Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 21:09

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/mireille-alphonse

 

 

 

Sivens : pour honorer la mémoire de Rémi Fraisse

Dans le drame de Sivens il y a tout. Tout ce que nous, les écologistes (militant-e-s politiques et/ou associatifs, citoyen-n-es) redoutions depuis des années. Dans ce constat navré, nulle espèce de satisfaction du genre “nous vous avions bien dit que cela terminerait comme cela”, ni de plaisir morbide face à un prétendu “martyr écolo” comme certains ont eu l'indécence de l'écrire ; mais tout au contraire, l'immense tristesse de voir se réaliser ce que nous craignions : l'engrenage de la violence avec in fine, la mort d'un jeune homme engagé pour le respect de la nature.

Tout : l'incapacité des pouvoirs publics locaux et des principaux agriculteurs à prendre la mesure de ce qui est en marche – le changement climatique. Mercredi, sur France Info, un agriculteur FDSEA du Tarn, qui aurait été l'un des bénéficiaires du barrage de Sivens, se plaignait des « années de sécheresse qui se multiplient » et insistait sur son besoin en eau et la nécessité du barrage. Mais le changement climatique est une réalité avec laquelle nous devons apprendre à vivre définitivement ! Cela ne va pas aller mieux dans deux ans : les risques de sécheresse sont au contraire en train de s'accentuer et notamment dans les zones méridionales de notre pays. C'est un mouvement de fond, long et durable. L'eau n'est déjà plus un bien accessible à tous dans des dizaines de pays du sud : nous allons devoir apprendre à l'économiser dans nos climats tempérés. Et vite ! Il y a fort à parier que le barrage de Sivens, s'il était construit (ce que je ne souhaite pas), serait à nouveau insuffisant d'ici une dizaine d'années pour alimenter suffisamment en eau des agriculteurs qui refusent de changer de cultures…

Tout : le refus de comprendre, justement, qu'il faut changer de modèles dans tous les domaines. Et notamment dans le secteur agricole. Nous ne pouvons plus soutenir un modèle d'agriculture intensif, fondé sur des cultures voraces en eau et sur des plantes incapables de résister aux différents stress climatiques. Le même agriculteur évoquait ses cultures de maïs, de tournesol, de soja… Dans la période dans laquelle nous sommes entrés, la question désormais vitale pour les exploitations agricoles, pour les paysans et bien sûr in fine, pour les consommateurs que nous sommes tous, est de savoir sélectionner les plantes robustes et les techniques de cultures qui résistent au manque d'eau et sont capables de survivre dans un environnement moins clément. Les chercheurs de l'INRA qui travaillent depuis des années sur ces questions, les paysans réunis au sein du mouvement des Semences Paysannes, tous les militant-e-s d'organismes comme les Colibris ou Kokopelli connaissent ce sujet par cœur et peuvent dès demain proposer aux agriculteurs du Tarn des cultures leur permettant de s'adapter.

Tout : l'incapacité, en cette période de crises multiples – économique, financière, démocratique, sociale – à prendre au sérieux la nécessaire défense de la biodiversité et le rôle essentiel des écosystèmes. La zone humide du Testet est un réservoir de vie pour 94 espèces protégées. Alors que les différents rapports internationaux s'alarment du nombre d'espèces en voie de disparition (ou disparues) dans un laps de temps ultra rapide, inconnu depuis l'apparition de l'homme sur terre, la protection de la faune et de la flore prennent une dimension de toute première importance. Par ailleurs, les zones humides jouent également un rôle essentiel dans nos campagnes, ainsi que le souligne l'ancienne députée européenne EELV, Sandrine Bélier : « Si elles font l’objet d’un effort de protection au niveau national, européen et international, c’est qu’elles ont un rôle économique et social tout aussi important. Elles participent à la régulation des ressources en eau et ont un très fort pouvoir d’épuration naturelle de l’eau. Elles filtrent les polluants et agissent comme une station d’épuration naturelle de l’eau potable. On est là dans les services dits «écosystémiques» rendus gratuitement par la nature et pointés lors du Grenelle de l’environnement.Comme elles sont un milieu de rétention d’eau, elles jouent aussi un rôle dans la prévention des crues. Elles participent aussi à la captation de CO2 et donc à la lutte contre le dérèglement climatique. »

Tout : les errances d'un pouvoir central désorienté, se retrouvant pris au piège de la violence d'État, dans un effort désespéré – vain et dramatique – de masquer son incapacité à comprendre le présent et à préparer l'avenir. Comment en effet appeler autrement l'aveuglement qui amène un Président de Conseil général et un préfet à faire se déployer des gendarmes armés (grenades, Taser…) sur un site naturel, pour “protéger”… l'on ne sait pas bien quoi et ceci alors même que le rapport demandé aux experts du ministère de l'Écologie est encore attendu ? Le président Carcenac disait au Monde, ce jeudi : « Il n'est pas possible que des gens violents imposent leur décision à tous les autres » ! Mais de quel côté se trouve la violence lorsque l'on parle d'un site naturel et d'un futur chantier protégés comme si l'on se trouvait en situation de guérilla ? Lorsque l'on parle d'actes entraînant la mort d'un jeune homme ? Où réside la violence fondamentale lorsque des décideurs politiques ne comprennent pas, et ne veulent pas essayer d'écouter, le message de militant-e-s environnementalistes refusant que l'on détruise une zone naturelle exceptionnelle pour le seul profit d'une trentaine de grands exploitants agricoles ? Où se cache le droit, lorsque les pouvoirs publiques ne sont plus capables d'orchestrer une prise de conscience collective fabriquant de l'intérêt général et se trouvent réduits, au lieu de cela, à obéir aux pressions de quelques-uns ?

Tout : l'incapacité grandissante à se parler, entre groupes aux motivations différentes, dans laquelle notre pays s'enferme. Comment ne pas y voir, avec grande inquiétude, une spirale mortifère pour la démocratie ? De Notre-Dame des Landes au Testet, des Contis à Florange, nous ne savons plus résoudre les crises collectivement. Nous ne savons plus construire une vision d'avenir commun. L'engrenage bras de fer, contestations, reculades, répressions, passages en force et, désormais, mort se reproduit, avec le sentiment, très amer, qu'au final, tout cela ne sert à rien. Le chômage continue son travail de sape dans tous les territoires, les entreprises ferment, les petits agriculteurs sont ultra endettés, 90 % de notre société ne cesse de s'appauvrir (avec au premier rang, les personnes âgées et les jeunes) ! Notre démocratie est au bord du coma… Il est urgent de la ramener en vie en réactivant toutes les formes de démocratie (représentative, participative, locale…), en prenant le temps de co-construire les projets et de faire se rencontrer des intérêts divergents au départ.

En expliquant le nécessaire changement de rapports sociaux, de style de vie et au fond, de civilisation, qu'il nous faut opérer si nous voulons survivre pacifiquement au changement climatique et à la baisse inéluctable des énergies fossiles, André Gorz écrit, dans Ecologica « La sortie du capitalisme aura lieu d'une manière ou d'une autre, civilisée ou barbare. » La barbarie, elle existe déjà : avec le pouvoir islamo-fasciste de Daesh et son pétrole de contrebande ; avec les puissances comme l'Inde ou la Chine qui achètent des terres agricoles au pays du sud les plus pauvres, etc. Mais rien n'est encore inéluctable : la messe n'est pas dite, nous avons encore le choix. Pour que la mémoire de Rémi Fraisse soit honorée dignement, pour tous les enfants du monde : il nous faut emprunter la voie civilisée. Un beau projet pour la – vraie – gauche, me semble-t-il.

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/mireille-alphonse

 

 



Partager cet article
Repost0
1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 19:58

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

« T’as Internet ? » 01/11/2014 à 18h09
Sivens : comment ils sont devenus « zadistes »
Camille Polloni | Journaliste Rue89

 

Le CPE ou la Constitution européenne, Pierre Rabhi ou Notre-Dame-des-Landes : Adeline, Bassam et les autres racontent le chemin qui les a conduits au Testet.


Cratère de grenade dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

(De Lisle­-sur-Tarn) Une fois assise sur l’herbe de la ZAD (« zone à défendre ») du Testet (Tarn) avec un ordinateur ouvert sur les genoux, un chien blanc­ gris couché à côté, une clope et une bouteille d’eau, la question est de savoir comment commencer cet article. Et puis une fille en kaki avec des dreads s’approche.

« Excuse, t’as Internet ? »

Elle a besoin d’aller sur Facebook pour chercher un numéro de téléphone. Juste à côté du barnum bleu à rayures marqué « accueille » où défilent les journalistes toute la journée, on découvre ensemble que des esprits astucieux ont apporté du wifi dans la vallée : MediaZad. Cinq minutes plus tard, la fille revient :

« Excuse­-moi de t’embêter, mais t’aurais pas un téléphone ? »

Incidents à Nantes et Toulouse
Six jours après la mort de Rémi Fraisse, le militant écologiste tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme sur le site du barrage de Sivens, plusieurs manifestations « contre les violences policières » ont été organisées ce samedi 1er novembre. A Nantes et Toulouse, des violences ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre. On compte au moins cinq blessés à Nantes.

Les occupants disposent de matériaux de construction, de bois pour le feu, de nourriture et de pansements, grâce aux dons de tous ceux qui convergent vers la ZAD et à « la récup ». Mais au moins trois ressources manquent : l’eau courante, l’électricité et le réseau.

Les téléphones ont du mal à attraper l’antenne et un accès à Internet est quasiment inespéré. Ceux qui campent ici profitent de leurs excursions pour récupérer leurs textos. Le reste du temps, ils comptent sur le bouche à oreille, les voisins croisés d’un bout à l’autre du site de 2 km de long et les talkies-walkies.

Les discussions sont permanentes, qu’on se connaisse ou pas. Leur volonté autogestionnaire rend les « zadistes » éclectiques : nourris les uns des autres, ils échangent leurs vues sur tout, de la meilleure façon de faire une salade à l’intérêt de mettre en place des discussions non­ mixtes. Et changent parfois d’avis au gré d’une rencontre.

La politique « classique » ? Très peu pour eux

Dans ce qui reste de la forêt de Sivens, personne ne revendique une étiquette définitive. Aucun ne porte sa famille politique en étendard : anarchiste, écologiste, féministe, antifasciste, autonome, pacifiste, antispéciste... Tous insistent sur la pluralité de courants qui les traversent et fondent leur identité.

Pour expliquer leur engagement ou marquer des étapes dans leur parcours, chacun cite des événements différents : les manifs contre le CPE, la vie en communauté, un contre­-sommet, l’expérience de la répression... Ils relient ces luttes les unes aux autres a posteriori.

Ces expériences très variées les ont tous conduits au même endroit, l’opposition au barrage de Sivens, en 2014.

Dresser le portrait intellectuel des « zadistes » oblige à admettre que les frontières bien carrées des mouvements s’effacent devant les influences croisées, les affinités et les parcours en devenir.

« La stratégie d’occupation est pertinente »

« Camille » a 22 ans et des cheveux bouclés, blond vénitien. Elle ne s’appelle pas Camille « pour de vrai ». Comme beaucoup d’autres depuis Notre­-Dame­des-­Landes, elle utilise ce prénom générique pour répondre à la presse sans être trop identifiable. (Depuis que cette coutume existe, plus personne ne me croit quand je donne mon prénom sur une ZAD, mais c’est un détail.)

Camille coupe du chou rouge et accepte très facilement de raconter sa trajectoire, comme la plupart des gens dans la mesure où ils conservent l’anonymat.


« Camille » sur la ZAD, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

Malgré « des parents pas du tout militants », elle a toujours eu « une grosse sensibilité et une tendance à la remise en question ». Etudiante à Bordeaux, elle campe sur la ZAD depuis quelques semaines.

« Ici, certains critiquent plutôt la domination masculine, d’autres la domination de classe ou l’exploitation animale. Tout ça va de pair, je me sens à la confluence des luttes féministes, écologistes, anars. Ici, il y a à la fois une interdépendance entre nous et une indépendance vis-à-vis d’un système qui ne nous convient pas. Pour moi le barrage est l’emblème d’un système oppressant, capitaliste et productiviste.

Je suis assez déçue par la stratégie légaliste, les recours, même si c’est hyper important, parce que même si le barrage est déclaré illégal des années après avoir été construit, ça sera trop tard.

La stratégie d’occupation est pertinente : confondre le lieu de lutte et le lieu de vie. Comme à Notre­-Dame­-des-­Landes, ou à la ferme des Bouillons à Rouen. On peut se réapproprier collectivement des savoirs. Dans la même journée, tu peux être jardinière, charpentière, cuisinière... Je ne me vois pas faire la même chose tout le temps.

Ça fait drôle de raconter ma vie comme ça, mais ma présence ici est l’aboutissement logique d’un parcours. »

« La politique est noyautée par l’industrie »


Hélène Duffau à Gaillac, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Hélène Duffau, elle, a 49 ans. Elle vit dans la région toulousaine depuis vingt ans, apporte un soutien fidèle à la ZAD et fait partie de la « commission communication », mise en place pour faciliter la diffusion des revendications auprès des soutiens et de la presse.

