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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 16:29

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Traité avec les Etats-Unis: Paris accusé de double discours

27 février 2015 | Par Ludovic Lamant

 

 

Une note des services français a « fuité », qui défend l'une des clauses les plus controversées du traité de libre-échange avec les États-Unis. Joint par Mediapart, Matthias Fekl, le secrétaire d'État au commerce, assure que cette note n'a été « ni vue ni validée », et met en cause des fonctionnaires « dans la technostructure ». L'affaire pose la question des vraies marges de manœuvre politiques dans ce dossier très sensible.

Il n'est pas si fréquent qu'un membre d'un gouvernement en exercice désavoue publiquement des hauts fonctionnaires français. Le secrétaire d'État au commerce extérieur, Matthias Fekl, chargé de l'épineux dossier du traité de libre-échange avec les États-Unis (surnommé le « TAFTA » par ses adversaires), a décidé de dire tout haut son agacement, face à certains « technos » qui prennent un peu trop de liberté par rapport aux consignes officielles : « Même si cela déplaît à certains, c'est le gouvernement, responsable devant le parlement, qui détermine ses positions, et les techniciens qui les appliquent », déclare-t-il à Mediapart.

Pourquoi Fekl a-t-il choisi de faire cette mise au point ? Une « note » fixant « la position des autorités françaises » sur le traité de libre-échange en chantier, envoyée par les services de Matignon (le SGAE) à l'ensemble des eurodéputés français, a « fuité » jeudi. Sur le principe, la méthode n'est pas nouvelle : Paris a l'habitude de conseiller aux élus français de prendre telle ou telle position sur les votes à l'agenda à Strasbourg. Libre à chaque député, ensuite, d'écouter ou non ces arguments.

Mais dans le cas présent, le contenu des quatre pages est plutôt surprenant. Il détonne même par endroits avec les discours officiels. Un point, en particulier, n'a pas manqué d'attirer l'attention : le mécanisme d'arbitrage entre État et investisseur (ISDS, dans le jargon), l'une des dispositions les plus contestées du traité en négociation, parce qu'elle autorise des entreprises à attaquer des États en justice (lire notre enquête). Cette clause est si controversée qu'elle menace même d'engloutir l'ensemble des négociations.

 

Najat Vallaud-Belkacem et Matthias Fekl le 22 décembre 2014, à l'Elysée.

Najat Vallaud-Belkacem et Matthias Fekl le 22 décembre 2014, à l'Elysée. © Gonzalo Fuentes. Reuters.

 

Le texte en débat à Strasbourg, rédigé par un élu social-démocrate allemand, doit permettre de faire émerger une position du parlement européen sur les négociations menées par la commission de Bruxelles. Ce brouillon prend ses distances, sans détour, avec l'ISDS. La note des services français, elle, estime que « le projet de résolution (en débat au parlement européen, ndlr) tranche de manière un peu trop catégorique cette question (du mécanisme d'arbitrage, ndlr). Une approche plus prudente sur ce sujet délicat pourrait être préférable en raison des risques de précédent, avec des États dont les standards juridictionnels ne correspondent pas à ceux qui prévalent aux États-Unis ».

En clair : Paris incite en douce les eurodéputés français à ré-intégrer le mécanisme d'arbitrage dans le futur traité. La position du gouvernement français sur l'ISDS a longtemps été floue. Les secrétaires d'État qui se sont succédé (pas moins de cinq depuis mai 2012) n'ont pas toujours eu la même approche du dossier. Mais Fekl – en tout cas dans ses prises de position publiques – a plutôt cherché à durcir le ton contre l'ISDS, et construire des alliances ailleurs en Europe, pour aller dans ce sens.

« Cette note n'a été ni vue, ni validée, réagit Matthias Fekl. Elle ne reflète pas la position du gouvernement, que je construis depuis mon arrivée. J'ai d’ailleurs convoqué dès aujourd'hui dans mon bureau les responsables de ce dysfonctionnement, pour faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Une note rectificative sera diffusée, en temps utile. »

Après la « fuite » de la note du SGAE, plusieurs collectifs étaient montés au créneau jeudi. Attac s'est inquiété d'un gouvernement « prêt à tout pour sauver l'ISDS » : « critiques de façade du mécanisme face au rejet largement exprimé dans l'opinion publique, mais travail en souterrain pour s'assurer de son maintien dans les négociations », résume l'association, qui dénonce « la duplicité et la fausseté » de Matthias Fekl. L'eurodéputé écolo Yannick Jadot n'a pas manqué d'ironiser sur la « marche arrière » de l'exécutif français.

« Je comprends tout à fait que des organisations comme Attac demandent des explications, répond Fekl. Mais la position de la France n’a pas changé. Cette confusion est regrettable mais il ne faut pas lui donner plus d’importance qu’elle n’en a. » Cette « confusion » risque tout de même de relancer de vieux débats sur les divisions du camp français sur le libre-échange. Le grand écart a souvent été manifeste, entre un Quai d'Orsay (où travaille Matthias Fekl) plutôt sur la défensive, et des services, à Bercy, au Trésor, à Matignon ou encore à la représentation permanente (RP) de la France à Bruxelles, bien plus allants sur ces questions.

Ce flagrant délit de « double discours » est donc loin d'être anecdotique pour le secrétaire d'État au commerce : il pose la question de sa véritable autorité sur ce dossier considéré comme une priorité par l'exécutif – et en particulier de l'autorité d'un politique, sur l'administration. D'où le choix, pour Matthias Fekl, de hausser le ton. « Il n'y a pas du tout plusieurs discours, rétorque Matthias Fekl. Mais ce qui est certain, c'est qu'à tel ou tel endroit dans la technostructure qui suit l'Europe, que ce soit en France ou ailleurs dans l'Union, des gens ont pris de mauvaises habitudes. Ils négocient à partir de schémas routiniers. »

Adversaire déclaré de l'ISDS, Emmanuel Maurel, un eurodéputé socialiste qui suit les questions commerciales au parlement, reconnaît que « le gouvernement français est ambigu sur cette question ». Avant de préciser, en défense de son collègue : « Mais je ne veux pas accabler Matthias Fekl, qui est moins ambigu que beaucoup d'autres, et qui nous a plutôt aidés jusqu'à présent, dans une affaire où on n'est quand même pas forcément majoritaires. »

Pour sortir l'épine ISDS du traité en chantier, le gouvernement français s'est rapproché, depuis janvier, de ses partenaires sociaux-démocrates. Fekl s'est rendu à Berlin en janvier pour sceller une position commune avec Sigmar Gabriel (ministre de l'économie) et Matthias Machnig (secrétaire d'État aux affaires économiques), deux figures du SPD. Des réunions au format élargi – avec des ministres suédois, néerlandais, luxembourgeois et danois – se sont déroulées dans la foulée, à Paris puis Bruxelles. Dernière étape en date : samedi dernier à Madrid, lors d'un sommet du Parti socialiste européen, les sociaux-démocrates se sont entendus sur une approche commune opposée à l'actuel ISDS, si l'on en croit les déclarations officielles. Cette dynamique, inédite depuis le début des négociations sur le TTIP à l'été 2013, pourrait obliger la commission européenne à intégrer certaines de leurs propositions dans le nouveau texte sur ISDS, qu'elle prépare.

Paris et d'autres capitales disent travailler à une réforme « en profondeur » du mécanisme d'arbitrage, assure Fekl. Voici les pistes de réflexion, pour protéger les droits des États à réguler, face aux pressions des entreprises : préciser les définitions juridiques des concepts qui permettent à certains groupes privés de remettre en cause des politiques sanitaires ou encore environnementales, instaurer des pénalités massives pour les entreprises qui introduiraient des recours abusifs, ou encore mettre en place une cour permanente d'arbitrage (plutôt que la myriade de tribunaux actuels, opaques).

Mais s'agit-il de mettre au point un « ISDS light », plus « propre », comme le redoutent certains, afin de mieux débloquer l'avancée du traité tout entier ? Ou de rompre, pour de bon, avec la logique de l'ISDS ? « La vraie question, c'est de savoir si l'on peut porter au niveau européen, au niveau international, quelque chose de totalement neuf, qui n'ait plus rien à voir avec le mécanisme d'arbitrage d’aujourd'hui. On ne sait pas encore ce que cela donnera au final, mais nous avons lancé un processus décisif et nos positions sont fermes », répond Fekl. Il est encore loin d'avoir convaincu tout le monde sur ce point.

