Depuis plusieurs mois, l’Union européenne, le FMI et la BCE interviennent directement dans des démocraties européennes. Dans le verbe utilisé, il s’agit de « plans de soutien » ou de « plans d’aide » apportés aux Etats. Grèce, Irlande et Portugal sont les premiers à « bénéficier » de cette « solidarité ». Dans les faits, il s’agit de prêts financiers qui avoisinent les 5 % d’intérêts annuels en échange de très sévères plans de rigueur et de colossaux plans de privatisation. Dans ce contexte, les termes « soutien, aide » apparaissent fort déplacés. Le milliard d’euros se paye tout de même 50 millions par an et, vu le nombre de milliards, l’addition s’avère très salées. D’autant plus salée que ces euros ne profitent pas aux populations mais partent généralement renflouer des banques.
Si l’on écoute le gouvernement français, qui emprunte sur les marchés à 3 %, si demain il devait emprunter à 4 ou 5 % cela serait une catastrophe. Pour les Grecs, ce qui est présenté comme une « aide », serait donc une catastrophe pour les Français. Cherchez l’erreur…
Plus ridicule encore, c’est l’attitude de la BCE qui prête aux banques à 0,5 % . Si 5 % est une aide, quel qualificatif faut-il employer pour des prêts à 0,5 % ?
Partout en Europe, les gouvernements reculent devant la finance, qu’ils soient de gauche ou de droite ils mettent en œuvre des politiques de rigueurs qui ne figuraient en rien dans leurs programmes électoraux. Aucun d’entre eux n’a eu la décence de démissionner et redonner la parole au peuple. Seule l’Islande, avec son président, a osé le référendum et le peuple a dit clairement NON au renflouement des banques.
Depuis plusieurs jours, un mouvement populaire s’organise et se déploie dans les grandes villes européennes. Parti d’Espagne, les « indignés » donnent un peu d’espoir. L’espoir de reprendre son destin en main, l’espoir de voir la démocratie bouillonner et de faire évaporer la finance prédatrice. Si ce mouvement met en échec le dictat de la finance, alors un autre monde devient possible.
Il y a urgence, chaque jour des vies sont brisées. Cessons de croire que nous échapperont à cette prédation. Sans réaction, l’asservissement s’amplifiera. Prenons la rue ou bien elle sera notre seul domicile.
Stasi, le mot peut sembler outrancier. Ce n'est pas moi qui compare la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) à l'ancienne police secrète de la RDA, c'est… Brice Hortefeux.
Il y a près d'un an, en pleine affaire Bettencourt, celui qui était encore ministre de l'Intérieur jurait ses grands dieux que la DCRI ne fouillait pas dans les relevés téléphoniques des journalistes : « La DCRI, ce n'est pas la Stasi ou le KGB, l'objectif de la DCRI n'est pas de suivre les journalistes », avait-il déclaré en novembre à plusieurs reprises. (Voir la vidéo de France 2)
A l'époque, le pouvoir admettait avoir farfouillé dans les relevés téléphoniques d'un des informateurs supposés du journal : un conseiller de l'ancienne garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie (qui sera brutalement mutée en Guyane).
C'était déjà scandaleux, mais les autorités assuraient qu'il n'était pas question d'en faire de même avec les journalistes. « Les seuls journalistes qui m'intéressent sont ceux qui fricotent avec les services étrangers », déclarait au Journal du Dimanche Bernard Squarcini, patron de la DCRI, un homme proche de Nicolas Sarkozy.
Basse police et police politique
Selon les informations publiées par Le Monde, le pouvoir mentait. Ces méthodes dignes, selon Hortefeux, de la « Stasi » étaient bel et bien utilisées. Le Monde le résume ainsi dans son éditorial :
« Le contre-espionnage a bien demandé sur réquisition officielle, à France Télécom, les facturations détaillées (fadettes) de notre collaborateur Gérard Davet. Il a fait cette demande le 19 juillet 2010, juste après la publication, dans nos colonnes, d'un procès-verbal mettant directement en cause M. Woerth. »
Cette affaire est extrêmement grave, à plusieurs titres :
- la police a utilisé en France des méthodes illégales. Selon la loi du 4 janvier 2010, aucune autorité ne peut « porter atteinte au secret des sources », sauf dans un seul cas : un juge peut décider de le faire si un « impératif prépondérant d'intérêt public » le justifie.
Quand il a prévu cette exception, le législateur pensait à une menace terroriste, pas à la nécessité de trouver l'auteur d'une violation du secret de l'instruction… Et cette exception à la règle doit être décidée par un magistrat, pas par des services secrets. L'espionnage du travail d'un journaliste du Monde par la DCRI est donc clairement un acte de « basse police », un acte voyou ;
- la police a été mise au service d'intérêts particuliers. Le pouvoir tente de justifier cet espionnage d'un journaliste par la nécessité de trouver « l'auteur, à l'intérieur de l'administration, de la divulgation de procédures judiciaires ». Personne n'est dupe : dans toute autre circonstance, ces moyens publics n'auraient jamais été mis en oeuvre.
Mais il s'agissait d'une affaire bien particulière, l'affaire Bettencourt, mettant en cause Eric Woerth et le financement de l'UMP, le parti du chef de l'Etat. Autrement dit, la police a été dans cette affaire mise au service d'un parti politique, non pas au service de la nation. Un exemple de « police politique » indigne dans notre pays ;
- la police a été poussée à agir contre la démocratie. Les dégâts sur notre démocratie causés par cette décision de consulter illégalement les relevés téléphoniques d'un journaliste risquent d'être beaucoup plus profonds qu'on ne le pense. Ils dépassent, et de loin, la simple affaire Bettencourt et le journal Le Monde.
Car en constatant ces pratiques policières hors-la-loi, quel fonctionnaire, quel conseiller ministériel osera désormais prendre le risque d'informer la presse sur des pratiques qu'il considèrerait comme contestables ?
Des journalistes sans secret des sources, ce sont des journalistes sans sources. Et une démocratie sans de tels contre-pouvoirs est une démocratie malade : certainement pas « irréprochable ».