L’écrivaine et consultante m’envoie ce texto avant notre rencontre :

« Bonjour Camille, je peux vous accueillir à la gare, vous guider vers votre hébergement et vous emmener ensuite déguster un verre de gaillac. »

Cheveux courts et gris, béret et imper noirs, foulard noué autour du cou, elle traverse d’un pas vif le centre ­ville de Gaillac où elle habite depuis six mois, indiquant leur chemin à deux aspirants zadistes, et s’assoit à la terrasse d’un bar à vin. Jamais Hélène n’a milité dans un parti politique.

« J’entretiens un rapport au pouvoir incompatible avec ce que je perçois des partis : l’obligation de grenouiller, de séduire, d’être une femme de réseaux. Mais j’ai souvent prêté main forte à Europe écologie - Les Verts et j’ai l’esprit républicain. Le problème est que la politique est noyautée par l’industrie et le système économique néolibéral. »

Particulièrement sensible à « la cause paysanne » et aux « questions relatives à l’alimentation », elle apprécie « l’intelligence collective, le respect, l’écoute bienveillante » au Testet. Plusieurs gendarmes passent sur la place. « Ils sont nombreux ces jours­-ci », constate très calmement la quinquagénaire.

« J’aurais vraiment envie d’aller les voir et de leur dire : bonjour messieurs, excusez­-moi de vous déranger. Est­-ce l’un d’entre vous qui a tué Rémi ? »

« A Paris, qui sait faire un feu ? »

« BBD », barbu­ chevelu en poncho, a 23 ans. Malgré « des influences familiales de gauche socialiste », il était « plutôt apolitique à la base ». Il a « traîné avec des gens du NPA » en Bretagne, en 2011­-2012. Brièvement.

« Ils défendaient les sans-­papiers et avaient des idées concrètes, mais j’ai du mal à me fondre dans des groupes politiques. Il y a toujours des divergences, des questions d’ego. Et la démocratie représentative est une grosse blague, ce n’est pas le peuple mais les représentants qui ont réellement le pouvoir. »


« BBD » dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Depuis l’âge de 16 ans, il travaille une partie de l’année à planter et récolter des melons. L’an dernier, il a « atterri à Notre­-Dame-­des-­Landes » et s’y est retrouvé, pas seulement pour « le lien avec la nature ».

« C’est une expérience qu’on ne peut pas vivre ailleurs, une forme de liberté totale qui touche à l’anarchie au sens étymologique. Une communauté qui respecte aussi les individualités. »

C’est une rupture dans son parcours.

« J’ai pris conscience d’un système arrivé à bout de souffle. Aujourd’hui, il existe un écran entre nous et les savoir­-faire, la nourriture, les représentants. A Paris, qui sait faire un feu ?

Je suis en train de refaire le chemin vers l’enracinement, de me reconnecter à la réalité. »

« On a tapé “ barrage de Sivens ” sur Internet »

Même impression chez Adeline, 32 ans, qui travaille dans l’artisanat. Elle vit dans une maison à Gaillac, à une dizaine de kilomètres de la ZAD, avec son compagnon et leurs deux filles.

« On est du coin mais on n’était pas du tout au courant avant l’été 2013. Quand on a vu des tags “non au barrage”, en ville, on a tapé “barrage de Sivens” sur Internet. On est allés voir sans a priori. D’habitude, je survole le monde politique sans m’y attarder. Je n’ai jamais été membre d’un parti, d’un syndicat ou d’une association.

Sur la ZAD, les gens parlent d’une autre façon de vivre. Ils ont construit des fours en terre, pour la poterie ou le pain, un métier à tisser. Je ne pourrais pas vivre dans la forêt tout le temps, mais les filles sont ravies quand on y va. Quelqu’un leur apprend à faire un collier, juste après une marionnette en paille, c’est merveilleux pour elles. J’aimerais qu’on s’entraide autant entre voisins, c’est une richesse. »


Adeline, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

L’opposition à ce projet est le premier engagement sérieux d’Adeline. Elle participe à la diffusion de la propagande sur Internet. Avant, elle avait seulement protesté contre une fermeture de classe dans l’école de sa fille, et contre la réforme des rythmes scolaires.

« Ça nous concernait plus directement. »

D’autres sont plus chevronnés. « Bassam », une brune de 29 ans venue de Marseille, vit sur la ZAD depuis le 15 août. Elle se souvient très bien du Traité constitutionnel européen, en 2005, son expérience fondatrice.

« Je m’y suis vraiment intéressée. Je suis allée à la fac de droit pour demander des explications à des gens, on a passé des jours de discussion dans la cour de mon immeuble, avec mes voisins. On a fini par voter non. On nous a dit qu’on n’avait pas lu, ou pas compris, et justement, si. C’était notre premier engagement. Je venais juste de commencer à voter et il y a eu une cassure. »

Des banques de semences

Ses jalons à elle ne ressemblent pas à ceux des autres. Elle cite des souvenirs très précis, « mon intérêt pour l’Afghanistan, à 12 ans j’adorais Massoud » et « les lois sur le vivant, qui m’inquiétaient beaucoup ». Elle a toujours privilégié « l’action ultralocale » en lien avec l’agriculture et la transmission du savoir, les banques de semences, les fermes pédagogiques. Pendant dix ans, elle travaille dans le secteur de l’éducation populaire.

« Je me suis rendue compte de l’énorme schisme entre le discours et les actes. Je croyais qu’il s’agissait de développer l’esprit critique des gens pour qu’ils soient en mesure de choisir. En fait, l’éducation populaire est bouffée par la recherche de subventions. »

Sur la ZAD, elle a découvert « la violence policière » :

« Je ne connaissais pas. Depuis que je suis là, j’ai dû partir plusieurs fois me reposer ailleurs pour réussir à gérer cette violence récurrente : la destruction de nos affaires, les blessures, la disparition d’hectares de forêt du jour au lendemain, qui nous faisait perdre tous nos repères sur le terrain. »

Le barrage lui apparaît comme un dossier « symptomatique » :

« L’idée de bien commun et d’intérêt général passe complètement au­-dessus de la tête de nos représentants. J’ai fait une réunion avec une élue, elle demandait tout le temps quel était notre intérêt, qui nous instrumentalisait.

Elle avait pris l’habitude d’un non ­contrôle citoyen sur l’argent public. Il y a une disproportion. Bush et Blair peuvent envahir l’Irak en s’appuyant sur de faux documents, et nous on passe en comparution immédiate dès qu’on jette un caillou. Un grand projet peut être déclaré illégal des années après sans aucune conséquence, et si un particulier construit sans permis on détruit sa maison. »

En ce moment, Bassam s’inquiète aussi du traité Tafta et de la montée du Front national.

« Le sentiment dominant ici, c’est qu’on est en train de perdre les rênes. On ne sait plus où donner de la tête, mais nous ne sommes pas résignés. C’est peut­-être ça qui nous différencie des autres. »

Le CPE, la LRU, les Amap

« BBD », le barbu­chevelu en poncho, a débuté par des luttes plus répandues dans sa génération : le CPE, la LRU quand il était au lycée. A côté de lui son ami « Check », 24 ans, roule des mécaniques.


« Check », dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Lui aussi a débarqué de Notre­-Dame­-des-­Landes fin août, en prévision des travaux. Au lycée, il est passé par plusieurs groupes communistes libertaires et des sections antifascistes dans l’Est de la France. Son baptême du feu : le sommet de l’Otan en 2009. Il a lu des bouquins de Nietzsche, de Cioran, et beaucoup de science-fiction.

« Pas tant d’auteurs “ politiques ” que ça. Sur la ZAD, il y a des légalistes balèses en droit, mais assez peu de gens hyper formés politiquement. »

Parmi les plus anciens, peut­-être ? Hélène Duffau se rappelle la lutte contre l’implantation de la centrale nucléaire de Golfech, en 1976. « J’écoutais en boucle “Radioactivity”, du groupe Kraftwerk. » Ses prises de conscience ont souvent été liées à la musique et la littérature : The Cure et Beckett, Camus. Plus récemment des essais, comme ceux de Pierre Rabhi.

Elle est surtout guidée par une volonté de mettre en adéquation ses actes avec ses convictions : elle a lancé une Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) dès 2004, a opté pour un fournisseur d’électricité coopératif, finance aussi bien Osez le féminisme que Greenpeace et Mediapart, tient des blogs et sert de « point relais douche » pour les zadistes sans eau courante qui peuvent venir se laver chez elle.

La jeune Camille réfléchit aux livres qui l’ont marquée. Elle cite un texte de Jo Freeman : « La tyrannie de l’absence de structure. » Plus récemment, « Le Tour de France des alternatives » (éd. Seuil, 2014), mais aussi deux films de Pierre Carles : « Volem rien foutre al païs » et « Attention danger travail ».

Salon de tisane bio, végétarien et autogéré

Allongé sur l’herbe, un gars écoute la conversation et intervient. « Il y a aussi “La désobéissance civile” de Thoreau. » « Oui mais ça j’ai pas trop aimé », regrette­-t-­elle. Elle revient sur presque dix ans d’initiation politique :

« J’ai fait le CPE au collège, sans trop comprendre sans doute, mais parce que je trouvais ça injuste. Au lycée, dès qu’il y avait une instance ouverte aux élèves, je participais. Comme la “ commission menus ”, où j’ai poussé une gueulante contre le gaspillage alimentaire. J’ai participé à une course organisée par Action contre la faim, puis monté un club de musique avec des copains, plus ou moins autogéré, avec une présidence collégiale.

Quand je suis allée dans des endroits comme ici, des squats politiques et des éco­villages en Amérique latine pendant mes études, j’ai compris que c’était ce que je cherchais. »

Elle continue à faire du bénévolat dans deux associations :

« Un salon de tisane bio, végétarien et autogéré, qui est aussi le QG de plein de collectifs de réflexions. Et une association de vélo-­couture. »

Après avoir entendu ça, je tombe par hasard sur un quadragénaire anglophone qui vit d’habitude dans une forêt du même style près de Cologne. Il se fait appeler Guk et garde une barricade au cas où les gendarmes reviendraient.

Partant pour raconter son « historique » militant, il commence à parler des G8, du mouvement Occupy, des « climate camps » et de l’extinction des espèces. Prêt à laisser surgir des souvenirs de toutes les contestations de ces quinze dernières années. Indéfiniment et en désordre.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 19:25

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Sivens : une vingtaine de plaintes déposées contre les gendarmes

|  Par Louise Fessard et Jade Lindgaard

 

 

 

 

Une vingtaine de plaintes, liées à des violences supposées de gendarmes, ont été déposées devant la justice depuis le 1er septembre par des opposants au projet de barrage de Sivens. Elles montrent que, bien avant la mort de Rémi Fraisse, les occupants de la zone humide du Testet ont été soumis à un régime de violence quotidien, confinant au harcèlement.

Une vingtaine de plaintes ont été déposées devant la justice depuis le 1er septembre par des opposants au projet de barrage de Sivens (Tarn), en lien avec des violences supposées de gendarmes à leur encontre : expulsions sans décision de justice, mise en danger de la vie d’autrui et destruction de biens personnels, tirs de Flashball, tirs tendus de grenades, interpellations violentes, etc.

 

Sur le lieux de la mort de Rémi Fraisse, le 31 octobre 2014.  
Sur le lieux de la mort de Rémi Fraisse, le 31 octobre 2014. © LF

Une semaine après la mort de Rémi Fraisse, tué lors d’affrontements avec les forces de l’ordre dans la nuit du 25 au 26 octobre, ces plaintes et les témoignages recueillis vendredi sur place par Mediapart montrent que les occupants de la zone humide du Testet ont été soumis à un régime de violence quotidien, confinant au harcèlement. Alors que le gouvernement rend « les casseurs » responsables des violents heurts du week-end dernier, Mediapart a reconstitué une chronologie différente : deux mois de tension imposée par la préfecture du Tarn et les gendarmes aux habitants de la zone à défendre (ZAD), qui ont culminé en un quasi état de guerre le week-end dernier.

Côté fonctionnaires, les affrontements ont également laissé des traces. Le 28 octobre, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a décompté, sans plus de précision, 56 policiers et gendarmes blessés depuis le 1er septembre et 81 procédures judiciaires ouvertes. Parmi les blessés, 41 sont en fait des policiers, pour beaucoup blessés après la mort de Rémi Fraisse lors des manifestations en son hommage, notamment à Albi et Nantes. La direction générale de la police nationale ne donne aucune indication sur la nature et la gravité des blessures.

  • LES PLAINTES

La zone humide du Testet qu’occupent les opposants au barrage dépend de la gendarmerie de Gaillac. La plupart des plaintes visent le comportement des gendarmes mobiles, peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), gendarmes locaux et réservistes, lors de leurs nombreuses interventions sur la ZAD pour expulser des habitations ou permettre le passage d’engins et la poursuite du déboisement.

Les plaintes pour violences par agent dépositaire de l’autorité publique sont les plus nombreuses. Nous avions déjà évoqué le cas d’Elsa Moulin dont la main a été grièvement blessée par une grenade jetée par un gendarme dans la caravane où elle s’était réfugiée, le 7 octobre 2014, avec trois autres militants. Opérée en urgence à Albi, la jeune femme de 25 ans, éducatrice spécialisée, a eu un arrêt de travail jusqu’au 21 novembre. Elle a déposé plainte le 30 octobre pour « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente avec arme » devant le doyen des juges d’instruction du pôle criminel de Toulouse. Le matin même, lors de l’évacuation de la maison des druides, Elsa Moulin dit avoir été menacée par un Flashball « pointé sur elle à 1,50 m de distance ».

