Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 septembre 2015 3 09 /09 /septembre /2015 13:44

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Banque de France : une nomination parfaitement orchestrée

|  Par martine orange

 

 

L’Élysée a annoncé mardi 8 septembre son intention de proposer François Villeroy de Galhau comme gouverneur de la Banque de France. Cette nomination a été préparée par le secrétaire général de l’Élysée, Jean-Pierre Jouyet, qui a balayé tous les problèmes de conflits d’intérêts : le milieu bancaire réussit à placer un des siens à la tête du contrôle de ce même système bancaire.

 

Tout s’est passé comme prévu. Mardi 8 septembre, l’Élysée a annoncé son intention de nommer François Villeroy de Galhau gouverneur de la Banque de France, en remplacement de Christian Noyer, partant en retraite. Cette nomination a été soigneusement préparée par le secrétaire général de l’Élysée, Jean-Pierre Jouyet, comme l’a révélé Mediapart dès le 20 avril (voir notre article : Banque de France : petits échos de la vie de la cour).

Inspecteur des finances, ancien directeur du Trésor, Jean-Pierre Jouyet, de par ses fonctions à l’Élysée, s’est érigé comme le grand ordonnateur du corps le plus prestigieux de l’administration. Il a fait de la nomination du nouveau gouverneur de la Banque de France une affaire personnelle : il ne fallait surtout pas qu’elle échappe une nouvelle fois à l’Inspection des finances. Ce poste, qui figure parmi les plus prestigieux de la République, lui revenait de droit.

 

François Villeroy de Galhau, alors directeur délégué de BNP Paribas, en février 2015.François Villeroy de Galhau, alors directeur délégué de BNP Paribas, en février 2015. © Reuters
 

Tout a donc été mis en œuvre pour écarter Benoît Cœuré, le successeur naturel de Christian Noyer. Bien que membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) et figurant parmi les plus proches de Mario Draghi, président de la BCE, celui-ci souffre d’un handicap insurmontable : il n’appartient pas à l’Inspection. Il n’est que polytechnicien et administrateur de l’Insee. Un autodidacte, en quelque sorte.

La candidature de Benoît Cœuré paraissait d’autant plus inopportune que Jean-Pierre Jouyet, qui semble avoir un moment caressé l’idée de prendre lui-même le poste, avait son candidat : le directeur général délégué de BNP Paribas, François Villeroy de Galhau.

Le fait que ce dernier ait quitté la fonction publique depuis des années pour rejoindre le privé ne constituait pas un problème aux yeux du pouvoir. La pratique de la porte tambour – une fois dans le public, une fois dans le privé, une fois dans le public, une fois dans le privé, au gré des intérêts particuliers – fait désormais partie des usages de notre noblesse d’État. Ceux qui y appartiennent sont tellement irremplaçables qu’il faut bien leur consentir quelques passe-droits. Le fait que François Villeroy de Galhau soit un des dirigeants de la plus grande banque française n’a pas non plus soulevé la moindre objection. Depuis quand devrait-on s’inquiéter d’éventuels conflits d’intérêts, d’une capture de l’État par un secteur ? Quelle capture, pourtant : le monde bancaire va réussir à placer l'un des siens au poste le plus élevé du contrôle et de la surveillance du système bancaire français.

Aucune de ces objections n’a arrêté le secrétaire général de l’Élysée. François Villeroy de Galhau, à ses yeux, a toutes les qualités pour devenir gouverneur de la Banque de France. En plus d’être inspecteur des finances, il est, comme lui, classé parmi les hauts fonctionnaires de “gauche” : il a été directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn puis de Christian Sautter, quand ils étaient ministres de finances. Et puis, Jean-Pierre Jouyet estimait avoir un dû à l’égard de ce camarade. En 2014, il l'avait proposé pour prendre la direction du Trésor. Mais sa candidature, dévoilée trop tôt, s’était heurtée à de vives résistances. Il avait fallu renoncer. Bruno Bézard avait été nommé à sa place.

Cette fois-ci, toutes les précautions ont été prises pour ne pas renouveler pareil impair. Pendant que, fin février, François Villeroy de Galhau liquidait discrètement une partie de ses stock-options obtenues à BNP Paribas – ce qui lui a permis de dégager au passage une plus-value de quelque 330 000 euros sur une vente de 521 000 euros –, Jean-Pierre Jouyet organisait une mission de « dégrisement » afin de faire oublier la carrière de banquier de son candidat.

Le 21 avril, Matignon annonçait donc que François Villeroy de Galhau était nommé responsable, pour une durée de six mois, d’une mission sur l’investissement en France et en Europe. Celui-ci, était-il précisé, « quitterait ses fonctions au sein de BNP Paribas », afin d’assurer sa mission. Par prudence, François Villeroy de Galhau ne démissionna pas de la banque et demanda seulement que son contrat de travail soit suspendu, comme il est précisé dans le rapport annuel de la banque. 

M. Villeroy de Galhau a remis son rapport le 26 août. Il y a dénoncé les manquements et les carences des établissements de crédit face aux petites entreprises. Avait-on vraiment besoin d’une énième mission pour établir cette brûlante découverte ?

Mais le résultat est acquis. Le futur gouverneur de la Banque de France n’est plus associé à BNP Paribas. Et peu s’interrogent sur les choix du gouvernement. « Sans mettre en cause les qualités très importantes de Villeroy de Galhau, cela me semble un signal pas très favorable : cela va venir en rajouter sur l’image de la banque qui domine tout », a cependant relevé Régis Dos Santos, président du syndicat national de la banque et du crédit CFE-CGC, cité par Reuters.

Selon les dispositions constitutionnelles, l’Assemblée nationale et le Sénat doivent approuver la nomination de François Villeroy de Galhau comme gouverneur de la Banque de France. Mais tout cela s’annonce comme une formalité.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2015 3 09 /09 /septembre /2015 13:30

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Oxfam dénonce la mise en pièces du modèle social européen

|  Par martine orange

 

 

Jamais l’Europe n’a été aussi riche, mais jamais elle n’a eu autant de pauvres, dénonce l’ONG dans un rapport publié mercredi.

 

Qu’est-il en train d'advenir du modèle social et démocratique européen ? Pièce par pièce, morceau par morceau, celui-ci est taillé en charpie, répond l’organisation Oxfam dans un nouveau rapport sur les inégalités et la pauvreté en Europe, publié le 9 septembre.

Les Européens se retrouvent confrontés à des situations, à des difficultés qui semblaient impensables depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Au sein des nations prospères de l'Union européenne (UE), 123 millions de personnes risquent de sombrer dans la pauvreté et l'exclusion sociale (soit près d'un quart de la population), tandis que près de 50 millions de personnes rencontrent des difficultés matérielles majeures, manquant d'argent pour couvrir les frais de chauffage de leur foyer ou faire face à des dépenses imprévues », écrit l’ONG en préambule. 

Le chômage et le sous-emploi sont devenus une plaie constante des pays européens. De nombreux ménages, même en travaillant, n’arrivent plus à subvenir aux besoins essentiels. Ce qui semblait auparavant réservé aux États-Unis ne l’est plus : les travailleurs pauvres font désormais partie de la réalité du continent.

Pourtant, l’Europe est riche. Elle n’a peut-être même jamais été aussi riche : 26 000 euros par habitant, selon les moyennes statistiques. Mais les inégalités n’ont jamais été aussi grandes. Selon une étude de Credit Suisse, les 1 % des Européens les plus riches détiennent près d'un tiers des richesses du continent. Les 40 % les plus pauvres, eux, possèdent moins de 1 % des richesses nettes totales de l'Europe. Le nombre de milliardaires n’a cessé de grandir. Ils étaient moins de 100 en 2002. Ils sont près de 350 aujourd’hui. Ces 342 grandes fortunes résidant en Europe se partagent une fortune cumulée de 1 500 milliards de dollars.

 

© Oxfam

Ces tendances très inégalitaires sont à l’œuvre sur le continent depuis une bonne décennie. Mais depuis la crise de 2008, elles n’ont cessé de se creuser. La politique européenne porte la responsabilité de cette évolution, selon Oxfam. « La hausse du taux de pauvreté en Europe entre 2009 et 2013 est imputable non seulement à la crise financière, mais également, dans de nombreux pays, aux effets des politiques d'austérité qui ont suivi. En Grèce, près de la moitié de la hausse totale du taux de pauvreté en 2010 et 2011 peut être attribuée aux conséquences des politiques d'austérité (coupes budgétaires dans les services publics, par exemple). En Espagne, les politiques de relance adoptées en 2008 et 2009 ont permis de réduire la pauvreté en 2010. Mais en 2011, les mesures d'austérité imposées par la Troïka ont représenté près de 65 % de la hausse totale du taux de pauvreté », écrit le rapport.

Celui-ci cite à l’appui l’ancien commissaire à l’emploi, aux affaires sociales et à l’insertion, László Andor : « La dévaluation interne a augmenté le chômage, entraîné la chute des revenus des ménages et intensifié la pauvreté. Autrement dit, elle est source de misère pour des dizaines de millions de personnes », dressait-il comme constat en 2014.

Car les choix européens ne relèvent pas d’une bonne gestion épurée de toutes arrière-pensées, comme certains veulent le faire croire : relever les impôts pour tenter d’assainir les finances publiques n’a pas du tout le même impact social que les coupes budgétaires, la privatisation des services publics, les réformes structurelles. Ces dernières se révèlent beaucoup plus inégalitaires qu’une hausse des impôts sur la consommation, selon une étude réalisée par le FMI dans sept pays européens. « Les mesures d'austérité déployées à travers l'Europe et qui s'appuient sur des impôts régressifs à court terme et des coupes sévères dans les dépenses (en particulier pour les services publics comme l'éducation, les  soins de santé et la sécurité sociale) ont démantelé les mécanismes destinés à réduire les inégalités et à permettre une croissance équitable. Ces mesures s'accompagnent d'impacts considérables sur les sociétés européennes », écrit le rapport.

À l’appui de sa démonstration, l’ONG cite des exemples : les dépenses consacrées à la santé et à l’éducation ont diminué de 21 % en Espagne depuis 2010. En Irlande, les dépenses de santé ont chuté de 12 %. Partout en Europe, les gouvernements coupent dans les dépenses publiques, les services publics, la santé, l’éducation, les emplois publics.

