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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 16:44

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/amnestyinternational

 

 

Travailleurs migrants exploités et luttant pour leur survie au Qatar


 
Des déchets de chantier stockés à côté de la cuisine et des chambres des travailleurs 
Des déchets de chantier stockés à côté de la cuisine et des chambres des travailleurs © Shaival Dalal

« C'était complètement sans espoir. » C'est ainsi que Rahul* a résumé sa première période comme travailleur migrant au Qatar lors d'une récente conversation avec Amnesty International. Bloqué à plus de 2 000 kilomètres de son Inde natale, dans un pays dont il ne parlait pas la langue, il se trouvait dans la situation la plus difficile jamais vécue de toute sa vie professionnelle.


A l'ombre d'une construction flambant neuf, de sombres histoires

À environ 50 minutes de voiture au nord de Doha, à Ras Laffan, au cœur même de l'industrie gazière du Qatar, se trouve le campus de l'école Ras Laffan Emergency and Safety College (RLESC), une école de formation aux situations d'urgence et à la sécurité officiellement inaugurée par le Premier ministre le 12 novembre. L'établissement compte un auditorium de 120 places, des salles de conférence, une salle à manger de 300 couverts et un terrain avec une tribune pour VIP.

Mais beaucoup de malheur se cache derrière ce nouveau campus étincelant. Pour Rahul et ses collègues d'une entreprise appelée Krantz Engineering, le temps qu'ils ont passé à la construction du site, ainsi que les neuf mois qui ont suivi, constituent une période sombre de leur vie.

En juillet 2012, le versement de leurs salaires s'est brusquement arrêté. Leur employeur n'a cessé de leur assurer qu'ils allaient être payés et qu'ils devaient continuer à travailler, mais les salaires n'ont jamais été versés. Malgr, ils risquaient de lourdes sanctions financières s'ils ne se présentaient pas à leur lieu de travail.

En novembre 2012, la plupart des hommes avaient cessé le travail et demandaient à rentrer dans leur pays avec les salaires qui leur revenaient.

Mais début 2013 ils étaient toujours bloqués au Qatar, sans travail ni salaire depuis plusieurs mois, sans aucun moyen pour retourner chez eux, luttant pour survivre et risquant à tout moment d'être arrêtés. Leur situation, déjà difficile, a empiré de manière inexorable. Ils ont adressé plusieurs appels à leur employeur et aux autorités du Qatar afin qu'ils les payent et les laissent repartir, mais en vain.

En février 2013, au bout de sept mois sans salaire et sans pouvoir rentrer dans leur pays, plusieurs travailleurs disaient avoir des pensées suicidaires.

 

Pris au piège

Les employés de Krantz Engineering ont voulu changer de travail ou quitter le Qatar, car les promesses répétées de versement de leurs arriérés de salaire n'avaient depuis longtemps plus aucun sens. Au fil des mois, certains ont même demandé à leur employeur de les renvoyer chez eux sans salaire.

Cependant, du fait de divers obstacles bureaucratiques et pratiques, sortir de cette situation était bien plus difficile qu'il n'y paraissait.

En raison du système de « parrainage » qatarien qui réglemente le recrutement et l'embauche des travailleurs migrants, la présence de ces hommes au Qatar était liée à leur employeur et ils ne pouvaient donc pas chercher un autre travail dans le pays.

De plus, Krantz Engineering retenait leurs passeports, de sorte que même s'ils parvenaient à rassembler eux-mêmes l'argent nécessaire, il leur était impossible de prendre un avion pour quitter Doha.

Il y avait aussi une considération matérielle qui préoccupait très lourdement plusieurs d'entre eux.

Comme l'a expliqué Rahul, la plupart, si n'est tous, avaient été attirés par les salaires que Krantz leur faisait miroiter et qui étaient nettement plus élevés que ceux auxquels ils pouvaient prétendre dans leur propre pays. Pour se rendre au Qatar, ils avaient pour beaucoup contracté des dettes qu'ils devaient maintenant rembourser – ce qui venait s'ajouter au coût d'une autorisation de sortie à solliciter auprès des autorités qatariennes et au prix du billet d'avion.

Aux termes des contrats signés par les travailleurs migrants au Qatar, le voyage de retour et toutes les démarches bureaucratiques sont censés être couverts. Mais comme pour les salaires, là aussi les promesses restent souvent lettre morte.