Quatre plaintes concernent directement des blessures causées par des tirs de lanceurs de balle de défense, qui semblent avoir été très fréquemment utilisés par les gendarmes sur la ZAD. Selon Me Claire Dujardin, qui défend les anti-barrage depuis début 2014, le blessé le plus grave est un jeune homme, touché par un tir le 10 septembre 2014. « Il a eu 45 jours d’ITT (incapacité temporaire totale – Ndlr), explique l’avocate toulousaine. Il dit s’être simplement rapproché des gendarmes mobiles un matin, pour voir ce qui avait été coupé, et avoir été visé alors qu’il n’était qu’à quelques mètres d’eux»


Photo de la main d'un militant qui dit avoir été touché par un tir de Flashball le 10 spetembre 2014. 
Photo de la main d'un militant qui dit avoir été touché par un tir de Flashball le 10 spetembre 2014.

Le 9 septembre, A.M., 19 ans, qui participe à un barrage monté par les opposants au chantier, est blessé au sternum (zéro jour d’ITT). « Nous étions une centaine d’opposants,indique le jeune homme dans sa plainte. Une pierre a touché un CRS au niveau du casque et il a levé son arme sans réfléchir et a tiré sur moi. Il m’a bien regardé avant de tirer au Flashball : j’étais clairement visé et il m’a touché au milieu de la poitrine. (…) Suite au choc, je suis tombé au sol et j’ai crié de douleur. (…) J’ai alors recraché du sang. »  Sa plainte est enregistrée au commissariat d’Albi. Dans la case « nature du lieu », le brigadier de police indique « forêt de Sivens », avant de classer les faits dans la case « violences urbaines »… 

Le 3 septembre, c’est un travailleur social de 24 ans, faisant partie des clowns activistes, qui dit avoir été blessé à la main par un tir de Flashball, près du lieu dit La Bouilllonnante, alors qu’il revenait déjeuner. Lors de son dépôt de plainte à la brigade de Lisle-sur-Tarn, il présente une brûlure à la main ainsi qu’un hématome du nez, avec zéro jour d’ITT, selon un certificat médical. La veille, il dit s’être pris un coup de casque sur le nez par un gendarme alors qu’il discutait et fumait dans la forêt avec trois amis clowns.

Dans plusieurs cas, les militants se heurtent à des refus purs et simples de prise de plainte, classée en simple main courante. « L’officier de police judiciaire de Valence a refusé de prendre ma plainte », écrit par exemple S.T. au procureur d’Albi, le 11 septembre. Photos à l’appui, il se plaint d’avoir reçu un tir de Flashball à l’épaule droite ainsi qu’un tir tendu de grenade lacrymogène dans les côtes, qui lui ont occasionné 4 jours d’ITT.

 

Projectile de lanceur de balle de défense photographié par un militant. 
Projectile de lanceur de balle de défense photographié par un militant.

Le 8 septembre, Me Claire Dujardin saisit le procureur d’Albi au nom des militants après une répression particulièrement marquante. Ce jour-là, lors d’une importante mobilisation, cinq personnes avaient décidé de s’enfouir dans la terre pour s’opposer au chantier, en laissant dépasser uniquement leur tête. « Alors que les journalistes venaient de quitter les lieux, les forces mobiles ont envoyé des gaz lacrymogènes en direction des cinq personnes ainsi que de tirs de Flashball », décrit l’avocate toulousaine. Lors de cette charge, une étudiante colombienne, enceinte, qui faisait partie des enterrés, a perdu connaissance et a du être évacuée en état de choc au CHU d’Albi. Une simple entorse a été diagnostiquée.

Pour assurer le déroulement du chantier, les gendarmes ne semblent pas hésiter à employer la manière forte, même face à des personnes âgées. Le 15 sepembre, lors d’un sitting pour protéger quelques arbres encore debout, M. S., un homme de 64 ans, raconte avoir vu débouler « un trio de fous furieux en hurlant : “Tu vas fermer ta gueule, vieux con, ou on t’explose” », puis avoir violemment été interpellé, frappé à coup de matraque et menotté, face contre terre, « une ranger m’appuyant la tête sur la terre battue ». Le tout avant d’être relâché à pied en bordure d’une départementale après un simple contrôle d’identité. Certificat médical à l’appui, G. L., un homme de 69 ans, fait lui aussi état de nombreuses ecchymoses sur tout le corps, suite à des « coups donnés avec une matraque par des gendarmes » le 1er septembre 2014.

Venue soutenir pendant deux jours les anti-barrage, A. B. est elle repartie en état de choc et avec 4 jours d’ITT – « pleurs, tremblements et insomnie », note le médecin. Dans sa plainte au procureur d’Albi, elle affirme avoir été agressée le 29 septembre 2014 par des gendarmes mobiles alors qu’elle bloquait l’arrivée d’engins de chantier, assise en travers d’un chemin avec d’autres militants. Elle indique avoir été insultée – « Lève-toi, connasse » –, traînée par les cheveux, puis « projetée au sol contre le bitume » par un gendarme mobile. Dans l’affaire, son sac à dos, qui contenait tous ses papiers d’identité, les clefs de sa voiture et de sa maison ainsi que sa carte bleue, a été détruit.

Plusieurs plaintes accusent les gendarmes d’avoir délogé des militants qui avaient escaladé des arbres pour s’opposer à leur abattage, sans se soucier de leur sécurité. O. R., un militant installé avec d’autres dans un filet accroché à une dizaine de mètres au-dessus du sol, écrit ainsi que, le 10 septembre, les gendarmes, montés dans une nacelle, « ont carrément coupé les liens qui retenaient le filet aux arbres (…) pendant qu’un gendarme nous visait au Flashball ». Le lendemain, alors que le même militant s’est installé en haut d’un arbre, « à environ douze mèrtres de haut », les gendarmes auraient « tronçonné les branches basses de l’arbre, en poussant le tronc avec la nacelle, (…) risquant consciemment de me faire tomber ».  

Dans une lettre du 11 septembre, leur avocate, Me Claire Dujardin, alerte le procureur de la République d’Albi sur la situation de quatre personnes perchées depuis plusieurs jours « à 18 mètres du sol » et risquant de chuter. Les gendarmes mobiles ont en effet élagué toutes les branches avant de quitter les lieux. Lors d’une nouvelle intervention, le 16 septembre, un autre grimpeur, S. H., dépose plainte pour avoir reçu d'un gendarme « un coup de pied au visage », alors qu’il était perché dans un chêne, à quinze mètres de hauteur. Les plaintes décrivent des déboisements effectués dans la plus grande confusion, un arbre tombant par exemple « à quelques mètres des opposants », le 3 septembre.

Certaines plaintes témoignent de violences beaucoup plus légères, qui relèvent de l’humiliation. Une militante écrit ainsi avoir été saisie par le col, jetée à terre avec son vélo puis « traînée » sur la chaussée par un CRS, le 5 septembre, à la sortie de Gaillac. Un certificat médial atteste d’important hématomes sans prescrire d'ITT.

 

Vidéo réalisé par un militant montrant l'attitude des gendarmes lors de l'évacuation de plusieurs parcelles le 7 octobre 2014.

Mi-septembre, des voisins de la ZAD, excédés, semblent également avoir monté de véritables chasses aux zadistes, armés de barre de fer et de battes de base-ball. Lors de l’ouverture de la saison de la chasse, une page Facebook apparaît : « Dimanche la chasse est ouverte : pour un zadiste tué, une cartouche offerte. » Entendus par la gendarmerie de Lisle-sur-Tarn, deux militants s’étonnent du comportement des gendarmes après une opération de représailles menée dans la nuit du 12 au 13 septembre par des agriculteurs voisins, armés de battes de base-ball. Ces derniers accusaient les zadistes d’avoir ouvert la porte de la volière de leurs faisans.

Les deux hommes, saisonnier et menuisier, décrivent un véritable guet-apens monté en pleine nuit, alors qu’ils repartaient en voiture de la ZAD vers le village voisin de Gaillac : vitres brisées, coups de battes sur le visage et le corps, insultes. Le conducteur a eu trois jours d’ITT. Appelés par les « agresseurs » eux-mêmes pour un prétendu « accident de la route », les gendarmes débarquent rapidement. « Je cherchais leur protection, explique l’un des conducteurs dans sa plainte prise à la gendarmerie de Lisle-sur-Tarn. Les gendarmes ont dit: “C’est bien fait pour vous”. » Les deux hommes indiquent que les gendarmes ont contrôlé leur identité mais pas celle de leurs « agresseurs », « ce qui nous étonne ». « Ensuite, les forces de l’ordre nous répètent un discours quasi similaire à celui entendu précédemment par nos agresseurs », expose le menuisier dans sa plainte. À leur départ, « les autres protagonistes restent, eux, sur le bord de la route avec les gendarmes ».

Côté gendarmes, fin août, deux militaires ont été blessés aux genoux par des jets de pierres, lors d’une intervention contre des barricades montées par les opposants pour empêcher le début des travaux sur la « retenue environnementale », comme les enquêteurs l’appellent dans leurs procès-verbal. Les gendarmes ont photographié des cocktails Molotov, des bouteilles d’acide chlorhydrique, des jerricanes d’essence ainsi qu‘une bouteille de gaz « dissimulée dans une barricade ». Pour les gendarmes de Gaillac chargés de l’enquête sur l’agression subie par leurs collègues, « l’action exercée par les manifestants n’a visiblement qu’un but : blesser les forces de l’ordre ». « En effet, les opposants ne se sont pas contentés de retarder l’action des forces de l’ordre mais ont tendu de véritables pièges », écrivent-ils dans leur rapport du 27 août. Ils décrivent des obstacles « tels que fils de fer, troncs d’arbre et branchages, palettes en bois, pneumatique, divers objets métalliques et tranchants, panneaux de signalisation routière ».

Mais les trois jeunes militants, placés en garde à vue pour participation à un attroupement armé et violences sur des gendarmes, ont été relaxés en comparution immédiate, le 29 août 2014, pour insuffisance de preuves. Un adjudant du PSIG a été sérieusement blessé à la main le 15 septembre lors d’une interpellation (45 jours d’ITT). Deux zadistes, accusés de lui avoir porté un violent coup de pied ainsi qu’à un autre gendarme, ont été condamnés en comparution immédiate, le 17 septembre, à deux mois et quatre mois de prison avec sursis, plus un mois pour l’un d’eux pour refus de prélèvement ADN. Les deux militants ont fait appel.

« C’est la guerre civile »

 

Manifestation devant le conseil général d'Albi, le 31 octobre (JL). 
Manifestation devant le conseil général d'Albi, le 31 octobre (JL).

La zone humide du Testet a été occupée à deux reprises par les opposants au projet de barrage : une première fois d’octobre 2013 à mai 2014, puis à partir de la mi-août. Plusieurs parcelles sont investies : La Bouillonnante, Gazad, l'ancienne bâtisse dite La Métairie, ainsi que “la Maison des Druides”, nichée dans la forêt. Des plateformes s’érigent dans les arbres, pour surveiller l’arrivée des intrus et rêver un peu, le nez dans les nuages. À partir du 1er septembre, les travaux de défrichement de la zone démarrent. Dès fin août, les méthodes des gendarmes se durcissent.

Avant, « les gendarmes du coin venaient tous les jours ou presque, c’était toujours les mêmes, raconte une membre de la legal team. Ils n’étaient pas méchants. Ils nous appelaient parfois avant de venir et on avait leurs numéros de téléphone. Il y avait un dialogue, une relation d’humain à humain ». Quand les bûcherons arrivent pour couper les arbres de la zone humide, ce sont des gendarmes mobiles qui sont envoyés sur le terrain, parfois habillés de noir, parfois en tenue de camouflage. « On ne connaissait plus personne. Le dialogue n’était plus possible. Ils nous tiraient dessus », poursuit la membre de la legal team. La ZAD devient un théâtre d’opération militaire où interviennent aussi des membres de pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, la “Bac” des gendarmes. « Un vieux gendarme nous a dit : “Les membres du PSIG, vous savez comment on les choisit : rien dans la tête et des gros bras” », rapporte un zadiste.

De passage ou habitants réguliers de la zone, certains occupants refusent de porter plainte contre les forces de l’ordre, par méfiance à l’égard de la justice ou peur de se voir reprocher eux-mêmes des violences. Les témoignages recueillis ci-dessous ne font pas jusqu’ici l’objet de procédures judiciaires. Un jeune homme dit avoir reçu une balle de Flashball dans la cuisse alors qu’il lançait des cailloux avec un lance-pierre sur des gendarmes qui protégeaient le chantier de déboisement. « J’ai boité pendant deux jours, après j’ai eu la rage. C’est contreproductif : soit tu perds la vie ou un œil, soit tu y retournes encore plus fort ! » Il décrit un « nouveau » type de balle de Flashball, insérée dans un cylindre dur : « Elle ne s’écrase plus, ça fait plus mal. » Un autre, dénommé Hector, dit avoir reçu une balle de Flashball tirée à moins de deux mètres, sur le cœur, heureusement protégé par une flasque glissée dans une poche. Ainsi qu’une grenade assourdissante sur la tête, protégée de justesse par un bouclier.