Pouvoir d'influence

Cette politique est d’abord payée par les plus faibles, les plus vulnérables : les femmes, les émigrés et les jeunes. « Selon des recherches sur l'impact de l'austérité en Europe, au lendemain de la crise financière, les mères de jeunes enfants avaient encore moins de chances de trouver un emploi qu'avant, notamment en conséquence des coupes réalisées dans les services de garde. À cause des coupes dans les services publics et les mesures de protection sociale, comme le congé parental, les femmes sont davantage susceptibles d'opter pour un travail à temps partiel pour tenir leurs responsabilités au sein du foyer, ce qui limite leur potentiel de revenus », écrit l’ONG. Le rapport avait cité plus en amont d’autres chiffres tirés d’une étude de 2014 réalisée par  l’Unicef : 30 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté en Roumanie, en Italie, en Espagne, en Lettonie et Lituanie, et plus de 40 % en Grèce.

Aucune mesure n’a été mise en œuvre pour tenter de contrebalancer les effets négatifs de ces politiques d’austérité, de lutter contre le creusement des inégalités. Au contraire, les outils de redistribution ont été aussi attaqués. Poursuivant un mouvement engagé depuis les années 90, les gouvernements ont renoncé à utiliser la fiscalité comme moyen de redistribution. « Depuis 2010, les rentrées fiscales au sein de l'UE ont retrouvé leurs niveaux d'avant la crise. Mais il est inquiétant de voir que les régimes fiscaux sont conçus pour taxer plus lourdement le travail et les biens de consommation que le capital. Dans l'UE, la fiscalité n'a jamais été aussi intéressante pour les hauts revenus, les plus fortunés et les grandes entreprises les plus rentables », note Oxfam.

Les entreprises sont particulièrement choyées. Les recettes de l’impôt sur les sociétés ont diminué de 25 % depuis la crise. En Espagne, le montant de l’impôt sur les sociétés a diminué de 56 % entre 2007 et 2014, soit un manque à gagner de 25 milliards d’euros environ. Les grands groupes en moyenne ne paient plus que 5 % d’impôts sur leurs bénéfices. Dans le même temps, la fraude et l’évasion fiscale coûtent plus de 1 000 milliards d’euros à l’Europe, selon les estimations de la Commission européenne. Cette dernière, dirigée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker – qui a été l'un des maîtres d’œuvre de ce système d’évasion –, a promis à plusieurs reprises de s’attaquer à la fraude, notamment après la révélation du scandale Luxleaks. Passée la première émotion, aucune mesure concrète n’a été prise jusqu’à présent.

Ce démembrement de l’état social européen n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’une captation des décisions politiques par une élite au service de ses propres intérêts. L’évitement de l’impôt, la privatisation des services publics les plus rentables, la confiscation des biens publics par des intérêts privés, l’abandon des plus pauvres… toutes ces mesures sont là pour les satisfaire, dénonce Oxfam. « La concentration des richesses confère aux élites économiques le pouvoir et la possibilité d'exercer un lobby et de s'imposer sur l'échiquier politique européen. Ce phénomène crée un cercle vicieux où ces élites influent sur l'élaboration des politiques et les réglementations pour servir leurs intérêts, ce qui génère souvent des politiques qui nuisent aux intérêts du plus grand nombre, creusent les inégalités et renforcent le pouvoir des élites », accuse l’ONG.

La meilleure illustration lui semble être l’intense travail de lobbying fait par les puissances d’argent et les intérêts particuliers au sein de la Commission européenne. Bruxelles est désormais le paradis du lobbying international. Plus de 10 000 cabinets y ont élu demeure. Et encore, le chiffre est sans doute sous-estimé, puisque l’inscription en tant que lobbyiste n’est que facultative et ne donne lieu à aucune sanction en cas d’omission.

 

 

Selon un rapport de Transparency International, la relation privilégiée entre le monde de l'entreprise et les politiques présente un risque de corruption dans toute l'Europe. À titre d’exemple, le monde financier aurait dépensé 120 millions d’euros en 2013, rien qu’en action de lobbying à Bruxelles. La seule opération pour contrer la taxation sur les transactions financières aurait représenté une dépense de quelque 70 millions d’euros pour le monde financier. Entre 2013 et mi-2014, les fonctionnaires européens auraient reçu plus d’un représentant du lobby financier par jour. Faut-il s’étonner alors que rien de contraignant ne leur soit imposé, que toutes les dispositions, les réglementations aillent dans le sens de leur intérêt ?

Cette « culture des intérêts », comme le dit Oxfam, ébranle le fondement même de la démocratie. « De nombreux citoyens européens sont conscients de l'omniprésence de la confiscation politique. Une étude de 2013 démontre que la majorité des citoyens européens sait que leur gouvernement privilégie les intérêts particuliers d'une minorité », écrit l’ONG. « Ils sont de plus en plus désabusés vis-à-vis de leur propre gouvernement, des institutions nationales et européennes, ainsi que du fonctionnement général de la démocratie. » Le danger est mortel, alerte Oxfam, affirmant qu’il y a urgence à renouer avec le modèle social européen, à remettre l’égalité au cœur des processus politiques, avant qu’il ne soit trop tard.

 

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:27

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

C’était il y a un an. Lors du sommet des Nations unies sur le climat en septembre 2014, 175 pays avaient signé la déclaration de New York qui prévoit de réduire de moitié la diminution des forêts d’ici 2020 et de l’arrêter d’ici 2030. C’est qu’il y a urgence. La planète a perdu plus de 18 millions d’hectares de forêts en 2014, soit une surface égale à deux fois celle du Portugal et plus grande que l’ensemble de la forêt française (16 millions d’hectares), estime Global Forest Watch, une plateforme en ligne lancée en 1997 par le think tank World Resources Institute, qui actualise ses données tous les huit jours grâce à une surveillance satellitaire de l’Université du Maryland et de Google.

 

Les pays tropicaux ont à eux seuls perdu 9,9 millions d’hectares de couverture arborée en 2014, une superficie équivalente à la taille de la Corée du Sud. Et cette perte s’accélère dans les pays tropicaux. Plus de 62% de la déforestation tropicale constatée en 2014 a eu lieu ailleurs qu’au Brésil et en Indonésie, contre 47% en 2001. Les taux de perte de la couverture arborée ont sensiblement baissé dans l’Amazonie brésilienne. Elle a été divisée par 4 depuis son sommet, en 2003-2004. Mais elle est en pleine expansion dans d’autres régions boisées du monde.

Rythme dévastateur

En Amérique du Sud, elle intervient particulièrement dans les forêts tropicales sèches du Gran Chaco couvrant les zones du Paraguay, de l’Argentine et de la Bolivie. En Asie, le Cambodge a perdu une surface 4 fois plus étendue qu’en 2001. Le pays est celui qui connaît la plus rapide déforestation entre 2001 et 2014, à un rythme dévastateur: 14,4% par an. Les chercheurs ont établi «une forte corrélation» entre la diminution des zones de forêts et la hausse du prix du caoutchouc sur le marché mondial, dans l’ensemble des pays du Mékong, où l’industrie du caoutchouc se développe au détriment de la forêt. Madagascar, qui figure sur le podium des pays les plus touchés, a de son côté perdu plus de 318 000 hectares, environ 2 % de sa superficie forestière, en raison de l’essor de l’extraction minière et de l’exploitation de bois précieux.

Mauvaise nouvelle pour le climat

Des 10 pays connaissant la plus grande vitesse de perte de la couverture arborée, presque la moitié se trouve en Afrique de l’Ouest. Bien que la région ne soit pas souvent considérée comme un point majeur de déforestation, l’expansion galopante de la culture de l’huile de palme inquiète les ONG et les populations locales qui en sont victimes. Elle devrait aussi alarmer la planète: la quête de consommation à tout prix (l’élevage intensif alimente la déforestation), le mythe de la croissance sans fin pèse sur les forêts.

En Chine par exemple, cette quête a des répercussions massives sur les forêts bien au-delà de ses frontières. Sa boulimie de soja alimente la déforestation en Amérique Latine. Son appétit pour le bois, le caoutchouc et l’hydroélectricité entraîne le défrichement de forêts dans le Mékong. «Les autres grands pays consommateurs, y compris les Etats-Unis et les pays européens, devraient également trouver des moyens pour réduire leur impact sur les forêts à l’étranger», note le WRI.

Ce rapport, qui intervient à la veille du 14e congrès forestier mondial en Afrique du sud, tient de la nouvelle sonnette d’alarme à moins de 100 jours de la COP 21, où près de 200 pays doivent signer un accord contraignant pour tenter de limiter la hausse des températures en dessous de 2°C. Car le changement d’utilisation des terres (y compris la déforestation) représente dans les pays qui en sont victimes la plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre. Surtout, la déforestation contribue au dérèglement climatique dans la mesure où elle détruit les «puits de carbone» que constituent les forêts et représente environ 20% des émissions de gaz à effet de serre.

 
 
 
 
 
Partager cet article
Repost0
3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:07

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

Costume impeccable, chaussures fines, Breitling au poignet, «petit pied-à-terre» en Tunisie, Xavier Beulin a la rutilance et le train de vie d’un PDG de multinationale. Et pour cause. A 56 ans, celui qui dirige la FNSEA depuis fin 2010 et que d’aucuns qualifient de «véritable ministre de l’Agriculture» tant il obtient tout ce qu’il veut de François Hollande comme de son précédesseur, est aussi et surtout un redoutable homme d’affaires. 

 

Coiffé de multiples casquettes, l’influent syndicaliste tire en toute discrétion les ficelles de l’agro-industrie française... celle-là même qui entraîne la disparition des agriculteurs. Contrairement à ce qu’il avait promis lors de son accession au sommet de la FNSEA, il a conservé la plupart de ses autres mandats, une bonne dizaine en tout. En plus de quantités de responsabilités dans différentes instances clés du monde agricole, en province, à Paris ou à Bruxelles, il préside toujours le port de commerce de La Rochelle – deuxième port français pour l’exportation de céréales – ou le conseil économique et social régional (CESER) du Centre. Et s’est même emparé, en sus, de celle de l’IPEMED (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), un think tank fondé par Jean-Louis Guigou, mari de l’ex-ministre socialiste Elisabeth Guigou. 

 

L'homme qui pesait 7 milliards

Surtout, il est à la tête d’un empire agro-industriel et financier aussi puissant que peu connu du grand public : le géant céréalier Sofiprotéol, récemment rebaptisé Avril pour «symboliser la force du renouveau». Ce mastodonte pèse 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, regroupe plus de 150 sociétés et se dit présent dans 22 pays, dont – ô surprise – ceux du Maghreb, l’une des terres que l’agriculture tricolore doit absolument conquérir, ne cesse de répéter Beulin. La raison d’être d’Avril-Sofiprotéol, ce «maître caché de l’agriculture française», comme titrait le site Reporterre.net en... avril ? Assurer un maximum de débouchés à la filière des huiles et protéines végétales (colza, tournesol, pois...).

