné le 17 octobre sur l'arrivée suspecte en avril 1995 de plusieurs millions de francs sur le compte de campagne de M. Balladur, dont il était le trésorier, René Galy-Dejean a ainsi directement mis en cause l'ancien candidat et M. Bazire. Et cet été, l'ex-femme de Thierry Gaubert, un proche de Nicolas Sarkozy, a déclaré à la police judiciaire que les rétrocommissions étaient destinées à M. Balladur.

Récemment versée à la procédure par la police judiciaire, une "chronologie non exhaustive" de 35 pages retraçant les principaux événements intervenus entre 1989 et 2000 s'agissant des contrats d'armement suspects atteste que, à leurs postes respectifs, MM. Balladur et Léotard s'activèrent à partir de 1994 pour décrocher de juteux marchés avec le Pakistan et l'Arabie saoudite. Et surtout imposer dans ces marchés deux intermédiaires d'origine libanaise (Ziad Takieddine et son associé de l'époque Abdul Rahman El-Assir), qui auraient eu pour mission principale de rapatrier en France une partie des commissions perçues lors de la vente de sous-marins à Islamabad (contrat Agosta) ou de diverses armes au royaume wahhabite (contrats Sawari II, Mouette, Shola et SLBS).

 

 LOURDES PERTES

Les démentis outragés opposés par M. Takieddine se heurtent aux nombreuses découvertes faites en Suisse par les magistrats, qui ont retracé les multiples allers-retours effectués par celui-ci entre Paris et Genève, pour récupérer des fonds, y compris après la défaite de M. Balladur en avril 1995. M.Takieddine a même été "lâché" par son ancien ami, M.  El-Assir, qui a confirmé le système d'évasion des fonds. MM. Van Ruymbeke et Le Loire disposent par ailleurs du témoignage d'une fonctionnaire du ministère du budget, Patricia Laplaud, interrogée par la police, puis par les juges, le 4 octobre.

Mme Laplaud suivait, entre 1993 et 1995, les négociations des fameux contrats, le ministère du budget – dirigé alors par Nicolas Sarkozy – y jouant un rôle-clé. Lors de sa dernière audition, elle a témoigné qu'ils avaient été signés sur l'insistance du ministère de la défense, contre l'avis du budget, qui redoutait de lourdes pertes – ce qui fut le cas. Et que Matignon avait tranché en faveur de la défense. Ainsi, s'agissant d'Agosta, elle assure que "la direction du budget y était opposée", mais que "le ministre du budget et la direction du budget ne gagnent pas toujours les arbitrages".

Selon elle, l'équipe de M. Léotard aurait été jusqu'à truquer des documents: "Le ministère de la défense (...) assurait qu'il n'y aurait pas de pertes et avait même présenté des documents écrits (courbes de financement du contrat) où ce contrat semblait être à l'équilibre." Or, elle affirme avoir appris depuis, par l'ex-contrôleur général des armées Jean-Louis Porchier, qu'un fonctionnaire de la direction générale de l'armement "avait donné des instructions pour que ces courbes ne soient pas représentatives de la réalité". A l'époque, comme l'a précisé Mme Laplaud, le directeur du cabinet du directeur général de l'armement n'était autre que Benoît Bazire, le frère de Nicolas. "De par sa fonction [Benoît Bazire] regardait les dossiers sensibles, tels qu'Agosta, c'était évident", a-t-elle confié.

 

M. SARKOZY AURAIT DONNÉ SON "APPROBATION" 

Pour les contrats saoudiens, Mme Laplaud a été interrogée sur le fait que, comme pour Agosta, le versement de "balourds" (paiement accéléré des commissions) avait aussi été décidé en dépit de l'opposition de la direction du budget. Et que M. Sarkozy avait donc donné son feu vert contre l'avis de ses fonctionnaires. M. Sarkozy n'avait d'autre choix, selon Mme Laplaud, puisqu'aucune vente d'armes ne peut être effectuée sans lettres de garantie signées des ministres de la défense et du budget. Ainsi, "pour le contrat Mouette, une instruction était venue au préalable de Matignon".
Ainsi, M. Sarkozy aurait donné son "approbation", "conformément aux instructions données par Matignon, passa[nt] outre aux objections de la direction du budget".

Quant à la création de Heine, structure offshore constituée en 1994 pour évacuer les commissions suspectes, Mme Laplaud a dédouané M. Sarkozy : "Le cabinet du ministre [du budget] pouvait peut-être être au courant (...), mais je ne vois pas pourquoi il aurait dû donner son autorisation (le cabinet ou le ministre)".

Ce témoignage conforte la chronologie policière dans laquelle l'omniprésence de MM. Balladur, Bazire, Léotard et Donnedieu de Vabres contraste avec l'absence de M. Sarkozy. En l'état de la procédure, si l'ex-président de la République – dont plusieurs proches sont mis en cause dans l'affaire – devait être interrogé, ce ne pourrait être qu'en qualité de témoin.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 17:33

 

CATDM.org - 22 octobre par Désiré Prunier

 

Texte issu de la Conférence gesticulée de ’Désiré Prunier’ au 2ème Forum sur la désobéissance, le 29 septembre à Grigny (Rhône)

 

En 2032, le dett’système a été définitivement enterré et remplacé par le Service Public Monétaire Mondial.
30 ans plus tard, nous célébrons cet événement majeur, qui a signé la fin de la dettscroquerie installée depuis les années 1970 dans la plupart des pays, par les 1 % de trop-riches qui voulaient être encore plus trop-riches sur le dos des 99 % du reste de l’humanité.

Pour cela, les trop-riches et leurs alliés (banksters, traders-fous, éconalchimistes bornés persuadés qu’ils pouvaient transformer le papier en argent, médiacrates couchés...) avaient mis en place un système monstrueux, le dett’système, basé sur l’organisation d’un déficit croissant des budgets publics. Alors que les dépenses publiques n’ont, contrairement aux idées reçues, globalement pas augmenté, les recettes ont été très fortement diminuées par :

- les fisco-fuites (niches fiscales, paradis fiscaux, bouclier fiscal) au bénéfice essentiellement des trop-riches, leur laissant encore plus d’argent pour spécutricher,

- l’interdiction de création monétaire par les banques centrales (loi de Giscard-foirus en 1973, principe repris dans les traités européens, ceux de Maas-trop-la-triche et de Lispasbonne),

- et donc l’obligation d’emprunter aux banques privées, à des taux abusuraires variables (jusqu’à plus de 30 % !), dont profitaient les mêmes trop-riches qui plaçaient dans les banques privées les impôts qu’ils ne payaient plus !

Pour faire passer ce véritable pillage des richesses publiques au profit des 1 % de trop-riches, une forte propagandette a été diffusée par les médias dominants et les experts dominés, faisant croire aux citoyens qu’ils étaient « responsables » de cette dette, tellement ils auraient « vécu au dessus de leurs moyens », qu’il leur fallait « faire des sacrifices » pour rembourser une dette qui n’était pas la leur.
Une véritable culpabilidette a ainsi été construite sur la confusion entre une vraie dette personnelle qu’il peut arriver à certains de contracter puis rembourser et cette fausse dette publique correspondant en fait à des transferts massifs d’argent vers ceux qui n’en avaient déjà que trop.

La crise bancaire de 2008, due à l’effondrement des finan-bulles immobilières et spéculatives créées par les banques privées, n’a pas suffit à raisonner celles-ci. Elles n’ont dû leur salut qu’aux plans de sauvetage imposés par les politicrates amis des banksters. Payés par l’argent public, ces plans ont aggravé de façon colossale la dette publique construite.
Les enspéculés de banksters ont ainsi vu leurs banques sauvées sans contrepartie. Et ils se sont remis à se goinfrer de leurs bonus-dorés, leurs parachutes boucliers, leurs cash-options, leurs stocks-gloutons. Leurs marchés financiers et leurs agences de dénotation ont continué à augmenter les taux d’intérêt et à étrangler les États. Les dettscrocs du ’Fond Mortifère Impitoyable’ et de la ’Banque Mon-diable’ ont conseillé de véritables saignées, appliquées par des dirigeants aux ordres, quand ils n’étaient pas eux mêmes des anciens banksters issus de banques privées comme ’Saque-man-gold’. Ils ont imposé l’austéridette, afin de mieux privati-brader à leur profit ce qui restait d’organismes solidaires et de services publics.
Les pays européens souffraient donc énormément, les populations étaient découragées, poussées à la résignation ou à l’aveuglement, tentées par des dérives bouc-émissairisantes et xénophobes.