Plusieurs personnes décrivent des jets de grenades lacrymogènes dégageant d’abord une petite fumée jaune puis une fumée blanche « qui fait vomir, donne mal au crâne », décrit Moktar. « Je m’en suis prise une, je suis tombée au sol, les bruits, ma vision, ma perception étaient perturbées, raconte une jeune femme. J’étais K.O. pendant trois jours, avec une migraine jusqu’en bas des cervicales, le bide retourné et des problèmes d’équilibre. Ce sont des lacrymos incapacitantes, elles causent des pertes sensorielles. » Plusieurs témoins rapportent l’envoi de grenades en tirs tendus, une pratique interdite. Ainsi que l’usage de grenades assourdissantes et ce qu’ils identifient comme des grenades de désencerclement. Le sol déboisé de feue la zone humide est jonché de palets de grenades lacrymogènes et de cuillères de grenades, servant à les dégoupiller. Une jeune femme en porte dans ses dread locks. « On les recycle, elles nous servent de cuillère, tu peux l’écrire ! »

Une enseignante de 59 ans, qui a participé à une action de barrage routier près de la ZAD, témoigne dans une attestation écrite auprès de la justice avoir vu la scène suivante : « Les personnes au sol, qui étaient parfaitement pacifiques, sont matraquées et traînées au sol par des gardes hystériques. Celles qui se relèvent sont immédiatement projetées au sol et de nouveau battues. La projection de gaz lacrymogène est telle que l’atmosphère devient rapidement irrespirable dans les véhicules dans lesquels nous étions remontés. » Son récit se poursuit : « Les gardes mobiles se dirigent alors vers les véhicules, brisant les vitres à coup de matraque sans souci des personnes à l’intérieur. les portes sont ouvertes avec une brutalité injustifiée et les occupants arrachés de leur siège et projetés au sol. »


La zone humide du Testet, après déboisement, 31 octobre 2014 (JL). 
La zone humide du Testet, après déboisement, 31 octobre 2014 (JL).

Les gendarmes du PSIG « nous disent qu’on pue la pisse, qu’on pue la merde, qu’on est des petits merdeux, des écolos de merde », raconte une jeune femme, marquée par ces insultes évoquant une préendue saleté. En guise de riposte, une jeune femme s’est un jour déshabillée devant les gendarmes pour se laver sous leurs yeux. Des zadistes disent aussi avoir entendu nombre d’insultes à caractére sexuel : « Sale pute », « Viens me sucer », « J’étais en train de baiser ta mère. »

Dès fin les premières interventions, fin août, Éric, vieil habitué des luttes contre les grands projets d’équipement, a entendu au Testet un chef de gendarmes mobiles dire à ses hommes : « Allez les gars, faut foncer », alors qu’« on était encore tout peace and love. Chaque fois, ils arrivent en trottinant et en nous poussant pour nous impressionner ».  

Un autre occupant parle de pratiques « ultra  humiliantes ». Un Flashball aurait été braqué à deux mètres de la tête d’un habitant de “la maison des druides”, lors d’une descente de gendarmes. Sa compagne fond en larmes. « C’est pas la peine de pleurer mademoiselle. » Ils venaient une à deux fois par jour à “la maison des druides”, un lieu pacifiste et vegan, sans alcool, sans drogue et « sans musique électrifiée ». « Ils sont venus douze fois en deux semaines, raconte un habitant. Ils nous tenaient à l’écart, tout ce qu’ils ne cassaient pas, ils le brûlaient. » Il raconte avoir été tabassé. « C’est la seule fois qu'ils sont arrivés de nuit, en criant : “Contact, contact !” Je me suis pris des coups de pied et de tonfa, j’étais plaqué par terre. Ils m’ont marché dessus. » Ils ont finalement été expulsés le 29 septembre alors qu’aucune décision d’expulsion n’avait été rendue, explique leur avocate.

Lors de l’expulsion d’une autre parcelle, « des personnes ont été enfermées dans une caravane et une tente, avec des bâches positionnées au niveau des sorties », décrit leur avocate. À une autre occasion, les cinq habitants d’une caravane installée sur une parcelle non expulsable sont enfermées dans l’habitacle par des gendarmes mobiles : « Toutes les fenêtres sont bloquées de l’extérieur pour nous empêcher de voir ce qu’il se passe dans le camp, racontent-ils dans une attestation écrite. Un des gendarmes met une couverture sur le toit et se positionne près de la trappe, une bombe lacrymogène à la main. Nous ne pouvons savoir ce qu’il se passe dehors uniquement par contact radio. Nous restons enfermés une heure et demie sans perdre notre courage ni notre humour. »

Pour vider la ZAD de ses habitants, les gendarmes détruisent leurs habitations (yourtes, cabanes…) et brûlent leurs affaires, dans des tranchées, à l’essence. Comme sur le campement dit Gazad, le 29 septembre : « Ils brûlent tout, même la vaisselle, les casseroles, les poêles, les outils, des instruments de musique, des sacs de couchage, des matelas, des cartes bancaires, des papiers d’identité », décrit un habitant. « On est plein à être nomades », raconte une jeune-femme, « nos vies sont dans nos sacs à dos. Quand ils les brûlent, on n’a plus rien : plus de chaussettes, plus de papiers d’identité, plus d’habits. » Des parcelles sont expulsées une à une, y compris lorsqu’elles ne sont pas expulsables en l’absence de décision judiciaire, selon des zadistes. « Même quand tu es pacifiste, ils sont en mode barbare », selon Arnaud, qui raconte s’être pris un gros coup de matraque dans la cuisse, un après-midi qu’il faisait la sieste à la Métairie.  

Entre zadistes et autorités, l’incompréhension est totale. Alors que la préfecture du Tarn s’inquiète de la présence d’un drapeau de l’État islamique (Daesh) dans les rangs des opposants au barrage, des occupants racontent avoir inventé un faux « Front islamiste de soutien au Testet », le FIST (“poing” en anglais, comme dans fist-fucking) pour se moquer des forces de l’ordre. Un drapeau a même été conçu : un arbre portant burqa et Molotov. « C’était de l’humour ! » explique Sam, « parfois on crie aussi Allah Akbar. »


Départs de feu causés par des impacts de grenades sur le lieu des affrontements du 25 octobre 2014 (JL). 
Départs de feu causés par des impacts de grenades sur le lieu des affrontements du 25 octobre 2014 (JL).

Tout cela montre une violence inhabituelle dans ces bourgades rurales. Dans les gendarmeries, on entend les agents rentrer du terrain en disant : « C’est la guerre civile », « C’est la guerre sur la zone. » Les autorités locales semblent déconcertées par le profil des militants. Les habitants de la ZAD du Testet sont jeunes. Parmi eux, on trouve des intérimaires, des saisonniers, des travailleurs sociaux, des étudiants, des demandeurs d’emploi. Ils ne sont pas tous installés sur la zone. Certains n’y passent que quelques jours ou quelques semaines. Plusieurs personnes rencontrées sur place parlent spontanément de leurs enfants.

Pourquoi un état de guerre qui ne dit pas son nom a-t-il été déclaré sur la ZAD du Testet ? À cause d’un redoutable calendrier politique, imposé par le président du conseil général du Tarn, Thierry Carcenac, inquiet de perdre les subventions européennes au projet de barrage (voir ici notre enquête). Par ailleurs, un nouveau commandant de gendarmerie, Emmanuel Leibovici, 45 ans, diplômé en sciences comportementales et spécialisé dans la lutte antiterroriste selon La Dépêche du midi, vient de prendre ses fonctions sur place. Un nouveau préfet, Thierry Gentilhomme, est arrivé fin juillet. Ces hommes nouveaux venus ont-ils voulu imprimer leur marque sur ce territoire en contestation ouverte ?

Dansons sur les ruines du vieux monde

La nuit de la mort de Rémi Fraisse, d’autres personnes ont été blessées parmi les zadistes : au moins cinq, selon le décompte en cours de leur avocate, Claire Dujardin. Marc, 56 ans, surnommé “papi”, ancien fonctionnaire de la DRIRE, expert en poids lourds, transports en commun et matières dangereuses, a été blessé au thorax par un tir de projectiles (sans doute un Flashball) en provenance des forces de l’ordre, entre 1 heure et 1h30 du matin. Il souffre d’une contusion pulmonaire et a reçu une ITT de 13 jours.

« Je n’aime pas trop être dans la foule. Je me suis placé à gauche, face aux gendarmes, là où est mort Rémi Fraisse. Il y avait des feux allumés sur le côté droit et des tirs sporadiques. Vers 1h15, 1h30, quelques personnes se sont approchées de moi. On a discuté. Nous étions une vingtaine à cet endroit. J’ai reçu un projectile en haut à droite du thorax. J’ai entendu un mec dire: “Ça y est, je l’ai shooté.” Ça m'a fait pivoter sur moi-même, ça m’a retourné. Tout s’est mis à tourner. J’avais des difficultés à respirer. Un jeune homme m’a retenu et m’a conduit jusqu’au premier feu du campement. Le lendemain au soir, j’ai commencé à cracher un peu de sang. » Quand on le rencontre, l’après-midi du jeudi 30 octobre, « c’est toujours douloureux ».

La même nuit, Florian dit avoir reçu deux tirs de grenade lacrymogène non dégoupillée : c’est le tube entier, qui contient les palets, qui l’a heurté. « La première fois, c’était un tir hasardeux, je l’ai reçu sur le tibia. Mais la seconde, ils m’ont visé. Ils me suivaient de leur faisceau lumineux. C’était vers minuit et demi. » Six jours plus tard, un énorme hématome violacé s’étale encore en haut de sa cuisse.

Camille a reçu une balle de Flashball en haut du torse à droite. Six jours plus tard, le contour de l’impact est encore très net. Le médecin qui l’a reçu lui a accordé huit jours d’arrêt de travail, selon son avocate. « J’étais à 20 mètres des gardes mobiles. J’avançais derrière mon bouclier. Ils me suivaient avec leur lumière. À un moment, j’ai levé la tête et ils m’ont tiré dessus. »

Une membre de la legal team raconte avoir vu des personnes qui portaient secours à un opposant mal en point après avoir reçu une grenade, « se faire grenadifier et gazifier. C’est un des trucs les pires que j’ai vu. C’était révoltant ».  

 

Autel en hommage à Rémi Fraisse, sur la ZAD. (JL) 
Autel en hommage à Rémi Fraisse, sur la ZAD. (JL)

D’après plusieurs récits recueillis par Mediapart, ce soir-là, les gendarmes éteignaient et allumaient régulièrement leurs lumières (projecteurs, phares de camions, lampes Maglite). « On ne voyait rien. Des flics, on ne voyait que des silhouettes découpées », se souvient un participant. Au départ, les gendarmes mobiles sont positionnés sur un terre-plein entouré de douves, à quelques mètres d’un engin de chantier brûlé et des restes d’un Algeco détruit par des opposants. En face, plusieurs dizaines d’opposants. Certains leur envoient des projectiles. D’autres regardent. Un groupe de pacifistes s’est formé à proximité des gendarmes mobiles. Rémi Fraisse se trouverait près d’eux.

Grenade recyclée par les zadistes. 
Grenade recyclée par les zadistes. © LF

En plus des habituels projectiles (balles de Flashballs, lacrymogènes, grenades de désencerclement), les gendarmes utilisent depuis la veille une nouvelle arme, selon plusieurs témoignages de zadistes : les grenades explosives, dites OF F1. « C’était hyper impressionnant, décrit une membre de la legal team de la ZAD. Elles font moins de bruit que celles de désencerclement et dessinent un cercle de feu quand elles tombent par terre. » 

« Ça n’a jamais été aussi fort que ce soir-là », témoigne Mokhtar, qui se souvient avoir entendu une sommation des gendarmes, le vendredi soir, veille de la mort de Rémi Fraisse : « Attention LBD (lanceur de balle de défense, autre appellation du Flashball  Ndlr) et grenades explosives. » Le samedi, « on s’en est pris plein la gueule. Ça fait une flamme quand ça tombe, de la fumée noire, ça sent un peu la lacrymo ». Également présent sur les lieux ce soir-là, Florian dit en avoir vu « beaucoup, elles faisaient un bruit énorme qui retentissait dans toute la vallée. C’est la première fois que je voyais des gendarmes mobiles violents comme ça ».

Auparavant, ce type de grenades ne semble avoir été utilisé qu’une seule fois sur la ZAD. « C’était la nuit, ils ont annoncé au mégaphone : “Attention, nous allons faire usage de grenades à effet de souffle”, se souvient Moktar. J’ai vu des gens projetés par terre. »

Un jeune maraîcher bio, venu d’Auvergne : « On est venu planté des pommiers. On a semé de l’engrais vert, un mélange de céréales pour régénérer le sol. L’après-midi, c’était bon enfant, au début. Puis, ça été le feu d’artifice. Ça pétait dans tous les sens. On entendait les explosions à un kilomètre. Ça fait une dizaine d’années que je suis dans des luttes, je n’avais jamais vu ça. »

Le décompte des blessés du week-end  parmi les zadistes n’est pas facile. Personne n’a été transporté à l’hôpital : tous n’ont pas de carte Vitale, certains n’ont pas du tout de papier d’identité. Lundi 27 octobre, des occupants de la ZAD ont déversé devant la préfecture quantité de palets de grenades et d’étui de lacrymos ramassés sur les lieux des affrontements. « On est venu vider nos poubelles », résume un zadiste. Près d’une semaine après les heurts, la terre est encore jonchée de restes d’armes que l’on ramasse à la pelle.