La holding de Beulin est partout. Dans nos assiettes, avec les huiles Lesieur et Puget ou les œufs Mâtines, marchés qu’elle domine. Dans celle des porcs, de la volaille ou du bétail, avec Glon Sanders, numéro 1 français de l’alimentation animale. Dans la «santé» et la génétique animale. Dans nos moteurs, avec Diester Industrie, champion européen du biodiesel (une vraie «rente de situation», dixit la Cour des comptes en 2012). Dans nos cosmétiques, peintures ou matelas en mousse polyuréthane, puisqu’Avril est aussi leader européen de l’oléochimie. Dans le financement de l’agriculture industrielle. Dans la presse agricole. Dans l’huile de palme, dans les semences ou dans les OGM (avec Biogemma)... N’en jetez plus ! 

 

Ruralité en col blanc

Compte tenu de toutes ses activités de col blanc, on a du mal à imaginer Beulin dans un champ. Quand a-t-il le temps de s’occuper de son exploitation de 500 hectares de blé, orge, colza, tournesol, maïs et pois protéagineux, cultivés avec son frère et deux cousins dans le Loiret ? Interrogé par Libération en 2011, le gros céréalier – fait rarissime à la tête de la FNSEA – avait bondi : «J’y vais deux week-ends par mois. Le dernier, j’ai fait dix-sept heures de tracteur ! Et quand je vais à l’étranger, la première chose que je fais, c’est sentir la terre.» Depuis son fauteuil des beaux quartiers parisiens, l'homme au discours bien rodé multiplie les gages de ruralité. 

Il ne se départit de son charisme onctueux et ne montre de signes d’agacement que lorsqu’on lui parle des dégâts environnementaux et sociaux causés par l’agriculture industrielle, son modèle absolu. Il est mort, le sol, il ne produit plus que sous perfusion, alarment des agronomes. Une fuite en avant, dopée à la pétrochimie, dont les agriculteurs sont les premières victimes. «Des clichés !». Bien.

Reste une question : comment peut-on prétendre défendre les éleveurs quand son propre intérêt vise à faire grandir les exploitations pour leur vendre toujours plus de tourteaux de colza ? Plus un troupeau grandit, moins il est facile de faire pâturer les vaches, plus c’est juteux pour le fournisseur Avril. L’herbe, gratuite, n’est bonne que pour les comptes des éleveurs. Vous avez dit conflits d’intérêts ? Beulin s’en moque. Plus c’est gros, plus ça passe... 

 
 
 
 
Partager cet article
Repost0
2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 15:35

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

EDF distille la propagande nucléaire dans les lycées avec le feu vert de l’Education nationale

21 juillet 2015 / Emilie Massemin (Reporterre)
 


 

 

EDF propose des conférences "sur le développement durable“ dans les établissements scolaires. Vantant subtilement l’énergie nucléaire et stigmatisant la transition énergétique. Reporterre s’est procuré l’enregistrement d’une de ces conférences, au lycée René Char d’Avignon. Analyse.


C’est une leçon un peu spéciale qu’ont reçue les élèves du lycée René Char d’Avignon le 20 avril dernier. A la place de leur cours de principes fondamentaux de l’économie et de la gestion (PFEG), un conférencier, Romain Gras, leur a parlé production d’électricité et développement durable pendant une heure et demie. Détail troublant, ce monsieur travaille pour l’agence Junium Diffusion, un prestataire d’EDF. Alors que la production d’électricité de ce dernier dans le monde était à 82,2 % nucléaire en 2014.

Cet enseignement était-il aussi neutre qu’on est en droit de l’attendre de l’éducation publique ? Pour le savoir, Reporterre s’est procuré un enregistrement de l’animation proposée par M. Gras aux lycéens de René Char.

En introduction, l’intervenant présente les différents types d’énergie. Il poursuit sur les véhicules électriques, puis sur le pétrole, le gaz et le charbon, dont il souligne le caractère néfaste pour le climat et l’économie française. C’est là qu’arrive le nucléaire, « moyen alternatif » de produire de l’énergie qui « coûtait moins cher » à la France, dépourvue de réserves de gaz, de charbon et de pétrole.

Puis M. Gras détaille le fonctionnement de la filière atomique, de l’extraction de l’uranium à la gestion des déchets radioactifs. Il ne dissimule pas l’impact environnemental de cette industrie même s’il souligne que « l’uranium a un avantage, c’est un minerai à la base peu cher, beaucoup moins que le pétrole ».

« Ceux qui travaillent là [dans le réacteur] sont soumis à la radioactivité, poursuit l’intervenant. On porte bien sûr des combinaisons pour s’en protéger. » Insouciant, il rapporte avoir « pris des doses de radioactivité supérieures à la normale » cet hiver. Des propos qui minimisent les risques, alors qu’une étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) montre que l’exposition prolongée à de faibles doses de radioactivité accroît le risque de décès par leucémie chez les travailleurs du nucléaire.

Tchernobyl, Fukushima, démantèlement, déchets : le grand déballage

Les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima sont évoquées, ainsi que leurs conséquences – mise en en place d’une « zone interdite » et difficultés à gérer les quantités phénoménales d’eau radioactive à Fukushima.

Le grand déballage continue avec les problèmes du démantèlement - « on ne peut pas déconstruire totalement une centrale nucléaire » - et les déchets radioactifs - « il y en a une partie, (…) on ne peut pas enlever la radioactivité, on ne sait pas quoi en faire (…) donc on les stocke ».

JPEG - 63.3 ko
Un groupe scolaire installé à proximité de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher.
Démontrer que le nucléaire est la solution la moins mauvaise

Le conférencier de Junium ne semble donc pas promouvoir ouvertement le nucléaire. En tout cas, il ne cache pas les dangers de ce mode de production. Son discours est plus subtil : démontrer qu’en dépit de ses défauts, l’atome reste la source d’énergie la moins mauvaise. Chose rassurante, les lycéens ne semblent pas dupes.

« Si le nucléaire c’est tellement bien, pourquoi l’Allemagne veut s’en débarrasser, de toutes ses centrales ? », demande l’un d’eux. La réponse fuse, un peu agacée : c’est un « choix politique » suite à l’accident « rarissime » de Fukushima en 2011. Et dans la bouche de M. Gras, c’est loin d’être une bonne idée : « Depuis 2011, l’Allemagne rejette énormément de CO2, parce qu’elle a lancé des centrales qui brûlent du charbon. » Ce qui est exact : les émissions de CO2 allemandes sont passées de 742,2 Mt en 2011 à 755,3 Mt en 2012 (cf p. 36 de ce document de l’IAE) - mais ont diminué en 2014. Mais il est possible que ce retour au charbon ne soit que passager : la transition énergétique est en marche outre-Rhin.

Une transition énergétique qui ne semble guère convaincre M. Gras. « [Les Allemands] ont développé massivement l’éolien. Super, ironise-t-il. Vous la contrôlez l’éolienne ? (…) Vous contrôlez rien du tout. » Les autres énergies renouvelables ne trouvent guère grâce à ses yeux. Les centrales hydrauliques, c’est bien, « c’est plus puissant, ça produit plus ». Mais « impact à mesurer (…). Vous inondez une vallée. Donc on déplace des villages ». L’énergie marémotrice, c’est pas mal, les hydroliennes aussi, « mais il y a un souci, c’est d’ordre économique. Produire de l’électricité en pleine mer, (...) techniquement, on sait faire, mais en ce moment c’est très coûteux ».

En revanche, le conférencier n’évoque pas les coûts incontrôlés de la construction de l’EPR, du stockage des déchets et des démantèlements ?

Quant aux économies d’énergie, elles ne sont tout simplement jamais mentionnées, comme si la politique énergétique se résumait au choix de la production d’électricité.

« Pas neutre », juge un parent d’élève

L’intervention de l’envoyé d’EDF au lycée a fait grincer quelques dents chez les parents d’élèves. « Je trouve que ce n’est pas neutre, juge l’un d’eux. Le lycée aurait pu faire venir plusieurs intervenants différents, un dans les énergies renouvelables, un dans le nucléaire, un dans l’efficacité énergétique, pour que les élèves puissent avoir différents points de vue. »

 

« La question sur l’Allemagne était intéressante à poser, je voulais savoir ce qu’il allait répondre. Mais je trouve qu’il a évité le sujet », relève une élève. La remarque sur les doses de radioactivité l’a laissée perplexe : « Quand il a dit qu’il avait été irradié, il essayait de dédramatiser mais je n’ai pas trouvé ça convaincant. »

De son côté, la proviseure du lycée René Char a indiqué à Reporterre qu’elle n’avait « pas de commentaire à faire sur cette intervention ».

 

JPEG - 68.9 ko
Brochure de présentation des prestations proposées par Junium Diffusion pour EDF.
Une convention signée entre EDF et l’Éducation nationale

Cette conférence n’est pas un cas isolé. Elle est délivrée dans le cadre d’une convention qui lie EDF et l’Éducation nationale depuis le 30 avril 2002. Reporterre en a demandé le texte au ministère de l’Éducation nationale, qui ne lui a pas encore envoyé. Le producteur d’électricité propose ainsi quatre types de conférences aux établissements scolaires. Cinq mille interventions ont été réalisées en France pendant l’année scolaire 2013-2014, peut-on lire dans une note envoyée par le service pédagogique d’EDF.

- Télécharger la note d’EDF :

PDF - 66.7 ko

EDF balaie du revers de la main tout soupçon de propagande nucléariste. Les conférences ne traitent pas des activités d’EDF, mais proposent « une vision globale de ce qu’est la production d’électricité et les enjeux d’un mix énergétique, par rapport aux trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental », y assure-t-on en réponse aux questions de Reporterre. En plus, les conférenciers ne sont pas payés par EDF, mais par Junium. Ceci, « pour pouvoir donner des conférences en toute neutralité ».

Conférencier... ou responsable d’équipe à la centrale du Tricastin ?

Pourtant, dès les premières minutes de l’enregistrement que s’est procuré Reporterre, la distinction entre conférencier Junium et salarié EDF est gommée. « Je travaille pour EDF, affirme l’intervenant. Une partie de mon métier, la principale, consiste à travailler à la centrale nucléaire du Tricastin...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 14:52

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Main basse sur l’information!

|  Par Laurent Mauduit

 

 

Accélération de la concentration dans la presse quotidienne et audiovisuelle ; multiplication de faits de censure ; consanguinité de plus en plus accentuée et malsaine entre les milieux d’affaires et les médias ; verrouillage de l’information sur de nombreux médias audiovisuels, à commencer par l’audiovisuel public : la France vit une grave régression démocratique ! C'est presque le retour à la presse de l'avant-guerre, celle du Comité des forges.