Heureusement, à partir de 2012 (il y a cinquante ans, déjà !), les prises de consciences ont déferlé par dessus la propagandette, la mobilisation des citoyens s’est amplifiée.
Des Collectifs pour l’Audit Citoyen de la dette publique se sont montés partout pour analyser les comptes publics et dénoncer les emprunts toxiques distribués sans informations par les banques privées aux collectivités locales, aux hôpitaux, aux particuliers, les précipitant ensuite dans la faillite.
En 2013, un mouvement de dett’sobéissance (appelé aussi grève générale de la dette) a fait tomber le masque de la dett’scroquerie : plus personne ne payant ses dettes, les banksters se sont écroulés.
La protestation a contraint Papa Hollandréou à combattre vraiment la finance (il l’avait proclamée comme son ennemie avant de bien vite l’oublier).
De nombreux événements qui sont maintenant dans les livres d’histoire post-moderne ont progressivement rogné le dett’système, jusqu’à la grande ’crise dé-financière de 29’ (enfin, 2029), qui a été sans gravité pour les populations préparées par leurs monnaies complémentaires, mais fatale pour les derniers banksters qui se sont enfuis dans leur folie. Les banques ont été transformées en cafés-citoyens, leurs immenses sièges en mémorials des dettofolies où d’ex-banksters hagards ont été recyclés en gardiens de musée.

L’argent a été enfin compris comme un bien public mondial, et le Service Public Monétaire Mondial a été créé.
Aujourd’hui, il n’y a plus de prêts toxiques, plus d’austérité, les richesses sont distribuées dans la justice sociale pour qu’il n’y ait plus de trop-riches ni de personnes vivant sous le seuil de dignité.

Merci à nos anciens qui, dans les années 2012, se sont battus pacifiquement mais radicalement pour dénoncer la dettscroquerie et mettre à bas le dett’système !
Prenons exemple sur eux pour rester vigilants et mobilisés, informés et combatifs, afin d’éviter le retour de la dette immonde dont la rente plaît toujours aux cons !

Désiré Prunier

(ancien membre de feu-CADTM,

organisation auto-dissoute le 29 septembre 2032 dans la joie, le soulagement et le bon vin)


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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 17:29

 

CATDM.org - 22 octobre par Renaud Vivien


Texte issu de l’intervention de Renaud Vivien (CADTM) au 2ème Forum sur la désobéissance, le 29 septembre à Grigny (Rhône)

 

Selon l’idéologie dominante, les gouvernements n’ont pas le choix : ils doivent rembourser toutes les dettes publiques et appliquer des mesures d’austérité anti-sociales afin de dégager les ressources nécessaires à leur remboursement. Pour l’affirmer, les défenseurs de cette idéologie se réfèrent notamment au droit international en invoquant le principe ’pacta sunt servanda’ qui signifie que les conventions doivent être respectées. Or, ce principe n’est pas absolu et ne vaut que pour « des dettes contractées dans l’intérêt général de la collectivité |1| ».C’est aussi le sens de la doctrine de la dette odieuse selon laquelle ’ les dettes d’États doivent être contractées et les fonds qui en proviennent utilisés pour les besoins et les intérêts de l’État  » |2|. Il n’existe donc pas d’obligation inconditionnelle de rembourser les dettes publiques comme l’a justement rappelé la CNUCED |3| dans un rapport de 2010 consacré à la dette odieuse |4|. Plusieurs États ont d’ailleurs refusé d’assumer le paiement de certaines dettes publiques |5|. Ce rapport souligne aussi que le principe ’pacta sunt servanda’ est limité par des considérations d’équité comme l’illégalité, la fraude, la mauvaise foi, l’incompétence du signataire, l’abus de droit, etc. Autrement dit, le respect des accords conclus avec les créanciers dépend de ces différents éléments. Pour vérifier la validité de ces accords, l’audit de la dette s’avère nécessaire.

Désobéir aux créanciers est donc tout à fait possible et légal. Nous donnons ici quelques arguments juridiques permettant à un gouvernement de suspendre unilatéralement le remboursement des dettes publiques, de répudier certaines d’entre elles et de rejeter les politiques d’austérité |6|.

Quelques arguments juridiques pour suspendre le paiement de la dette et l’application des plans d’austérité

La situation d’urgence sociale et environnementale impose aux États de faire des choix radicaux afin d’améliorer les conditions de vie des populations et de préserver l’environnement. Ces choix en faveur des populations sont facilités par le droit international en vertu duquel le respect et la protection des droits humains, tels qu’ils sont reconnus universellement par les différentes conventions internationales |7|, priment sur les autres engagements comme le remboursement des dettes et l’application des programmes d’austérité. L’article 103 de la Charte de l’ONU, à laquelle les États membres des Nations unies doivent impérativement adhérer, est sans ambiguïté : «  En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ». Parmi les obligations contenues dans cette Charte, on trouve notamment, aux articles 55 et 56, « le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social (…), le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». Cette Charte consacre également le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (article 1-2) et la coopération internationale pour le développement des peuples (article 1-3). Un gouvernement qui en a la volonté politique peut donc légalement suspendre le paiement de sa dette et refuser l’application des mesures d’austérité qui portent atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels de sa population et hypothèquent sa souveraineté.

Les gouvernements peuvent également invoquer l’état de nécessité et le changement fondamental de circonstances pour stopper unilatéralement le paiement de leurs dettes. Ces dispositions juridiques sont inscrites dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et dans de nombreuses législations nationales, principalement en matière de contrat. Ces normes font également partie du droit coutumier international et, en tant que telles, elles s’imposent à tous les débiteurs et créanciers, sans qu’il soit nécessaire de prouver leur consentement à y être liés et l’illégalité de la dette.

L’état de nécessité correspond à une situation de danger pour l’existence de l’État, pour sa survie politique ou sa survie économique, comme une instabilité sociale grave ou l’impossibilité de satisfaire les besoins de la population (santé, éducation, etc). Nombreux sont les pays du Sud et d’Europe - on pense aux pays passés sous la tutelle la Troïka et notamment à la Grèce qui subit une crise économique, sociale et sanitaire - qui pourraient invoquer cet argument pour désobéir aux créanciers. Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu.. |8| ».

Le changement fondamental de circonstances se matérialise dans la clause rebus sic stantibus (les choses doivent demeurer en l’état - le même état qu’au moment de la signature du contrat). Son application a pour conséquence de délier les parties de toute obligation contenue dans le contrat en cas de changement profond des circonstances, comme c’est le cas avec la crise des dettes souveraines en Europe. Soulignons que le dernier rapport de l’Expert indépendant des Nations-unies sur la dette extérieure |9| affirme qu’un ’changement de circonstances échappant au contrôle de l’État emprunteur’ est de nature à justifier un moratoire sur la dette. Ainsi les soulèvements populaires de 2011 en Afrique du Nord peuvent pleinement justifier une suspension du remboursement de la dette de ces États et de l’application des programmes conclus avec les bailleurs de fonds étrangers (Banque mondiale, FMI, Union européenne, etc). On peut également considérer qu’en Europe, les pays actuellement confrontés à des hausses des taux d’intérêt exigés par les investisseurs institutionnels (les zinzins) sont face à un changement fondamental de circonstances justifiant un moratoire sur leur dette. Notons que si les zinzins demandent des intérêts majorés, c’est qu’ils anticipent des défauts de paiement et/ou des annulations de dettes. Une suspension du remboursement de la dette (avec gel des intérêts) décidée unilatéralement par ces pays fait donc partie des risques pris en toute conscience par les créanciers.

Quelques arguments juridiques pour déclarer la nullité des dettes

Pour juger de la nullité d’une dette, il faut prêter attention aux clauses du contrat de prêt, aux conditionnalités imposées par les créanciers (notamment dans les lettres d’intention et les mémorandum), aux circonstances entourant la conclusion de ces accords, aux causes de l’endettement, à la destination réelle des fonds empruntés, à l’impact des projets financés par la dette sur les conditions de vie des populations et sur l’environnement, vérifier que les personnes ayant endetté le pays avaient bien la compétence juridique pour le faire, etc. Pour ce faire, l’audit intégral et participatif de la dette comme l’a réalisé l’Équateur en 2007-2008 paraît l’outil le plus adapté.

