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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 22:23

Les sciences citoyennes | LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 02.03.12 | 08h51   •  Mis à jour le 03.03.12 | 18h38

 
 

 

Vue tirée du jeu Foldit de repliement de protéines.

Vue tirée du jeu Foldit de repliement de protéines.Foldit


La science est une activité trop importante pour être laissée aux seuls scientifiques." Le ton de la seconde conférence internationale consacrée à la "cyberscience citoyenne" est donné ce jeudi 16 février, à Londres, dans un amphithéâtre d'une vénérable institution scientifique, l'Académie royale de géographie. La phrase, un brin provocante, a été prononcée par François Grey, un chercheur globe-trotter ayant un pied à Genève, au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), et un autre en Chine à l'université de Tsinghua.

En 2009, il a contribué à créer le Centre citoyen de cyberscience avec l'appui du CERN, de l'université de Genève et des Nations unies. Il est aussi l'un des coorganisateurs, avec l'University College de Londres, de cette manifestation qui a réuni plus de 100 personnes pendant trois jours et qui promet de chambouler la science, l'éducation voire la société.

COMMUNICATIONS EXTRATERRESTRES

Mais que sont ces sciences citoyennes ? Le terme désigne un ensemble d'initiatives, de projets qui transforment de simples profanes, un tantinet curieux, en acteurs de la recherche dans des domaines aussi variés que l'astronomie, la botanique, la climatologie, la biologie moléculaire, les mathématiques, la chimie...

Le mouvement a été lancé, en 1999, avec le projet Seti@home de recherche des traces de communications extraterrestres dans des signaux radio. Le public donne du temps de calcul de son ordinateur pour l'analyse des enregistrements. Même si pour l'instant la quête a été vaine, elle a donné des idées à d'autres.

Les projets de calcul distribué fourmillent pour trouver de nouveaux nombres premiers, découvrir la forme de molécules, simuler la circulation de l'eau dans de minuscules tubes, comprendre la forme de la Voie lactée... Les citoyens, en apportant, même passivement, leur pierre à l'édifice peuvent ainsi toucher à de la science de haute volée.

DÉCODER LE CHANT DES BALEINES

L'engagement peut aller beaucoup plus loin grâce au Web, qui fournit des solutions de partage et de collaboration ergonomiques et peu chères. Le public peut dorénavant mettre aussi son cerveau réel, et pas seulement informatique, à disposition de la science.

Le portail Zooniverse recense ainsi quelques projets où l'intelligence du visiteur est requise. Recherche d'exoplanètes, analyse de la surface lunaire, identification de galaxies, décodage du chant des baleines, reconstruction de températures du passé... sont autant d'activités nécessitant des capacités d'analyse, de visualisation, de mémoire dans lesquelles l'humain supplante la machine. Souvent une phase d'entraînement ou de tests précède l'exploration réelle des données. Un système de points ajoute aussi parfois une dimension compétitive à l'expérience.

Ainsi, le projet de reconstruction des températures anciennes du globe demande aux internautes d'extraire des carnets de bord de la marine anglaise les informations de type météorologique (température, vent, pression...) qui entreront ensuite dans une base de données. Les plus actifs deviendront capitaine de ce navire.

"Le caractère ludique est important. Pour un projet en astronomie, au bout de dix images à analyser, je me suis ennuyé. A la cinquantième, j'ai arrêté", témoigne un des participants à la conférence. Parfois la récompense est plus concrète. Le projet de recherche d'exoplanètes, Planet Hunters, qui propose déjà une trentaine de candidates exoplanètes, fait des participants les coauteurs de l'article scientifique relatant ces découvertes (deux articles sont en soumission à des comités de lecture).

REPLIEMENT DES PROTÉINES DANS L'ESPACE

En matière de production scientifique réelle, l'exemple le plus connu est sans conteste Foldit. Le but de ce jeu sérieux est de comprendre le repliement des protéines dans l'espace, un problème capital pour saisir les fonctions de ces molécules biologiques. En déplaçant des portions de la molécule, en ajoutant ou détruisant des liaisons, les participants essaient de résoudre ces casse-tête.

Trois articles, dont l'un dans la revue Nature, ont assis la renommée du projet et de ces chercheurs en herbe. "Avec Foldit, les gens font plus qu'analyser des données. Ils proposent, explorent et collaborent entre eux. Je n'aurais pas parié que ça marcherait. C'est un nouveau paradigme", constate François Taddei, de l'université Paris-Descartes, orateur à Londres. " Foldit est aussi un excellent outil pour les étudiants, à condition de le modifier un peu. Ce jeu évite certains mots spécialisés, que nous devons réintroduire, ajoute Antoine Taly, de l'université de Strasbourg. D'autres notions pourraient bénéficier de cette pédagogie, bien différente des classiques travaux pratiques où les élèves savent ce qu'ils doivent trouver."

OBSERVATION DES ESCARGOTS

Une nouvelle catégorie de sciences citoyennes est également en plein essor. Elle utilise toutes les facilités apportées par le Web ou les téléphones portables pour échanger, collaborer ou visualiser des données, mais tient à garder un pied dans la vie réelle. Il s'agit de tous les projets dans lesquels les citoyens collectent des données ou font des mesures dans l'environnement. Ils retrouvent là les gestes familiers des précurseurs des sciences participatives, les botanistes ou entomologistes amateurs des XVIIIe et XIXe siècles.