Pour la liberté et le pluralisme de la presse, et plus généralement pour la liberté et le pluralisme de l’information, ce sont décidément des jours très sombres que traverse la France. Accélération de la concentration dans la presse quotidienne et la presse audiovisuelle ; multiplication de faits de censure venant s’ajouter à des comportements très répandus d’autocensure ; consanguinité de plus en plus accentuée et malsaine entre les milieux d’affaires et les médias ; verrouillage de l’information sur de nombreux médias audiovisuels, à commencer par l’audiovisuel public… C’est peu dire que notre pays connaît une évolution qu’il faut bien qualifier pour ce qu'elle est : une grave régression démocratique !

Sous le précédent quinquennat, celui de Nicolas Sarkozy, ou dans les années juste antérieures, en prévision de l’alternance, le rachat de la plupart des grands quotidiens français par de richissimes amis du chef de l’État avait déjà fait grand bruit. Au fil des mois, on avait en effet assisté à une véritable boulimie d’acquisitions de la part de milliardaires dont la plupart n’avaient pas la presse pour métier, quand leurs activités ne dépendaient pas de la commande publique et qui pour beaucoup d’entre eux entretenaient des liens de forte proximité voire d’amitié avec le chef de l’État et qui faisaient partie des célèbres invités de la soirée du Fouquet’s.

Entrée au capital du Monde, en alliance avec les Espagnols de Prisa (l’éditeur d’El País), d’Arnaud Lagardère, qui s’est souvent présenté comme le « frère » de Nicolas Sarkozy ; rachat des Échos par Bernard Arnault, le témoin de mariage (avec Cécilia) du même Nicolas Sarkozy ; rachat du Figaro par Serge Dassault, sénateur UMP, et également ami proche du même Nicolas Sarkozy en lequel il voyait le fils qu’il aurait aimé avoir ; acquisition de Libération par le banquier Édouard de Rothschild, qui a souvent passé ses vacances à La Baule avec le même Nicolas Sarkozy : dès cette époque, ce mélange des genres, cette consanguinité avaient fait à juste titre scandale. On s’était pris alors à penser que la France, du Second Empire jusqu’à aujourd’hui, en passant par l’époque gaulliste, ne s’était décidément jamais départie de ses terribles travers : ceux d’un régime présidentialiste qui dispose d’une culture démocratique faible et méprise les contre-pouvoirs, à commencer par celui de la presse.

Et pourtant, il faut bien admettre que dans ce domaine de la liberté de l’information et du pluralisme – comme dans beaucoup d'autres ! –, l’alternance de 2012 n’en a pas été une. Et que la régression démocratique s’est encore accentuée. Sans doute n’y a-t-il plus de lien d’amitié visible entre le chef de l’État et les grands patrons qui ont fait main basse sur l’information. Mais c’est pourtant presque pire : la consanguinité entre les milieux d’argent et les grands médias s’est dramatiquement accentuée. Et le pluralisme en a d’autant reculé.

L’indice le plus récent de cette appropriation de la presse française, écrite et audiovisuelle, par une petite camarilla de milliardaires est l’empire immense que vient de se constituer en à peine quelques mois Patrick Drahi, le patron de Altice Media Group (AMG), la filiale domiciliée au Luxembourg du groupe d'Altice (SFR, Numericable). Que ce grand patron ait du talent pour construire un groupe gigantesque en jonglant avec les milliards, dans une folle politique d'endettement, voilà qui ne fait guère de doute – on peut lire à ce sujet la longue enquête de ma consœur Martine Orange, dont on trouvera les deux volets ici et . Mais que l'on puisse y voir la garantie d'un rebond de la presse libre et indépendante, c'est évidemment une tout autre affaire…

À la manière d’un Jules Mirès, le célèbre homme d’affaires du Second Empire, qui entre ses folles spéculations sur la bulle de l’époque, celle des chemins de fer, investissait à tout va dans la presse pour mieux consolider son influence et entretenir des relations de connivence avec le pouvoir (lire La presse dans le piège de la démocratie illibérale), Patrick Drahi a racheté à une vitesse éclair tout ce qui était à vendre. Il a d’abord mis la main sur Libération, le journal créé en 1973 par Jean-Paul Sartre et Serge July. Cela a ensuite été le tour du groupe L’Express, fondé en 1953 par Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, c’est-à-dire l’hebdomadaire éponyme et une ribambelle d’autres titres parmi lesquels L’Étudiant ou encore L’Expansion

Et puis, pour finir, fin juillet, il y a eu l’accord avec Alain Weill, au terme duquel Patrick Drahi va progressivement prendre le contrôle du groupe NextRadioTV, c’est-à-dire, là encore, d’un portefeuille considérable de chaînes et d’antennes, parmi lesquelles BFM-TV, BFM-Business ou encore RMC (lire Alain Weill ouvre les portes de NextRadioTV au milliardaire Patrick Drahi).

Cette opération de concentration est l’aboutissement d’une longue histoire. Et le capitalisme de connivence à la française avait déjà abîmé beaucoup de ces titres, avant même que Patrick Drahi ne s’en empare. Épuisé par de longues années de crise et tout autant de plans sociaux qui ont vu des générations entières de journalistes expérimentés quitter le navire, le Libération d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le Libération d’hier qui était la propriété de la société des journalistes (la SCPL), système de gouvernance inspiré de celui du Monde, qui garantissait son indépendance. De même, L’Express d’aujourd’hui, avec ses couvertures « Spécial immobilier » ou « Classement des hôpitaux » – voire pire, ses couvertures machistes (« Ces femmes qui lui gâchent la vie ») ou carrément xénophobes (« Le vrai coût de l’immigration ») – n’a plus grand-chose à voir, et depuis bien longtemps, avec la publication dans laquelle écrivaient Albert Camus ou Jean-Paul Sartre, et qui fut parmi les premiers journaux, avec Combat, à dénoncer la torture en Algérie.

Dans le rachat par Patrick Drahi de tous ces titres, qui ont chacun une histoire longue en même temps qu’une relation passionnée depuis longtemps avec leurs lecteurs, il y a comme un aboutissement. C’est une triste fin de cycle !

« Assurer la liberté de la presse, son honneur et son indépendance »

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une bonne partie de la presse française a vécu en effet une refondation. Pour prendre en compte le programme du Conseil national de la résistance (CNR) (on peut le consulter ici) qui fixait comme priorité le fait « d’assurer la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'État, des puissances d'argent et des influences étrangères », beaucoup de journaux ont, par divers moyens, cherché à l’époque les garanties de leur indépendance. Le Monde – imité vingt-cinq ans plus tard par Libération – a construit son indépendance à l’égard « des puissances d’argent » grâce à un système de gouvernance dans lequel la société des journalistes détenait le contrôle majoritaire du journal. Ailleurs, d’autres modèles ont été inventés, comme une société coopérative ouvrière pour Le Courrier picard, et d’autres modèles encore…

Pendant plusieurs décennies, le legs démocratique du CNR a survécu, dans des formes juridiques multiples. Et dans leur fonctionnement, bien des journaux ont gardé des types de fonctionnement attestant qu’ils étaient des produits hybrides : des produits, certes marchands, devant trouver leur équilibre financier, mais aussi des instruments de la démocratie, garantissant le droit à l’information des citoyens.

L’ère Drahi sonne donc la fin de cette époque. C’est en quelque sorte pour la presse la fin d’un long déclin. Avec l’irruption du roi du câble dans le secteur de la presse, il est maintenant établi que la presse n’est plus qu’un produit marchand, qui s’achète et se vend, dans de pures logiques commerciales ou d’influence. C’est le retour à l’époque d’avant le CNR : le retour à la presse de l’avant-guerre, celle du Temps, le journal du Comité des forges, avec lequel Hubert Beuve-Méry, le fondateur du Monde, voulait rompre à la fin de la guerre, au motif qu’il avait été trop près des puissances d’argent (en même temps que du Quay d’Orsay !), trop emblématique de ce qu’il qualifiait « la presse d’industrie ». La presse de connivence…

Mon confrère Antoine Perraud vient d’ailleurs de faire une trouvaille. Il a déniché dans les archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) une vidéo d’Hubert Beuve-Méry, le fondateur du Monde, qui permet de mieux comprendre l’ambition originelle de ce journal, qui rejoint celle du CNR.

Hubert Beuve-Méry (1902-1989), interrogé en 1985, revient sur la création du “Monde”

Au cours de cet entretien, Hubert Beuve-Méry répond à l’interpellation d’un journaliste :

« Quand vous avez créé ce journal en 1944, qu’avez-vous voulu faire ? » lui demande celui qui l'interroge.

— Avant tout un journal indépendant, qui ne doive rien à personne, ni à l’État, ni aux puissances d’argent, ni aux puissances constituées, que ce soient des Églises, des syndicats. Un journal qui puisse vraiment n’avoir aucune espèce de fil à la patte », répond Hubert Beuve-Méry.

Tout est dit ! C'est cette ambition, au cœur du projet de refondation de la République à la fin de l'Occupation, qui a été progressivement abîmée par des coups de boutoir successifs de ces « puissances d'argent ». Désormais, une bonne partie de la presse s'est retrouvée enlacée par ce « fil à la patte » avec lequel voulait précisément rompre Hubert Beuve-Méry.

Signe des temps et de ce naufrage que connaît la presse française, Altice, qui est la holding de tête du groupe de Patrick Drahi, multiplie donc ses emplettes dans la presse française et enrôle dans le même mouvement Michel Combes comme président de son conseil d’administration et directeur des opérations du groupe. Lequel Michel Combes vient de quitter la direction du groupe Alcatel-Lucent avec un scandaleux pactole de 14 millions d’euros. Autant dire que les directeurs des publications des titres du groupe y regarderont peut-être à deux fois désormais avant de faire des éditoriaux vengeurs contre les abus des patrons du CAC 40, quand ils se couvriront d’or, comme ils en ont la détestable habitude, sous forme de stock-options, golden hellos, golden parachutes ou autres rémunérations variables…

Si les achats en cascade de Patrick Drahi retiennent l’attention, c’est, donc, parce qu'ils sont l’achèvement d’une opération main basse sur la presse et sur l’information qui a connu d’autres épisodes, tout aussi graves. C’est, en bref, l’une des dernières pièces du puzzle qui se met en place et qui montre de la presse française est l’image de ce qu’elle est lentement devenue : une presse totalement sous le contrôle des puissances d’argent, de plus en plus prisonnière des logiques d’influence.

Si le constat saute aux yeux, c’est qu’en face de l’empire Drahi dans la presse et l’information, un autre s’est constitué auparavant, autour du milliardaire et patron de Free Xavier Niel, le banquier de chez Lazard Matthieu Pigasse et le milliardaire Pierre Bergé. Un autre empire, qui a mis la main sur le groupe Le Monde puis sur le groupe du Nouvel Observateur et qui pourrait à l’avenir avoir encore d’autres ambitions, par exemple dans l’audiovisuel. Un autre empire de presse dont les logiques internes sont les mêmes que celles d’Altice, beaucoup plus proches de ce qu’était Le Temps d’avant guerre que du Monde d’Hubert Beuve-Méry. En bref, c’est bel et bien le retour, à peu de choses près, à ce qu’était la presse du temps du Comité des forges.