La démarche participative de l’audit permettra à la population de comprendre le ’système dette’ dans ses multiples dimensions (économique, sociale, politique, environnementale) en répondant notamment à ces questions : Pourquoi l’État a-t-il été amené à contracter une dette qui ne cesse d’enfler ? Au service de quels choix politiques et de quels intérêts sociaux la dette a-t-elle été contractée ? Qui en a profité ? Etait-il possible ou nécessaire de faire d’autres choix ? Qui sont les créanciers ? Quelles sont les conditions à l’octroi des prêts ? Comment l’État s’est-il trouvé engagé, par quelle décision, prise à quel titre ? Quel montant d’intérêts a été payé, à quel taux, quelle part du principal a déjà été remboursée ? Comment l’État finance-t-il le remboursement de la dette ? etc. Ainsi, l’audit apportera les preuves que la dette sert de levier aux créanciers pour imposer des politiques antisociales. Il permettra ce faisant d’instaurer un rapport de force politique favorable à l’Etat qui décide d’auditer sa dette dans l’objectif d’annuler les dettes illicites et illégitimes (celles qui ne servent pas l’intérêt général de la communauté). Soulignons ici qu’en droit international, l’évaluation de l’intérêt général et la détermination du caractère licite ou illicite de la dette relèvent de la compétence des pouvoirs publics |10|.

Nous listons ci-dessous quelques arguments juridiques fondant la nullité de certaines dettes publiques.

Les vices du consentement

La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales de 1986 indiquent différents vices du consentement pouvant entraîner la nullité du contrat de prêt. Parmi eux, on trouve l’incompétence du contractant |11|, la corruption du contractant par des moyens directs ou indirects lors de la négociation, la contrainte exercée sur le contractant au moyen d’actes ou de menaces dirigés contre lui ou encore le dol. Les États, les collectivités locales et les établissements publics peuvent également se reporter à leur droit national, qui contient des dispositions en matière de contrats comme l’article 1109 du Code civil français selon lequel « il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Si les pouvoirs publics parviennent à prouver que ces dispositions issues du droit international et national ont été violées au moment de la conclusion de l’accord, ils seront alors fondés légalement à répudier les dettes entachées d’illégalité.

A titre d’exemple, la contrainte pourrait être invoquée par les gouvernements portugais, irlandais et grec pour rejeter les mesures imposées par la Troïka. En effet, ces créanciers, à l’instar du FMI et de la Banque mondiale qui ont orchestré dans le Sud les fameux Plans d’ajustement structurels (PAS) suite à la crise de la dette du tiers-monde de 1982, tirent aujourd’hui profit de la crise en Europe pour soumettre les États à des mesures d’austérité portant directement atteinte aux droits économiques et sociaux des citoyens de ces pays et violant la souveraineté de ces derniers. Le dernier rapport de l’Expert de l’ONU sur la dette dénonce d’ailleurs l’ingérence des créanciers dans la définition des politiques de développement des États en affirmant que ’Les États créanciers et les institutions financières internationales ne doivent pas tirer parti d’une crise économique, financière ou liée à la dette extérieure pour promouvoir des réformes structurelles dans les États débiteurs, aussi utiles ces réformes puissent-elles être considérées sur le long terme. De telles réformes devraient être engagées, formulées et mises en œuvre par les États débiteurs eux-mêmes, s’ils le jugent approprié, dans le cadre d’un processus indépendant de développement national |12| ».

Le dol pourrait aussi dans certains cas être invoqué par les États mais aussi les collectivités locales et les établissements publics. Il y a effectivement un enjeu important à s’attaquer à ces dettes locales. Soulignons qu’en France l’encours de la dette des collectivités territoriales au sens large s’élevait à 163 milliards d’euros, soit environ 10 % du total de la dette publique française |13| et que plusieurs acteurs publics locaux ont été victimes de prêts toxiques contractés auprès de banques comme Dexia. Cette dernière proposait en 2008 223 prêts différents reposant sur des indices « exotiques » plus spéculatifs les uns que les autres : la parité entre l’euro et le franc suisse, mais aussi le yen, le dollar, l’inflation, les indices de la courbe des swaps, jusqu’au cours du pétrole ! Avec de tels prêts dits « toxiques », la banque peut multiplier ses marges par 2 ou 3, voire davantage. Les acteurs publics locaux se trouvent quant à eux piégés par des taux d’intérêt de plus de 20 %. Cette situation intenable a d’ailleurs poussé plusieurs collectivités locales à attaquer Dexia en justice, notamment pour défaut de conseil, voire tromperie. Pour les plaignants, la banque a violé son obligation d’information en se gardant de détailler les risques liés à des prêts. Pire, dans certains cas, Dexia aurait volontairement donné des informations exagérément optimistes, voire erronées, en garantissant une quasi-absence de risque. Dexia comme d’autres banques n’a donc pas répondu à son obligation d’information alors que les collectivités n’étaient pas équipées pour apprécier les risques encourus. En l’absence d’information claire et détaillée sur le contenu des contrats portant sur des emprunts toxiques, on peut considérer que le consentement des collectivités n’a pas été valablement donné et invoquer l’action dolosive de ces banques, cause de nullité selon l’article 1116 du Code civile français |14|.

Ces affaires en justice ne sont pas encore tranchées définitivement par la justice française. Mais la Chambre régionale des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes a rendu une décision unique permettant à Sassenage, une petite ville de 11000 habitants de l’Isère, de continuer à refuser de payer les intérêts demandés par Dexia en attendant que la justice se prononce sur son cas |15|.

La cause illicite ou immorale du contrat

Ce fondement juridique, inscrit dans de nombreuses législations nationales civiles et commerciales, peut remettre en cause la validité de contrats. Comme mentionné plus haut, il faut que les dettes aient été contractées pour l’intérêt général de la collectivité. Cette notion se retrouve aussi en droit français, dans la circulaire du 15 septembre 1992 relative aux contrats de couverture de taux d’intérêt offerts aux collectivités et aux établissements publics locaux, qui stipule que «  les collectivités locales ne peuvent légalement agir que pour des motifs d’intérêt général présentant un caractère local ». Cette obligation exclut bien évidemment les prêts dits ’toxiques’ reposant sur la spéculation que nous avons abordés plus haut. Ces prêts toxiques ont été estimés à 13,6 milliards pour les seules collectivités françaises par la Commission d’enquête parlementaire sur les produits à risque souscrits par les acteurs publics locaux |16|. Leur annulation devrait logiquement être supportée par les banques responsables d’avoir conçu des prêts complexes, dangereux et non conformes à la réglementation qui interdit aux acteurs publics de spéculer sur les marchés.

On peut également ranger dans les causes illicites ou immorales du contrat l’achat de matériel militaire. La course à l’armement constitue par ailleurs une violation de l’article 26 de la Charte des Nations-unies qui impose aux États de réglementer le commerce des armements et de n’affecter que le minimum de leurs ressources au domaine militaire.

L’’aide liée’ ne sert pas non plus l’intérêt général de l’Etat emprunteur. En effet, cette pratique qui consiste en des prêts d’État à État, souvent sous forme de crédits d’exportations, c’est à dire en contrepartie de l’achat de marchandises produites par l’Etat « prêteur », ne correspond pas aux besoins réels du pays mais aux intérêts du « prêteur ». C’est ce qui a conduit la Norvège en 2006 à annuler unilatéralement et sans conditions des dettes de cinq pays (Équateur, Égypte, Jamaïque, Pérou et Sierra Leone) dans le cadre d’une campagne d’exportation de navires à la fin des années 1970 |17|. Dans le cas grec, en pleine crise au début 2010, mis sous pression par les autorités françaises et allemandes qui voulaient garantir leurs exportations d’armes, le gouvernement du PASOK a recouru à de nombreux emprunts pour financer l’achat de matériel militaire à la France et à l’Allemagne. On est ici clairement en présence de prêts liés de la part des deux puissances européennes.

Il faut aussi vérifier au moyen d’un audit dans quelle mesure les grands projets d’infrastructures financés par la dette, comme les barrages dont certains sont de véritables éléphants blancs (comme le barrage d’Inga en République démocratique du Congo) ou encore l’organisation de jeux olympiques, contribuent à l’intérêt général. A cet égard, on peut citer le scandale des Jeux olympiques de 2004 en Grèce. Alors que les autorités helléniques prévoyaient une dépense de 1,3 milliard de dollars, le coût de ces jeux a dépassé en réalité les 20 milliards de dollars.

