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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 22:01
| Par Raphaël Morán


La station balnéaire de Los Cabos, où se réunissent lundi et mardi les dirigeants du G20, est à l’image de l’économie mexicaine : une misère croissante derrière une vitrine de modernité. Il suffit dans cette région de s’éloigner de quelques kilomètres de la côte et de ses grands hôtels pour trouver des habitations faites de bric et de broc. Malgré la croissance économique, le sexennat du président Felipe Calderón, qui touche à sa fin, aura été celui du creusement des inégalités et de la pauvreté. L'élection présidentielle a lieu le 1er juillet et Josefina Vazquez, candidate du Parti d'action national (PAN) qui l'a désignée pour prendre la suite de Calderón, est donnée battue par les sondages. Elle est largement devancée par le candidat du vieux Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), au pouvoir du 1929 à 2000, Enrique Peña Nieto.

À en croire les institutions internationales, le Mexique aurait pourtant presque tout bon. Christine Lagarde, secrétaire générale du FMI, n’a-t-elle pas érigé en exemple la gestion de la crise par le gouvernement mexicain ? Le secrétaire général de l’OCDE, José Angel Gurría, s’est même fait lyrique en affirmant que le Mexique se trouvait « presque sur une autre planète avec ses 4 % de croissance » du PIB, pour le seul premier trimestre 2012.

 

Le président sortant, Felipe Calderon élu en 2006 ne peut se représenter. 
Le président sortant, Felipe Calderon élu en 2006 ne peut se représenter.© (dr)

Bon élève, le Mexique a privatisé ses entreprises publiques par centaines à partir de 1982 et signé un accord de libre-échange nord-américain en 1994. Aujourd’hui, la deuxième économie d’Amérique latine, derrière le Brésil, affiche même des budgets à l’équilibre et une dette publique de 36,5 % du PIB qui ferait rêver les pays d’Europe. Faut-il encore une preuve que le capitalisme mexicain se porte bien ? Le milliardaire mexicain des télécommunications, Carlos Slim, figure une fois de plus en première place du classement Forbes des plus grandes fortunes du monde, avec ses 69 milliards de dollars.

La majorité de droite sortante (Parti action nationale, PAN) se targue d’avoir réduit la pauvreté grâce à ses emblématiques programmes sociaux. À la veille de la trêve électorale interdisant au gouvernement de faire la publicité de ses actions, le président Felipe Calderón a vanté une dernière fois les mérites d’Oportunidades. Ce programme social, inauguré en 1997, puis repris par la droite lorsqu’elle est arrivée au pouvoir consiste à offrir des aides en contrepartie de la scolarisation des enfants ; un modèle exporté dans d’autres pays depuis lors.

Avec l’appui de la Banque mondiale, Oportunidades (« opportunités ») cible avant tout les populations rurales marginalisées en prévoyant une aide économique alimentaire de 225 pesos par mois (environ 13 euros) et de 3 euros au titre des dépenses d’énergie. Près de 5 millions de familles mexicaines en bénéficient.

Des bourses sont également accordées de manière progressive à mesure que les enfants avancent dans leur cursus scolaire (jusqu’à 21 ans), atteignant au maximum 121 euros par mois et par famille. C'est une aide précieuse dans un pays où le salaire minimum est d’environ 60 pesos par jour (soit 3,4 euros). Effet positif : parmi ceux qui bénéficient du programme, la proportion d’enfants de 5 à 13 ans qui travaillent a diminué de 2,6 % à 1,1 % entre 2003 et 2009.

En 2011, le gouvernement de Felipe Calderón a même annoncé avoir atteint la couverture maladie universelle de sa population, en affiliant au Seguro Popular plus de 50 millions de Mexicains jusque-là dépourvus d’assurance médicale.

La moitié de la population dans la pauvreté

Mais pour beaucoup de chercheurs et économistes, on ne peut se contenter de ces quelques progrès, certes salutaires. « La couverture maladie universelle a été atteinte sur le papier uniquement », précise Araceli Damián, économiste spécialiste de la pauvreté au Colegio de México. En réalité, « la capacité des services de santé ne couvre pas la population inscrite ». Sans compter les individus inscrits « malgré eux ».

Quant au programme Oportunidades, il soigne les effets sans s’en prendre aux racines du mal : même si le taux de scolarité augmente, il n’y a pas plus d’emplois pour les familles. « Les bénéficiaires les mieux lotis du programme quittent leur lieu de vie pour aller chercher du travail ailleurs ! » pointe Araceli Damián.