Et ce n’est pas tout ! Car dans cette opération main basse sur la presse et sur l’information, il faudrait encore citer beaucoup d’autres évolutions pour le moins inquiétantes pour le pluralisme et la liberté de l’information : la prise de contrôle imminente du Parisien par le même Bernard Arnault, déjà propriétaire des Échos ; la prise de contrôle du quotidien La Provence par Bernard Tapie, bien que l’argent investi dans ce journal provienne d’un arbitrage frauduleux qui a valu à son principal bénéficiaire et quelques autres acteurs de l’affaire une mise en examen pour « escroquerie en bande organisée » et « recel de détournement de fonds publics » ; le contrôle de plus en plus spectaculaire de tous les quotidiens de la façade est de la France par le Crédit mutuel…

Bref, les milieux d’argent sont partout à l’offensive. Et ce spectaculaire appétit ne s’arrête pas à la presse écrite : les mêmes milieux d’affaires lorgnent avec de plus en plus de gourmandise les joyaux qui pourraient être à vendre dans l’audiovisuel. À preuve, la prise la prise de contrôle progressive de NextRadioTV par Patrick Drahi que nous venons d’évoquer ; à preuve encore, l’intérêt que les nouveaux propriétaires du groupe Le Monde-Nouvel Observateur ont manifesté pour la chaîne d’info en continue LCI, quand le bruit a circulé que Martin Bouygues pourrait s’en séparer…

Or, ce qu’il y a de très spectaculaire dans ce système de verrouillage de l’information en France par quelques grandes fortunes, c’est que tout y concourt, et que la puissance publique elle-même apporte de facto son appui à cet immense mouvement de spéculation et de concentration de l’information.

Comme l’a établi récemment une longue enquête de Mediapart sur le trafic des fréquences audiovisuelles délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les tribulations récentes de la chaîne Numéro 23, fondée par Pascal Houzelot (lire Le fructueux trafic des fréquences audiovisuelles), illustrent le fonctionnement ahurissant du capitalisme de connivence à la française. Financé par une partie du gotha français des affaires ainsi que par un oligarque russe ; ami du banquier Matthieu Pigasse et du milliardaire Pierre Bergé et coopté par eux au conseil de surveillance du Monde ; par ailleurs soutenu et conseillé par David Kessler qui fut le conseiller pour les médias de François Hollande à l’Élysée après avoir été celui du même Matthieu Pigasse, Pascal Houzelot a en effet obtenu à titre gracieux au printemps 2012 une fréquence, alors que tout le monde se doutait qu’à peine le délai légal de deux ans et demi imposé par la loi serait dépassé, il revendrait la chaîne. En réalisant une formidable culbute financière.

Et c’est donc ce qui s’est effectivement passé : si le CSA – qui réexaminera l’affaire à la mi-septembre – n’y met pas le holà, Pascal Houzelot et ses alliés feront une plus-value insensée de 88,5 millions de vente, en cédant à NextRadioTV la chaîne Numéro 23, dont la fréquence a été attribuée gratuitement. Lequel groupe NextRadioTV a lui-même été revendu dans l’intervalle à Patrick Drahi, au terme de cet immense et sinistre jeu de Monopoly qui bouleverse tout le paysage de la presse audiovisuelle française…

Retour à la presse du Comité des forges

Mais dans cette enquête de Mediapart, nous soulignions aussi que l’affaire Houzelot, pour être la plus scandaleuse de toutes, n’en révélait pas moins les tares d’un système pernicieux qui permet à de richissimes hommes d’affaires de spéculer grâce à des fréquences qui leur sont attribuées gratuitement, d’arrondir ainsi leur fortune, ou d’asservir des médias audiovisuels à leurs caprices personnels.

Des exemples du même type que celui de l’affaire Houzelot, on peut en effet en citer d’autres : celui de Claude Berda (AB Productions), qui a revendu en mars 2010 une fortune – 192 millions d’euros pour être précis – ses chaînes TMC et NT1 à TF1. Et même l’État s’est mis à donner le mauvais exemple, puisqu’il a finalisé en octobre 2014 la rétrocession pour près de 25 millions d’euros au groupe Lagardère des 34 % du capital que France Télévisions détenait dans la chaîne de la TNT Gulli. Pour les plus grandes fortunes, la loi qui encadre la TNT est donc une bénédiction : elle autorise toutes les spéculations possibles et imaginables. Ou presque toutes.

Mais l’exemple le plus spectaculaire qui résume la folie du système français, c’est celui de Vincent Bolloré, le célèbre homme d’affaires qui fut l’un des invités vedettes du Fouquet’s (et celui qui prêta son jet personnel et son yacht à un Nicolas Sarkozy tout juste élu !). Car c’est précisément grâce à ce système de spéculation autour des fréquences de la TNT que l’homme d’affaires peut monter au capital du groupe Vivendi et, par ricochet, devenir le véritable patron de sa filiale, le groupe Canal+. Tout cela grâce à cette loi qui offre à titre gracieux des canaux pouvant ensuite être revendus à prix d’or.

Quand, à la fin de l’été 2011, Vincent Bolloré cède le contrôle de 60 % des deux chaînes de la TNT qu’il contrôle, Direct Star et Direct 8, il réalise une affaire en or. Direct Star, c’est l’ex-Virgin 17, qu’il a racheté au groupe Lagardère quelque 70 millions d’euros et qu’il rétrocède à Canal, pour près de 130 millions d’euros. Et Direct 8, il l’a obtenue gracieusement, au terme d’une autorisation que le CSA lui a accordée le 23 octobre 2002.

Dans le « deal » que Vincent Bolloré fait avec le groupe Vivendi, les deux chaînes sont valorisées 465 millions d’euros, alors que l’industriel breton et ami de Nicolas Sarkozy n’a investi pour elles guère plus de 200 millions d’euros. Grâce à l’État, il fait donc une culbute financière exceptionnelle…

La culbute est d’autant plus importante que Vincent Bolloré est payé en titres Vivendi, à un cours exceptionnellement bas, de 17 euros, du fait de la crise financière qui est à l’époque encore très violente – le cours est aujourd'hui à plus de 23 euros. Dès à présent, Vincent Bolloré a donc fait une culbute presque 50 % au-dessus de ce que l’on pensait à l’époque où il a vendu les deux chaînes de la TNT. Et dans la foulée, il est devenu l’homme fort du groupe Vivendi (il devient le président du conseil de surveillance en juin 2014), et donc aussi, l’homme fort de sa filiale, le groupe Canal+.

En somme, tout concourt, y compris la puissance publique, à ce que le système de l’information soit en France totalement – ou presque – verrouillé par quelques grandes fortunes. La presse dans toutes ses composantes : la presse écrite comme la presse audiovisuelle…

Et de ce système stupéfiant, on devine sans grand peine les ravages : même s’il s’agit d’une valeur fondatrice de la République, le droit à l’information des citoyens est en France sans cesse malmené – beaucoup plus qu’il ne l’est en tout cas dans les pays qui ont des cultures fortes de contrepouvoirs. Et comme par un fait exprès, de nombreux exemples sont venus illustrer ces derniers temps les risques d’un système qui livre la presse aux ambitions, aux intérêts ou aux caprices des puissances d’argent.

Le cas le plus récent et le plus flagrant est celui de la censure décidée par le même Vincent Bolloré, comme l’a révélé récemment Mediapart (A Canal+, Vincent Bolloré censure un documentaire sur le Crédit mutuel): dans son enquête, mon confrère Fabrice Arfi a révélé par le menu comment le tout-puissant patron de Vivendi et homme fort de sa filiale Canal+ a personnellement censuré d’un simple coup de téléphone un documentaire sur le Crédit mutuel et la fraude fiscale, qui devait être diffusé sur la chaîne cryptée. Lequel Vincent Bolloré a avec le Crédit mutuel de nombreux liens d’intérêt.

Dans le même registre, on peut encore citer la spectaculaire reprise en main qui se dessine pour les Guignols de l’info de Canal+ que le même Vincent Bolloré a d’abord envisagé de supprimer avant, face au tollé, d’avancer en crabe, en commençant par placer l’émission en mode crypté, en se débarrassant sinon du producteur historique du moins de toutes les signatures connues qui ont fait son succès, et en la repositionnant pour qu’elle se moque plus des « people » que des politiques.

Il ne s’agit, certes, pas ici d’information. Mais cela donne la mesure de l’humeur du nouveau maître des lieux. Et quand les saltimbanques sont remis au pas, les journalistes ont eux-mêmes tout à craindre. Vieille leçon de l’histoire : sous le Second Empire, il n’y avait pas que la presse qui devait être à la botte ! Les caricaturistes l’étaient tout autant et devaient avant parution soumettre leurs dessins au ministère de l’intérieur…

Cette spectaculaire montée en puissance des milieux d’argent dans la presse audiovisuelle a donc généré des phénomènes de désinhibition. Les patrons de la presse ou de l’audiovisuel n’hésitent plus à donner des coups de canifs publics dans le droit à l’information. Et même, sans fausse pudeur, à le revendiquer publiquement. Témoin le patron du groupe M6 Nicolas de Tavernost qui n’a pas eu le moindre scrupule, en juin dernier, à admettre exercer des pressions sur les journalistes de sa chaîne et notamment ceux qui réalisent l’émission Capital, pour « ne pas contrarier des clients ». Il était l’invité d’une émission de Canal+, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a dit les choses en toute franchise (dans une vidéo dont il est malheureusement impossible d'expurger la publicité !) :

Le néolibéralisme en terrain conquis dans l'audiovisuel public

On savait certes, déjà, que la censure existait à M6. Car l’affaire évoquée par Nicolas de Tavernost est ancienne. Dans cet entretien, il fait allusion à la censure d’une enquête de la chaîne qui portait sur Xavier Niel en 2013, et dont Mediapart s’était fait l’écho (lire Les secrets de Xavier Niel (6) : le papivore). Mais il y a aujourd’hui quelque chose de nouveau : les oligarques parisiens qui contrôlent la presse et l’audiovisuel n’hésitent plus même à admettre publiquement qu’ils répugnent à ce que leurs journaux respectifs fassent des enquêtes corrosives sur le voisin.