Le remboursement des dettes qui sont le résultat des sauvetages bancaires doit également être remis en cause. En effet, il est (au minimum) immoral de faire supporter aux populations le poids de ces sauvetages. Soulignons à cet égard que la socialisation des dettes privées (comme c’est le cas en Europe depuis le début de la crise en 2007) est explicitement interdite par la Constitution équatorienne. Il est urgent de s’attaquer à ces dettes d’autant que la facture laissée aux contribuables pourrait même encore s’alourdir en cas d’activation des garanties accordées par les États sur certaines banques. C’est le cas du groupe Dexia sauvé deux fois en trois ans par les pouvoirs publics belge, français et luxembourgeois. En octobre 2011 ces trois Etats se sont engagés à garantir les emprunts de la ’bad bank |18|’ composée de Dexia SA et DCL à hauteur de 90 milliards d’euros. Par conséquent, si la bad bank ne rembourse pas ses créanciers, les pouvoirs publics (donc les contribuables) devront régler une fois de plus les dettes de Dexia. Ce qui plombera lourdement les finances publiques des trois Etats garants. Notons ici que la part prise par l’État belge représente pas moins de 15% de son Produit Intérieur Brut (PIB) ! A cet égard, trois associations belges (CADTM Belgique, ATTAC Liège et ATTAC Bruxelles 2) rejointes par deux députées fédérales écologistes (Zoé Genot et Meyrem Almaci) ont introduit le 23 décembre 2011 une requête devant le Conseil d’Etat pour annuler l’arrêté royal octroyant la garantie de l’État belge sur certains emprunts de la ’bad bank’ de Dexia |19|.

Enfin, le fait de contracter des dettes pour rembourser d’anciennes dettes illicites, odieuses ou illégitimes constitue une cause immorale et illicite. Selon l’argument juridique de la continuité du délit, une dette illicite ne perd pas, suite à un processus de renégociation ou de restructuration, son caractère illégal. En ce sens, elle conserve son vice d’origine et le délit perdure dans le temps. Par conséquent, tous les emprunts publics visant à rembourser d’anciennes dettes illégales sont eux-mêmes illicites |20|. Parmi elles, on trouve bien évidemment les dettes odieuses contractées par les dictatures au Sud et au Nord (la dictature des colonels en Grèce, de Salazar au Portugal, de Franco en Espagne, etc). Selon la doctrine de la dette odieuse |21| : «  Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’État entier (…).Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir.  »

A côté des dettes odieuses, il faut prendre en comptes toutes les dettes illégitimes dont le montant est bien plus important. Rappelons qu’en Europe l’augmentation de la dette publique est principalement le résultat d’une politique fiscalement et socialement injuste, caractérisée par 30 années de cadeaux fiscaux pour les revenus élevés et les transnationales. L’audit de la dette permettra de mettre en lumière cette dette originelle qui ne doit pas être remboursée.

En refusant de rembourser la dette et en donnant la priorité aux besoins humains de sa population, un Etat pose un acte unilatéral de désobéissance fondé en droit et créateur de droit. En effet, le 4e rapport de la Commission de droit international de l’ONU sur les actes unilatéraux stipule que ceux-ci «  produisent des effets juridiques directs sur leur destinataire. Mais ils peuvent également produire des effets indirects comme ceux qui contribuent à la formation ou au renforcement de normes d’origine coutumière ou à la formation des principes généraux du droit |22| ».

Dans l’hypothèse où le créancier déciderait de ne pas reconnaître la validité d’un tel acte unilatéral en intentant une action en justice contre le débiteur, ce dernier a les moyens juridiques de contre-attaquer. Prenons le cas du Paraguay. En plus de déclarer le caractère frauduleux de la dette produisant tous ses effets y compris devant l’État suisse, le gouvernement paraguayen a confirmé son droit reconnu par le droit international d’exiger de la Suisse - devant la Cour Internationale de Justice de La Haye (CIJ) - le paiement de réparations en tant qu’obligation internationale. Il en est ainsi parce qu’un tribunal suisse a, de façon arbitraire et ignorant les preuves présentées pendant le procès, émis un jugement favorable aux créanciers privés. Le tribunal suisse est un organe de l’État et de ce fait, lorsqu’il se prononce, il s’agit d’un acte de l’État suisse. Il s’agit d’un acte internationalement illicite qui entraîne la responsabilité de l’État.

Pour se prémunir de toutes représailles juridiques et mener une politique de développement souveraine respectueuse des droits humains, les gouvernements ont intérêt à se retirer de certaines instances d’arbitrage, en premier lieu du CIRDI (le tribunal de la Banque mondiale en matière de litiges sur les investissements). De même, pour éviter la formation d’un nouveau cycle d’endettement illégitime, les pouvoirs publics devraient encadrer strictement le recours à l’emprunt, à l’instar de ce que prévoit la Constitution équatorienne.

 

Notes

|1| Ruzié David, Droit international public, 17e édition, Dalloz, 2004, p. 93.

|2| Alexander Nahum Sack, Les Effets des Transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières, Recueil Sirey, 1927.

|3| Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

|4| Voir le document de la CNUCED par Robert Howse “The concept of odious debt in public international law”

|5| Lire la position du réseau CADTM sur la dette odieuse et illégitime sur www.cadtm.org/Dette-illegitime-l-actualite-de-la

|6| Pour aller plus loin, lire Renaud Vivien, Cécile Lamarque, « Plaidoyer juridique pour la suspension et la répudiation des dettes publiques au Nord et au Sud », www.cadtm.org/Plaidoyer-juridique-pour-la

|7| La Charte de l’ONU de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, les deux Pactes de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et sur les droits civils et politiques (PIDCP), la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 ou encore la Déclaration sur le droit au développement de 1986.

|8| ACDI, 1980, p. 164-167.

|9| www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/HRC/Index.aspx under ’Documents to be considered during HRC 20th session’. The document number is : A/HRC/20/23.

|10| Toussaint Éric, Ruiz Diaz Hugo, « L’audit de la dette : un instrument dont les mouvement sociaux devraient se saisir », www.cadtm.org/L-audit-de-la-dette-un-instrument

|11| À titre d’exemple, ce vice du consentement a constitué un motif juridique de la répudiation par le Paraguay en 2005 d’une dette de 85 millions de dollars.

|12| Mohamed Dabo, ’Les nouveaux principes directeurs relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme. Résumé du rapport final de l’Expert des Nations-unies sur la dette extérieure’, http://cadtm.org/Les-nouveaux-principes-directeurs

|13| Plusieurs collectivités en France ont intenté des actions en justice. Lire « France : les dettes publiques locales, un enjeu citoyen essentiel » par Patrick Saurin, www.cadtm.org/France-les-dettes-publiques

|14| Selon l’article 1116, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté  ».

|15| www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202109119600-emprunts-toxiques-une-ville-peut-suspendre-ses-paiements-332734.php

|16| Lire le rapport de cette Commission sur www.assembleenationale.fr/13/rap-enq/r4030.asp

|17| Le Ministre norvègien de la coopération au développement Heikki Holmås a par ailleurs annoncé en août 2012 que son pays allait auditer toutes ses créances sur les pays en développement.

|18| Une ’bad bank’ est une structure dans laquelle sont transférés les actifs douteux d’un établissement financier en difficulté

|19| Ce recours est publié au Moniteur belge sous le numéro G/A 203.004/XV-1811. Il est soutenu par de nombreuses personnalités et associations en Belgique. Voir sur : www.sauvetage-dexia.be

|20| L’argument de la continuité du délit a par exemple été utilisé par la Commission d’audit en Equateur (CAIC) pour dénoncer les nombreuses irrégularités (lors de la socialisation des dettes privées, du Plan Brady et de restructurations de dettes…) ayant abouti à l’émission de bons de la dette commerciale.

|21| Alexander Sack, 1927, « Les Effets des Transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières ».

|22| ONU- CDI, Cuarto informe, op. cit., § 77.