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 16:05

 

Info reçue par mail

 

Le gouvernement français défend l’arbitrage privé au service des multinationales !

 

Communiqué 26 février 2015

 

 

Ce mardi 24 février, les euro-députés français ont reçu une note de recommandation sur le TAFTA. Elle concerne la résolution sur l’accord transatlantique qui sera examinée par le Parlement européen dans les semaines à venir [5].

Cette note fuitée livre des informations inédites sur la position du gouvernement et recommande en particulier de ne pas suivre la position de rejet de l’ISDS du rapporteur socialiste Bernd Lange.

 

Le gouvernement français prêt à tout pour sauver l’ISDS ?

Lors d’une réunion au sommet à Madrid samedi, les sociaux-démocrates européens se sont accordés pour sanctuariser le système de règlement des différends investisseur-État (ISDS) - en clair : pas de rejet mais des réformes mineures. Pour parfaire la plaisanterie, le gouvernement français a salué cette nouvelle reculade comme une grande victoire de la diplomatie française. Un communiqué de la majorité, au titre mensonger [1], illustre ce double discours : critiques de façade du mécanisme face au rejet largement exprimé dans l’opinion publique [2], mais travail en souterrain pour s’assurer de son maintien dans les négociations. La note communiquée ce mardi aux euro-députés français confirme ces manœuvres : alors que la résolution étudiée par le Parlement européen penche en faveur d’un rejet du mécanisme, les autorités françaises conseillent aux parlementaires d’« adopter une approche plus prudente sur ce sujet délicat ». En d’autres termes, le gouvernement demande aux parlementaires d’affaiblir la position, déjà bien timide, du rapporteur social-démocrate allemand Bernd Lange.

Le gouvernement français appelle également dans cette note à favoriser un travail plus ambitieux sur la coopération réglementaire, sur laquelle nous avons déjà exprimé de multiples inquiétudes [3].

Enfin, en dépit des ravages causés par la crise financière de 2008, le gouvernement demande l’inclusion des services financiers dans l’accord transatlantique.

 

Un décalage effarant entre les actes du gouvernement et les préoccupations des populations

Ces nouveaux éléments témoignent d’un décalage effarant entre les actes du gouvernement et les préoccupations des populations, alors que l’Initiative citoyenne européenne (ICE) lancée à l’automne dernier vient de dépasser les 1 500 000 signatures.

Le collectif Stop TAFTA dénonce l’attitude méprisante du gouvernement français et particulièrement la duplicité et la fausseté du secrétaire d’État au commerce extérieur, Matthias Fekl. Nous réaffirmons notre opposition aux négociations en cours et appelons à se mobiliser massivement lors de la journée d’action internationale du 18 avril contre les traités des multinationales [4].

 

[1]http://www.parti-socialiste.fr/communiques/les-socialistes-europeens-disent-non-au-mecanisme-darbitrage-investisseursetats

[2] Voir notre communiqué « Consultation publique TAFTA : la Commission balaye l’avis de 150 000 citoyens » et « Allô ? Le PS et le gouvernement « s’opposent à la mise en place de tribunaux arbitraux privés pour régler les litiges entre États et investisseurs » ».

[3] « Coopération réglementaire » : Une dérégulation qui ne dit pas son nom.

[4] Journée internationale d’action - 18 avril 2015. Les peuples et la planète avant les profits !.

[5] https://www.collectifstopTAFTA.org/...

 

 

Attac France — 2015
Twitter | Facebook | Viméo

 

 

 

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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 15:53

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Tribune 27/02/2015 à 11h16

Et pendant ce temps-là, les négociations du Tafta se poursuivent dans votre dos

Yannick Jadot, député européen écologiste

 

Tribune

Le plan com’ était pourtant calé : la négociation d’un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis générerait de la croissance et des emplois à gogo ! Sauf qu’à y regarder de plus près, les gains de croissance envisagés ne sont au mieux que de 0,03% par an, et une étude récente de l’université de Tufts aux Etats-Unis évalue à 600 000 le nombre d’emplois détruits par le Tafta en Europe, dont 130 000 en France. Aïe !

Making of

Depuis juillet 2013, l’UE négocie un Traité de libre-échange transatlantique (le Tafta) pour créer un marché commun avec les Etats-Unis. Les modalités du traité comprennent une uniformisation de nombreuses réglementations écologiques, industrielles et même la création d’une juridiction d’arbitrage entre les Etats et les entreprises.

Dans cette tribune, le député européen EELV Yannick Jadot, vice-président de la Commission du commerce international et coordonnateur européen des Verts sur Tafta, décrit la manière dont les mécanismes démocratiques actionnés par les citoyens pour influencer le débat ont été systématiquement méprisés par le pouvoir exécutif européen. Rue89

Surtout, les « obstacles au commerce » que veut lever ce traité sont aussi des choix de société qui touchent au cœur la régulation de notre économie et de notre société.

 

Au menu des négociations :

  • l’alimentation,
  • la santé,
  • les services publics,
  • le bien-être animal,
  • les OGM,
  • les données personnelles et les libertés numériques,
  • les droits sociaux,
  • l’environnement,
  • les services financiers,
  • les marchés publics…

Ces négociations concernent donc les citoyens au plus près, elles touchent à leur vie quotidienne comme à leurs perspectives d’émancipation individuelles et collectives. Ils sont pourtant tenus totalement à l’écart des négociations.

« Les gens » n’y comprennent rien ?

Pour quelle raison ? L’argument « coup de poing » avancé par les Etats et la Commission est la nécessité de garder la confidentialité de la stratégie de négociation et une capacité de bluff.

Comique quand on sait que la négociation du Tafta a été lancée alors qu’explosait le scandale des écoutes de la NSA et que, grâce aux révélations d’Edward Snowden, nous savons que les services américains en connaissent bien plus sur cette négociation que les Européens eux-mêmes.

Il y a fondamentalementn de la part des promoteurs du Tafta, une défiance vis-à-vis des citoyens. Leur discours est devenu rhétorique : l’opposition grandissante des Européens au projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis est fondée sur des craintes injustifiées, des peurs irrationnelles, des fantasmes et des mensonges véhiculés par des agitateurs ignorant de la réalité du monde.

Bref, « les gens » n’y comprennent rien mais pourraient faire capoter un grand projet de civilisation. François Hollande lui-même avait déclaré lors de sa visite aux Etats-Unis en février 2014 :

« Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

Salle sécurisée

Il a fallu attendre dix-huit mois pour que, cédant à la pression, les gouvernements européens rendent enfin officiellement public le mandat de négociation qui avait depuis longtemps fuité sur le Web.

Mais encore aujourd’hui, si la Commission européenne a certes changé sa stratégie de communication et publie de plus en plus de documents de position jusque là confidentiels, les textes de négociation, ceux qui disent la réalité des compromis passés, restent inaccessibles aux citoyens, aux parlementaires nationaux et à l’immense majorité des eurodéputés.

Seuls une vingtaine d’entre nous pouvons y accéder dans une salle sécurisée dite « salle de lecture », où les smartphones et autres appareils électroniques sont interdits. Les ministres du commerce eux-mêmes ne peuvent les lire dans leurs pays qu’en se rendant… à l’ambassade des Etats-Unis !

Il n’y a d’ailleurs pas que les citoyens, les organisations de la société civile ou les écologistes pour contester cette opacité.

Obligations de transparence

La médiatrice européenne, dans un avis rendu en janvier dernier, conteste le refus de la Commission de rendre publics les documents consolidés de négociation et rappelle la Commission au droit européen en matière d’accès du public aux informations les concernant très directement. Elle souligne qu’en aucun cas, la Commission peut se soustraire à ses obligations de transparence sur la seule base qu’il s’agit d’un accord international et que cette transparence pourrait déplaire aux autorités américaines. Cet avis juridique est pour le moment resté sans réponse...

S’il fallait une autre preuve que la négociation du Traité de libre-échange transatlantique se fait sans, et contre les citoyens européens, il n’y a qu’à lire les conclusions de la Commission européenne sur la consultation publique à propos du mécanisme très contesté de règlement privé des différends Etats-investisseurs (ISDS).

Pour rappel, ce mécanisme prévoit d’autoriser les entreprises à attaquer devant un tribunal privé supranational les Etats ou les collectivités locales si elles considèrent que leurs activités et leurs perspectives de bénéfices sont impactées par les décisions de politiques publiques.

