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26 novembre 2014 3 26 /11 /novembre /2014 14:58

 

Source : www.mediapart.fr

 

Relance en Europe: le simulacre du plan Juncker

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

L'enveloppe de plus de 300 milliards d'euros paraît énorme. Mais le plan que Jean-Claude Juncker présente mercredi à Strasbourg, pour réveiller l'économie, mobilisera à peine une vingtaine de milliards d'euros d'argent public, tirés du budget européen déjà négocié l'an dernier… Le reste : d'hypothétiques effets de levier, difficiles à anticiper, grâce aux apports du privé.

De notre envoyé spécial à Bruxelles.- Ce sera la feuille de route de la nouvelle commission européenne, celle de la « dernière chance » pour l'UE : un plan d'investissement de 315 milliards d'euros que Jean-Claude Juncker doit présenter mercredi devant les eurodéputés à Strasbourg. Le Luxembourgeois pense avoir trouvé le remède magique pour écarter le risque qui menace l'économie européenne d'une « décennie perdue » à la japonaise.

Le projet, dans l'air depuis l'été, longtemps resté flou, pourrait être entériné dès la réunion des chefs d'État et de gouvernement de la mi-décembre. Sur le papier, le mécanisme, censé provoquer un électrochoc, doit réussir un tour de force : recourir le moins possible à de l'argent public, débloquer le moins possible d'argent frais, surtout ne pas endetter l'Union. Cet habile tour de passe-passe suffira-t-il à sortir l'Europe du marasme ?

1 - Objectif : en finir avec le « sous-investissement »
Le diagnostic n'est pas nouveau : l'économie européenne souffre d'un manque massif d'investissement. D'après la commission, les investissements internationaux en direction du continent ont dégringolé de 15 % par rapport aux niveaux d'avant crise, en 2007. Selon une étude du think tank Bruegel, ce manque d'investissement représente, cette année, pas moins de 260 milliards d'euros pour les seuls 15 pays « historiques » de l'UE.

La baisse est particulièrement sévère en Grande-Bretagne ou en Italie (voir graphiques ci-dessous). Il faudrait donc tout faire pour séduire ces fonds et entrepreneurs, venus d'Inde, de Chine ou du Brésil, pour relancer la machine.

 

 

2 - Une enveloppe trop modeste ?
Les volumes sont trompeurs. Avec 315 milliards d'euros (si l'on en croit le Financial Times) étalés sur plusieurs années, Juncker semble frapper très fort. C'est nettement plus que le « pacte de croissance » négocié à l'été 2012 (130 milliards d'euros). Mais cela n'équivaut en fait qu'à 2,4 % environ du PIB européen. À titre de comparaison, le premier plan de relance de Barack Obama, dans la foulée de sa première élection, dans le pur style « keynésien », avoisinait les 1 000 milliards d'euros – 7 % du PIB des États-Unis.

Depuis une semaine, chacun y va de sa contribution au débat, des capitales aux groupes politiques au sein du parlement, avec des volumes presque à chaque fois plus élevés. Les sociaux-démocrates (dont le PS) ont mis au point un plan d'investissement à 800 milliards d'euros. Les libéraux (auxquels appartiennent les élus français UDI-MoDem) proposent une enveloppe de 700 milliards (environ 5,5 % du PIB). Même ordre de grandeur pour la Pologne qui a, elle aussi, dévoilé un projet très fouillé pour alimenter le débat.
 
3 - Très peu d'argent public
C'est la grande astuce de la relance à la sauce Juncker : les effets de levier. L'idée est de constituer un « fonds européen d'investissement stratégique » (FEIS), constitué d'une vingtaine de milliards d'euros d'argent public, placé sous le contrôle de la Banque européenne d'investissement (BEI). Cet argent va servir à garantir une batterie de grands projets (énergie, numérique, infrastructures, etc.), plus ou moins difficiles à financer en temps de crise. Pour le dire vite, l'engagement de la BEI – qui prendra différentes formes – va permettre de « rehausser » la qualité du prêt, et donc, en théorie, d'attirer de nouveaux investisseurs privés.

Selon les montages financiers imaginés (prêts, garantie, prise de participation, etc.), l'effet de levier varie. Il pourrait aller jusqu'à… 18. En clair : pour 1 euro d'argent public, 18 euros d'argent privé. À ce rythme-là, on arrive assez vite, à partir d'un fonds de 20 milliards environ, à une enveloppe, très abstraite pour l'instant, de 300 milliards et quelques, pour relancer l'économie européenne… Soit un effet de levier de 1 à 15. L'effet d'annonce est impressionnant, mais cela reste à concrétiser, au fil des années et des projets. « Évoquer un effet levier de 1 à 15 est au mieux optimiste, sinon irresponsable », relève l'ONG Counter Balance, qui suit de près le travail de la BEI, dans un communiqué, mardi.

 

Jean-Claude Juncker © CE. 
Jean-Claude Juncker © CE.

Précision capitale : l'essentiel du fonds de garantie (16 sur 21 milliards) sera abondé par des capitaux publics que les États membres se sont déjà engagés à verser, dans le cadre du budget européen adopté en 2013, pour la période 2014-2020. Les 28 se préparent donc à un grand exercice de cuisine budgétaire, pour « optimiser » l'utilisation d'un argent qu'ils ont déjà promis (en piochant quelques milliards dans les lignes « relance » du budget pluriannuel en question). Il y a donc très peu d'argent public, mais aussi très peu d'argent frais, dans le grand échafaudage imaginé par Juncker… Tout est affaire de mise en scène, pour séduire les marchés, mais aussi les eurodéputés et les capitales, qui n'ont pas encore donné leur feu vert.