 

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 17:24

 

Marianne - Lundi 22 Octobre 2012 à 05:00

Emmanuel Lévy et Anna Topaloff - Marianne

 

 

On pourrait croire que l'enseignement des théories qui nous ont menés dans le mur a été sérieusement repensé depuis 2008. Surprise : il n'en est rien ! Dans les masters d'éco et de finance, dans les grandes écoles de commerce, les futures élites de la nation récitent les mêmes cours - ou presque.

 

Julio Cortez/AP/SIPA
Julio Cortez/AP/SIPA
Arthur Jatteau est étudiant en sciences économiques à l'Ecole normale supérieure de Paris. Pourtant, quand ses copains lui demandent son avis sur la crise des subprimes ou ce qu'il faudrait faire pour réduire le chômage, il n'a aucune réponse à leur apporter : «Dans mon cursus universitaire, on n'aborde jamais ces questions.» Excédé de voir les mathématiques et les méthodes statistiques prendre toute la place au détriment de l'analyse des mécanismes économiques et de la dimension «sociale» de la discipline, Arthur Jatteau a créé, en 2007, Peps (Pour un enseignement pluraliste dans le supérieur en économie), une association étudiante militant pour une transformation de l'enseignement des sciences éco. Sept ans plus tôt, déjà, un autre collectif d'universitaires faisait le même constat dans une lettre ouverte publiée dans le Monde dénonçant «l'autisme» des cours d'économie. A l'époque, l'initiative avait été très médiatisée... sans que cela se traduise par un réel changement du contenu des enseignements.

Mais, depuis, la crise financière mondiale a révélé au grand jour la faillite du capitalisme financier et l'affaire Kerviel, les pratiques licencieuses en vigueur dans les salles de marché, enfants naturels de celles enseignées dans les amphis. La bulle Internet de 2000 a ridiculisé les analystes des banques qui invitaient les épargnants à placer leurs économies dans des nimportequoi.com. Puis ce furent les affaires Enron et Worldcom. Ces mégascandales financiers ont ramené les maîtres de l'audit et du conseil comme Andersen Consulting au niveau d'aimables bonimenteurs de rue.

En emportant les agences de notation, le dernier joyau de la couronne de la finance, la crise des subprimes a cramé ce qui restait de confiance dans le public. Impossible pour les masters d'économie et de finance de rester impassibles devant ces poussées de fièvre qui donnent à voir le grand corps malade d'une économie mondiale minée par trente ans de libéralisme. Sur leurs sites Internet, tous affichent désormais leur volonté de former des cadres «humains» et tous ont intégré dans leur bouquet de formations des matières aux intitulés délibérément «gauchistes» : «responsabilité sociale de l'entreprise», «éthique des affaires», «finance et déontologie» ou le très en vogue «social business» - toujours en anglais dans le texte. Modification cosmétique ou mutation profonde ?

Chaire de «social business»

Nombre d'observateurs penchent pour le masque de beauté. C'est le cas de Nicolas Postel, maître de conférences à Lille-I et secrétaire de l'Association française d'économie politique (Afep), qui entend promouvoir une plus grande diversité des théories économiques dans les amphis : «La théorie dite "néoclassique" sévit toujours dans les cours, alors même que la crise a démontré son inadaptation.» Pour preuve, il rappelle qu'en 2010 «le premier jury d'agrégation de sciences éco "postcrise" était constitué d'un tiers de mathématiciens pur jus. Le message était clair : "Surtout ne changeons rien, continuons d'appliquer les maths à l'économie et à la finance comme si rien ne s'était passé !"»

Un immobilisme qui se retrouve dans le contenu des enseignements eux-mêmes : ainsi, Nicolas Postel a relevé que, dans 90 % des masters finance, «les cours sur la monnaie n'ont pas été modifiés d'une ligne après la crise de 2008, alors qu'ils avaient été conçus à partir de l'hypothèse structurelle de l'efficacité des marchés !»

Dans le même ordre d'idées, la journaliste Florence Noiville, auteur d'une enquête sur HEC (1), signale que, dans la première des business schools françaises, les polycopiés distribués aux étudiants suivant l'option finance en 2012 étaient identiques à ceux de... 2006 ! Quant aux tout nouveaux cours sur le commerce équitable ou la responsabilité sociale de l'entreprise, ils ne bouleversent pas l'ordre établi : «Optionnels et calés le vendredi en fin de journée, ils réunissent à peine 10 pèlerins...»

Pourtant, en 2008, la Haute Ecole de commerce s'enorgueillissait d'avoir opéré une révolution intérieure, avec la création d'une chaire consacrée au social business, coprésidée par Martin Hirsch et Muhammad Yunus. L'objectif ? «Faire comprendre que la lutte contre la pauvreté peut avoir un intérêt économique pour les entreprises», assure Frédéric Dalsace, le responsable du cursus. Un beau programme qui n'a attiré que 80 étudiants... sur 3 000. Trop peu pour parler de transformation radicale du paradigme dominant ! N'empêche, Frédéric Dalsace y croit : «Le processus est long, mais la prise de conscience est là.»

Prêcher dans le désert

Reste que le génie du capitalisme réside dans sa capacité d'adaptation. L'efficacité des marchés a montré ses limites avec la crise ? Qu'à cela ne tienne : les banques regardent désormais du côté de la recherche en neurosciences et des études sur l'économie comportementale. «Pour un nombre non négligeable d'entre eux, les chercheurs dans ces domaines sont encore plus maqués avec les gens de la finance que les précédents», analyse le chercheur Frédéric Lordon. A preuve le trading haute fréquence ou les modèles dits à rationalité limitée qui sont en train de fleurir dans les salles de marché. Cela revient à dire : «Les prix de marché, comme ceux de la Bourse, n'ont en réalité pas de sens, ce n'est pas grave, on joue quand même.»

Voilà pour le court terme, même si à plus long terme ces recherches pourraient contribuer à déboucher sur la remise en cause du capitalisme financier. Même son de cloche chez André Orléan, auteur de l'Empire de la valeur (2), et membre, comme Frédéric Lordon, du collectif « Les Economistes atterrés » : «Comme pour toute révolution copernicienne, un changement de modèle économique a comme préalable qu'un nouveau paradigme soit prêt à prendre la relève.» Le professeur d'économie à Polytechnique, directeur de recherche à l'Ehess, poursuit : «La critique du libéralisme, et notamment de la finance, n'a pas eu sa place au sein de l'académisme. Cela a un peu changé avec la crise, mais il est trop tôt pour qu'émerge en son sein une alternative puissante. Il a fallu deux dizaines d'années pour que l'école de Chicago impose le libéralisme dans le monde académique.»

En attendant, pour dénicher des filières qui ont réellement modifié le contenu des cours, il faut s'éloigner des prestigieuses grandes écoles parisiennes. Ainsi, à la Rouen Business School, neuvième au palmarès 2012 des écoles de commerce établi par le magazine l'Etudiant, la mutation est en marche. Responsable du master finance internationale, Marie-Florence Lamy dit avoir été «choquée» d'entendre, au moment de l'affaire Kerviel, des traders affirmer qu'ils appliquaient des modèles statistiques auxquels ils ne comprenaient rien : «J'ai décidé de refondre tout le contenu du master pour mettre l'accent sur l'analyse des modèles, afin que mes étudiants soient capables de porter un jugement sur ce qu'ils font.» Résultat : le nombre d'heures consacrées à la gestion des risques financiers a été multiplié par deux.

D'abord changer les règles

Même évolution à l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de l'université Lyon-III. Depuis la rentrée d'octobre 2011, tous les masters 1 doivent suivre huit heures de cours magistral et quinze heures de travaux dirigés en éthique et responsabilité managériale. Patricia Serror, maître de conférences en marketing, a été l'architecte de ces changements : au milieu des années 2000, la jeune femme a carrément menacé de démissionner pour contraindre la direction de la laisser enseigner les bienfaits de l'éthique. Il lui aura tout de même fallu attendre la crise de 2008 pour que ses leçons ne soient plus des options facultatives, mais des cours obligatoires sanctionnés par un examen à fort coefficient. Reste que Patricia Serror veut aller plus loin : «L'éthique ne devrait pas être un cours à part, mais une notion intégrée à toutes les disciplines de gestion - le marketing, la finance, la comptabilité, les ressources humaines... Mon cours est utile parce qu'il pallie un manque, mais mon objectif, c'est que les autres cours soient tellement transformés qu'à terme le mien ne serve plus à rien !»