Ainsi, Philip Morris demande-t-elle des milliards de dollars de compensation à l’Australie et à l’Uruguay parce que ces pays ont mis en place des politiques anti-tabac.

150 000 personnes se sont exprimées

Si le traité était déjà en vigueur, des entreprises américaines auraient pu attaquer la France pour son moratoire sur les cultures d’OGM, son refus d’exploiter les gaz de schiste ou son interdiction du bisphénol A dans les biberons !

Pour faire face aux critiques croissantes sur cet inacceptable transfert de souveraineté démocratique vers les entreprises, la Commission a décidé il y a un an de lancer une consultation publique.

Succès historique et inattendu : 150 000 personnes et organisations se sont exprimées... et 97% d’entre elles ont rejeté ces tribunaux arbitraux, rejoignant en cela l’avis de Parlements nationaux (dont l’Assemblée nationale et le Sénat), de nombreuses régions, des syndicats, d’organisations de PME et de très nombreuses organisations de la société civile.

Conclusion de la Commission : loin d’acter l’exclusion de ce dispositif, elle cherche à le réformer !

Déni de démocratie

Un déni de démocratie sans surprise puisque la Commission avait déjà rejeté le projet d’initiative citoyenne européenne qui demande l’arrêt des négociations transatlantiques avec les Etats-Unis et le Canada. Ce projet devenu pétition a pourtant plus de 1,3 million de signatures.

Il faut bien au contraire se féliciter de la mobilisation grandissante des citoyens qui veulent s’informer, comprendre, évaluer les risques comme les opportunités, débattre en toute connaissance de cause, interpeler leurs élus, bref être des acteurs de la vie publique, de la société, de la construction européenne et de la régulation de la mondialisation. Beaucoup refusent à juste titre ce marchandage entre la démocratie et les intérêts de quelques multinationales.

L’Europe a trop longtemps été ce que ses dirigeants en font. Il est temps qu’elle devienne ce que ses citoyens en veulent.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 19:22

 

Source :www.marianne.net

 

 

TAFTA: les sociaux démocrates valident, en douce, les tribunaux d'arbitrage

Mercredi 25 Février 2015 à 13:05

 

Bruno Rieth

 

 

Ce samedi 21 février, les dirigeants sociaux-démocrates européens ont adopté une disposition commune pour réclamer l'"amélioration" du mécanisme des tribunaux privés d'arbitrage de règlement de différents entre Etats et investisseurs. Une fausse bonne nouvelle puisque cette disposition enterre par la même occasion la suppression pure et simple de ce dispositif dans le cadre des négociations sur le TAFTA pourtant majoritairement rejeté par les peuples européens.

 

Manuel Valls entouré de Martin Schulz (à droite) et de Sigmar Gabriel, Vice-Chancelier de l'Allemagne. Paco Campos/EFE/SIPA

Samedi dernier, une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernements sociaux-démocrates européens se réunissaient à Madrid. Objectif, afficher leur unité face aux attaques meurtrières terroristes et tenter de définir une stratégie économique commune. Et surtout, donner un coup de main au chef de file du parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Pedro Sanchez, en peine dans les sondages et aux prises avec le très en vogue parti anti-austérité Podemos, porté par vague Syriza. Manuel Valls qui représentait la France a donc pu assister à un drôle de spectacle. Notre premier ministre venu à la fois en tant que spectateur et représentant des dirigeants politiques sociaux-démocrates a tenu un discours inhabituel dans sa bouche, appelant à arrêter « l’austéricide » des politiques européennes, critiquant « l’austérité pour l’austérité ». Cocasse, quand dans leurs pays respectifs, tous ces «socdem» s’emploient pourtant à en appliquer les « bonnes » recettes. Un sérieux dédoublement de la personnalité dirait un psychiatre…

En marge de cet étrange exercice d’équilibriste, les dirigeants européens en ont aussi profité pour s’accorder sur une position commune sur l’épineuse question du mécanisme des tribunaux d’arbitrage de règlement de différents entre Etats et investisseurs. Adoptée, elle permettrait, dans le cas d'un litige commercial entre une entreprise américaine et un état européen, à l'entreprise américaine d'attaquer cet état devant un tribunal arbitral international et d'écarter de fait les instances judiciaires nationales. La disposition suscite une véritable levée de boucliers de toute part dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique. En témoigne les résultats de la consultation européenne sur ce mécanisme. Sur 150 000 avis rendus, 88 % des répondants s’opposent à l’introduction de cette clause dans le TAFTA. En réponse, les sociaux démocrates ont donc accordé leurs violons pour réclamer un cadrage plus strict de ces tribunaux : exclusion de certains secteurs comme la santé ou l’environnement « pour préserver la capacité des Etats à prendre des décisions souveraines », rehaussement des exigences en matière de conflit d’intérêt des juges-arbitres, création d’une cour d’appel et d’une cour permanente ainsi que le renforcement des pénalités en cas de plainte abusive des investisseurs.

Le Parti socialiste, dans un communiqué, s’est empressé de saluer cette « réponse ambitieuse » et de se réjouir de « cette déclaration commune qui reflète nos valeurs : transparence, défense des intérêts des Etats, protection des citoyens et de l’environnement, engagement pour une mondialisation maîtrisée et favorable aux peuples souverains ». Le PS en a aussi profité pour vanter « l’important travail diplomatique mené par le secrétaire d’Etat au commerce extérieur de Matthias Fekl avec plusieurs partenaires européens ». Et au Quai d’Orsay, on ne boude pas son plaisir. « A dilplomate is born » nous confie-t-on au quai d'Orsay, plein d’enthousiasme. Et de poursuivre « Cela fait des mois que Matthias Fekl travaille pour faire bouger les lignes. D’abord avec les allemands puis avec les autres partenaires européens. Il y a encore quelques mois, nous n'aurions même pas imaginé que l’on puisse arriver un tel résultat. C’est très excitant ». Un coup de projecteur que ne doit pas renier le jeune et discret ministre, arrivé au quai d’Orsay pour remplacer le « phobique Thévenoud ».

 

capture d'écran

 

Une victoire à la pyrrhus car il y a un gros revers à la médaille : en voulant encadrer plus strictement ce mécanisme plutôt que de réclamer sa suppression, les sociaux démocrates européens viennent en fait de le sanctuariser. En parfaits sociaux démocrates, ils ont opté pour une réforme du dispositif pour en limiter les dérives et surtout le rendre acceptable par des parlements nationaux très remontés contre le projet: « Oui, mais si on change la nature même de ces mécanismes, ça en aura le goût et l’odeur mais ça ne sera plus les tribunaux d’arbitrages que l’on connaît », nous rétorque-t-on, l’enthousiasme en moins.

Un glissement subtil qui n’a pas échappé non plus à Yannick Jadot, député européen EELV, en pointe dans le combat contre le TAFTA. « Cette position de la France et maintenant des sociaux démocrates qui consiste à dire que l’on va faire évoluer ces mécanismes pour les améliorer, c’est n’importe quoi ! La consultation européenne a clairement montré que les européens rejettent en bloc ce mécanisme », et de poursuivre, « c’est le principe même de tribunaux privés supranationaux qui permettra à des investisseurs de contester des décisions des Etats en arguant d’hypothétiques pertes de bénéfices qui est inadmissible ». Les conséquences de la mise en place de ces juridictions privées se feraient d’ailleurs déjà sentir selon lui. Preuve en est, le report sine die par la Commission européenne de toute proposition pour légiférer sur les « dangereux » perturbateurs endocriniens « pour éviter de contrarier les multinationales américaines », analyse-t-il. Une position d’autant plus regrettable pour l’élu écologiste que les négociations sont encore en cours, « tout est encore ouvert à ce stade », au point de se désoler de cette France qui ne sait plus dire «non»: « A l’époque, Lionel Jospin avait su dire non face à l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) ce qui avait eu pour conséquence l’abandon du projet. Plus récemment, lorsqu’ Angela Merkel considère que les intérêts de l’Allemagne sont en jeu, elle n’hésite pas à dire non. Pourquoi la France ne pourrait pas refuser ce transfert de la souveraineté démocratique à des multinationales ? ». Peut-être qu'un jour les sociaux-démocrates européens se réuniront pour réfléchir sur leur propre impuissance.

Article actualisé à 18h20.