Aujourd'hui, changement d'échelle. Avec Evolution MegaLab, Jonathan Silvertown a réuni, grâce à des dizaines de milliers de bénévoles, les observations sur 3 000 escargots à bandes de la famille Cepaea nemoralis dont les couleurs peuvent trahir un changement de température locale. Là aussi, cela a donné lieu à publications. La chaîne de télévision Arte vient de lancer sur le Web, pour trois mois, le site Missions printemps, invitant à compter les vers de terre, débusquer les lézards, enregistrer le chant du coucou...

En fait, c'est le domaine le plus bouillonnant de ces sciences citoyennes. En anglais, on ne compte plus les sites se terminant en "XXX watcher" pour observer les chauves-souris, les moineaux, les papillons... La valeur ajoutée citoyenne est évidente. Seuls, les chercheurs ne parviendraient pas à recueillir autant de données sur des espèces aussi variées et sur des territoires aussi étendus.

Mais, depuis quelque temps, les petites mains veulent aller plus loin et faire leurs propres mesures et statistiques. A la réunion de Londres, un groupe a ainsi annoncé le lancement d'une application de mesure du bruit ambiant pour téléphone portable. Comme un "concurrent" belge, le projet avait en fait commencé à l'invitation d'associations de riverains d'aéroport ou d'autoroute soucieux d'avoir des arguments à objecter aux experts officiels. Cela n'est pas sans rappeler la création, en France, de la Criirad, pour proposer des mesures indépendantes de radioactivité dans l'environnement. La panoplie de capteurs faits main est déjà bien remplie pour la pollution de l'air, le sulfure d'hydrogène, les champs électromagnétiques, la radioactivité, les perturbateurs endocriniens...

CROWDSOURCING

Que ce soit pour prêter bénévolement son ordinateur ou ses petites mains, ou bien pour s'impliquer dans des processus plus collaboratifs de réflexions et d'actions, toutes ces initiatives sont très inspirées par la philosophie des pionniers du Web et de l'informatique, autour du partage, de la transparence ou de la collaboration. D'une certaine manière, l'encyclopédie Wikipédia incarne aussi ces idéaux. En anglais, on parle de "crowdsourcing", pour intelligence des foules. Autrement dit, l'ensemble représente plus que la somme des parties. Tom Igoe, de l'université de New York, a ainsi joliment résumé la chose : "Ce que l'on fait est moins important que les relations que l'on crée."

Mais le succès de ces initiatives s'accompagne également de quelques critiques. Le côté citoyen ferait presque oublier que, dans la plupart des cas, les idées viennent d'en haut, des chercheurs eux-mêmes. La co-construction est pour l'instant rare. Dans le domaine médical, les associations de malades, notamment contre le sida ou les myopathies, en sont cependant un exemple. Mais à l'inverse, à Londres, de jeunes Allemands, bénévoles et adeptes du calcul distribué, se sont fait signifier une fin de non-recevoir de la représentante de l'Union européenne quant à l'accès aux ressources académiques de calcul pour ces non-professionnels...

La qualité aussi est source d'interrogations. "Dans la mesure du bruit, il y a beaucoup de logiciels proposés, mais certains sont vraiment mauvais", explique Ellie D'Hondt, de l'Université libre de Bruxelles, qui a passé beaucoup de temps à calibrer son système. A la conférence, M. Silvertown a insisté sur l'importance des tests d'identification sur ses escargots : un tiers des participants se trompent d'espèce !

Même si les sciences citoyennes ne font pas progresser directement la recherche, elles risquent de secouer le monde des experts et de l'éducation. "Lorsque l'on présente des cartes géographiques avec des données précises, on est pris au sérieux", témoigne l'anthropologue Jerome Lewis à partir de son expérience en Afrique.

Augmenter le niveau de connaissance et d'implication des citoyens ne peut que renforcer la qualité des échanges entre scientifiques professionnels, experts, pouvoirs publics ou privés. Les changements seront encore plus évidents pour l'éducation. "La technologie va très vite. La science aussi. Mais l'éducation évolue plus lentement. Comme pour les sciences et technologies, il devrait être possible de travailler en synergie et en collaboration dans l'éducation. L'intelligence collective bien canalisée peut nous faire progresser", estime François Taddei, adepte des méthodes pédagogiques innovantes.

Les deux derniers jours de la conférence, les participants, comme pour montrer que les choses changent, sont descendus des estrades pour des remue-méninges autour d'une dizaine de défis. "Sauver les hippocampes", "Hacker les mobiles pour l'école", "Mesurer la pollution avec un oeuf", "Combien y a-t-il de citoyens chercheurs ?"... Dans un couloir, un participant interroge : "Est-ce qu'on pourrait mesurer l'histoire d'un arbre en direct avec un capteur sans fil incrusté dans son écorce ?" et ajoute : "Quelle batterie faudrait-il ?" "Demande à un astrophysicien spécialiste !", lui répond-on. A défaut d'arbre, une graine est déjà plantée.

David Larousserie


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