La prof sait que les oppositions sont nombreuses. A commencer par celles des étudiants eux-mêmes ! L'année dernière, certains élèves ont refusé d'assister à son cours au motif qu'il ne servait à rien. A HEC aussi, les étudiants boudent les leçons aux contenus alternatifs. Florence Noiville rappelle ainsi que «le cours consacré au commerce équitable a été annulé... faute de participants !» Quant au séminaire de déontologie du master finance de l'université Paris-Dauphine, qui figurait au programme dans les années 80, il a été abandonné au début des années 90 en raison du «manque de motivation des étudiants», pour reprendre l'expression de son ancien directeur, Yves Simon. «C'est l'enseignante elle-même qui a souhaité arrêter le cours. Il était obligatoire, donc les élèves venaient, mais ils se contentaient d'attendre que ça passe. A la fin, elle était épuisée de prêcher dans le désert...»

Mais Arthur Jatteau assure que les mentalités ont changé depuis la crise : «Quand je vais présenter mon assoce dans les amphis, je vois que 90 % des étudiants veulent que leurs profs les aident à comprendre le monde d'aujourd'hui - la crise, le chômage, la croissance - et pas seulement à faire des maths.» Pour le jeune thésard, ce sont plutôt les profs qui traînent la patte : «Analyser les fondements de la crise, ça demande plus de boulot que de refaire le même cours de maths depuis vingt ans !» D'autre part, certains ne cachent pas leur désaccord politique avec ce virage à gauche. Combien de fois Patricia Serror a-t-elle entendu ses collègues lui lancer : «Moi, j'enseigne la performance économique, pas le droit social !», quand elle leur suggérait d'évoquer la question de l'éthique avec leurs étudiants.

Mais, en ce qui concerne les formations en finance, le blocage n'est pas qu'idéologique, il est aussi institutionnel. Les masters finance sont parmi les cursus les plus professionnalisant. Si celui de l'université de Paris-Dauphine figure en tête des classements, c'est parce qu'il forme les étudiants au plus près de la réalité des salles de marché. En clair : «On enseigne la finance telle qu'elle se pratique, pas telle qu'on la rêve !» pour reprendre l'expression d'Yves Simon, son fondateur. Un dilemme qui va jusqu'au tragique pour le responsable d'un autre prestigieux master de finance parisien. Persuadé d'avoir ouvert la boîte de Pandore de la crise en enseignant les mathématiques financières aux futurs traders, il a plongé dans la folie. Se rendant personnellement responsable de la crise, sa décompensation a carrément nécessité un internement en hôpital psychiatrique !

Plus pragmatique, Yves Simon affirme que croire qu'il suffira de réformer le contenu des cours pour moraliser le capitalisme, c'est prendre le problème à l'envers. «Que le politique change d'abord les règles en vigueur sur les marchés, et ensuite j'enseignerai à mes étudiants ces nouvelles règles plus morales», lance-t-il. Mais jusqu'à maintenant, souligne-t-il avec un sourire ironique, «la volonté politique a manqué...» François Hollande, qui assurait pendant la campagne électorale que son «seul adversaire» était «le monde de la finance», sait donc ce qu'il lui reste à faire s'il veut que les traders de demain ne recommencent pas les erreurs d'hier. 

(1) J'ai fait HEC et je m'en excuse (Stock, 2009).
(2) Seuil, 2011.

 

ÉTATS-UNIS. MON PROF EST UN DÉLINQUANT EN COL BLANC !

C'est la dernière mode dans les facs américaines : confier le cours d'éthique des affaires -intégré dans les formations en économie et en finance depuis plus d'une décennie - à un délinquant financier repenti ! Ainsi, dès sa sortie de prison au début 2012, Andrew Fastow, l'ancien directeur financier d'Enron, s'est rendu à la Leeds Business School de Boulder, dans le Colorado, pour y faire amende honorable devant plus d'un millier d'étudiants. Condamné à six ans d'emprisonnement en 2006 pour avoir participé à la dissimulation des pertes de l'entreprise, il a invité les futurs businessmen à ne pas suivre sa voie... Même mea culpa public, cette fois devant les élèves de la Forster School Of Business de l'université de Washington, pour Jeffrey Greenstein, ancien dirigeant du hedge fund Quellos Group, qui vient de purger une peine de quatre ans de prison pour fraude fiscale. Quant à Garrett Baur, trader du New York Stock Exchange qui risque dix ans d'emprisonnement pour délit d'initié, il entend prêcher la bonne parole - «Faites ce que je dis, pas ce que j'ai fait» - dans plus de 120 écoles avant son procès. Pas sûr que cela suffise à lui éviter la prison...

A.T

 

• Article paru dans le n°809 de Marianne daté du 20 octobre 2012.

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 17:12

 

Rue89 -  Entretien 22/10/2012 à 15h34

  Sophie Verney-Caillat | Journaliste Rue89

 

 

La négociation médecins-Sécu en cours va légitimer les dépassements d’honoraires. Un effet pervers dénoncé par Christian Saout, représentant des patients.

 


Nature morte médicinale (Sarah G/Flickr/CC)

La « réunion de la dernière chance » sur les dépassements d’honoraires des médecins est en réalité une « partie de poker menteur », selon le président du Collectif interassociatif sur la santé (le Ciss), représentant les usagers, Christian Saout.

Définition
Les dépassements d’honoraires sont les sommes que certains médecins de ville, inscrits en secteur 2, réclament en plus du « tarif Sécu ». Ces dépenses sont à la charge du patient ou de sa complémentaire santé.

Le gouvernement a mis une grosse pression sur les syndicats de médecins, réunis autour de la table avec la Sécu ce lundi : « S’il n’y a pas d’accord, il y aura une loi », a prévenu François Hollande ce week-end au congrès de la Mutualité française.

Le texte proposé par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) prévoit :

  • un « contrat d’accès aux soins » ouvert aux praticiens de secteur 2, à honoraires libres : les médecins y adhérant gèleraient les dépassements et pratiqueraient des tarifs Sécu pour les patients aux revenus modestes ;
  • des sanctions pour les dépassements « excessifs », c’est-à-dire au-delà de 150% du tarif Sécu ;
  • un seuil interdisant les dépassements « abusifs », qui représenterait 5 000 médecins environ en France ;
  • la revalorisation des tarifs des médecins du secteur 1 (tarifs Sécu) à hauteur de 250 millions d’euros sur trois ans.

Pour mieux comprendre ce qui se trame dans ces négociations, essentielles pour le quotidien des Français mais obscures, Rue89 a questionné le représentant des patients, grand absent de ces débats.

Rue89 : Revenons-en à l’origine du problème : pourquoi a-t-on inventé le secteur 2, que vous appelez l’introduction du « vice dans la vertu » ?

Christian Saout : Le secteur 2 a été créé en 1981 parce qu’on refusait de revaloriser la rémunération des médecins. La justification à l’époque était qu’il fallait mieux éviter la fuite des ces sommités médicales à l’étranger.

Depuis, on a dérivé jusqu’à atteindre 2,5 milliards d’euros par an de dépassements d’honoraires rien qu’en médecine de ville. Quand on rajoute l’optique et le dentaire, on arrive pratiquement à 6 milliards d’euros par an. Aucun gouvernement de droite ni de gauche n’a su éviter cela.

 


Christian Saout, président du CISS (Marc Paris)

 

Cette fois, Marisol Touraine a menacé de passer en force. Pourquoi ?

Ça fait plusieurs fois qu’on a demandé aux médecins de réguler leurs dépassements d’honoraires, et ils en sont incapables. Passer de 2,5 milliards d’euros à zéro, c’est compliqué, notamment pour ceux qui sont exposés à des coûts élevés de matériel (comme les dermatologues) ou de loyer (les Parisiens). Ce ne sont pas les mêmes contraintes, spécialité par spécialité et territoire par territoire.

Un spécialiste en psychiatrie a besoin d’un divan, un radiologue a besoin d’équipements. Ce serait bien de reconnaître enfin le vrai prix des choses. Or, depuis 1981, ce n’est pas ce qu’on a fait, on a dit : « On ne bougera pas le tarif de la consultation mais on laissera certains faire des dépassements d’honoraires. »

C’est une hypocrisie ?

C’est une énorme hypocrisie de dire que l’Assurance maladie ne peut pas rémunérer les consultations à leur juste prix et qu’on n’a pas d’autre choix que de laisser filer les dépassements d’honoraires.