 

 

Source :www.marianne.net

 

 

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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 14:44

 

Info reçue par mail

 

 

Jeudi 5 février : participez à l’opération « Allô le PS ? Pas d’ISDS ! »
Action d’engorgement des téléphones du Parti socialiste.
En parallèle, une action « tempête » sur les réseaux sociaux.
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Cette semaine a lieu le 8e cycle de négociation du TAFTA à Bruxelles.
La Commission européenne a publié en janvier son analyse de la consultation sur le volet investissement des négociations TAFTA. Le résultat est sans appel : Un rejet clair des mécanismes d’arbitrage investisseur-État (ISDS) par 97% des participants !
La Commission tente de promouvoir une version « améliorée » l’ISDS, dans l’accord UE-Canada comme dans le TAFTA. Et le gouvernement français semble s’engager en soutien de cette version améliorée de l’ISDS1, malgré une forte opposition citoyenne et des résolutions2 adoptées par les parlementaires, rejetant ce mécanisme.
Mardi 3 février, Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, a déclaré sur France Inter que l’ISDS n’était « pas acceptable » et qu’il n’y avait « pas de majorité pour voter ce texte en l’état, y compris au parlement européen ».
Objectif
Mettre la pression sur le gouvernement et le Parti Socialiste pour qu’ils rejettent l’ISDS dans le CETA et le TAFTA.
Le gouvernement français doit s’engager fermement à protéger la démocratie, les droits sociaux et l’environnement en refusant toute forme de règlement des différends investisseur - État.
Ce mécanisme ne peut pas être réformé ni amélioré, son principe même est dangereux. Nous exigeons une prise de position du gouvernement français pour un rejet total de l’ISDS.
Quoi ?
Action d’engorgement des téléphones du Parti socialiste.
En parallèle, une action « tempête » sur les réseaux sociaux.
Quand ?
Jeudi 5 février, veille de la clôture du cycle de négociation TAFTA à Bruxelles.
Comment ?
En appelant le siège du Parti Socialiste et ses principales fédérations tout au long de la journée :
  • Siège : standard // 01 45 56 77 00
  • Siège : secteur international // 01 47 05 28 58
  • Fédération Rhône // 04 78 60 07 84
  • Fédération Bouches-du-Rhône // 04 91 54 85 03
  • Fédération Haute Garonne // 05 61 23 15 75
  • Fédération Loire-Atlantique // 02 40 20 63 00
  • Fédération Bas-Rhin // 03 88 84 05 00
  • Fédération Hérault // 04 67 79 70 79
  • Fédération Bretagne // 02 99 31 61 00
  • Fédération Gironde // 05 56 11 08 08
 
Exemple de questions à poser
ASTUCE : soyez polis, parlez sur un ton cordial mais ferme !
Bonjour, Matthias Fekl, a déclaré ce mardi sur France Inter que L’ISDS n’était « pas acceptable ». Est que le parti socialiste va s’engager à ne pas voter un accord contenant l’ISDS ?
OU
Bonjour, je suis opposé au mécanisme d’arbitrage investisseur-État ou ISDS dans le TAFTA et le CETA et j’aimerais connaître la position du parti socialiste ?
OU
Bonjour, je suis très inquiet au sujet de l’arbitrage investisseur-État ou ISDS dans le TAFTA et le CETA. Je pense que l’ISDS est très dangereux qu’il n’est ni réformable et ni améliorable. Pouvez-vous demander au gouvernement français d’écouter les citoyens et exiger son retrait ?
Idées de messages pour les réseaux sociaux
  • @jccambadelis Quelle est la position du #PS sur l’arbitrage privé dans le #TAFTA ? Pas de réforme possible ! #NoISDS #DuCourage #StopTAFTA
  • @ MEMBRE-DU-PS Quelle est votre position sur l’arbitrage privé dans le #TAFTA ? Pas de réforme possible ! #DuCourage #NoISDS #StopTAFTA
  • @ MEMBREPS L’arbitrage #ISDS ne doit pas figurer dans #TAFTA la France @matthiasfekl doivent s’y opposer Dites lui #NoISDS !
  • @XXX 8e cycle de négo #TAFTA à Bxl - #ISDS introduit un régime de droit exceptionnel pour les entreprises. Dites non !
  • @XXX 8e cycle de négos #TAFTA à #Bruxelles. Votre voix compte, dites non à #ISDS, réformé ou pas !

 

 

 

 

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 15:06

 

Source : corporateeurope.org/fr

 

 

TAFTA: Les réglementations verrouillées

 

February 1st 2015 International trade

 

 

 

Une nouvelle fuite de proposition de texte portant sur les négociations commerciales transatlantiques (TAFTA ou TTIP) montre que la Commission Européenne continue ses efforts pour limiter les réglementations visant à protéger l'intérêt général – y compris potentiellement celles émanant des autorités régionales.

 

 

De Kenneth Haar (CEO) et Max Bank (LobbyControl)

Depuis décembre 2013, des ONGs, mouvements sociaux, hommes et femmes politiques ont sévèrement critiqué la proposition de la Commission Européenne (CE) sur le volet “coopération réglementaire' 1 du Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement (PTCI, connu sous l'acronyme TAFTA). D'après eux, la propostion fuitée à cette époque indiquait que la Commission souhaitait ouvrir grand la porte à une influence massive des multinationales sur les lois futures. En décembre 2014, un nouveau document fuité montre que celle-ci maintient son cap – rien ne suggère qu'elle prend en compte les inquiétudes de la société civile 2. Dans cette nouvelle version, la CE va encore plus loin. Elle limite les options poitiques des municipalités et des autorités locales. Même si cette idée est sous le feu des critiques et ne sera peut-être pas dans la position définitive de la Commission, c'est un signe montrant que la coopération réglementaire pourrait non seulement couvrir un grand nombre de sujets, mais également être un danger direct pour la démocratie.

L'objectif de la coopération réglementaire

Le terme « coopération réglementaire » décrit le processus d'aligement des réglementations existantes des deux côtés de l'Atlantique. Son objectif est d'assurer que les biens produits d'un côté de l'Atlantique puissent être exportés de l'autre, sans se préoccuper d'obligations particulières à l'un des deux marchés. En pratique, cela pourrait avoir un impact sur toutes les règles, des aliments aux produits chimiques. La proposition est en effet hautement stratégique. Elle permettrait de résoudre les problèmes posés par les aspects les plus controversés du TAFTA après que le traité ait été finalisé. L'attention du public aura alors diminué. La proposition donnerait de nombreuses opportunités aux grandes entreprises pour contribuer aux nouvelles règles. La Commission continue néanmoins à affirmer que ses propositions sur la coopération réglementaire dans le TAFTA ne sont rien de plus que l'établissement d'un dialogue rationnel. Elles viseraient notamment à éviter la duplication des lois des deux côtés de l'Atlantique. Elles ne réduiraient pas la capacité des autorités de régulation à poursuivre leurs objectifs d'intérêt général. La Commission a également insisté de manière répétée sur le fait que ses propositions n'allaient pas donner de traitement particulier aux groupes d'intérêts liés au millieu des affaires.

Néanmoins, ce discours n'a pas dissipé les inquiétudes. En effet, il y a toujours eu un fossé entre les documents de la Commission destinés au public et les textes de négociation obtenus par fuites. Les fuites les plus récentes portant sur les propositions de décembre 2014 et janvier 2015 n'ont pas seulement confirmé la validité des critiques sur un certain nombre de points, elles montrent que la position de négociation est encore pire que ce que les organisations et les personnes critiques imaginaient. Comme le document actuel (janvier 2015) est un texte juridique, alors que le précédent n'était qu'un document indicatif (« position paper »), les négociateurs européens semblent avoir consolidé leur position sur ce sujet.

La coopération réglementaire, un projet des multinationales

La coopération réglementaire est chère aux lobbies des grandes entreprises , des deux côtés de l'Atlantique. Fin 2012, BusinessEurope et la Chambre de Commerce des États-Unis se sont réunis à plusieurs reprises avec la Commission pour faire entendre leurs propositions. Pour eux, la coopération est une mise à plat des différences législatives sur le long terme – que ce soit en termes de normes alimentaires, d'autorisations de produits chimiques, ou de règles sur les méthodes de production, pour n'en citer que quelques-exemples.