Et le plus inquiétant, c’est que cette pratique fait visiblement jurisprudence, même si d’autres propriétaires de médias n’osent pas encore l’avouer publiquement. Imagine-t-on une grande enquête du Monde sur l’affaire Pascal Houzelot, lequel siège au conseil de surveillance du groupe de presse ? On l’attend toujours. Espère-t-on de grandes enquêtes des innombrables quotidiens contrôlés par le Crédit mutuel sur les actes de censure de Vincent Bolloré ou sur l’écheveau opaque des sociétés holding qui lui assure le contrôle de son groupe, dont certaines sont au Luxembourg (lire à ce sujet cette autre remarquable enquête de ma consœur Martine Orange, consultable ici, , et encore ) ?

En fait, on voit bien au travers de ces questions les effets ravageurs de ce système, celui du capitalisme de la barbichette : comme dans la petite cour de récréation des milieux d’affaires parisiens, tout le monde connaît tout le monde, il est des territoires économiques entiers où même les journalistes les plus pugnaces peinent à s’aventurer. Avec au bout du compte, le triste résultat que l’on sait : si dans quelques médias, le journalisme d’investigation peut encore être pratiqué dans les affaires qui touchent à la politique, la corruption ou la fraude, l’investigation économique et financière est le plus souvent sinistrée.

Qui ose enquêter sur un Vincent Bolloré ? Les journalistes qui s’y sont risqués savent que c’est immensément compliqué. Qui ose enquêter sur l’immensément riche et puissant Xavier Niel ? À Mediapart, nous avons cette liberté (on retrouvera nos enquêtes ici, , , , ou encore ). Mais beaucoup de confrères savent qu’ils vont au-devant de grandes difficultés. Et le pire, c’est que ce verrouillage de l’information a un effet de contagion sur l’audiovisuel et tout particulièrement l’audiovisuel public, où les journalistes qui tiennent le haut du pavé sont le plus souvent ceux qui professent avec application les points de vue dominants de ces mêmes cercles des milieux d’argent parisiens. Écoute-t-on le journal de France 2 ? Pas le moindre souci de pluralisme des approches – alors que c’est la richesse de l’économie : avec François Lenglet, on a toujours un seul son de cloche – néolibéral il va sans dire. Écoute-t-on France Inter ? Pour l’éditorial du matin, les journalistes économiques qui y officient et qui sont très compétents ont depuis toujours été mis sur la touche, au profit hier de l’ultraréactionnaire Jean-Marc Sylvestre, au profit aujourd’hui de l’éditorialiste des Échos Dominique Seux qui fait des libelles à peine plus nuancés que ceux du Medef. Écoute-t-on même France Culture ? Même la « matinale » de la radio qui, plus encore que d’autres, devrait pourtant avoir le souci du débat intellectuel contradictoire et du pluralisme a lentement dérivé au fil des mois vers le « tout-libéral » et assène périodiquement un seul point de vue en économie, celui de Philippe Manière, l’ancien pamphlétaire radical du Point. Et que dire de C dans l’air, l’émission de France 5 : n’y pérorent, le plus souvent, que les mêmes imposteurs de l’économie, ceux qui défendent depuis des lustres ces mêmes points de vue, ceux de la pensée unique néolibérale.

Tout juste y a-t-il quelques poches de résistance, comme Cash Investigation sur France 2, et quelques rares autres émissions de ce type…

Ainsi vont la presse et l’audiovisuel français : même si beaucoup de journalistes qui y officient essaient, envers et contre tout, de faire dignement leur travail, ils rencontrent, pour beaucoup d’entre eux, des difficultés croissantes. Terrible constat ! Si beaucoup de journalistes souffrent de cette situation, notamment les jeunes générations qui arrivent ; si beaucoup de citoyens ont une claire conscience des systèmes de connivence qui sont à l’œuvre, le piège est en train de se refermer : la presse et l’audiovisuel auraient besoin de faire l’objet d’une ambitieuse refondation démocratique, pour garantir ce droit à l’information, mais à l’inverse, la mainmise des milieux d’argent se renforce gravement.

 

Pierre Rosanvallon: la presse et l'enjeu... par Mediapart

 

Dès le 15 décembre 2008, à l’occasion d’une soirée avec Reporters sans frontières au cours de laquelle avait notamment pris la parole l’historien et professeur au Collège de France Pierre Rosanvallon (voir ci-dessus son intervention), Mediapart avait engagé une campagne pour souligner l’enjeu démocratique majeur de ces questions du pluralisme et de la liberté de l’information.

Depuis, la situation s’est encore aggravée. Et la refondation démocratique est encore plus impérieuse…

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2015 2 01 /09 /septembre /2015 16:45

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

La présidente de France Télévisions veut étendre la redevance aux ordinateurs et smartphones

LE MONDE ECONOMIE | • Mis à jour le | Par

 

 

Delphine Ernotte, le 17 mars à Paris.   AFP PHOTO / ERIC PIERMONT

 

Une dirigeante en poste depuis une semaine face à trente-cinq journalistes… Le déjeuner de Delphine Ernotte en compagnie de l’Association des journalistes médias (AJM), lundi 31 août, pouvait faire figure d’oral piégeux. Pour la présidente de France Télévisions, c’était la première apparition publique depuis sa nomination, fin avril. Alors que certains disaient cette ingénieure de formation assez peu charismatique, elle a surpris son auditoire par son franc-parler. Quitte à ce que ce volontarisme frise parfois la naïveté, dans un secteur toujours assez politique.

« En matière de ressources, je demande fromage et dessert », a déclaré Mme Ernotte en milieu de repas : elle espère obtenir à la fois l’extension de la redevance aux ordinateurs et aux smartphones et le retour partiel de la publicité entre 20 heures et 21 heures. La « petite phrase » symbolise son approche assez directe sur deux dossiers sensibles, déjà défendus par son prédécesseur.

 

« Il y a des choses qui me dépassent, des crispations politiques »

La présidente serait favorable à une « réforme à l’allemande » de la contribution qui finance l’audiovisuel : la déclaration serait, par défaut, précochée pour signaler que le foyer possède un moyen de recevoir la télévision, analogique ou numérique. « On pourrait aller jusqu’à fiscaliser », pour rendre le montant progressif en fonction des revenus, a-t-elle ajouté. Avec toutefois ce bémol : augmenter les taxes ou les contributions n’est pas en vogue dans le gouvernement… « Sur ces sujets, il y a des choses qui me dépassent, des crispations politiques. Ce n’est pas à moi d’en débattre… », a-t-elle reconnu.

 

« Je n’ai besoin de l’autorisation de personne pour lancer une chaîne d’information sur le numérique », a aussi déclaré Mme Ernotte, alors qu’on la relançait sur les propos de la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, selon lesquels « la décision de lancer ce projet n’a pas encore été prise ». La phrase presque bravache était paradoxalement une façon de dire qu’obtenir le droit de diffuser cette future chaîne sur un canal de la télévision numérique terrestre (TNT) n’était pas un « préalable ».

La nouvelle présidente de France Télévisions s’est posée en femme simple, prenant un langage décontracté : « Netflix, l’exception culturelle française, ils s’en battent la cravate ! » « Mettre des contenus sur YouTube, cela s’appelle danser avec le diable. Mais je ne ferme pas la porte. » « Le modèle des diffuseurs français se casse la gueule. »

Parfois décrite comme novice de la télévision car venue d’Orange, Mme Ernotte s’est aussi montrée très sûre d’elle : « Qu’on dise que j’ai un super-réseau, ça me va », a-t-elle répondu à propos des « aides » dont elle aurait bénéficié pour sa nomination – contestée – par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. « Je n’ai pas peur. Gérer des contraintes, financières et humaines, c’est mon métier. » Taquinée sur l’idée de faire un second mandat, elle a glissé, en souriant, qu’elle aurait « l’âge pour en faire trois ».

 

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

 

Partager cet article
Repost0
31 août 2015 1 31 /08 /août /2015 15:22

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Entretien avec Yanis Varoufakis : « Notre appareil d’État a été contaminé par la Troïka »

31 août par Christos Tsiolkas , Yanis Varoufakis

 

 

 

 

« Je crois que s’est en train de sécher. Qu’est-ce qu’on fait ? » _ « Serre plus fort ! »

 

L’écrivain Christos Tsiolkas a réalisé un entretien avec Y. Varoufakis, publié dans la revue The Monthly. Il y dévoile le positionnement du FESF (Fonds européen de stabilité financière) qui, à en juger par son attitude, est plus un Fonds d’instabilité financière. Grâce à Varoukakis, nous apprenons ce que la presse, au service de la Troïka, se charge d’occulter : les obscènes conditions et mécanismes avec lesquels ils soumettent la Grèce.

Christos Tsiolkas

“… Il n’y a aucun filet de sécurité, de sécurité sociale, le chômage, le sous-emploi sans rémunération sont devenus la norme. Les pensions étaient trop généreuses. Qu’à cela ne tienne ! Réduisons-les. Mais s’il n’y a aucune allocation, aucun travail, que voulez-vous que la personne de 50 ans fasse ? Mourir de faim ! Laissez-moi vous assurer cela arrive.”

Varoufakis détecte ma fureur. Il dit tranquillement, « La conscience de classe de la Troïka a été ahurissante. »

"Notre appareil d’État a été contaminé par la Troïka, très, très gravement. Laisse moi te donner un exemple. Il y a quelque chose appelé le Fonds hellénique de stabilité financière, qui est une émanation du EFSF (The European Financial Stability Facility). Il s’agit d’un fonds qui comportait initialement 50 milliards d’euros - au moment où je pris mes fonctions il y en avait 11 milliards - et dont l’objectif est de recapitaliser les banques grecques.

C’est de l’argent que les contribuables grecs ont emprunté dans le but de renforcer les banques. Je ne peux pas choisir son PDG et je ne suis pas parvenu à avoir un impact sur la façon dont il a conduit ses affaires vis-à-vis des banques grecques. Le peuple grec qui m’a élu n’a aucun contrôle sur la façon dont l’argent qu’ils avaient emprunté allait être utilisé.

Je découvris à un certain moment que la loi qui constituait le FESF me permettait une seule prérogative, celle de déterminer le salaire de ces personnes. Je me rendis compte que les salaires de ces fonctionnaires étaient monstrueusement élevés, selon les standards grecs. Dans un pays avec tant de famine et où le salaire minimum a chuté à 520 euros par mois, ces gens gagnaient environ 18 000 euros par mois.

Je décidai donc, puisque j’en avais le pouvoir, je voulais l’exercer. J’ai utilisé une règle très simple. Les pensions et les salaires ont baissé en moyenne de 40% depuis le début de la crise. J’ai émis un arrêté ministériel par lequel je réduis les salaires de ces fonctionnaires de 40%. Encore un salaire énorme, encore un énorme salaire. Vous savez ce qui est arrivé ? Je reçus une lettre de la Troïka, en disant que ma décision a été annulée, car elle avait été insuffisamment expliquée.