Sur le lieu de la mort de Rémi Fraisse, un autel a été dressé. Des feuilles de papier annotées sont accrochées au grillage. Des palets de lacrymos servent de décoration. Derrière, une longue banderole fait face au terre-plein qu’occupaient les gendarmes la nuit du décès : « Ni oubli, ni pardon, ni négociation. Pas de justice, pas de paix pour Rémi. Dansons sur les ruines du vieux monde. Acab (acronyme de l'expression “all cops are bastards”–Ndlr). » 

Depuis dimanche et la mort de Rémi Fraisse, plus un policier ni un gendarme n’a été vu sur la ZAD. Vendredi 31 octobre dans l’après-midi, un hélicoptère a effectué, à basse altitude, plusieurs passages au-dessus de la zone.

Les deux juges d’instruction chargées de l’enquête sur la mort de Rémi Fraisse se sont rendues sur place jeudi 30 octobre. Les analyses du sac à dos que portait le manifestant confirment la thèse d'un décès causé par une grenade offensive des gendarmes, selon une dépêche de l’AFP, vendredi soir. Le rapport d’autopsie est attendu lundi, selon Me Arié Alimi. La famille n’a toujours pas pu voir le corps du jeune homme.

 

 

Lire aussi

 

Boîte noire : Ce reportage s'est déroulé les 30 et 31 octobre à Toulouse, Albi et Lisle-sur-Tarn. Presque toutes les personnes interrogées sur la ZAD du Testet apparaissent dans cet article sous un nom d'emprunt. Contactée vendredi matin, la gendarmerie nationale n'avait pas les éléments pour nous répondre vendredi soir. Nous avons également contacté vendredi matin les parquets d'Albi et de Toulouse pour savoir quelles suites avaient été données aux plaintes, sans réponse pour l'instant.

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


 

Partager cet article
Repost0
31 octobre 2014 5 31 /10 /octobre /2014 21:44

 

Source : tantquilyauradesbouilles.files.wordpress.com

 

 

Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ?

 

Samedi soir, sur le chantier du barrage de Sivens, aux alentours de 2h du matin, Rémi est mort.

Pour ceux qui ont été présents ces six derniers mois au Testet, pour ceux qui ont été des batailles de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, pour ceux qui au moins une fois se sont retrouvés face à une ligne de flics, une évidence s'impose : ni bavures, ni « mort suspecte », nous parlons ici d'assassinat.

 

Samedi soir, Rémi est mort après une longue journée d'affrontements. La veille, des opposants ont mis en fuite les vigiles du chantier, parvenant à reprendre du terrain et à détruire par le feu ce qui restait encore sur le chantier. Le lendemain, les gendarmes mobiles sont revenus protéger un parking désormais vide. Alors que la mort de Rémi a été constatée à 2h du matin par les pompiers, les gendarmes ont continué à tirer sur les manifestants jusqu'au petit matin. Contrairement à ce que dit la presse, de nombreux blessés ont été soignés par nos propres moyens sur la ZAD. Au cours de ce week-end, la gendarmerie n'a pas hésité à viser la tête à coup de flash-balls et à faire des tirs tendus de lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Pendant toutes ces semaines d'occupation militaire, les gendarmes ont constamment éclaté des opposants, multiplié les coups tordus. Dimanche soir, à Gaillac, lors du premier rassemblement, après l'annonce de la mort de Rémi et alors que tout laissait à penser qu'ils se feraient discrets, ces mêmes gendarmes ont chargé et dispersé les gens avec véhémence.

 

Ce qui est arrivé à Rémi aurait pu arriver à n'importe lequel d'entre nous, ici ou ailleurs. À n'importe qui d'un peu déterminé ce jour-là et qui mettait en actes son refus. Un jeune homme est mort, qu'il soit « pacifiste » ou « radical », cela importe peu. Samedi soir, il était sur cette colline contre la zone militarisée, pour faire reculer les flics et les machines.

 

Dimanche soir, on a entendu que Rémi était pacifiste, que les gens qui participaient aux affrontements étaient anarchistes. De telles affirmations sont insupportables. Dire ça, c'est entretenir de vielles divisions et faire le jeu du maintien de l'ordre. La force de mouvements et de luttes comme le No-Tav en Italie, la ZAD de Notre-Dame ou autres, c'est d'avoir su justement regrouper en leur sein des pratiques qui, au lieu de s'opposer, se complètent et peuvent s'associer pour aller vers des victoires sensibles et matérielles. L'intelligence de la lutte, c'est de transformer ce qui apparaît trop souvent comme clivages et divergences rigides en tensions questionables et requestionnables permettant de grandir ensemble. Savoir faire force de la multitude des pratiques.

 

L'idée d'une Zone à Défendre se nourrit de ce qui vient d'ailleurs, d'où la bêtise de phrases comme « mais vous n'êtes pas d'ici », « on ne vous a jamais vu ». Sans soutien massif, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes n'aurait jamais pu faire face aux flics et aux machines. La ZAD du Testet, comme les autres, n'est pas seulement une question locale, elle porte une idée de la vie en lutte contre la gouvernance, contre l'aménagement du territoire, contre l'existence-même de la police.

 

Ce qu'il convient maintenant de penser, c'est comment répondre.

 

Quand Alexis se fait tuer par la police en Grèce en 2008, c'est tout un pays qui s'embrase. Quand Zyad et Bouna se font tuer après une course-poursuite avec les flics en 2005, c'est des semaines d’émeutes qui s'enchaînent. Ne pas réagir serait une défaite. Il ne faut surtout pas laisser la peur s'installer et nous

réduire à l'impuissance. C'est le devenir de nos vies et de nos luttes qui se joue.

Même si le projet s'arrêtait, ou était suspendu provisoirement, il n'y aura pas de victoire aujourd'hui.

 

On entend dire : « attention, il ne faut pas se laisser aller à la colère », « il faut garder sa mesure », « le projet va peut-être bientôt être abandonné », etc. Cette pensée de la lutte est insupportable. Une vie vaut plus que l'abandon du projet d'un barrage, il faut le rappeler. La rage qui nous envahit aujourd'hui ne pourra être contenue au nom de calculs gestionnaires et par peur du débordement. On ne va pas réprimer par souci stratégico-médiatique la révolte que cette absence fait monter en nous. Peu importe que nous ayons ou non pris part à la lutte contre le barrage. La réaction qui doit aujourd'hui éclater dépasse très largement son caractère local. Déjà hier des rassemblements ont eu lieu un peu partout en France et cela ne va faire que s'amplifier.

 

Peu importe ce que dira l'autopsie.

Peu importe ce que diront les médias. La vérité on la connaît déjà, nul besoin d'attendre la leur: les flics ont tué Rémi.

Nous ne voulons pas de martyr mais faire en sorte que cette mort nous empêche tout retour en arrière. Se donner les moyens d'être victorieux c'est se ressaisir ensemble de cette situation. En premier lieu en

faisant vivre ce qui avait pousser Rémi et des milliers de personnes autour de ces grilles mais aussi en affirmant, par prolongement, notre capacité à faire mouvement.

 

Maintenant, partout, organisons nous.

 

 

A la vie.

 

A Rémi.

 

 

 

Source : tantquilyauradesbouilles.files.wordpress.com

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 18:38

 

Source : www.lesinrocks.com

 

 

“La mort de Rémi Fraisse pourrait mettre le feu aux poudres”
29/10/2014 | 09h22
Des manifestants contre le barrage de Sivens à Albi, le 27 octobre 2014 (Regis Duvignau/Reuters)

La mort de Rémi Fraisse lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens le week-end dernier a ébranlé le gouvernement. Cet événement témoigne d’une fracture entre deux mondes, celui de la raison d’Etat, et celui des contestataires qui militent pour des droits environnementaux, selon le politologue Erwan Lecœur. Entretien.

Plus de cinq mille personnes ont manifesté ce week-end dans le Tarn leur opposition au barrage de Sivens. Au cours d’affrontements avec la police, un jeune homme de 21 ans, Rémi Fraisse, a trouvé la mort. D’après Mediapart, il venait de passer son BTS en environnement et était botaniste bénévole à Nature Midi-Pyrénées, une association affiliée à France Nature Environnement (FNE). Selon le procureur de la République d’Albi, des traces de TNT, utilisé dans les grenades offensives des gendarmes, ont été retrouvées sur lui. Depuis, d’autres affrontements ont eu lieu dans le Sud-Ouest, Cécile Duflot a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions du décès, et José Bové a accusé la police de provocations. Les proches de la victime se sont exprimés dans un texte publié par Reporterre sur le déroulé des événements le soir du 25 octobre.

Le silence assourdissant de Manuel Valls et François Hollande suite à cette mort tragique a renforcé les critiques à leur égard. Ce mardi 28 octobre, ils ont enfin fait part de leur “compassion”, tout en campant sur une position d’intransigeance. Quelles peuvent être les conséquences de cet épisode dramatique ? De quoi la mort de Rémi Fraisse est-elle le nom ? Décryptage avec Erwan Lecœur, sociologue spécialiste de l’écologie politique, auteur de Des écologistes en politique (éd. Lignes de repères, 2011).

Que pensez-vous du silence de l’Etat suite à la mort de Rémi Fraisse lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens samedi 25 octobre ?

Erwan Lecœur – Cette affaire rappelle beaucoup celle de Notre-Dame-des-Landes, et d’autres avant elle. Un appareil d’Etat et un certain nombre de politiques ne sont plus seulement d’une prudence extrême, mais d’une défiance considérable à l’égard de personnes considérées comme des contestataires d’un ordre qu’eux définissent comme républicain. Ils ne voient donc pas seulement cet événement du point de vue des victimes, mais du point de vue de l’Etat, des institutions. Cela fausse sans doute un peu leur appréhension de la mort d’un homme venu contester une décision sur le terrain. Il y a là une sorte de décalage du monde politique d’en haut avec le simple bon sens selon lequel une personne n’a pas à mourir, à être agressée, attaquée, à mettre sa vie en jeu pour une contestation. C’est un problème que le monde politique ferait bien se de poser assez rapidement.

Est-ce que ce traitement politique et médiatique, qui insiste sur la violence qui serait du côté des contestataires, fait partie selon vous d’une guerre psychologique menée contre eux ?

Je n’irais pas jusqu’à utiliser le terme de “guerre psychologique”, mais on voit bien que l’appareil d’Etat a depuis plusieurs années – et pas seulement ces derniers mois – constitué une quasi-théorie sur la dangerosité de mouvements écologistes radicaux. Cette vision a été fortement développée par les services de sécurité intérieurs à l’encontre de ceux qu’on avait appelé “les anarcho-autonomes de Tarnac”. Tout cela avait terminé assez mal pour les appareils policiers à l’époque, puisqu’il a été démontré qu’ils avaient un peu monté les choses en épingle, que la plupart des personnes mises en cause étaient innocentes, etc. On est donc face à une idéologie, une peur, une façon de créer parfois même de toutes pièces une dangerosité vis-à-vis de l’anarcho-écologisme. Des groupes autonomes sont devenus des quasi-terroristes aux yeux de la raison d’Etat. C’est tout le problème : il y a un traitement policier et quasi-uniquement répressif d’un problème qui est principalement politique. On criminalise donc des groupes qui jusqu’à maintenant n’ont jamais revendiqué autre chose qu’un contestation, la plupart du temps non violente, parfois un peu plus proactive en terme de résistance, mais rarement violente en tout cas.

 

 

(Montage vidéo posté mardi par un jeune activiste, qui témoigne des violences survenues quelques heures avant les échauffourées de la nuit)

On a l’impression que depuis Tarnac ce sont des conflits environnementaux qui sont le théâtre des répressions les plus violentes, comme à Notre-Dame-des-Landes, et maintenant aux 1 000 vaches. Comment expliquez-vous cela ?

A travers ce que l’appareil d’Etat appelle la “montée des périls”, on discerne clairement un affrontement entre deux mondes idéologiques, entre deux imaginaires politiques : le monde ancien, celui du XXe siècle, qui veut à tout prix bétonner, développer, et qui considère que le progrès est uniquement là, et un monde beaucoup plus épars, diversifié, autonome, avec des gens venus d’un peu partout, qui viennent contester cet ordre et cette vision du monde entièrement faite de bétonnages, d’aéroports, d’autoroutes et de toutes sortes d’équipements qui aujourd’hui apparaissent non pas comme nécessaires mais dangereux. En l’occurrence on a affaire à des équipements qui sont potentiellement hors la loi, puisqu’ils contreviennent à la loi sur l’eau et les zones humides, que ce soit à Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens.

Il y a véritablement deux visions du monde qui s’affrontent. Aujourd’hui le conflit larvé qui se joue derrière ces répressions extrêmement dures de manifestations est aussi le combat entre deux mondes, entre l’Etat qui considère qu’il est impossible de ne pas réprimer des gens qui contestent un chantier, et un monde qui considère que la justice est du côté de ceux qui se battent pour la nature, l’environnement, et une certaine appréhension du droit. Je pense qu’il y a dans l’appareil d’Etat et chez les politiques une difficulté très forte à appréhender la force des nouveaux droits, sociaux, culturels et environnementaux qui émergent.