Cette mise à plat passe par une série de procédures, dont la coopération entre “régulateurs”. Elle est présentée comme une solution aux désaccords sur l'harmonisation ou la reconnaissance mutuelle des standards qui paraissent difficiles à résoudre sur le court terme. Par conséquent, puisque les négociateurs ne pouront probablement pas obtenir un accord sur des règles communes pendant le cours des négociations commerciales, particulièrement sur des sujets tels que les normes alimentaires, les produits chimiques et la réglementation financière, la coopération réglementaire peut fournir un espace où les groupes d'intérêts des entreprises et les régulateurs pourront obtenir les résultats qui leur conviennent après que le TAFTA soit finalisé, sur le long terme et loing du regard du public.

La coopération réglementaire fonctionne à deux niveaux : au niveau sectoriel (par exemple sur l' autorisation des produits chimiques), et aux niveaux des règles horizontales qui s'appliquent à tous les domaines. Les deux lobbies industriels et financiers cités ci-dessus (BusinessEurope et la Chambre Américaine de Commerce) ont été particulièrement actifs dans la formulation des règles horizontales, celles traitées dans les deux documents fuités en notre possession. Ces propositions ont une portée très large, elles s'appliquent à la fois aux lois et aux réglementations.

Durant leurs réunions de 2012, les deux lobbies ont présenté à la Commission une série de propositions. Celles-ci devaient leur permettre – selon leurs propres mots – de “co-écrire les réglementations”. Cela en tête, il n'est pas surprenant que les fortes ressemblances entre les propositions de la Commission et celles des lobbyistes aient déclenché une telle réaction négative contre les importants privilèges offerts aux grandes entreprises.

Les soi-disant 'parties prenantes' de la coopération réglementaire

Ces privilèges ne signifient pas que d'autres groupes ne seront pas impliqués dans la coopération réglementaire. Lorsque la Commission parle de la participation des « groupes d'intérêt » dans les affaires réglementaires, elle utilise le terme neutre de “parties prenantes”. Cela se réfère bien entendu à toutes sortes de parties prenantes, dont les syndicats et les associations de protection de l'environnement. Néanmoins, comme une majorité écrasante des lobbyistes de Bruxelles représente les grandes entreprises, il est clair qu' «  impliquer les parties prenantes » signifie ouvrir une porte de plus aux représentants des millieux d'affaire, afin qu'ils puissent influencer les politiques. Les expériences passées d'implication des “parties prenantes” dans la “coopération réglementaire” entre l'UE et les EU ont montré que ces procédures sont facilement ouvertes aux grandes entreprises et souvent fermées aux autres groupes d'intérets. Enfin, dernier élément mais non le moindre: l'horizon de la coopération réglementaire est avant toute chose celui de la promotion du commerce – et non celui de la protection des droits des consommateurs, de la promotion de la santé publique, ou de tout autre objectif de politique publique.

La Commission Européenne reste sur ses positions

Avec la coopération réglementaire, les entreprises auront une série d'outils à leur disposition pour influencer les nouvelles lois, les nouvelles réglementations, et même celles déjà appliquées. Lorsque le nouveau document (janvier 2015) est lu en adoptant cette perspective, auncun changement positif est en vue. Bien au contraire. Dans la proposition fuitée, quatre sujets sont particulièrement épineux :

1. Alerte précoce- Lobbying précoce

Selon la dernière proposition fuitée de la Commission, de janvier 2015, dès que de nouvelles réglementations seront planifiées les entreprises devront être informées à travers un rapport annuel, et devront être impliquées. Cela s'appelle désormais l' “information précoce sur les actes futurs” (« early information »), jusqu'à récemment nommé “alerte précoce” (« early warning »). Dès la phase de préparation d'une régulation, “la Partie régulatrice” doit donner aux lobbies d'affaire qui ont un intérêt dans la loi ou la réglementation une opportunité pour “fournir des contributions”. Ces contributions “doivent être prises en compte” lors de la finalisation de la proposition (Article 6). Cela signifie que les entreprises, très tôt dans le processus législatif, pourront essayer de bloquer des règles écrites pour empêcher, par exemple, les industries agroalimentaires de mettre sur le marché des aliments contenant des substances toxiques, pourront bloquer les lois qui tenteraient d'empêcher, par exemple, les entreprises dans le secteur de l'énergie de détruire le climat, ou bloquer les réglementations qui tenteraient de combattre la pollution ou de protéger les consommateurs.

2. Etudes d'impact - pas de règles préjudiciable aux affaires

Les nouvelles réglementations devront passer par une “étude d'impact”, qui contiendra trois questions (article 7 - les versions précédentes des propositions contenaient sept questions :

- Quel est la relation entre la proposition législative et les instruments internationaux ?

- Comment les règles futures ou existantes de l'autre Partie sont-elles été prises en compte ?

- Quel impact aura la nouvelle règle sur le commerce et l'investissement ?

Ces questions sont principalement orientées vers les intérêts des entreprises, pas ceux des citoyens. Grâce à la procédure d' “information précoce”, les entreprises pourront faire en sorte que leurs préoccupations soient prises en compte dans le rapport de l'étude d'impact. En cas de direction contradictoire à leurs intérets, le rapport devra citer l'impact nuisible sur le commerce transatlantique.

3. Echanges réglementaires -un dialogue pour aider les multinationales à obtenir ce qu'elles veulent

Le modèle présenté par les négociateurs de l'UE donne beaucoup d'outils aux grandes entreprises pour se plaindre d'un “acte envisagé ou planifié” et de réglementations en cours de révision (articles 9 et 10). En particulier, un “échange réglementaire” devra avoir lieu si une des Parties est mécontente des effets d'une règle sur ses intérêts commerciaux. Un dialogue devra avoir lieu, et la Partie dont les règles sont attaquées devra co-opérer, et devra être prête à répondre à toute question posée.

Dans la proposition précédente, de 2013, il était noté qu'au cas où un Etat Membre de l'UE soit sur le point de décider de nouvelles règles qui pourraient affecter le commerce, un dialogue devrait avoir lieu afin de “résoudre efficacement les problèmes”. Dans la nouvelle proposition, le modus vivendi dans de tels scénarios n'est pas spécifié.

4. L'Organe de Coopération Réglementaire - les régulateurs au volant

Les “régulateurs” (non élus) obtiendront un rôle clé. Selon la position de décembre 2013, du point de vue Européen ce rôle renviendra à la Commission Européenne. Du côté américain, il reviendra aux représentants du Bureau d'Information sur les Affaires Réglementaires (OIRA). Étant donné la coopération déjà proche et bien établie entre les lobbies et les agences réglementaires dans l'UE et aux Etats Unis, ce nouveau pouvoir donné aux agences renforcera l'influence des multinationales sur les politiques publiques.

L' « Organe de coopération réglementaire » (OCR) créé par le TAFTA – appellé « Conseil de coopération réglementaire » dans des versions antérieures – aura la responsabilité générale de la coopération réglementaire. Une de ses obligations sera de “porter une considération particulière” aux propositions des entreprises sur les réglementations futures et existantes (article 13).

La coopération réglementaire ne portera pas seulement sur les nouvelles réglementations mais également sur les réglementations existantes. Par conséquent, avancer vers la “convergence réglementaire” est un très gros projet. Il sera de la responsabilité de l'OCR de s'assurer que le processus de convergence des réglementations des États-Unis et de l'UE avance. Il devra s'en assurer que ce soit en faisant en sorte que les règles sur l'harmonisation ou la “reconnaissance mutuelle” soit considérées et adoptées, ou en lancant des propositions pour résoudre les différences dans certains secteurs. Pour ce faire, il pourra se servir des “groupes de travail sectoriels” . Ceux-ci ont été très rapidement identifiés par la Commission comme un type de groupes où les entreprises pourront avoir un “accès priviligié”. Une autre option pour les entreprises sera de simplement développer leurs propres propositions – des propositions que l'OCR devra ensuite prendre sérieusement en considération (article 15).

L'OCR est fait pour devenir une institution puissante, même si elle ne pourra pas adopter d'actes législatifs en soi. La proposition de l'UE n'est pas claire sur la division des compétences entre les organes élus – qu'ils soient parlementaires ou gouvernementaux – et l'OCR. Elle ne mentionne qu'un “Organe Ministèriel Commun” auquel l' “Organe de Coopération Réglementaire” devrait répondre.