Ainsi, dans un pays où la Troïka insiste pour que les personnes bénéficiant d’une pension de 300 euros par mois vivent désormais avec 100 euros, ils refusaient mon exercice de réduction des coûts, ma capacité en tant que Ministre des Finances de réduire les salaires de ces personnes. »

 

L’interview originale en anglais se trouve sur le blog de Varoufakis (posté le 3 août 2015).
Version en français ici.

 

 
Auteur
Yanis Varoufakis
Auteur

Christos Tsiolkas

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

Partager cet article
Repost0
31 août 2015 1 31 /08 /août /2015 15:10

 

Source : http://www.streetpress.com

 

StreetPress met en ligne des notes internes, en attendant le livre

Exclu : Les documents qui déshabillent le système Soral

Soral leaks | Infos StreetPress | par , Mathieu Molard | 28 Août 2015

 

 

Projet d’école primaire, stratégie pour investir Wikipédia, menaces contre ses ennemis… En marge de la sortie de son livre Le système Soral, enquête sur un facho business, StreetPress publie des documents inédits sur Egalité & Réconciliation.

Relevés bancaires de son entreprise Culture pour tous, notes internes à son organisation Egalité & Réconciliation, échanges de mails avec ses subordonnés : Après 6 mois d’enquête, StreetPress publie des documents inédits sur les dessous du « système Soral ».

Le système Soral, enquête sur un facho business, c’est le titre du premier livre publié par StreetPress chez Calmann-Lévy, à retrouver le 2 septembre dans toutes les bonnes librairies. Depuis sa création en décembre 2009, votre site d’information préféré enquête régulièrement sur le fondateur d’Egalité & Réconciliation. Alain Soral est l’homme politique star d’une nouvelle génération biberonnée à Internet. Étudiants, jeunes chômeurs, petits blancs ou Français issus de l’immigration, ils sont des millions à regarder ses vidéos. Des conférences virtuelles qui exposent le petit logiciel d’analyse soralien construit autour de ses obsessions : les bobos, les féministes, « le lobby gay » ou, encore et toujours, les Juifs.

La popularité virale d’Alain Soral ne doit rien au hasard. Dans l’ombre, les cyber-activistes de son organisation Égalité & Réconciliation orchestrent la propagande. Une galaxie de médias « dissidents » relaie ses idées, quand ce n’est pas l’humoriste Dieudonné qui met sa notoriété à son service.

 

Le système Soral, enquête sur un facho business

livre-soral_0.jpg

StreetPress arrive en librairie avec son premier livre Le système Soral, enquête sur un facho business (ed. Calmann-Lévy, 17 euros, 188 p.) de Robin d’Angelo et Mathieu Molard. A commander ici (link is external), à partir du 2 septembre.

 

En marge de la sortie de notre livre en librairie, StreetPress met en ligne une série de documents internes qui mettent à nu les rouages du système Soral ; un cocktail où se mêlent web-activisme, business et droite radicale.

1Culture pour tous, une petite entreprise qui marche bien

C’est la machine à cash du système Soral : Culture pour tous, l’entreprise aux business en tous genres, détenue par le conférencier d’extrême droite. Si en 2012 elle déclarait au registre du commerce un chiffre d’affaire annuel de 640.400 euros, pour un bénéfice net de 64.300 euros, la SARL n’avait plus rendu ses comptes publics depuis cette année-là.

Mais StreetPress a pu consulter un extrait de relevé bancaire pour l’année 2014. Il détaille ses recettes et ses dépenses sur un mois. Si ce document ne permet pas de donner le chiffre d’affaire précis de Culture pour tous sur les derniers exercices, il atteste de la bonne santé financière de l’entreprise. En octobre 2014, la PME a généré plus de 170.000 euros. Ce qui rapporté sur un an, équivaudrait à plus de 2.000.000 d’euros de chiffre d’affaires. De quoi se payer des déjeuners d’affaire à la Closerie de Lilas, une brasserie très huppée du 6e arrondissement parisien, comme le montrent les notes de frais de la SARL « antisystème ».
closerie.jpg

2Quelques salariés et une team d’auto-entrepreneurs

Culture pour tous constitue un débouché professionnel pour les petits soldats de « la dissidence ». Mais les places sont chères et seuls les plus proches lieutenants d’Alain Soral ont droit à leur part du gâteau. La PME emploie 5 salariés, parmi lesquels Julien Limes, son bras droit, rémunéré 2.500 euros net en tant que gérant de l’entreprise auxquels il faut ajouter ses dividendes au titre de son statut d’actionnaire minoritaire (20% des parts). L’équipe est composée d’une secrétaire à mi-temps payée 800 euros, d’un technicien vidéo et de deux personnes en charge de la logistique dont les salaires varient entre 1.500 euros et 2.000 euros net.

Alain Soral, lui, n’oublie pas de se verser des mensualités : 2.500 euros net. Mais il peut compter sur d’autres ressources. D’abord des revenus fonciers qui lui rapportent un peu plus de 12.000 euros par an, selon un document fiscal que nous avons consulté. Puis ses 80% de dividendes sur les bénéfices de Culture pour tous – 24.000 euros en 2012, un chiffre qui a dû augmenter proportionnellement aux résultats – et, bien sûr, ses droits d’auteurs, évalués à 300.000 euros depuis qu’il est édité chez Blanche en 1996.

Derrière, c’est un petit bataillon d’une dizaine de supporters qui multiplie les tâches diverses et variées. Employés au statut précaire d’auto-entrepreneur, Culture pour tous s’exonère de charges sociales pour ces prestataires.

3Kontre Kulture, fleuron du soralisme

Le cœur d’activité d’Alain Soral est la vente de livres sur internet, via sa librairie en ligne Kontre Kulture, surnommée en interne « Koca-Kola » et qui dépend de la SARL Culture pour tous. Le business plan de cette boutique web : regrouper les ouvrages d’une petite trentaine de maisons d’éditions, consacrées à la littérature ésotérique, nationaliste ou conspirationniste. Le marché est porteur car les e-librairies spécialisées ne sont pas légion. Quant à l’investissement, il est minime : Kontre Kulture se charge de proposer les bouquins sur ses étagères numériques et d’encaisser des chèques à hauteur de 40% et 50% du prix de vente, laissant parfois les éditeurs partenaires s’occuper eux-mêmes de l’expédition des bouquins.

Mais le modèle fait grincer des dents chez les autoproclamés « dissidents ». Dans un mail daté du 18 novembre 2014, c’est Salim Laïbi, gérant de la petite maison d’édition Fiat Lux avec qui il s’est brouillé depuis, qui s’offusque des marges pratiquées par Soral :

« Vous vous prenez pour qui en demandant 50% sur les livres, alors que même la FNAC ne demande que 40% avec toutes ses infrastructures nationales et ses centaines de salariés, sans oublier Amazon le leader mondial qui n’en demande que 25% ? »

 

4Un établissement scolaire privé ouvert par des cadres de ER

Culture pour tous a d’autres cordes à son arc, comme une web boutique consacrée à l’univers du survivalisme ou un e-caviste qui propose un vin estampillé « quenelle ». Un autre commerce en ligne fait les beaux jours d’Alain Soral : Au Bon Sens, qui vend sur le web des produits écoresponsables, allant de coupes menstruelles pour se passer de Tampax pendant les règles à des canneberges séchées pour donner des couleurs à son muesli. Et ça marche : Au mois d’octobre 2014, Culture pour tous a passé 42.250 euros de commande à son grossiste, la société Eau Vive.

eau-vive-ok.jpg

Derrière cette entreprise basée dans le Gard, les époux John et Claire Bengtsson. Ces fidèles d’Alain Soral sont les animateurs de la section nîmoise d’Egalité & Réconciliation, comme ce dernier l’explique dans une vidéo (link is external). Et ils ont des projets plein la tête. A la rentrée 2014, le couple a ouvert sa propre école privée hors-contrat dans un ancien studio de danse du quartier de Saint-Césaire à Nîmes. Dans leurs salles de classe, ils revendiquent dispenser des cours à une quarantaine d’élèves de 2 à 10 ans, répartis entre maternelle et primaire. Contactée par StreetPress, Claire Bengtsson affirme que « les parents ne comprennent plus rien aux méthodes de l’Éducation nationale » et regrette « l’amoralité » de l’école. « Dès la maternelle les enfants se battent, s’insultent, sont humiliés. » Dans une autre interview, (link is external) elle dénonce les « ABCD de l’égalité », ce programme du ministère de l’Education qui avait vocation à sensibiliser les enfants aux inégalités homme / femme.

Vidéo Claire Bengtsson présente ses coupes menstruelles

Pour remédier à cela, le port d’une blouse cousue au nom de l’établissement est obligatoire dans son école de l’EHC Gardoise. Les cheveux des garçons doivent « être courts, ni teintés, ni décolorés » et les boucles d’oreilles leurs sont proscrites, tout comme « les vêtements de marque », tandis qu’ils ont interdiction formelle de « venir à l’école avec de l’argent sur eux ». Rassurez-vous, l’établissement scolaire est déclaré auprès du Rectorat de Montpellier et reçoit chaque année la visite d’un inspecteur de l’Académie. C’est en tout cas ce qu’affirment les Bengtsson. Il vous faudra débourser 2.100 euros pour inscrire votre enfant à la rentrée 2015.

5Une stratégie de web-activisme savamment orchestrée

En attendant les écoles, les émules d’Alain Soral comptent sur Wikipédia pour modeler les esprits. Dans un document siglé Egalité et Réconciliation, que StreetPress met en ligne ici, le monsieur internet du groupuscule Stéphane Condillac, donne ses ordres à son équipe de cyber-militants pour infiltrer l’encyclopédie collaborative. Tel un général Patton du web-activisme, il emploie un vocabulaire martial attestant de l’importance qu’il accorde à sa « cellule Wikipédia » :

« Nous devons avancer par petits bataillons de 3 à 6 personnages, progressivement, de manière à ne pas donner l’idée d’une attaque coordonnée. »

 

Objectif des « opérations » : modifier par petites touches le texte de certaines notices de la web-encyclopédie. On le sait, elles sont éditées par des contributeurs bénévoles. Ainsi, à l’article consacré à la série TV Gossip Girl, Stéphane Condillac, sous le pseudo d’Omnisciens, ajoute ce qu’il estime être « une critique sociologique dans la veine ER (Egalité & Réconciliation, ndlr) ». D’autres thèmes « pop » passent entre ses mains : sur la fiche consacrée à Jamel Debbouze, il accole un paragraphe l’accusant d’avoir causé la mort d’un de ses proches dans l’accident à l’origine de son handicap.

