Pendant que la France et la Grèce élisaient leurs députés, c’est à un autre vote que ce sont livrés nos voisins helvètes du canton de Vaud (ouest de la Suisse). Ils ont validé hier par voie référendaire l’autorisation du suicide assisté dans certaines structures de santé et sous conditions. Toléré dans l’ensemble du pays - à l’exception de quelques établissements ne la pratiquant pas, surtout pour des raisons religieuses - c’est la première fois qu'il sera inscrit dans la loi.
Deux projets étaient en concurrence : un premier, proposé par l’organisation Exit, prévoyait pour tous les établissements médicaux subventionnés par le canton, l’obligation d’accepter l’assistance au suicide de tout patient qui en ferait la demande. Un contre-projet, porté par le gouvernement, posait un cadre plus strict. C’est ce deuxième projet que les Vaudois ont approuvé, avec 60% de voix pour (35% contre).
Les Vaudois pourront donc désormais bénéficier de l’aide au suicide dans les établissements subventionnés et dans les hôpitaux publics, à condition d’être atteints d’une maladie incurable ou de garder de lourdes séquelles d’un accident grave, que leur capacité de discernement soit validée par un médecin et, enfin, que les alternatives telles que la prise en charge en soins palliatifs lui aient été proposées. C’est le patient lui-même qui devra ingurgiter le produit fatal, afin qu’il ne s’agisse que d’assistance et pas d’euthanasie.
En 2009, l’organisation Exit avait porté ce projet de référendum d’initiative populaire - contrairement à la France où cette consultation ne se fait qu’à l’initiative du président de la République, en Suisse, une fraction du corps électoral peut demander l’adoption de textes par voie référendaire. Elle défendait le «droit à l’autodétermination sans entrave», et considérait le contre-projet gouvernemental comme une «autoroute favorisant l’acharnement palliatif et le paternalisme médical». Exit, ainsi que l’association Dignitas, sont connues pour avoir accompagné près de 500 malades en fin de vie l’an dernier en Suisse.
Dans un autre canton, celui de Zurich, les citoyens s’étaient déjà prononcés en 2011 lors de deux référendums sur le suicide assisté, une fois pour rejeter, à 78%, une initiative visant à les restreindre aux seuls habitants du canton - une proposition qui aurait permis de limiter le «tourisme de la mort», l’autre fois pour rejeter à plus de 84% son interdiction. Mais lors de ces votes, aucune inscription dans la loi de ce principe n’était prévue... et le Conseil fédéral suisse refuse de légiférer.
Seuls trois pays européens (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) et trois Etats nord-américains (Oregon et Washington par voie législative, Montana par voie de jurisprudence) autorisent le suicide assisté. Mais le Canada pourrait rejoindre le club, puisque vendredi 15 juin, la Cour suprême de Colombie-Britannique a jugé inconstitutionnelle l’interdiction du suicide assisté, actuellement puni de quatorze ans de prison.
Considérant que le suicide n’était pas prohibé, cette aide ne pouvait tomber sous le coup de la loi sans contrevenir à l'article 15 de la Charte des droits et libertés canadienne, a estimé la juge Lynn Smith. Cet article garantit le droit à l’égalité, que les personnes soient en bonne santé ou malades. La juge a également estimé que l'interdiction contrevenait à l’article 7 de cette même charte, qui garantie le droit à la vie et à la liberté, soulignant l’impossibilité pour un malade en fin de vie de se suicider seul, alors qu’il pourrait le faire s’il était en meilleur état physique.
La requérante, Gloria Taylor, 63 ans et atteinte d’une maladie neurodégénérative incurable, avait demandé en novembre dernier à la Cour suprême l’invalidation de la loi prohibant l’assistance au suicide. Jusqu’ici, c’est la décision de la cour de rejeter une requête similaire déposée par Sue Rodriguez en 1993, qui faisait jurisprudence. Gloria Taylor devrait donc pouvoir bénéficier d’une assistance au suicide.
La magistrate a néanmoins suspendu la portée générale de son jugement pour un an, le temps que la Chambres des communes puisse rédiger une nouvelle loi. L’archevêque de Vancouver, Michael Miller, a quant à lui demandé au gouvernement canadien de faire appel de cette décision, qu’il qualifie «d'imparfaite et dangereuse».