Peu de limites en vue

Les propositions de la Commission sont clairement très ambitieuse. La « coopération réglementaire » aura des dents et devrait couvir de larges parties de l'élaboration des politiques. Si cela ne tenait qu'aux négociateurs de l'UE, la coopération régementaire couvrirait même les municipalités et les autorités régionales. Dans la proposition de décembre 2014, la Commission suggèrait que “les Parties d[evraient] tenter de s'assurer que les institutions aux échelons infra-étatiques de l'UE et des états fédérés américains respectent ce chapitre.” Cela aurait inclus les municipalités et les autorités régionales et aurait considérablement élargi le champ de la coopération réglementaire. Cela aurait pu avoir un impact sur l'urbanisme, les marchés publics, les ressources naturelles et les politiques environnementales.

Jusqu'à présent il semble néanmoins que les Etats Membres aient refusé cette proposition, et qu'elle soit – pour le moment – mise à l'écart.

La coopération réglementaire est une menace pour la démocratie

En résumé, la coopération réglementaire mérite toute l'attention qu'elle peut avoir des ONGs, des mouvements sociaux, et surtout des législateurs à travers l'Europe. Ces derniers vont voir leurs propres pouvoirs limités, de facto, par la coopération réglementaire. Les documents connus du public jusqu'à présent montrent que les négociateurs tentent de modifier les processus de prises de décision pour augmenter le commerce et les investissements, avec peu de considération pour les conséquences sur nos institutions démocratiques. Ils mettent en avant des procédures complexes qui conviennent aux intérêts des entreprises. À la vue des documents obtenus par fuites, l'argument exposé dans la fiche d'information de la Commission, selon laquelle le “droit de réglementer dans l'intérêt général” est protégé, ne tient pas la route. Les documents montrent que l'étendue de la coopération réglementaire dans le TAFTA pourrait mettre en danger jusqu'au droit à réguler des municipalités et des régions.

  • 1. Pour plus d'informations sur la coopération réglementaire, vous pouvez consulter notre note explicative.
  • 2. En plus du document de Janvier obtenu par fuites, un autre document de Décembre a été reçu. Les deux documents sont pratiquement identiques, sauf sur la question des autorités régionales.
Resources: 

231214_regulatory_coherence_draft_proposal.pdf

                                                                                                                                                                                                                                                                             Source : corporateeurope.org/fr

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 14:59

 

Source : www.mediapart.fr

 

Libre-échange avec les Etats-Unis : les négociations ont repris

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

Ouverture lundi à Bruxelles du huitième « round » des négociations pour le futur accord de libre-échange entre l'UE et les États-Unis. Les critiques se renforcent sur la « convergence réglementaire » en chantier.

 

 

De notre envoyé spécial à Bruxelles. La visite très attendue d'Alexis Tsipras, le nouveau chef de l'exécutif grec, va focaliser l'attention cette semaine à Bruxelles. Mais la capitale belge accueille aussi à partir de lundi, et jusqu'en fin de semaine, un nouveau « round » de négociations (le huitième depuis le lancement à l'été 2013) censées déboucher, peut-être d'ici la fin de l'année 2015, sur un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne (TTIP ou TAFTA). C'est un vieux projet dans l'air depuis des décennies, réanimé par l'ancien président de la commission José Manuel Barroso il y a trois ans, devenu l'une des priorités du conservateur Jean-Claude Juncker pour relancer la croissance sur le continent.

Pour les observateurs familiers de ces négociations marathon, qui se déroulent par alternance entre Washington et Bruxelles, le contraste est saisissant. D'un côté, les difficultés s'accumulent pour l'avenir du TTIP. Les Américains ont fait d'un accord commercial avec des pays de la zone Asie-Pacifique une priorité d'ici la fin du mandat de Barack Obama, ce qui retarde d'autant les échéances avec Bruxelles. Surtout, le mécanisme d'arbitrage, qui permettrait à une entreprise d'attaquer en justice un État devant un tribunal ad hoc (ISDS dans le jargon), est une disposition du TTIP si impopulaire qu'elle semble hypothéquer l'avenir du texte tout entier (lire nos articles). Certaines capitales – Rome, Londres – se plaignent tout haut des retards accumulés.

Pourtant, force est de constater que les discussions avancent, secteur par secteur (cosmétiques, chimie, textile, dispositifs médicaux, automobiles, etc). Des points d'accord pourraient commencer à se concrétiser. « Nous parlerons cette semaine de tous les sujets, sauf de l'ISDS (le mécanisme d'arbitrage, sur lequel la négociation est jusqu'à présent gelée, faute de consensus côté Européens, ndlr) », expliquait vendredi un responsable de la commission.

 

Les chefs de file des négociations pour les Etats-Unis (à gauche) et pour l'UE. 
Les chefs de file des négociations pour les Etats-Unis (à gauche) et pour l'UE. © Reuters. 2014.

Le TTIP est un accord commercial d'un genre particulier. Son principal objectif n'est pas de baisser les tarifs douaniers (il en est question, mais ces droits de douane, la plupart du temps, sont déjà très bas). Il cherche surtout à harmoniser des « régulations » et des « normes », dans des dizaines de secteurs, pour renforcer les échanges commerciaux. Exemple souvent repris par les communicants de la commission : si Washington et Bruxelles parviennent à s'entendre sur une définition commune d'un airbag, pour la sécurité routière, cela renforcer les exportations de voitures européennes aux États-Unis, et réciproquement.

À l'été 2014, Mediapart a déjà relayé les difficultés des négociateurs pour faire « converger » les règles de part et d'autre de l'Atlantique sur les questions financières. Les États-Unis sont, concernant ce dossier, sur la défensive, de crainte de voir se défaire certains pans de sa régulation.

Mais le projet est encore plus ambitieux : il s'agit aussi de trouver des moyens, et d'inventer des structures sur mesure, pour harmoniser des réglementations à venir, celles que le parlement européen adoptera dans plusieurs années. Des ONG bruxelloises, dont CEO, ont fait fuiter la semaine dernière un projet de chapitre sur la « coopération réglementaire » que devait transmettre la commission aux Américains, le 30 janvier, et qui confirme cet objectif (lire document ci-dessous).

Premier constat : le texte est de nature juridique, constitué de 16 articles, et non plus, comme au cours de l'année dernière, un simple « position paper » (un texte encore flou fixant les grandes lignes de la position de la commission). C'est la preuve que les négociations, sur ce point, ont bien avancé.



De manière plus générale, les ONG redoutent que cette « coopération règlementaire » ne permette surtout, en bout de course, que l'« on fournisse aux entreprises une série d'instruments, qui leur permettront d'influencer la fabrication de nouvelles lois, de nouveaux règlements, et même de ceux qui existent déjà », croit savoir Corporate Europe Observatory (CEO). En clair, le TTIP mettrait en place des structures qui renforceraient le poids du secteur privé dans la fabrication des textes de loi en Europe. À les écouter, c'est toute la manière dont on fixe la loi sur le continent, qui serait à terme menacée.

L'article 14, en particulier, annonce la mise sur pied d'un « organisme de coopération réglementaire » (regulatory cooperation body), qui inquiète nombre d'observateurs. Il aurait son mot à dire sur les projets de loi en cours, pour les « harmoniser » avec ceux des États-Unis. Or, cet organisme sera surtout constitué, s'inquiètent certains (malgré quelques garanties qui figurent dans le document de négociation), de représentants du secteur privé, qui disposeraient d'un « accès privilégié ».  

Du côté de la commission, jointe par Mediapart, on rejette en bloc ces critiques : « Aucune des dispositions sur la table ne compromettront le processus de prise de décision, et de fabrication des textes de loi, pas plus aux États-Unis que dans l'Union européenne. Cette coopération se concentre en grande partie sur des règles techniques, qui encadrent la commercialisation des biens et la livraison des services. Des pans entiers de régulations ne sont pas concernés par cette coopération (par exemple la sécurité sociale, les conditions de travail, la fiscalité, etc). Et quoi qu'il en soit, cette coopération, sur ce corpus très précis de règlements, devra répondre aux standards de protection élevés que chacune des parties s'est fixés. »
Source : www.mediapart.fr

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25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 21:18

 

Source : france.attac.org

 

 

 

 

TAFTA : La Commission continue à vouloir réformer l’irréformable
mercredi 21 janvier 2015, par AITEC, Attac France

 

Les services de la Commission européenne ont finalement publié ce mardi les premiers résultats de la Consultation publique sur le volet Investissement du projet d’accord transatlantique (TAFTA). Le verdict est sans appel : les citoyens rejettent massivement la perspective d’une protection spécifique des investisseurs dans le futur traité.