On a revu la classification des actes techniques, mais jamais celle des actes médicaux. Ce qui veut dire qu’on ne veut pas résoudre l’ajustement de la consultation de base à sa vraie réalité.

Ne faudrait-il pas plutôt revaloriser le tarif du secteur 1 ?

Si, et on voit que dans cette négociation, on va finalement parler du secteur 1. Le directeur de l’Assurance maladie, Frédéric Van Roekeghem, vient d’obtenir 350 millions d’euros pour la médecine au tarif Sécu : il a décidé d’augmenter la consultation de sortie d’hôpital (qui sera payée deux fois) et la consultation des plus de 80 ans.

Pour financer cela, il prend 200 millions sur l’imagerie médicale. C’est-à-dire qu’on déshabille Pierre pour habiller Paul.

Les dépassements d’honoraires du secteur 2 vont-ils être réduits dans les faits ?

Oui, les plus élevés seront supprimés. Mais on va garder les dépassements moyens, et pire, on va les légitimer. Le directeur de l’Assurance maladie dit : « Pour moi, un dépassement d’honoraires, c’est 150%, c’est-à-dire trois fois le tarif de base. » Ce faisant, il légitime les dépassements d’honoraires moyens pour tous dès lors que l’on est au-dessus du seuil de l’aide à la complémentaire santé (ACS), soit 900 euros de revenus.

Les médecins ne vont plus prendre des gros dépassements d’honoraires sur les clients très fortunés mais vont « rerépartir » cette somme sur les autres patients. Donc on est en train de mettre en place la généralisation des dépassements d’honoraires à niveau moyen ou faible.

Rien ne prévoit la limitation globale des dépassements d’honoraires ?

Non, c’est ce qui est fou. Il n’y a pas de limitation du montant global, donc demain, on aura 2,5 milliards d’euros par an de dépassements d’honoraires, mais répartis différemment. C’est ça le bras de fer. On évoque un contrôle par l’Assurance maladie, mais depuis 1980, elle ne l’a jamais fait : pourquoi le ferait-elle demain ?

Et au passage, pour obtenir ça, vous et moi allons payer les cotisations sociales des médecins du secteur 2 comme l’a proposé l’Assurance maladie. Donc on se fait doublement avoir, si je puis dire.

La bonne nouvelle, c’est que les complémentaires ont mis 170 millions d’euros sur la table, argent qu’elles avaient car elles ont augmenté nos cotisations il y a un an. Cet argent, dont finalement elles n’avaient pas besoin, elles proposent de le réinjecter dans le secteur 1.

Vous voulez dire que c’est le privé qui va financer la Sécu ?

Oui, et par définition, le privé, ce n’est pas la solidarité nationale, c’est la solidarité catégorielle. Autrement dit, tous ceux qui ont des complémentaires vont payer pour la Sécurité sociale de base. On est en train de défaire tout le système de l’après 45.

Il n’y a aucune raison que demain, on ne fasse pas comme aux Pays-Bas, où les complémentaires sont devenues le régime de base.

Le comble, c’est que ce changement de nature de l’Assurance maladie, l’entrée du privé, ne se passent pas au Parlement mais par une négociation conventionnelle.

Si ça passait par la loi, il y aurait un contrôle de constitutionnalité, et là, je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel soit d’accord pour que les mutuelles financent la Sécu. On l’a déjà fait pour la couverture maladie universelle, la CMU, qui est payée par ceux qui ont une complémentaire. Personne ne s’en est offusqué, mais c’est ce qui s’est passé. Ici, on va beaucoup plus loin.

C’est la privatisation de l’Assurance maladie de base, et par la gauche ! Elle qui n’avait à la bouche, pendant tout le précédent quinquennat, que la sauvegarde du système solidaire et universel d’après 45, l’héritage de Pierre Laroque, et bien là, elle s’assied dessus.

Comment est-ce possible, dans un pays où on a dit qu’on revaloriserait le Parlement, de prendre des décisions aussi importantes sans qu’il ait son mot à dire ? C’est invraisemblable !

Vous parlez d’une « partie de poker menteur », que voulez-vous dire ?

Jusqu’à demain [mardi] 5 heures du matin, tout le monde va mentir et chacun va gagner un peu, et les pigeons seront les patients. Les complémentaires ont déjà négocié leur truc, elles veulent les réseaux de soin et font un coup de force en disant : on rentre dans le financement du secteur de base et on obtiendra de proposer des garanties plus fortes pour nos adhérents qui vont se faire soigner dans nos centres de soins. Elles veulent de la discrimination positive pour leurs clients quand ils vont dans leurs réseaux. La négociation conventionnelle, c’est donc un billard à plusieurs bandes.

Vous pensez que demain, les dépassements d’honoraires ne vont pas baisser pour le patient moyen ?

Dans de telles conditions, je ne vois pas comment on pourrait éviter un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans deux ans qui dirait qu’on arrive à 3 milliards d’euros de dépassements d’honoraires.

On supprime les gros dépassements, certes, mais on autorise tous les dépassements moyens. Et du coup, on fait sauter la notion de « tact et mesure », qui n’est plus proportionnelle aux revenus mais au fait d’être en dessous du seuil d’ « aide à la complémentaire santé » (ACS) : si vous gagnez mois de 900 euros, on ne vous appliquera pas de dépassement d’honoraires, ce qui veut dire qu’au-delà, vous en aurez. Auparavant, ce n’était pas lié à un seuil de revenu identifié. Demain, il y aura un seuil, un signal symbolique pour pratiquer les dépassements d’honoraires. C’est très pervers.

Cela légitime les dépassements d’honoraires pour tous ceux qui gagnent plus de 900 euros par mois. Et prépare le socle intellectuel du dépassement moyen à trois fois le tarif Sécu pour tous les patients.

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 16:38

 

 

 

Le Monde.fr | 22.10.2012 à 17h51 • Mis à jour le 22.10.2012 à 17h55

Par Johanna Ritter

 

"Lorsque mon fils a eu besoin de lunettes, j'ai dû faire des économies de bouts de chandelles pour les lui acheter. En un an et demi, sa pointure est passée du 34 au 43, ce qui a fortement contribué à grever les finances du foyer. (...) A cette époque, il ne mangeait pas à sa faim."

Extrait du rapport publié à la mi-octobre par la Conférence nationale de la pauvreté (Nationale Armutskonferenz, NAK) un groupement d'associations allemandes, ce témoignage anonyme d'une femme de 45 ans donne un visage inattendu à l'image flatteuse de la réussite économique allemande.

Lire : Le rapport (PDF, en allemand)

Cette mère célibataire touche des allocations chômage prévues par le plan Hartz IV (réforme du marché du travail adoptée en 2004), l'une des réformes les plus emblématiques entreprises par le chancelier Gerhard Schröder et qui auraient permis à l'Allemagne de conserver son rang en Europe et de réussir même en temps de crise financière.

 

70 % DES CHÔMEURS ALLEMANDS "EN RISQUE DE PAUVRETÉ"

Les chiffres publiés récemment par Eurostat, l'institut de statistiques européen, montrent que les chômeurs allemands sont plus susceptibles que leurs voisins européens de basculer dans la pauvreté. Plus des deux tiers d'entre eux disposent d'un revenu inférieur à 952 euros mensuels, soit inférieur de 60 % du revenu médian allemand.

Ce rapport entre le revenu d'un individu et le revenu médian national permet, en Europe, de définir un indicateur de "pauvreté relative". En-dessous de 60 % du revenu médian, un individu est dit "en risque de pauvreté". En 2010, l'Allemagne était en tête des pays européens avec 70 % des chômeurs "en risque de pauvreté", contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne et 33,1 % en France.

Lire: L'étude d'Eurostat

Mais même les travailleurs qui profitent de cette situation ne sont pas forcément en mesure d'échapper à la pauvreté, étant donné l'absence de salaire minimum et la part importante des emplois précaires.

En 2011, 330 000 actifs à plein temps avaient besoin des revenus de complément prévus par Hartz IV, note l'association des syndicats allemands. Ce qui place, selon les chiffres d'Eurostat, 7,7 % des personnes occupées "en risque de pauvreté".

