Le Mediator, accusé d'être responsable de centaines de morts en France, aurait dû être retiré du marché par les laboratoires Servier douze ans avant son interdiction en 2009, a témoigné vendredi 24 mai un ancien directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Lire notre infographie : Chronologie de l'affaire du Mediator
"Les laboratoires Servier auraient dû spontanément retirer le Benfluorex [principe actif du Mediator] en 1997" lorsque l'Isoméride et le Ponderal, deux médicaments de la même famille, ont été eux-mêmes retirés du marché, a expliqué à la barre Philippe Lechat, ex-directeur de l'évaluation des médicaments à l'Afssaps (de 2007 à 2012), au quatrième jour du procès à Nanterre (Hauts-de-Seine).
"ABSENCE DE NOTIFICATION DE PHARMACOVIGILANCE ALARMANTE"
La commercialisation de cet antidiabétique détourné aussi comme coupe-faim avait été suspendue en 2009 par l'Afssaps (aujourd'hui appelée ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) à la suite de la mise en évidence d'un excès de cas de valvulopathie (déformation des valves cardiaques). En 2010, l'agence avait évalué à au moins 500 les décès dus à ce médicament en trente-trois ans. Une autre estimation, révélée un mois plus tard dans la presse, avait évoqué 1 000 à 2 000 morts.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles l'Afssaps n'avait pas pris une décision plus tôt, M. Lechat a expliqué que c'était dû à "l'absence de notification de pharmacovigilance alarmante" avant 2009. La "ligne" des laboratoires Servier était de positionner le Mediator comme différent de ses deux cousins, l'Isoméride et le Pondéral, selon le médecin qui a rédigé une note fin 2010. "Il y avait une volonté de minimiser, d'occulter", a-t-il insisté.
De son côté, la défense a concentré ses questions sur les conditions de rédaction de la note de M. Lechat et les références utilisées. Me Hervé Temime, avocat de Jacques Servier, absent à l'audience vendredi, a également suggéré que l'Afssaps avait une responsabilité dans le retrait tardif du Mediator.
Lire le contexte L'imbroglio juridique du premier procès du Mediator
**************************************************
Un crime presque parfait. Voilà comment Irène Frachon est venue décrire hier à la barre le scandale du Mediator.
Irène Frachon, c'est cette pneumologue qui a révélé au grand public les liens entre le médicament des laboratoires Servier et les complications cardiaques et pulmonaires sur un grand nombre de patients.
Le dossier est jugé à Nanterre et Florence Sturm suit le procès pour France Culture. Elle a aussi filmé Irène Frachon expliquer le fonctionnement du Mediator :