 

 

Lancée en mars dernier sur la base du texte de l’accord EU-Canada (CETA), la consultation visait au fond à calmer les « inquiétudes » des citoyens sur l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement, nom anglais pour le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États) en leur proposant un cadre d’expression.

Une consultation biaisée de bout en bout

Six mois après cette consultation, la Direction générale du Commerce a enfin rendu son analyse des réponses, par la voix de la Commissaire Cecilia Malmström. Ces conclusions appellent deux remarques.

Diluer les critiques dans la technicité

Tout d’abord sur la méthode. Loin d’être un outil permettant le débat public, la consultation proposée par la Commission alliait complexité et mauvaise foi. Ses treize questions ne pouvaient manquer de perdre les lecteurs dans les détails techniques du régime de protection des investissements, et de décourager la critique politique, pourtant centrale. Surtout, la consultation omettait opportunément de questionner la nécessité d’inclure le mécanisme de règlement des différents dans l’accord futur.

Pour surmonter cet écueil, divers ONG et syndicats avaient proposé des outils explicitant les enjeux et facilitant la participation du public. Ils ont été plébiscités par des citoyens, avides de s’engager dans le débat. Des organisations comme les Amis de la Terre Europe, Campact en Allemagne ou 38 Degrees au Royaume-Unis ont ainsi mis à disposition des formulaires comportant des réponses pré-écrites, que les usagers pouvaient bien entendu remanier, développer ou adapter à leur guise. Ces outils rendaient intelligibles une consultation volontairement incompréhensible. Ils ont permis à un public large d’acquérir une certaine connaissance de la matière, et de raffiner ses arguments contre un régime injustifiable.

Les réponses ont donc envoyé un message clair et argumenté : le règlement des différents investisseur-État n’est pas réformable et doit être abandonné.

Mépris de la parole citoyenne

Pourtant, à l’heure des résultats, la Commission a choisi d’ignorer la teneur des 145 000 contributions individuelles obtenues via ces outils, bien que que celles-ci représentent 97 % du total des réponses.

Ces réponses mettent pourtant en lumière les dangers de l’ISDS. Les citoyens y explicitent leurs craintes pour la capacité de régulation des États et disent redouter les conflits d’intérêts auxquels les arbitres d’investissement ne pourront échapper. Ils montrent que la définition de la notion d’investissement retenue par la DG Commerce est si large qu’elle couvre toutes les activités économiques des multinationales, y compris les activités spéculatives ; et qu’elle pourrait même couvrir la seule intention d’investir - avant même que l’investissement soit devenu effectif. Ils dénoncent le caractère asymétrique d’une justice où seuls les « investisseurs » ont des droits, et où la charge des devoirs et de la preuve est exclusivement renvoyée aux pouvoirs publics. En en tirant les conséquences, ils appellent au rejet de toute forme de mécanisme de règlement des différents fondé sur de tels principes et une telle approche.

Hélas, dans ses conclusions publiées ce mardi, la Commission ne tient en aucun cas compte du message. Tout en reconnaissant que « la consultation montre qu’il existe un énorme scepticisme à l’égard de l’ISDS », la Commissaire n’envisage nullement l’abandon du mécanisme. La réforme d’un dispositif pourtant irréformable reste le seul horizon. Pire, de nombreux articles de presse anglophones et francophones citent des fonctionnaires anonymes de la Commission critiquant amèrement des réponses « hors sujet » et des ONG irresponsables.

Véritable outrage infligé à l’expression de dizaines de milliers de personnes, ces annonces décrédibilisent encore un peu plus un processus de négociation déjà largement discrédité. Alors même que la population multiplie les expressions d’inquiétude et les critiques, la Commission confirme qu’elle n’est prête à tenir compte de l’avis des citoyens que s’il lui sied. À l’image de cette consultation, elle ne recule devant aucune mise en scène pour donner l’illusion d’un processus démocratique.

Irréformable ISDS

Sur le fond, ensuite. L’écrasante majorité des réponses est formelle : le mécanisme de règlement des différents ne doit pas être réformé mais abandonné. La DG Commerce prétend pouvoir réformer l’irréformable afin de garder les négociations sur les rails. Mais ses propositions ont d’ores et déjà été introduites dans l’accord UE-Canada conclu en septembre dernier. Nos analyses montrent qu’elles ne résolvent aucune des failles consubstantielles au système de protection des investissements forgé autour de l’arbitrage international.

Droit à réguler non protégé

Avec le texte de la Commission, le droit des États à réguler parait protégé mais ne l’est en aucun cas. En effet, le texte de l’accord UE-Canada, qui sert de référence à la consultation, le pose en exception - sous forme de liste « négative ». La règle générale reste la primauté des droits conférés aux investisseurs. En cas de conflit entre leurs intérêts et ceux du public, des arbitres, avocats d’affaires confortablement rétribués, trancheront.

Là se trouve le cœur du problème : même choisis dans un répertoire pré-établi par les parties au traité, ils demeureront issus du gotha de l’arbitrage international et intrinsèquement soumis aux conflits d’intérêts.

D’autres problèmes juridiques fondamentaux restent sans réponse.

Les réformes proposées ne font rien pour endiguer le contournement du droit domestique et de ses juridictions, pourtant seuls légitimés par le vote et l’indépendance statutaire. Le monopole de la saisine des organes d’arbitrage au profit des entreprises - qui prive les citoyens comme les États ou les collectivités locales de justiciabilité en cas de violation de leurs droits - pose un problème fondamental d’équilibre de la justice.

La lourdeur des sanctions imposées demeure également inacceptable : les sanctions financières prononcées par les tribunaux d’arbitrage sont colossales, sans proportionnalité avec les faits à l’origine des poursuites, sans cohérence les unes par rapport aux autres [1].

L’insécurité juridique et l’aspect disproportionné des sanctions qui peuvent être infligées par les tribunaux d’arbitrage forment un cocktail dangereux. La menace de poursuites est une arme efficace utilisée par les multinationales pour tuer dans l’œuf les régulations qui leur déplaisent. L’effet de paralysie de l’action publique qui en découle est un des dangers les plus pernicieux de l’ISDS [2], auquel les réformes de la commission ne peuvent pas répondre.

Changer de système

Aucune des failles mise en évidence par les organisations de la société civile et les experts n’est donc réellement comblée. Du reste de nombreuses réponses d’entreprises et d’associations professionnelles semblent elles-aussi juger les propositions de la DG Commerce insuffisantes.

Dans ses conclusions, celle-ci annonce son intention de poursuivre ses consultations jusqu’au printemps. Elle espère ainsi pouvoir formuler des propositions de réforme concrètes. Mais ces réformes ne sont ni possibles ni souhaitables. La Commission maintiendra-t-elle son cap par delà l’opposition de la plus grande part du public ? Certes consultation ne vaut pas vote ou référendum, mais il en va de la confiance, déjà largement mise à mal, des citoyens à l’égard des institutions de Bruxelles.

Deux perspectives pourraient s’offrir à la Commissaire Malmström.

  • Proposer au Conseil des ministres du Commerce la révision du mandat de négociation, que ceux-ci sont les seuls à pouvoir amender. Le mandat révisé, allégé du volet « Investissement » du traité, devrait alors être soumis au vote du Parlement européen qui, on peut le croire, n’aurait aucun mal à l’adopter, car les réticences des élus de Strasbourg sont multiples à la perspective d’inclure la protection de l’investissement et l’ISDS dans l’accord futur. Certains objecteront que ce serait signer l’arrêt de mort du TAFTA tant cet aspect de l’accord est cardinal pour ses promoteurs. Mais les citoyens et le bien public s’en remettraient rapidement, et seule une poignée d’entreprises transnationales auraient de bonnes raisons de pleurer l’accord avorté.
  • Ouvrir une réflexion substantielle sur le régime international de protection de l’investissement. Elle devra conduire à la reformulation de ses principes fondateurs, et à l’examen des instruments et juridictions publiques existants. Il lui faudra garantir la supériorité absolue des droits humains - civils et politiques mais également économiques, sociaux et environnementaux, (qui d’ailleurs garantissent le droit à la propriété et pourraient donc suffire à protéger les investisseurs) - sur les droits des entreprises. Cela suppose notamment d’introduire la réciprocité totale de la saisine, d’établir un régime international de sanction à l’égard des entreprises qui violeront ces droits et d’assurer le caractère public et entièrement indépendant de toute juridiction nouvelle ou existante qui sera rendue compétente pour instruire et juger les violations considérées.