A Notre-Dame-des-Landes (NDDL) plusieurs manifestants avaient été gravement blessés. Cette violence d’Etat n’a donc pas changé avec l’arrivée de la gauche au pouvoir ?

Cette forme de violence de la répression n’est plus tellement réservée à la droite ou à la gauche. Elle est transversale au champ politique, de même qu’un certain nombre de visions du monde très économistes, croissancistes ou productivistes. La gauche et la droite ont un peu les mêmes réactions parce qu’elles occupent les mêmes positions de départ, que ce soit à NDDL ou dans d’autres conflits environnementaux. Il y a des formes répressives de l’Etat qui sont restées très en arrière par rapport à l’évolution de la société en général. La gauche et la droite partagent la même peur de la remise en cause d’un modèle productiviste, croissanciste, selon lequel la croissance à tout prix vaut mieux que n’importe quelle solution. Il y a à gauche comme à droite une forme de peur que l’écologie devienne une véritable force dans l’imaginaire sociétal, et potentiellement une force politique. Le PS au pouvoir est celui qui a le plus à craindre d’une forte progression de l’écologisme dans notre société, parce qu’il perdrait sa prééminence dans le camp de la gauche.

C’est la raison pour laquelle des frictions ont lieu ces derniers jours entre les représentants d’EELV et du gouvernement, sur les responsabilités du drame de Sivens?

Oui, tout ce qui se joue sur le terrains des idées et sur le terrain social a des répercussions sur le plan politicien, entre les socialistes et les écologistes : il y a un affrontement qui rappelle celui qui a eu lieu entre socialistes et communistes il y a 30-40 ans, et qui a mené à l’effondrement du communisme dans notre pays. Il est clair que pour les socialistes, et a fortiori pour le premier d’entre-eux – François Hollande – il n’y a que deux solutions : soit ils intègrent l’écologisme dans la pensée social-démocrate, c’est la social-écologie – Delphine Batho et Ségolène Royal incarnent actuellement ce courant –, soit il faut faire disparaître l’écologisme en politique. C’est pourquoi, à chaque fois que les écologistes critiquent la façon dont se comporte ce gouvernement, ils risquent de s’attirer les foudres de ce pouvoir un peu aux abois, qui craint les effets de leurs contestations. Il veut les réduire à leur plus simple expression : un score à la présidentielle qui ne retranscrit absolument pas la force de l’écologisme au sens global dans notre société.

Est-il possible qu’en se montrant aussi dure avec les mouvements sociaux de gauche, l’Etat cherche à donner des gages aux mouvements sociaux de droite que l’on connaît depuis 2012, à montrer qu’il n’y a pas deux poids deux mesures ?

Si jamais tel était le cas, s’il y avait un calcul qui consistait à considérer qu’il faut cogner fort sur l’opposition de gauche, écologiste radicale, pour rééquilibrer symboliquement la répression somme toute relativement faible des excès d’autres catégories à droite voire aux droites extrêmes, alors ce serait un choix risqué. Cela voudrait dire que le pouvoir socialiste déciderait de se couper d’une base de gauche, en s’exposant au dérapage qui consisterait à se mettre à dos l’ensemble des forces politiques qui se revendiquent d’une certaine éthique en politique. C’est le risque, car si les enquêtes prouvent une responsabilité policière dans la mort de ce jeune homme qui semble plus écologiste environnementaliste qu’anarchiste autonomiste, cela pourrait bien coûter beaucoup plus cher politiquement à monsieur Valls que toutes les déclarations de tous les écologistes réunis.

C’est là qu’il y a peut être une erreur flagrante de cette gauche : la mort d’un homme dans une manifestation relativement pacifique vaut toujours corruption pour le pouvoir, qui s’est délégitimé en engendrant une force négative contre un des enfants de ce pays. S’il est démontré que les forces de police sont responsables, alors cela pourrait mettre le feu aux poudres et faire perdre aux socialistes et à la gauche au pouvoir le peu de morale et d’éthique qui lui reste encore pour tenir face à une contestation de plus en plus forte de la part de l’opinion publique. Par conséquent si votre hypothèse était juste, alors je dirais qu’elle mènerait à un échec flagrant, évident et total, dont la gauche ne se remettrait pas avant longtemps.

Propos recueillis par Mathieu Dejean

le 29 octobre 2014 à 09h2

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 15:03

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Les proches de Rémi Fraisse témoignent : « Il n’a pas mesuré ce qui l’attendait »

Grégoire Souchay (Reporterre)

mercredi 29 octobre 2014

 

 

 

Ils n’ont voulu parler qu’à Reporterre et ne s’exprimeront plus dans les médias. Anna, l’amie de Rémi Fraisse, sa soeur Chloé, et des amis proches racontent dans ce texte qui était celui qu’ils aimaient, et ce qui s’est passé le soir du 25 octobre


- Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne), reportage

Trois jours après le drame du Testet, les proches de Rémi Fraisse ont demandé à Reporterre de transmettre ce qu’ils avaient à dire sur la mort de Rémi. Ce témoignage de son amie Anna, de sa soeur, et d’autres amis, a été publié avec leur accord plein et entier.

Dans ce texte, ils reviennent sur la personnalité du jeune homme, le déroulé des évènements du 25 octobre où il se trouvait avec son amie, et les conséquences de cette nuit funeste.

Comme ils le précisent, cet entretien sera pour eux l’unique qu’ils accepteront de livrer sur l’affaire.


- Les proches et amis de Rémi, là où nous les avons rencontrés -


« Un type bienveillant, pacifiste et un peu grande gueule »

Nous connaissions Rémi depuis le collège. C’était vraiment quelqu’un de gentil et de doux. Il était très tolérant, sincère, honnête, mais un peu grande gueule. C’est clair qu’il n’hésitait pas à dire ce qu’il pensait, et il n’était pas du genre à se laisser embarquer sans raison par n’importe qui. Un type bienveillant, très apaisant. Il était extrêmement sociable et parvenait sans peine à se faire de nombreux amis où qu’il allait.

Rémi n’avait aucune implication dans des mouvements politiques organisés, sinon ses activités de botaniste dans l’association France Nature Environnement. Il participait à la protection de la nature dans la région toulousaine. Après un BTS en gestion et protection de l’environnement, il travaillait durement comme intérimaire et avait plein de projets : un voyage en Amérique du Sud, la reprise d’une école mais surtout l’achat d’un terrain. Il souhaitait monter une exploitation de plantes médicinales, se renseignait auprès de professionnels. Il avait trouvé sa voie.

Rémi aimait la musique, jouait avec nous de la guitare, du blues, appréciait beaucoup le reggae. Il avait un jour récupéré un bout de bois mort et creusé lui-même un didgeridoo. Il aimait beaucoup faire des choses de ses mains, par lui-même.


- Renoncule à feuille d’ophioglosse : Rémi participait au groupe de protection de cette plante -

« Il est venu à Sivens presque par hasard »

Rémi est venu à Sivens le samedi 25 octobre presque par hasard. Ce n’était pas un militant, encore moins un activiste. Mais il s’intéressait à la protection de l’environnement, se sentait concerné par ce combat. Comme il connaissait d’autres personnes qui y allaient, il a voulu s’y rendre aussi pour afficher un soutien pacifique.

Je suis arrivé avec lui vers 16 heures sur place [c’est Anna qui parle], on voyait déjà au loin la fumée, l’hélicoptère, on ne s’attendait pas du tout à ça. Mais des personnes nous ont rassurés en nous disant que tous ces événements se déroulaient de l’autre côté de la zone, à deux kilomètres. L’ambiance était étrange entre la fête joyeuse, les animations et discussions près des chapiteaux et de l’autre côté au loin les affrontements, les gaz lacrymogènes qui montaient dans le ciel et les bruits d’explosion.

Nous sommes restés du côté du chapiteau, Rémi a rencontré plein de gens, chantait des chansons, les messages inscrits un peu partout nous faisaient rire, il y avait un bon esprit. C’est là dedans que nous voyions notre place. Nous sommes restés à proximité toute la soirée, à faire la fête.

Vers deux heures moins le quart, dans la nuit, des amis sont allés plus loin voir ce qui se passait. À leurs dires, ça avait l’air impressionnant, on entendait encore les explosions fortes. Rémi a voulu y aller. Le temps de faire le trajet, nous sommes arrivés sur les lieux des affrontements. Les flics tiraient en rafale. Le spectacle était très violent, l’ambiance très particulière, nous n’avions jamais vécu ça. Face à une telle scène d’incompréhension et d’injustice, Rémi ne pouvait que réagir d’une manière ou d’une autre. Il avait un peu bu dans la soirée, mais n’était pas ivre, il avait juste une bouteille de vin et des gâteaux apéritifs dans son sac à dos.

Je l’ai vu partir d’un coup en criant « Allez, faut y aller ! » Il a commencé à courir devant. Il n’avait rien pour se protéger, il n’a pas mesuré ce qui l’attendait. Les flics ont tiré en rafale, je me suis écarté pour me mettre à l’abri. Quand je me suis retournée, Rémi n’était plus là.

Ensuite, les gendarmes ont fait une sortie. On a commencé à le chercher, en allant même tout devant, sans succès. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. J’ai crié son nom dans le champ mais il ne répondait pas. J’ai passé la nuit dehors à le chercher puis à retrouver sa voiture. C’était un cauchemar. Pendant toute cette phase, j’ai perdu mon portable, un objet précieux car il contient nos dernières photos ensemble.

J’ai dormi quelques heures et dès le lever du soleil, j’ai recommencé à le chercher sur la zone des combats. Il n’y avait plus personne sur les lieux. J’ai juste rencontré une fille qui m’a accompagnée jusqu’à l’infirmerie où il n’était pas non plus. Peu après, quelqu’un a crié « Rémi Fraisse ! », il avait retrouvé son portefeuille, perdu en début de soirée. En retrouvant les amis à la voiture, j’ai découvert qu’ils ne savaient pas non plus où il était.

À 10 heures, j’ai donné son signalement au point d’accueil. Ça a beaucoup trainé. Je suis finalement tombé sur un de ses amis qui venait d’appeler les organisateurs. Ce sont eux qui m’ont appris que son corps avait été retrouvé inerte dans la nuit par les gendarmes. J’avais cru qu’il avait été embarqué. Je n’aurais jamais pu imaginer qu’il arriverait un tel évènement.

« Nous ne souhaitons pas que sa mort soit instrumentalisée »

Tout a été beaucoup trop vite depuis sa mort. La famille a été contactée par téléphone pour l’identification. Elle n’a fait qu’une description verbale et nous avons transmis une photo d’identité qui a confirmé qu’il s’agissait bien de lui. Nous n’avons eu aucun droit en amont, on nous a dit d’attendre l’expertise légale. À ce jour, aucun proche n’a pu avoir accès au corps. Nous avons appris le résultat de l’autopsie par les médias. C’est notamment ce manque d’information qui nous a décidés à porter deux plaintes, pour « homicide volontaire » et pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner », pour avoir accès au dossier.

Rémi était quelqu’un de foncièrement pacifiste. L’après-midi avant sa mort, il avait une nouvelle fois défendu cette attitude non violente dans une discussion avec des occupants de la zone...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2014 3 29 /10 /octobre /2014 16:19

 

Source :  www.mediapart.fr


 

Au Testet, agrobusiness, conflit d'intérêts et mauvaise gestion

|  Par Nicolas Bérard

 

 


Le projet du barrage de Sivens se révèle être un savant mélange de conflits d’intérêts, d’alliances politiciennes et d’agrobusiness. Un précédent barrage, celui de Fourogue, promu par le conseil général du Tarn et réalisé dans les mêmes conditions, illustre toutes les dérives d'une gestion locale faisant fi de toute opposition et passant en force. Les travaux du barrage sur la zone du Testet sont aujourd'hui suspendus et Ségolène Royal, sortie de son silence, a convoqué une réunion mardi prochain.

Elle est enfin sortie de son silence. Ségolène Royal, ministre de l'écologie, a annoncé mercredi, à la sortie du conseil des ministres, avoir convoqué une réunion « entre les parties prenantes » mardi prochain 4 novembre, sans préciser si les opposants qui ont occupé la zone du Testet seront invités. « Il faut que l'on trouve une solution qui justifie l'engagement des fonds publics et européens sur des ouvrages comme ceux-là », a déclaré la ministre. De son côté, Thierry Carcenac, président socialiste du conseil général du Tarn, a annoncé la suspension sine die des travaux du barrage. Mais mercredi, dans un entretien au Monde (à lire ici), l'élu socialiste explique ne pas vouloir renoncer pour autant à ce projet.

Le pouvoir et les élus locaux tentent ainsi de désamorcer la crise grandissante que provoque la mort de Rémi Fraisse, ce jeune militant de 21 ans tué le 26 octobre lors d'affrontements avec les forces de l'ordre sur le chantier du barrage de Sivens. « On sentait que ça allait arriver… » Julie, zadiste de 37 ans, n'est guère étonnée par le drame qui a eu lieu au Testet. De nombreux manifestants avaient déjà été blessés et chacun, sur place, s’attendait à ce que les affrontements virent à la tragédie. Le décès de Rémi Fraisse, qui selon toute vraisemblance a été tué par une grenade offensive, n’est donc pas une réelle surprise pour nombre d'opposants : plutôt la confirmation qu’ils ont à faire face, depuis plusieurs semaines, à une réplique totalement disproportionnée des forces de l’ordre.