Si le gouvernement mexicain peut se targuer d’avoir amélioré ponctuellement le niveau de vie de certaines populations, le bilan économique de Felipe Calderón reste frappé du sceau de l’appauvrissement massif. Le Mexique a connu une croissance moyenne d’environ 1,27 % ces six dernières années, fortement frappé par la dure récession de 2009, tandis qu’en deux ans seulement, 3,2 millions de Mexicains ont sombré dans la pauvreté qui touche désormais plus de 50 % de la population.

 

Andrés Manuel López Obrador, le candidat de la gauche modérée. 
Andrés Manuel López Obrador, le candidat de la gauche modérée.© (dr)

Tandis que certains quartiers de Mexico voient encore des tours luxueuses s’élever, certaines populations connaissent la faim. En janvier dernier, victime de la sécheresse, la communauté Raramuri (ou Tarahumaras) dans le nord du pays a connu une recrudescence de décès pour cause de malnutrition.

Depuis 2006, le taux de chômage apparemment faible cache en fait une recrudescence du secteur informel qui permet de survivre à environ 26 % des Mexicains. Pire, le pouvoir d’achat a baissé. Le candidat de la gauche modérée, qui talonne celui du PRI et avait perdu de très peu l'élection de 2006, Andrés Manuel López Obrador, rappelle régulièrement qu’il y a six ans, un salaire minimum permettait d’acheter 7 kilos de tortillas contre 5 aujourd’hui.

Pauvreté en augmentation, baisse du pouvoir d’achat et croissance des inégalités, le Mexique prometteur n’est plus. « Le Mexique est un pays riche à population pauvre. La politique économique a consisté à maintenir des bas salaires pour rester compétitifs », explique Araceli Damián à Mediapart. « Mais on ne peut pas concurrencer la Chine ou l’Inde en terme de main-d’œuvre. Du coup, le marché intérieur s’est réduit. Difficile d’atteindre une forte croissance lorsque la population à a peine de quoi manger », pointe la chercheuse.

A l’opposé du Brésil qui a su diversifier son économie, investir dans la recherche (trois fois plus que le Mexique) et lutter sérieusement contre la pauvreté, le gouvernement mexicain n’a pas eu l’ambition de sortir le pays d'une très forte dépendance des Etats-Unis. Les exportations vers le voisin du nord, les revenus du pétrole et les envois d’argent des familles émigrés restent les ressources principales de l’économie mexicaine.

A ce bilan s'ajoute un autre : la violence liée à la guerre des gangs du crime organisé. 60 000 personnes ont été tuées depuis 2006, et des villes entières sinistrées économiquement. C’est le cas de la région de Monterrey où le revenu moyen dans les banlieues riches égalait pourtant celui de la population des Etats-Unis. Si cette violence coûte  – selon Standard & Poor’s – environ 1 point de croissance au Mexique, elle génère surtout une décomposition du tissu social. José Luis de la Cruz, de l’université Tecnológico de Monterrey, pointe ce cercle vicieux : plus il y a de pauvreté, plus la délinquance augmente, ce qui décourage l’investissement et effrite les perspectives d’emploi…

La solution ? De profondes réformes de justice, en matière fiscale d’abord. « Les classes sociales riches ne sont pas habituées à payer des impôts », regrette Araceli Damián. Interrogé par Mediapart, Alfred Rodríguez, président de la chambre de commerce franco-mexicaine, reconnaît, lui aussi, que le Mexique « récolte très peu d’impôts ». Avec un niveau de prélèvements atteignant seulement 21 % du PIB (contre plus de 40 % en France), « c’est un frein au développement », admet l’entrepreneur. Pour lui, la solution est dans les technologies de pointe : « penser au Mexique pour fabriquer moins cher est une erreur », en revanche les investissements étrangers peuvent miser sur des domaines d'excellence, ajoute-t-il. « Le secteur aéronautique en est un exemple : il se développe car il y a des travailleurs qualifiés », explique-t-il en allusion au parc de Querétaro récemment ouvert.

Serpent de mer de la politique mexicaine, la réforme du secteur pétrolier reste à faire et voit s’affronter partisans et opposants à la privatisation du géant Pemex. Là encore, le manque d’investissements publics et la croissance du secteur automobile ont précipité le pays dans l’absurdité. Par manque de raffineries, le pays exporte du pétrole et importe de l’essence… Le prochain président mexicain devra d'abord développer le marché intérieur, sans quoi, le pays continuera longtemps à se demander pourquoi il s’est fait dépasser par le Brésil.

 

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