La disparition du volet Investissement du traité ne résoudra pas tous les problèmes que pose l’accord transatlantique. Les risques induits par les dispositions qui organiseront la coopération réglementaire, un éventuel chapitre sur la libéralisation du commerce de l’énergie, ou encore la libéralisation du commerce agricole, pour ne citer que quelques uns des volets problématiques de la négociation, font du TAFTA un danger majeur pour la santé publique, la justice sociale et la démocratie. Ils devront donc être débattus de la même manière que l’est la protection des investissements.

 

P.-S.

Photo : MPD01605, licence Creative Commons BY-SA 2.0 (via Wikimedia Commons).

Notes

[2C’est le cas de la Nouvelle Zélande, qui a choisi de repousser sa loi de marquage des paquets de tabac jusqu’à ce que la poursuite intentée par Philip Morris contre l’Australie pour une loi similaire soit tranchée. Voir également le cas du Canada et la révocation de son interdiction d’un additif toxique utilisé dans les carburants http://www.cela.ca/article/international-trade-agreements-commentary/how-canada-became-shill-ethyl-corp

 

 

 

Source : france.attac.org

 

 

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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 17:18

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Les citoyens européens consultés rejettent massivement la clause d’arbitrage du traité transatlantique de libre échange

Elisabeth Schneiter (Reporterre)

vendredi 16 janvier 2015

 

 

150 000 citoyens se sont exprimés négativement sur le traité TAFTA en négociation entre l’Europe et les Etats-Unis. Reconnaissant cette opposition, la Commission européenne maintient cependant le cap de la négociation.


Le 13 janvier, la Commission européenne a publié les résultats de la consultation publique sur le règlement des différends investisseur-État (RDIE, ou ISDS en anglais) dans le contexte des négociations commerciales UE-États-Unis, TTIP ou TAFTA, alias traité transatlantique de libre échange.

« S’il fallait une nouvelle preuve que la négociation du traité de libre-échange transatlantique se fait sans, et contre les citoyens européens, il n’y a qu’à lire les conclusions de la Commission européenne après la consultation publique sur le mécanisme très contesté de règlement privé des différends états-investisseurs », juge le député européen Yannick Jadot.

L’été dernier, en réaction face à la montée de l’opposition au TAFTA et plus particulièrement à la clause sur l’arbitrage, la commission avait lancé cette consultation. Elle avait prévenu qu’une consultation publique n’est pas un sondage, et encore moins un référendum.

Malgré la langue de bois dans laquelle il était rédigé, environ 150 000 personnes ont répondu à ce questionnaire long, alambiqué et fastidieux. À aucun endroit, celui-ci ne posait clairement la question de savoir si le citoyen était pour ou contre l’inclusion du mécanisme ISDS dans le projet de traité, ce qui était pourtant le sujet. À aucun endroit on ne proposait d’autres solutions, telle que le règlement par les tribunaux des pays européens.

Pourtant, la consultation a recueillie le le nombre le plus élevé de réponses jamais reçues lors d’une consultation publique de l’UE. Et il prend encore plus de signification si on le compare au taux de participation très bas aux élections européennes. L’appropriation de cette consultation par les citoyens s’explique probablement par l’absence de mécanisme démocratique permettant de faire valoir leurs inquiétudes et questionnements à l’égard du grand marché transatlantique.

97 % des personnes qui ont répondu à la consultation ont rejeté la perspective d’un mécanisme de règlement des différends dans l’accord transatlantique comme dans ceux déjà conclus, tels que l’accord UE-Canada. « La consultation montre clairement l’existence d’un énorme scepticisme par rapport à l’instrument RDIE », a reconnu la commissaire européenne au commerce, Cécilia Malmström. L’une des craintes des opposants est qu’un tel mécanisme supranational entraîne une vague de procédures des multinationales américaines contre certaines législations nationales européennes, non conformes à leurs intérêts commerciaux.

Fin juillet, Karel de Gucht avait déclaré aux membres du Parlement européen que les multiples réponses identiques reçues via ces outils seraient considérées comme une réponse unique. Cela est scandaleux, car chaque réponse a bien été entrée dans le système par une personne différente. Cette attitude méprisante avait conduit les associations AITEC et Attac France à adresser une lettre ouverte à la Secrétaire d’État au Commerce extérieur Fleur Pellerin.

En publiant les résultats, la Commission européenne a indiqué que « toutes les réponses seraient également prises en considération » mais, comme M. de Gucht, elle considère que sur 150.000 réponses reçues, 97 % étaient semblables et adressées depuis des plates-formes citoyennes. Elle indique qu’elle continuera ses consultations avec les autres institutions de l’UE et les parties prenantes, dont les citoyens ne font pas partie....

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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14 janvier 2015 3 14 /01 /janvier /2015 15:40

 

Source : www.bastamag.net


 

 

Libre-échange

Traité commercial Tafta : Bruxelles consulte mais n’écoute pas

par Sophie Chapelle 14 janvier 2015

 

 

 

 

C’est une consultation au succès inespéré. Mais son résultat est qualifié aujourd’hui de « parodie de la démocratie » par les opposants au Tafta, l’accord commercial en cours de négociations entre les États Unis et l’Europe (notre dossier). Entre mars et juillet dernier, la Commission européenne avait ouvert une consultation, accessible aux citoyens, sur le « mécanisme de règlement des différends investisseurs - États » (« ISDS » pour l’acronyme anglais) prévu dans le traité de libre-échange. Le dispositif ISDS permet aux entreprises de porter plainte contre un État ou une collectivité territoriale, dès lors qu’une loi ou une réglementation jugée trop contraignante entrave leurs investissements, y compris leurs prévisions de bénéfices futurs (voir notamment comment s’en sert l’industrie du tabac).

Dans un rapport publié le 13 janvier, la Commission européenne rend compte des premiers résultats de la consultation publique sur le volet Investissement du projet transatlantique [1]. Sur les 150 000 personnes qui y ont participé, la Commission reconnaît qu’une grande majorité – au moins 97 % – fait part de leur préoccupation ou de leur opposition à l’ISDS, ou au traité Tafta de manière plus générale. Avant de préciser que cette avalanche de réponses critiques serait liée aux organisations de la société civile qui ont donné au grand public, via des modules électroniques pré-remplis, la possibilité de participer au processus consultatif.

 

Une contestation minorée

Si la Commission reconnait que « la consultation montre clairement l’existence d’un énorme scepticisme par rapport à l’instrument ISDS », elle classe néanmoins les réponses en différentes catégories. Selon Les Echos, « seules les réponses de 3 000 citoyens individuels et celles des organisations professionnelles, des syndicats et des cabinet d’avocats (450) ont été utiles au débat », le reste étant « hors sujet ». Ignorer ces voix constitue une bien étrange conception de la démocratie... Pour justifier cette discrimination, la Commission européenne a rappelé lors de sa conférence de presse que les États membres lui ont demandé à l’unanimité de négocier un tel mécanisme. A l’issue de cette consultation, elle projette donc de travailler sur l’instauration d’un mécanisme d’appel de ces décisions d’arbitrage, et la manière d’éviter les recours abusifs de certaines entreprises.

Pour le réseau Seattle to Brussels (S2B), spécialiste des questions commerciales, cette consultation est une « parodie de la démocratie ». « La Commission européenne fait preuve d’un mépris total pour la voix des peuples qui se sont mobilisés en masse pour exprimer leur opposition au traitement VIP des investisseurs dans les négociations UE-EU », affirme Paul de Clerck des Amis de la Terre Europe, membre de S2B. En France, le collectif Stop Tafta rappelle que « c’est un rejet que les populations attendent ». Les organisations du collectif appellent les citoyens à accroitre leur pression sur le gouvernement français qui doit se prononcer sur ce mécanisme, ainsi que sur la Commission et le Parlement européens, « afin que l’arbitrage d’investissement soit enterré une bonne fois pour toutes ». Des mobilisations sont prévues à Bruxelles, à l’occasion du prochain cycle de négociations du 2 au 6 février.

@Sophie_Chapelle

 


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Source : www.bastamag.net

 

 

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