 

UTILISATION MASSIVE DES EMPLOIS PRÉCAIRES

Le rapport du gouvernement sur la pauvreté en Allemagne est attendu pour le mois de novembre, mais quelques-unes de ses conclusions ont déjà été rapportées par les médias allemands : les auteurs constateraient une "distribution très inégale de la fortune privée".

Les 10 % d'Allemands les plus aisés détenaient, en 2008, 53 % de la richesse privée du pays, contre 45 % dix ans auparavant. La moitié la plus modeste des foyers détenait en 2008 seulement 1 % de la richesse nationale privée.

Dans son rapport, la NAK critique la politique du gouvernement et réclame un recalcul des allocations Hartz IV, qui sont, à titre d'exemple, de 374 euros par mois pour une personne célibataire au chômage. Elle dénonce également l'utilisation massive des emplois précaires, qui n'aident pas, selon elle, à sortir de la pauvreté. Elle se prononce pour un salaire minimum et l'égalité de traitement pour les travailleurs précaires.

 

Johanna Ritter

 

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 16:39

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 21.10.2012 à 16h57

 

Chaque année, un tiers des aliments achetés par les Britanniques finirait à la poubelle.On évalue ainsi à sept millions de tonnes environ le poids des aliments gaspillés.

Chaque Français jette entre 20 et 30 kilos de nourriture par an, un gaspillage que le gouvernement veut diviser par deux d'ici 2025, en favorisant la vente de produits à l'unité ou la récupération des invendus par les associations d'aide aux plus démunis. "Chaque Français jette de 20 à 30 kilos de nourriture chaque année dont 7 kilos d'aliments encore sous emballage", a expliqué à l'AFP le ministre délégué à l'agroalimentaire, Guillaume Garot, en marge du Sial, plus grand salon alimentaire du monde, qui a ouvert dimanche 21 octobre à Villepinte, près de Paris.

Un thème qui parle à une majorité de Français puisque 54 % d'entre eux considèrent que la lutte contre le gaspillage est un acte important à faire au quotidien et 57 % en parlent déjà avec leur entourage, selon un sondage TNS Sofres publié dimanche. "C'est un enjeu de pouvoir d'achat puisque la perte due au gaspillage est estimée à 500 euros par an par foyer", selon le ministre. Il s'agit de plus "de s'engager concrètement contre les dérives de la société de surconsommation".

 

 UN EFFORT SUR L'ENSEMBLE DE LA CHAÎNE ALIMENTAIRE

Le plan comprend cinq actions destinées à "enclencher une dynamique" auprès de la grande distribution, des industriels, des associations et des consommateurs car, sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, ce sont 150 kilos qui sont gaspillés par an et par personne en France, rappelle M. Garot. Un chiffre toutefois un peu meilleur que la moyenne européenne : 190 kilos, selon lui.

La vente des produits à l'unité sur les produits d'entrée de gamme fera son arrivée sur les étals de Monoprix, a annoncé le ministre. D'autres enseignes ont déjà lancé ce type d'initiatives, à l'instar d'Auchan qui a mis en place l'achat en vrac des denrées ou la vente de portions de viande individuelles. "On va aussi travailler sur la vente promotionnelle différée" : c'est-à-dire le client achète trois lots pour le prix de deux mais récupérera son troisième lot plus tard pour qu'il ne périme pas dans son réfrigérateur, a détaillé le ministre. Monoprix, Système U ou Casino sont engagés dans ce plan pour y participer d'une façon ou d'une autre, a assuré M. Garot.

 

 "2025 ME SEMBLE UN PEU LOINTAIN"

Contactée par l'AFP, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) n'était pas joignable dans l'immédiat pour commenter ces mesures. Les industriels eux "sont favorables à ce travail" mais il "faut bien identifier ce qui est le vrai gaspillage et qui est responsable", a réagi auprès de l'AFP Jean-René Buisson, de l'ANIA (association des industries de l'alimentaire) citant par exemple le cas où une enseigne refuse un camion de marchandises fraîches pour cinq minutes de retard. Avec les marchés d'intérêt national (MIN), le gouvernement veut également encourager la récupération des invendus pour l'aide alimentaire.

"2025 me semble un peu lointain", a commenté le directeur de l'action sociale à la Croix-Rouge française, Didier Piard, interrogé par l'AFP. "Il y a toujours une crainte pour nous, associations, que ce soit une déclaration un peu incantatoire". De plus, ce plan doit "s'accompagner de moyens pour que les grandes associations puissent conserver les denrées collectées", a-t-il souligné. Aujourd'hui, "nous ramassons à la Croix-Rouge auprès de la grande distribution à peu près un tiers de nos approvisionnements pour l'aide alimentaire aux plus démunis", a-t-il précisé. "Je souhaiterais arriver à 50 %, voire 60 %".

Des opérations pilotes sont aussi menées dans des collèges en Dordogne (sud-ouest) pour que les élèves prennent "la juste portion". Enfin, un site Internet est lancé pour véhiculer les bonnes pratiques auprès des Français. Toutes ces actions seront mises en place progressivement avant la signature d'un pacte national anti-gaspillage en juin.

 

Lire : Nourriture jetée, récoltes perdues... enquête sur le grand gâchis alimentaire


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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 17:30

 

 

Lors du dernier sommet européen, les dirigeants européens ont évoqué les prochaines étapes qui suivront l’adoption du Pacte budgétaire. Union budgétaire, union bancaire, pacte de croissance… Les grandes déclarations des chefs d’Etat qui annoncent « plus d’Europe », dissimulent mal des mesures qui prévoient « plus d’austérité », sans aucune garantie pour une véritable régulation bancaire.

 

Régulation bancaire (titom)

Le projet d’union bancaire était censé permettre, entre autres, une recapitalisation directe des banques en difficulté à l’échelle européenne, évitant ainsi un transfert des dettes du privé au public. Finalement, cette possibilité sera renvoyée à 2014, date annoncée de la mise en œuvre de l’union bancaire. Le système bancaire sera par ailleurs mis à contribution, certes, mais de manière très insuffisante ; et ce seront le MES ou la BCE (et finalement, les contribuables européens) qui assureront la majorité des sauvetages [1].

Le second aspect de l’union bancaire concerne la supervision par la BCE des banques européenne, censée permettre une remise en ordre d’un système bancaire à la dérive, guetté par l’insolvabilité et les faillites. François Hollande se félicite que cette supervision s’appliquera à l’ensemble des banques européennes. Il oublie de préciser qu’elle sera fondée sur des directives européennes particulièrement laxistes, notamment en termes d’obligation de fonds propres, puisqu’elles sont plus laxistes que les propositions du comité de Bâle III, déjà largement édulcorées par le lobbying des banques.

Ce n’est pas pour rien que la Fédération Bancaire européenne avait annoncé qu’elle se réjouissait de cette régulation a minima qui permettra de « préserver l’intégrité du marché intérieur [2] ».

La question de la future union budgétaire a été soigneusement évitée et renvoyée au sommet de décembre (lire notre précédent article). La veille de l’ouverture du Sommet, la chancelière allemande avait annoncé la couleur : pour elle, l’union budgétaire passe par une ingérence des institutions européennes dans les politiques économiques des Etats de la zone euro vers plus d’austérité et de réformes pour la compétitivité : flexibilisation du marché du travail, réforme de la protection sociale…

Ces mesures pro-compétitivité sont déjà prévues dans le cadre du fameux pacte de croissance tant vanté par le président Hollande. Dans le détail, ce projet prévoit une plus grande libéralisation et dérégulation du marché intérieur (notamment dans l’énergie et le transport), la poursuite du libre-échange à tout-va… Les 120 milliards évoqués par Hollande, en partie fictifs et détournés de fonds européens existants, serviront à financer des partenariats publics privés [3].

Reste la taxe sur les transactions financière, qui sera mise en place dans le cadre d’une coopération renforcée. Mais dans un contexte institutionnel qui se caractérise par une offensive néolibérale sans précédent, il y a fort à parier que la TTF ne sera qu’une goutte dans un océan d’austérité.

[1] Lire Corporate Europe Observatory, Not about safer banks, septembre 2012 : corporateeurope.org/blog/not-about-safer-banks#footnote8_3idpq99

[2] European Banking Federation, communiqué de presse, 12. Septembre 2012, http://www.ebf-fbe.eu/uploads/mwp/D....

[3] DDB, 5 recettes socialistes pour réorienter l’Europe, septembre 2012 : http://dessousdebruxelles.ellynn.fr...

 

 

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