Cette conjugaison de facteurs a forcé Rahul et ses collègues à attendre dans leur lieu d'hébergement, mois après mois, sans être payés. À partir d'avril 2013, la compagnie a cessé les approvisionnements en nourriture. Pendant tout ce temps, la plupart de ces hommes n'avaient pas de statut de résident en bonne et due forme parce que Krantz n'avait pas fait les démarches nécessaires, et plusieurs ont été arrêtés.

L'un des collègues de Rahul, un Indien de 31 ans, agent de maîtrise en chauffage et ventilation, a décrit il y a peu son calvaire à Amnesty International : « Cela a été horrible. Je ne sais pas pourquoi je suis venu. Je dirais que c'est la pire période de ma vie. Mon père est décédé alors que je peinais ici et je n'ai pas pu aller le voir une dernière fois, même après les avoir suppliés [au ministère de l'Intérieur], en larmes et à genoux. »

Rahul s'est rendu à maintes reprises à divers tribunaux et institutions publiques du Qatar, et il a fait part de sa frustration à Amnesty International en avril 2013 :

« Je vous écris ce courriel après avoir beaucoup souffert et bataillé... Je me suis plaint à plusieurs endroits, au tribunal du travail, à l'ambassade de l'Inde, à la haute cour, au ministère de l'Intérieur et au Conseil national des droits humains, mais je n'ai reçu aucune réponse positive de personne... Depuis cinq jours je n'ai plus d'argent pour manger car cela fait neuf mois que je n'ai pas été payé. »

Rahul a finalement pu obtenir une autorisation de quitter le territoire après qu'Amnesty International l'a mis en contact avec le Comité national des droits humains du Qatar, qui à son tour a travaillé avec le ministère de l'Intérieur pour accélérer le processus. Il a enfin pu quitter le Qatar en mai de cette année, mais seulement après que Krantz Engineering l'eut contraint de signer une lettre disant qu'il avait perçu neuf mois d'arriérés de salaire. À ce jour il n'a pas reçu le moindre centime de la somme qui lui est due.

 

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Des billets d'avion sont remis devant le Ministère de la Justice aux travailleurs ayant signé une fausse déclaration selon laquelle ils auraient été payés © Amnesty International


Les trois derniers anciens employés de Krantz Engineering, à bout, sont finalement rentrés chez eux en avion en juillet 2013, un an après la suspension du versement de leur salaire.

Cependant, Rahul et beaucoup d'autres ne sont pas encore au bout de leur peine. Pour pouvoir rembourser les dettes accumulées alors qu'il travaillait pour Krantz, Rahul n'a pas eu d'autre choix que de retourner au Qatar – cette fois-ci auprès d'un autre employeur – où il continue à tenter de récupérer une partie de l'argent qu'il a perdu.

 

Après le rêve, la très dure réalité

Le cas des ouvriers de Krantz Engineering n'est que l'un des nombreux exemples troublants décrits par Amnesty International dans un nouveau rapport intitulé The Dark Side of Migration: Spotlight on Qatar’s construction sector ahead of the World Cup, où il apparaît que le secteur du bâtiment au Qatar emploie des personnes sur des projets de plusieurs millions de dollars tout en les soumettant souvent à une grave exploitation.

« Derrière les liens contractuels souvent complexes que l'on retrouve dans le domaine de l'emploi au Qatar se cache la maltraitance des travailleurs migrants, une maltraitance courante et banale qui, dans certains cas, s'apparente au travail forcé », a déclaré James Lynch, chercheur d'Amnesty International sur les droits des migrants dans la région du Golfe.

Selon les observations d'Amnesty International, les mesures de protection actuellement fournies aux travailleurs migrants par les pouvoirs publics sont insuffisantes.

Amnesty International exhorte le gouvernement du Qatar à appliquer les dispositions existantes en matière de protection des droits du travail, que de nombreux employeurs bafouent régulièrement. L'organisation demande aussi une réforme du système dit de « parrainage », qui interdit aux travailleurs migrants de quitter le pays ou de changer d'emploi sans l'autorisation de l'employeur.

*Pseudonyme destiné à protéger l'identité de la personne.

 

 


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