Reportage | | 11.10.11 | 16h20
Le chef d'état-major de l'armée israélienne qui appelle les ministres à voter contre le premier d'entre eux, Benyamin Nétanyahou ; Shass, le parti ultraorthodoxe, qui menace de provoquer une crise gouvernementale ; la majorité des internes en médecine en instance de démissionner... Décidément, le printemps social israélien n'a pas pris fin avec le démantèlement du camp de tentes du boulevard Rothschild de Tel-Aviv, le 3 octobre.
Stricto sensu, le premier ministre a remporté une victoire : dimanche 9 octobre, seuls 8 ministres se sont prononcés contre l'adoption du rapport Trajtenberg, censé constituer la réponse politique à la révolte de la classe moyenne et des étudiants contre la vie chère, entamée à la mi-juillet. Si 21 ministres ont finalement apporté leur soutien à M. Nétanyahou, ce succès laissera des traces. Et d'abord dans les relations entre ce dernier et le général Benny Gantz, patron de l'armée.
Car le rapport Trajtenberg est financé par une ponction annuelle de 3 milliards de shekels (environ 600 millions d'euros) sur les crédits militaires, un budget quasi sacro-saint en Israël. Alors dimanche, le ministre de la défense, Ehoud Barak, est venu au conseil des ministres flanqué du général Gantz, lequel a joué son rôle, enjoignant chacun de voter contre M. Nétanyahou. En substance : vu l'accumulation de menaces au Proche-Orient, il serait irresponsable de baisser la garde en réduisant les crédits militaires.
"Personne ne sait ce qui va se passer demain. Vous voulez que nous nous préparions pour le scénario du pire ? Où voulez-vous que nous fassions des économies ? Sur Iron Dome ?", a lancé le général, faisant référence au système antimissile destiné à détruire les roquettes du Hamas et du Hezbollah. Et M. Barak d'enfoncer le clou : "Rappelez-vous la guerre du Kippour en 1973, et la seconde guerre du Liban en 2006. Des coupes budgétaires drastiques avaient été opérées sans discernement. " M. Barak exagérait un peu : si Tsahal avait été mal préparée pour ces deux conflits, c'est surtout à cause d'une faillite du renseignement.
Un premier pas
M. Nétanyahou est resté impavide. Il s'était assuré le soutien des cinq ministres d'Israël Beitenou, le parti ultranationaliste du ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, grâce à une poignée de cadeaux politiques. Ce faisant, il a pris le risque de s'aliéner le soutien des quatre ministres de Shass. Pour autant, même si les chefs étudiants rejettent le rapport Trajtenberg en exigeant un "vrai budget social ", ce vote est un premier pas.
M. Nétanyahou agit dans l'urgence : lundi soir, après des atermoiements, il a recommandé que des augmentations de salaire soient consenties aux jeunes médecins. Sans être sûr que ce soit suffisant pour éteindre cet autre foyer du printemps social : quelque 700 internes des hôpitaux, mécontents de leur rémunération, avaient symboliquement démissionné dans la journée...
Laurent Zecchini (Jérusalem, correspondant)