Pourquoi les autorités ont-elles déployé un dispositif aussi impressionnant de forces de l'ordre et pourquoi celles-ci semblaient bénéficier d’une telle liberté d’action ? Le tout pour un projet qui, selon les termes employés par les deux experts missionnés par le ministère de l’écologie, est tout simplement « médiocre »… La réponse se trouve dans un savant cocktail fait de conflits d’intérêts, d’alliances politiciennes et d’agrobusiness.

 

Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants. 
Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.

Si les opposants, notamment le Collectif Testet, se sont aussi rapidement méfiés du projet du barrage de Sivens, c’est que les méthodes employées par le conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, et la CACG (compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne), maître d’ouvrage délégué, ne sont pas nouvelles. L’étude du barrage de Fourogue, construit à la fin des années 1990, apporte un éclairage saisissant sur les abus constatés, ou à venir, concernant la retenue de Sivens. Car les deux ouvrages ont été construits sur un schéma tout à fait similaire.

Premier enseignement à tirer de ce barrage de Fourogue de 1,3 million de m3 mis en service en 1998 : il est beaucoup trop grand par rapport aux besoins réels des agriculteurs. Mediapart a pu se procurer un mail, daté du 18 octobre 2013, envoyé par le directeur des opérations de la CACG au directeur de l’eau et de l’environnement du conseil général du Tarn, aujourd’hui en charge du dossier de Sivens. Il y fait part de « la faible souscription des irrigations [:] à ce jour 269 ha au lieu des 400 prévus par la chambre d’agriculture ».

Ce surdimensionnement n’est pas sans rappeler celui dénoncé dans le cadre du projet de Sivens. Le Collectif Testet n’a dénombré que vingt exploitants susceptibles d’utiliser le réservoir de 1,5 million de m3 qui a été prévu sur la zone du Testet. Le rapport des experts, sévère dans son constat général mais néanmoins modéré dans son approche globale, estime pour sa part que le nombre de bénéficiaires est « de l’ordre de trente, et les préleveurs nouveaux environ dix ». On est loin des quatre-vingt-un exploitants annoncés par les promoteurs du projet.

Cette surestimation du nombre de bénéficiaires n’est pas financièrement indolore. Non seulement elle conduit à mener des travaux plus importants et donc plus chers que ce que réclame la situation, mais, en plus, elle engendre des déficits chroniques dans la gestion des ouvrages. C’est ce que vient de nouveau démontrer le précédent de Fourogue : dans son courrier, le directeur des opérations de la CACG explique que l’exploitation du barrage souffre d’« un déséquilibre d’exploitation important ».

Alors que les recettes nécessaires à l’équilibre de cette retenue sont estimées à 35 000 euros par an, les recettes effectives annuelles ne sont que de 7 000 euros. Résultat : après quinze années d’exploitation, la CACG déplore à Fourogue un déficit global de 420 000 euros. Pas d’inquiétude, néanmoins : la CACG et le conseil général se sont mis d’accord pour partager la note. S’adressant toujours à son collègue du conseil général, le directeur des opérations de la compagnie écrit dans un mail du 22 novembre 2013 : « Faisant suite à nos échanges en préfecture, je te propose de mettre un poste de rémunération de 50 % de la somme (…), soit 210 k€ correspondant à la prestation suivante : "Grosses réparations (15 ans)". »

La faiblesse des recettes s’explique aussi par un autre facteur : l’ouvrage de Fourogue n’a plus de véritable cadre juridique. En cause : l’annulation de la DIG (déclaration d’intérêt général), que les opposants ont obtenue en justice en 2005 suite à une longue procédure débutée avant le lancement des travaux. En l’absence de cette DIG, la CACG, qui a construit l’ouvrage, n’a pas pu le rétrocéder au conseil général comme cela était initialement prévu.

Pas de mise en concurrence

Le conseil général et la CACG ont-ils cherché à régulariser cette situation ? Une fois de plus, ils ont plutôt décidé de laver leur linge sale en famille. Le département a ainsi signé une petite vingtaine d’avenants successifs pour confier la gestion du barrage à la compagnie. Ce qui n'est pas franchement légal. Un rapport d’audit accablant sur la situation du barrage, daté de mars 2014, note par exemple que la signature de l’un de ces avenants « doit être regardée comme la conclusion d’un nouveau contrat entre le conseil général et la CACG. Ce nouveau contrat s’apparente à une délégation de service public devant être soumise à une obligation de mise en concurrence ».

Mais de mise en concurrence, il n’y a point eu… En outre, grâce à ces avenants, la compagnie d’aménagement gère le barrage depuis désormais quinze ans. Et, prévient encore le rapport, « une durée trop longue peut être considérée comme une atteinte au droit de la concurrence ».


La zone humide du Testet déboisée. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants. 
La zone humide du Testet déboisée. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.

Lorsqu’il s’agit de la gestion de l’eau, la CACG devient vite, non pas l’interlocuteur privilégié du conseil général, mais plutôt son interlocuteur exclusif. Le rapport d’audit explique ainsi que « le contrat de concession d’aménagement a été signé entre le conseil général du Tarn et la CACG en l’absence de procédure de mise en concurrence conformément aux textes applicables aux concessions d’aménagement alors en vigueur. […] Or, la réalisation de la retenue d’eau constituait une opération de construction et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une concession d’aménagement. Contrairement aux concessions d’aménagement, les opérations de construction pour le compte d’un pouvoir adjudicateur devaient déjà être soumises à une procédure de mise en concurrence. »

Grâce à ces « concessions d’aménagement », comme cela est encore le cas pour le barrage de Sivens, la CACG n’a pas à se soucier des concurrents. Il lui suffit de se mettre d’accord sur un prix avec les élus du département.

Pourquoi la CACG bénéficie-t-elle d’un tel favoritisme alors que sa gestion est contestée ?  Une inspection réalisée en janvier 2014 par les services préfectoraux préconisait par exemple certaines rénovations à effectuer sur la retenue de Fourogue. Par courrier, il a été signifié à la CACG que « le système d’évacuation des crues présente des signes de désordre laissant un doute sur la sécurité de l’ouvrage en crue exceptionnelle et nécessite des travaux à effectuer rapidement ». N’ayant reçu aucune réponse de la compagnie dans les deux mois qui lui étaient impartis, les services d’État ont perdu patience et lui ont adressé un nouveau courrier le 15 avril. Ils exigent alors qu’elle se décide enfin à « réaliser rapidement un diagnostic de l’ouvrage déterminant l’origine de ces désordres (…) et [à] mettre en place des mesures compensatoires de surveillance et de sécurité sans délai », ces deux derniers mots étant soulignés pour marquer l’urgence.

La solution finalement adoptée sera d’abaisser le niveau d’eau retenue. Ce qui ne pose aucun problème technique, puisque le barrage est beaucoup trop grand, comme l’explique en creux le courrier du responsable de la CACG : « Le volume consommé en année moyenne pour [l’irrigation] oscille plutôt autour de 200 000 m3. » Ils avaient prévu 900 000 m3

Pour comprendre les liens étroits qui unissent le conseil général et la CACG, il faut se tourner vers le fonctionnement de cette dernière. Société anonyme d’économie mixte, son conseil d’administration est principalement composé d’élus départementaux et régionaux, pour la plupart des barons du PS local ou du parti radical de gauche. Le président de ce conseil, par exemple, n’est autre que Francis Daguzan, vice-président du conseil général du Tarn. À ses côtés, on trouve André Cabot, lui aussi vice-président du conseil général du Tarn, mais aussi membre du conseil d’administration de l’Agence de l’eau, qui finance la moitié du projet de barrage de Sivens (dans le montage financier, l’Europe doit ensuite en financer 30 %, les conseils généraux du Tarn et du Tarn-et-Garonne se partageant équitablement les 20 % restants).

On trouve ensuite des représentants des chambres d’agricultures, tous adhérents à la FNSEA, syndicat fer de lance de l’agriculture intensive. Aucun représentant de la Confédération paysanne dans ce conseil d’administration. Seule la Coordination rurale a obtenu un strapontin, mais ce syndicat se dit favorable au barrage. Pour compléter le tableau, siègent un administrateur salarié et des représentants de grandes banques. Des élus juges et parties, des partisans de l’agriculture intensive et des banquiers, chacun, ici, a intérêt à favoriser des ouvrages grands et onéreux.

Un chantier à marche forcée

Pour y parvenir, ce n’est pas très compliqué : les études préalables à la construction d’une retenue sont confiées à… la CACG, qui se base, pour (sur)estimer les besoins en eau du territoire, sur les chiffres de… la chambre d’agriculture, tenue par la FNSEA. Le conseil général, soucieux de la bonne santé financière de sa société d’économie mixte, n’a plus qu’à approuver, sans trop regarder à la dépense. Un fonctionnement en vase clos qui laisse beaucoup de place aux abus, et bien peu à l'intérêt général.

Exemple, à Sivens : compte tenu du fait que « la quantité de matériaux utilisables pour constituer une digue est insuffisante sur le site et, d’autre part, le coût des mesures compensatoires (…) et du déplacement d’une route et d’une route électrique », le conseil général explique dans sa délibération actant la construction du barrage que « le coût de l’ouvrage est relativement onéreux » – et encore, l’ouvrage était alors estimé à 6 millions, contre plus de 8 aujourd’hui. Pourtant, comme l’ont regretté les experts dépêchés par Ségolène Royale, aucune alternative n’a sérieusement été recherchée, et le projet a été voté en l’état par les élus. Pourquoi la CACG se serait-elle décarcassée à trouver un projet moins cher, alors qu’elle savait déjà qu’elle se verrait confier la construction de cette retenue ?

Il ne reste plus, ensuite, qu’à lancer les travaux, et vite. L’exemple de Fourogue a montré aux élus que, quels que soient les recours en justice, l’important était de finir le chantier avant que les délibérés ne soient rendus. Aujourd’hui, le barrage baigne certes dans l’illégalité, mais il existe…

Le 14 septembre, les manifestants ont eu un aperçu de l’empressement des promoteurs à boucler les travaux du Testet. Ce dimanche-là, ils s’attendaient tous à une mobilisation très importante de forces de l’ordre dès le lendemain. La raison : deux jours plus tard, le tribunal administratif de Toulouse allait rendre son délibéré sur la légalité du déboisement. Grâce à de solides arguments en leur faveur, ils avaient bon espoir que le juge leur donne raison. « Ils vont tout faire pour finir le déboisement avant le délibéré », estimait alors Fabien, un jeune zadiste de 25 ans, qui se préparait à voir débarquer en nombre les gendarmes mobiles au petit matin.

 

Affrontements le week-end dernier au Testet. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.Affrontements le week-end dernier au Testet. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.

Ce fut finalement encore plus rapide : les escadrons sont arrivés dès le dimanche soir afin que les machines puissent s’installer sur la zone, et commencer à couper les arbres restants à la première heure. Le mardi, le tribunal administratif n’a finalement pas donné raison à France Nature Environnement, à l’origine du recours en référé : il s’est déclaré incompétent, tout en condamnant l’association à 4 000 euros d’amende pour « saisine abusive ». Mais, de toute façon, le déboisement avait été achevé quelques heures plus tôt. On n’est jamais trop prudents…

À marche forcée, le conseil général et la CACG entendent donc finir le plus rapidement possible le chantier de Sivens. Ainsi, les opposants n’ont jamais obtenu ce qu’ils souhaitaient : un débat contradictoire avec le président du conseil général du Tarn. Droit dans ses bottes, Thierry Carcenac (PS) n’a jamais pris le temps de les recevoir. Le premier ministre Manuel Valls a clairement exprimé son soutien au projet, ce qui n’a sans doute pas déplu à Jean-Michel Baylet, président du département du Tarn-et-Garonne mais aussi président des radicaux de gauche aujourd’hui si précieux à la majorité socialiste.

Pour que les travaux avancent, les promoteurs ont ainsi pu compter sur le soutien sans faille de l’État et de la préfecture, qui a mobilisé durant des semaines d'importantes forces de l'ordre. Les zadistes, organisés en « automédias », ont fait tourner sur les réseaux sociaux des vidéos prouvant les abus de certains gendarmes mobiles. Lorsqu’il s’est exprimé après le drame, le dimanche 26 octobre, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve s’est pourtant surtout attaché à défendre le travail des forces de l’ordre et à rejeter la faute sur « un groupe [de manifestants] extrémistes de 200 personnes environ ».

Cette course effrénée a déjà eu raison des experts du ministère, qui estiment que, « compte tenu de l’état d’avancement des travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession agricole », « il semble difficile » d’arrêter le chantier. La mort de Rémi Fraisse a mis un coup d’arrêt aux travaux. Mais pour combien de temps ? Deux jours plus tard, Thierry Carcenac n’avait pas du tout l’intention d’abandonner le projet : « L’arrêt total du projet de barrage à Sivens aurait des conséquences sur l'indemnisation aux entreprises. »

Son empressement à reprendre les travaux n'est pas anodin : rien ne dit que, comme pour Fourogue, la déclaration d’intérêt public du barrage de Sivens ne sera pas annulée en justice. Cette question fait l’objet de l’un des nombreux recours déposés par le Collectif Testet et d’autres associations. Et les délibérés pourraient ne pas être rendus avant deux ans.