Dans un entretien au Financial Times, Emmanuel Macron avait mis en garde, mi-novembre, contre le risque d'un « flop », si trop peu d'argent public était mis sur la table. Le ministre de l'économie français plaidait, lui, pour une fourchette de 60 à 80 milliards d'euros tirés du budget européen – les Français, sur ce point, sont loin d'avoir eu gain de cause.

Compatible avec l'austérité ?

À la défense de Juncker, il faut reconnaître que ses marges de manœuvre sont limitées, vu les contraintes budgétaires sur les États. De nombreuses capitales, Londres en tête, auraient à coup sûr bloqué toute nouvelle injection d'argent frais pour Bruxelles. Les 28 ont d'ailleurs toutes les peines du monde à boucler, ces jours-ci, le budget de l'année 2014, et à trouver les quelques milliards nécessaires pour ne serait-ce que tenir leurs engagements financiers de l'an dernier.

Jusqu'à présent, le budget européen servait à « co-financer » des projets ciblés, avec les États membres : l'UE apportait la moitié de l'enveloppe, l'État l'autre moitié, pour financer, par exemple, une autoroute. Mais avec la crise, le système s'est rouillé : des lignes du budget européen ne sont pas débloquées, parce que les capitales, asphyxiées, ne suivent plus. Une partie de l'argent « dort » à Bruxelles. Dans le plan Juncker, le « co-financement » UE-État membre est relégué au second plan, et la BEI devient le maître d'œuvre : cela devrait permettre d'accélérer la mise en chantier.  
 
 

Le Finlandais Jyrki Katainen. Il est le commissaire chargé de la relance au sein de l'équipe Juncker. ©PE. Le Finlandais Jyrki Katainen. Il est le commissaire chargé de la relance au sein de l'équipe Juncker. ©PE.

4 - Le fantôme du « pacte de croissance » de 2012
Qui se souvient encore du « pacte de croissance » de 130 milliards d'euros censé sortir l'Europe de la crise, défendu par François Hollande à l'été 2012 ? Deux ans et demi plus tard, il n'en reste pratiquement plus rien. Le président français lui-même a reconnu que la mise en place de ce pacte s'avérait trop lente, sinueuse, compliquée. Pourtant, le plan d'investissement de Juncker ressemble furieusement au pacte de croissance de 2012.

À l'époque, le financement reposait déjà, en bonne partie, sur ces fameux effets de levier. Les États s'étaient engagés à recapitaliser la BEI à hauteur de 10 milliards d'euros. Ce qui devait former, en bout de course, une enveloppe de 60 milliards d'argent public-privé mobilisé. Fin 2014, cet argent n'a toujours pas été investi dans sa totalité, preuve de l'extrême lenteur des mécanismes de l'UE. Et l'effet de levier s'est révélé plus modeste qu'attendu. Pire : la toute première « obligation de projet » – l'un de ces mécanismes innovants mi-publics, mi-privés qui vont se développer dans les mois à venir – a tourné au fiasco complet (voir notre enquête sur le projet Castor en Espagne).

Le plan Juncker a-t-il tiré les enseignements de cet échec ? En partie. Les États, par exemple, ne vont pas recapitaliser directement la BEI (ce qui s'était fait dans la douleur en 2012), puisque les sommes seront prélevées, directement, du budget européen. La BEI va aussi reprendre la liste de projets déjà établie lors des débats sur les perspectives budgétaires l'an dernier, afin, là encore, de gagner du temps. Mais pour le reste, c'est très flou.

L'un des enjeux sera de voir si la BEI, qui fait toujours très attention à conserver sa note suprême, son « triple A » délivré par les agences de notation, va oser financer des projets vraiment risqués. Quitte à s'engager sur des chantiers fragiles pour aider des structures plus modestes, qui pourraient menacer sa « qualité de crédit »… En l'état, c'est loin d'être évident. C'est tout le problème des effets de levier massifs, prévus dans le plan : ils sous-entendent que les projets sélectionnés seront assez peu risqués et que les investisseurs privés seront quasiment sûrs de s'y retrouver.

À titre de comparaison, le plan alternatif défendu au parlement européen par les sociaux-démocrates repose sur davantage d'injections d'argent public dans l'enveloppe de base. Ce qui autorise des effets de levier moins importants, et sans doute plus réalistes. Concrètement, cela permettrait de financer des projets moins évidents, à plus petite échelle, en soutien aux PME par exemple. Mais ce n'est pas le scénario retenu par la commission à ce stade.

5 - Quelle cohérence avec les politiques d'austérité nationales ?
C'est l'un des paris de la stratégie de Juncker : corriger les effets « dépressifs » de l'austérité pratiquée au niveau des États membres, par un plan de relance européen à base d'argent privé. Après la présentation, mercredi, du plan d'investissement, la commission européenne reprendra vendredi ses refrains pro-rigueur en délivrant des « avis » à 16 des 18 membres de la zone euro. La France, sans surprise, sera épinglée. Davantage d'économies lui seront demandées pour son projet de budget 2015. 

« Il y a un début de schizophrénie en Europe. D'un côté, on continue de vouloir appliquer le pacte budgétaire, en accentuant la pression sur plusieurs pays, dont la France, pour les faire rentrer dans les clous budgétaires. De l'autre, on se rend compte que la croissance est morne, que l'on a fait fausse route. Sauf qu'on ne va pas vraiment jusqu'à en tirer toutes les conclusions », commente l'universitaire Benjamin Coriat, membre du collectif des « économistes atterrés ».

 

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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