Mais l’essentiel de ses contributions se concentre sur des sujets politiques. La page consacrée à « l’antifascisme » se voit ainsi adjoindre un paragraphe intitulé « Critique pasolinienne de l’antifascisme ». La modification effectuée en 2011 a depuis été nuancée par d’autres contributeurs, sans pour autant disparaitre. En effet, 4 ans plus tard, on retrouve toujours la citation suivante, postée par Condillac : « Une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui, ou du moins ce qu’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. »

6Soral surveille son langage pour ne pas apparaître « antisémite »

Stéphane Condillac, un pseudonyme, est un des plus proches lieutenants d’Alain Soral. Cet informaticien d’une quarantaine d’années, qui a un temps essayé de gagner sa croute en lançant sa marque de boitiers de contrôle parental et qui possède sa petite entreprise de réparation informatique dans le centre de Lyon, est le concepteur de la dernière version du site d’Egalité & Réconciliation. Il est aussi le créateur du site pornographique Telechatte.fr. Dans un mail groupé envoyé à Alain Soral, que les auteurs ont consulté, il lui donne des conseils de sémantique pour lui éviter de tomber sous le coup de la loi et de l’incitation à la haine raciale :

« Nous combattons la religion juive (son idéologie et son projet) et non pas les hypothétiques “Juifs” qui n’existent pas. A mon avis il faut être extrêmement précis sur les termes qu’on utilise. Antisémitisme devrait être banni de notre vocabulaire car ça ne veut rien dire. Ou en tout cas, ça ne veut rien dire d’autre que “judéophobie” car juif est une religion. Or la critique d’une religion n’est pas illégale. Donc on devrait utiliser judéophobe ou, pour adoucir, judéocritique. »

 

Dans un autre courriel, Soral commande, par l’intermédiaire de son bras droit Julien Limes, « un travail de vidéo compil de ses déclarations pro ‘juifs du quotidien’ pour annihiler les accusations d’antisémitisme ». Mais attention ! Le président d’Egalité & Réconciliation met un bémol, soucieux de ne pas se couper de ses supporters anti-juifs :

« Nous n’avons pas à proclamer que nous ne sommes pas antisémites, ça sera mal pris des deux côtés ! »

 

7Soral apeuré par une dissolution d’Egalité & Réconciliation

Si Alain Soral et son staff prennent autant de précautions quant au vocabulaire à employer, c’est qu’ils sont affolés par l’idée d’une dissolution juridique d’Egalité & Réconciliation. Pour y remédier, ils peuvent compter sur l’avocat officiel d’Alain Soral, Me Lahcène Drici, ancien auteur pour l’émission d’Alain Chabat Burger Quizz et ex de Sciences-Pô Paris, mais aussi sur les conseils plus officieux d’Héloïse de Castelnau, inscrite au barreau de Marseille et dont le nom n’apparait dans aucun document public de l’association. Jointe par StreetPress, l’avocate refuse de répondre à nos questions prétextant qu’elle « n’a pas le droit de parler de ses dossiers ». Issue d’une grande famille aristocratique et fille de l’avocat Régis de Castelnau, chevalier de la Légion d’honneur, c’est aussi une admiratrice du maréchal Pétain – elle va décorer sa tombe de l’Île d’Yeu lors de ses vacances, explique-t-elle dans ses mails. Contact privilégié de l’association, c’est avec elle que Julien Limes prend rendez-vous « pour discuter du système à mettre en place en cas de dissolution » d’Egalité & Réconciliation. Ce dernier, qui affirme être en contact avec un « auteur proche des milieux militaires », prétend dans ses mails qu’il existe au sein des services secrets « une cellule qui travaille sur nous ». Parmi les dérapages qui pourraient enclencher une interdiction de l’association, Limes s’inquiète de « l’armement de militants », des « éléments incontrôlés qui prendraient la parole » ou d’ « agressions physiques ».

Une inquiétude qui, selon un ancien cadre de l’association rencontré par StreetPress et qui témoigne sous anonymat, aurait culminé au moment des violences commises en marge des manifestations pro-palestiniennes du boulevard Barbès à l’été 2014. A l’époque, la « Gaza Firm », un éphémère groupuscule dont la figure de proue était Mathias Cardet, un proche d’Alain Soral et ex-ultra du PSG, est soupçonnée de jouer les gros bras en fin de cortège avec l’intention d’en découdre avec des « sionistes ».

8Egalité & Réconciliation enquête et menace

Alain Soral et ses troupes veillent à calmer leurs ardeurs car ils ont la menace facile. D’abord avec leurs ennemis aux mêmes méthodes crapuleuses, comme Ulcan, un hacker proche du mouvement d’extrême droite pro-sioniste la Ligue de Défense Juive. Suite à un reportage de Complément d’Enquête consacré à ce dernier, un fan repère via Google Map sa rue à Ashdod, la ville israélienne où il s’est installé, et s’empresse de l’indiquer au staff d’Egalité & Réconciliation. Puis c’est Stéphane Condillac, le monsieur internet, qui prend le relais :

« On peut donc maintenant remonter à Ulcan (…) Cependant l’hébreu risque de nous aider pour retrouver les noms, adresses, et enquêter un peu. A-t-on des hébréophones ? (qui veuillent bien nous aider) »

 

Trombinoscope avec les photos d’une quarantaine de militants antifascistes, adresse de domicile, numéros de téléphone, noms complets… D’après des documents que StreetPress a consultés, la « sécu » d’Egalité & Réconciliation se rêve en agence de renseignement capable de monter des dossiers sur ses opposants. Alain Soral s’occupe de motiver les troupes en leur envoyant des petits mails, les incitant à passer à l’acte. Florilège : « Il va falloir s’en occuper sérieusement à tous les niveaux » « Il faut qu’on attrape ce fils de pute ! » « L’important c’est de [le] griller au maximum ».

Ou encore :

« Il va falloir s’occuper de ce petit con… Je veux bien me déplacer si une petite équipe m’accompagne et le faire moi-même ! »

 

9Le panier de crabe de « la dissidence »

Et les ennemis d’Alain Soral se multiplient de toute part, même dans son propre camp. L’homme méprise ses compagnons de route. A propos de l’ex-député « dissident », le belge Laurent Louis, il écrit qu’il a « peut-être un avenir politique en Mongolie », deux mois à peine après que les deux hommes ont tenu meeting ensemble. Puis c’est Tepa, l’animateur du site Meta TV, qui en prend pour son grade suite à l’invitation dans son émission de l’éditeur Jean Robin, avec qui Soral s’est brouillé :

« Que tu sois une salope ou un con, dans les deux cas E&R – qui te relayait pour te donner un coup de main – ne le fera plus. Point. »

 

Mais ses piques les plus fréquentes, il les réserve à Noémie Montagne, l’épouse de Dieudonné. On savait, depuis la mise en ligne d’un échange de mail daté de novembre 2013 (link is external), que leurs relations étaient houleuses, suite à des questions de droit d’auteur liées à l’utilisation de l’image de Dieudonné. A l’été 2014, rien n’était réglé. « Pauvre type ! » « Fais pas le kéké ! » « Prends pas la grosse tête Soral ! », peut-on lire sous la plume de Noémie Montagne. « Hystérique », lui répond le chefaillon d’Egalité & Réconciliation qui au passage se charge de lui rappeler de vieilles ardoises :

« Hate-toi de me faire parvenir mon chèque de droits d’auteur 2013 sur la BD, ça c’est de l’argent que tu me dois ! »

 

Car si Dieudonné apporte officiellement un soutien à Soral – on l’a vu témoigner à ses côtés lors du procès de « la quenelle de Berlin » – le conférencier d’extrême droite estime que l’équipe de l’humoriste « se comporte mal avec nous ». Une fois, c’est un stand Egalité & Réconciliation qui est retiré d’une représentation de Dieudonné, puis une prestation de streaming live proposée par le staff vidéo de Soral. « Nous avons acheté du matériel, payé des billets de train… Alors je vais te le dire clairement : vous ne savez pas travailler et vous n’avez aucun respect pour vos partenaires ! », râle le youtuber. Noémie Montagne déplore, elle, que Soral mette « en concurrence » son mouvement avec celui de Dieudonné alors que « en nombre de membres cela n’est pas encore comparable. »

« Le système Soral, enquête sur un facho business », en librairie le 2 septembre. Qui était vraiment Soral avant de se lancer en politique, quel rôle a-t-il joué au Front National, comment fonctionne son organisation ? StreetPress vous emmène dans « la dissidence », dès coulisses de la Main d’Or à la salle de boxe parisienne d’Alain Soral.

 

 

Source : http://www.streetpress.com

 

 

Partager cet article
Repost0
28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 00:53

 

 
 

 

Windows 10, un système de surveillance globale?
© REUTERS/ Thomas Mukoya

International

URL courte
84119405
 
 
 

Windows 10 récolte des informations sur les sites visités, aussi bien que sur les achats effectués par les utilisateurs. De nombreux pays, dont la Russie, l'Allemagne et la Suisse, le soupçonnent d'espionner ses clients, et ont lancé une enquête pour savoir si ce système d'exploitation américain n'est pas un moyen de surveillance.

 

Malgré le fait que les paramètres du système sont bien transparents, il existe des détails qui ont attiré l'œil vigilant des services de protection des informations. Ainsi, l'Allemagne est en train de remettre en question la neutralité du système d'exploitation auprès de Microsoft Corporation, rapporte le journal Süddeutsche Zeitung. La date où Microsoft devra présenter ses explications à ce sujet est déjà fixée, selon le chef du service de protection de l'information allemand Thomas Kranig.

Windows 10 est disponible aux utilisateurs partout dans le monde depuis quatre semaines. Le nouveau système est déjà installé dans un ordinateur sur deux, selon les dernières estimations.

Pourtant, Windows 10 fournit non seulement des améliorations et modifications, mais collecte aussi des informations sur ses utilisateurs telles que le nom, le sexe, l'âge, les achats effectués en ligne et les sites visités. On ignore pour quelles raisons ces informations sont collectées et s'il est possible de l'éviter.

 

Quant à ceux qui ne voudraient pas conférer à Microsoft des droits étendus, on leur conseille de ne pas installer Windows 10, en acceptant tous les paramètres préétablis. On peut également renoncer à un compte Microsoft qui enregistre toute modification et tout document, mais dans ce cas, il faudrait aussi renoncer à certaines mises à jour.

Actuellement, la Suisse et la Russie, suivant l'exemple de l'Allemagne, essaient d'examiner l'activité de Microsoft. Leur objectif principal est de savoir quels types de données collecte Microsoft et dans quel but celles-ci seront utilisées, et si l'entreprise le fera avec l'accord de ces clients. Il est néanmoins possible que cette enquête ait des racines politiques et vise à protéger l'état de l'éventuel espionnage, observe Süddeutsche Zeitung.

 
 
 
 
 
 
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22