 

Lire aussi

 

Source :  www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2014 3 29 /10 /octobre /2014 15:56

 

Info reçue par mail

 

Si vous voulez vous énerver encore un peu plus...lisez ce truc

 

Loïc

 

 

 

COMMUNIQUE DE PRESSE DE JEAN-LOUIS CHAUZY

PRESIDENT DU CESER MIDI-PYRENEES « SIVENS : LA COMPASSION ET LA RAISON ! »


Toulouse, le 28 Octobre 2014

La mort d’un jeune homme de 21 ans à l’occasion d’une manifestation nocturne contre le barrage de Sivens est un drame pour lui, pour sa famille et chacun d’entre nous.
Il est nécessaire de connaître les conditions brutales de son décès mais ce drame oblige aussi à s’interroger publiquement sur notre société, la démocratie, la décision publique et l’Etat de droit.

La France est une démocratie qui repose sur un système électoral d’assemblées démocratiquement élues, un Etat de droit et un processus de décisions qui additionne les procédures, les débats contradictoires, les recours, les enquêtes jusqu’à la décision finale, c’est ce qui s’est passé pour le barrage de Sivens inscrit dans le Programme De Mesures
(PDM) du Comité de Bassin Adour-Garonne (SDAGE 2009-2015) qui a un caractère prescriptif. La contestation, au départ pacifique puis rapidement violente, dévoie la démocratie, s’oppose à l’Etat de droit qui conditionne le vivre ensemble.

Pour sécuriser les ressources en eau dans le Bassin Adour-Garonne, l’Agence a estimé pour le seul bassin de la Garonne les besoins à 100 millions de m3 (sur l’ensemble du Bassin, ce sont 250 millions de m3) pour tenir compte de l’évolution de la démographie pour les trente prochaines années, des besoins de l’économie dont l’agriculture, premier employeur avec l’agro-alimentaire dans le sud-ouest, pour anticiper le réchauffement climatique, pour la préservation des écosystèmes.

La démocratie ne peut supporter le port de cagoules et la violence ; dans le Tarn comme ailleurs, la raison et le respect de l’Etat de droit doivent prévaloir et s’imposer. Vouloir défaire dans la rue, ce que les collectivités, les assemblées élues ont décidé avec l’Etat dans le respect de la loi, des décrets, des règlements et de toutes les procédures, c’est affaiblir la démocratie et la République.

Nous avons estimé utile et de qualité le rapport « La gestion quantitative de l'eau en agriculture. Une nouvelle vision, pour un meilleur partage », remis par le député Philippe MARTIN au 1er Ministre Jean-Marc AYRAULT ; le barrage de Sivens fait partie de cette problématique. Sécuriser la ressource en eau est une nécessité écologique, économique et politique.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2014 3 29 /10 /octobre /2014 15:52

 

Info reçue par mail :

 

l'appel pour jeudi :

REMI ! NI OUBLI.... NI PARDON.....
RASSEMBLEMENT devant LA PREFECTURE à NIMES

ce jeudi 30 Octobre à 17 H 30
Venez avec vos mains, vos pieds, vos bouches, vos mots, vos chants, vos tambours, vos trompettes, tambourins & casseroles, guitares & accordéons..... et toute votre imagination !!! bougies, dessins, banderoles, paroles, témoignages, poèmes, gros mots & petits mots..... des craies pour les écrire

Minute de SILENCE pour REMI..... et PLUS DE BRUIT !! plus fort que leurs grenades de la mort... pour REMI, notre ami,

notre frère, notre camarade....
NI OUBLI... NI PARDON...

FAITES TOURNER... ET..TOURNER... ET TOURNER... ET TOURNER... ET TOURNER...

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2014 3 29 /10 /octobre /2014 15:43

 

De retour du Testet, état des lieux rapide.


Le sinistre "Dance Floor", la zone de terre damée et lissée des fondations du barrage où le sang sèche encore en attendant la visite du juge d'instruction, s'est reconverti en un énorme camp retranché. Toute la dévastation due aux travaux préliminaire au barrage a été réoccupée dimanche matin et au coucher du soleil, ce mardi, quand nous avons quitté la Zad il y avait yourtes, tipis, tentes mais aussi deux immenses tour de guet, des barricades de trois mètres de haut, de nouvelles tranchées, d'anciennes rebouchées ou ré aménagés pour la défense des zadistes, des constructions en cours et partout des gens encore affairés.

Ils voulaient un barrage? Ils vont avoir du mal à endiguer le flot qui est derrière celui là!
 
Le chemin d'accès des GM, l'endroit nommé "Les Lascards" ou "Les Enterrés" est défendu par une série d'énormes barricades de rondins et plusieurs profondes tranchées faites par le tractopelle d'un habitant du coin. Un énorme panneau les domine. "Hommage à Rémi" est-il écrit dessus. Derrière, une formidable envie d'ouvrir l'espace à la liberté planétaire, de soulever la chape de la rigueur conformiste et de la soumission durable. Pour que le camarade ne soit pas mort pour rien.


A Albi, la minute de silence s'est lentement muée en un doux et magnifique "Chant des Partisans"  repris en murmure par la foule. Puis un cortège s'est formé, vite arrêté par un barrage de militaires en armes. Ils étaient encore "stupidement" là, à coté du chantier de réfection d'une esplanade: les pavés étaient là eux aussi, bien rangés dans des sacs. Ils ont volé dans toute la ville.


Ils étaient "stupidement" là aussi samedi soir lors du rassemblement à la Zad du Testet, volontaire incitation à la violence. Cet état pourri d'oligarques adepte des petits arrangements entre copains a imaginé d'encore passer en force, pensant que la menace et la coercition suffiraient à nouveaux pour nous mettre bras ballants devant leurs magouilles accomplies. Leur stratégie morbide, leurs sinistres calculs de plans com' à deux balles pleins de racaille, de black-blocs et de poignées d'activistes anarchistes violents l'a directement mené à l'assassinat d'un gamin pacifiste bien plus raisonnable qu'eux.


Etait-il celui que j'ai vu s'avancer lentement les bras levés vers le barrage policier d'où volaient à ras du sol lacrymos et assourdissantes, s'avançant de trois pas comme dans "un, deux, trois, soleil" à chaque fois que le faisceau des projecteurs qui balayaient la scène au milieu des fumées l'oubliait un peu? Etait-il cet ombre qui se levait de derrière un talus pour jeter à s'en démettre l'épaule trois mottes de terre vers le monstre anonyme caparaçonné de kevlar? Peu importe, il était chacun d'entre nous.


Il y a un responsable derrière ce meurtre, ce n'est pas un quelconque matricule policier ni même un sénateur Carcénac ou un Président Hollande. Ce responsable nous le connaissons tous, nous nous heurtons partout tout le temps à lui et c'est à lui qu'il faut s'en prendre directement et radicalement sans s'attarder sur le sort des outils ou des comparses. Pour que le camarade ne soit pas mort pour rien.


Toutes ces barricades ne tiennent que grâce aux gens qu'il y a derrière, elles sont terriblement vulnérables sans le ciment de la solidarité. Allez à la Zad, apportez du matériel de construction, de bons outils (faucilles et marteaux...), des clous, des vélos, des bâches, du ravitaillement, des couvertures, des médicaments. N'apportez que vos bras cela suffira même, mais ce sera mieux si la tête suit. Plus il y aura de monde et de volontés agissantes sur tous les modes possibles (de pacifique à enragé mais sauf résigné) derrière ces entassements de bois et de métal, plus cet Etat sans âme, sans vergogne et sans pitié reculera devant la levée des consciences. A l'heure ou nous quittions il y avait peut-être 200 ou 300 personnes sur la zad. C'est presque dix fois plus que depuis début septembre mais c'est encore bien trop fragile, c'est à peine suffisant pour que "nos représentants" redoutent d'ordonner le retour des GM.


Si vous ne pouvez pas, alors, n'allez pas à la Zad, mais rassemblez vous devant les préfectures ou les lieux de pouvoir, cordonnons une réplique et la mobilisation des gens. Tous en ont marre et s'indignent, à des degrés divers, il faut fusionner les colères. C'est maintenant, c'est pas demain, c'est tout de suite et c'est urgent.


Cet Etat vendu aux marchands préfère tuer sa jeunesse plutôt que de lui laisser un seul espace de liberté. Dégageons le!

 

 

*Violences

 

Je lis ça et là que les manifestants auraient utilisé des coktails molotov contre les forces de l'ordre dans la nuit de samedi à dimanche. Je n'en ai vu aucun.

Il est vrai que je n'ai pas vu la mort de Rémy mais il y avait charge des GM, volées de lacrymos et d'assourdissantes et j'étais tout occupé à relancer ou éteindre les lacrymos proches où à guetter les trajectoires pour me boucher les oreilles avant l'explosion (sinon ça fait mal!).Je n'ai rien jeté d'autre que ce qu'on m'a envoyé.

J'ai vu deux patators, des frondes et des lance pierres. J'ai vu voler des cailloux et des mottes de terre (assez dures, faut le dire, ce n'est pas un doux humus qu'ils ont laissés!), des fusées d'artifices (certaines ont mis le feu dans la zone défrichée des pentes où il y avait des GM déployés, une seule est allé dans le carré vide défendu par les flics), des fusées de détresses (deux tirées en direction de l'hélicoptère de la gendarmerie, pour le faire reculer, ce qui a marché) et même un feux d'artifice complet. J'ai vu voler des bûches enflamées et des bouts de bois. Rien qui ne soit qu'assez inoffensif, approximatif ou imprécis, rien qui ne soit propulsé par autre chose que la simple force humaine ou qui ne soit que quelques milligrammes de poudre et d’oxydes colorants sans projectile d'impact.
 
Ayant passé la nuit de Dimanche à lundi avec ceux qui gardaient le "Dance Floor", dont certains ont participé activement à la bagarre, j'ai aussi demandé s'il y avait eu coktails. Niet.Ceux là étaient sur zone depuis Septembre et en ont pris plein le gueule depuis plus d'un mois, seuls ou presque devant les GM et les engins de chantier. Ce ne sont pas des black-blocs extérieur. Ils ont tout fait, action non violente, clown, médiation, barricades et caillassage. Toutes leurs stratégies se sont heurtées à une machine inexorable quelque soit la forme de l'opposition. Ils en ont gros sur la patate et c'est pas moi qui va le leur reprocher, comptez plus sur moi pour ce genre de débat stérile inutile et épuisant. Face à la coercition et au cynisme de notre état, aucune stratégie ne peut prétendre s'imposer comme étant la seule valide. La non violence a prouvé mille fois sa non efficacité si elle est utilisée seule. Il y a des contextes où cela marche, d'autres pas du tout. Regardez l'histoire autrement qu'avec des grilles de lecture toutes faites, des grands récits et des fantasmes (Gandhi!). Pour la violence c'est pareil et d'ailleurs les zadistes savent bien jusqu'où y aller. Ils sont nombreux à venir de NDDL, la procédure de la flicaille ils connaissent...Utiliser des armes létales entraîne une réplique proportionnée et on va au massacre que nul ne veut dans ce camp. On a des doutes vis à vis de l'autre, de plus en plus justifiés et il faut en tirer les conséquences (..dégage!).

J'ai croisé à Albi un gars qui m'avait tenu la veille tous les propos non violents du monde. Il avait un pavé à la main. La rage monte devant tant de provocations. Il en faut autant pour s'interposer, bras lévés entre les flics et les violents que pour lancer des pavés. Ce n'est pas exactement le même genre de courage cependant, l'un vient plus facilement aux jeunes taillés comme des baraques, mais chacun fait avec celui qu'il a ou pas, on a le droit d'avoir peur et il y a mille choses à faire ailleurs que sur le front. Mais il faut aussi y être en nombre sinon les engins passent, les arbres tombent et sont rasés, la terre est chamboulée et "Carcénac" nous dit: "au point ou on en est pourquoi s'arrêter...".

Autre chose, la parité...il n'y a plus les petites nanas à l'infirmerie et les gros pépères costauds valeureux au front. Il y a de tout partout et sans quota! La grille de lecture traditionnelle sur le machisme de la lutte en est un peu chamboulée, intégrez cela camarade-e-s.

Moi j'ai l'impression qu'ils sont de moins en moins nombreux à craindre leurs stupides lacrymos et leurs gros pétards et que tous, "violents" et "pacifistes" montent à l'assaut du "vieux monde" dont , à ce stade, ils n'ont plus peur et qu'ils sont juste déterminés à ne plus accepter.

*Paraît que des images tournent en boucle sur TF1, filmées par un indépendant sur place. On y voit un cocktail lancé dans les pattes d'un petit groupe de GM. Vu la description des lieux il s'agit d'une escarmouche en lisière de bois au début des affrontements, vers 16-17 h et cela doit être ce qui a allumée le feu sur cette partie du terrain (ce que j'ai pensé être des fusées d'artifice probablement). Voilà, un ou deux cocktails et pas aucun. Cela reste modeste et ne concerne en aucun cas les évènements de la nuit (vers 2-3 h du matin). Et pis même...

V.

 

 

 


Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22