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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 18:11

 

 

mediapart.fr

La Troïka menace d'imploser

|  Par Ludovic Lamant

 

 

Les désaccords entre le FMI et la commission européenne ne cessent de s'amplifier sur la manière d'en finir avec la crise des dettes en Europe. Alors qu'une nouvelle aide à la Grèce est en discussion, le débat sur l'après-Troïka est lancé à Bruxelles.

 

Les « hommes en noir » de la Troïka sont en instance de divorce. Trois ans après sa création, hors de tout cadre juridique prévu par les traités européens, cet organe à trois têtes, censé piloter les programmes de réforme des pays menacés de faillite au sein de la zone euro, est parcouru de vives tensions. À tel point qu'à Bruxelles, le débat sur l'après-Troïka est lancé.

Les signes se multiplient d'un délitement de cette structure contestée, qui rassemble des experts de la commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI). « La configuration (de la Troïka), qui a été décidée en temps de crise, est un peu étrange. Il faut la changer », avait ainsi reconnu en mai dernier Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE.

De son côté, la Luxembourgeoise Viviane Reding, vice-présidente de la commission, avait jugé, en juillet, que « la Troïka a fait son temps ». Celle qui prétend à la présidence de l'exécutif européen l'an prochain, a ouvertement plaidé pour un scénario sans le FMI : « Faire appel au FMI, comme ce fut le cas ces dernières années, était une solution de crise. À l'avenir, nous Européens devons nous montrer capables de résoudre nos problèmes par nous-mêmes. » José Manuel Barroso, le patron de la commission, avait lui-même laissé entendre, en juin, que les institutions européennes pouvaient désormais se débrouiller seules, en cas de nouveau plan d'aide.

Mise sur pied à l'occasion du « sauvetage » de la Grèce en mai 2010, l'impopulaire Troïka travaille aujourd'hui avec les gouvernements de trois autres États membres de la zone euro : le Portugal, l'Irlande et Chypre. C'est elle qui établit la liste des économies, réformes structurelles et autres privatisations qu'un pays doit s'engager à réaliser, s'il veut obtenir, en l'échange, un mégaprêt pour lui éviter le défaut. Le FMI fournit également des conseils aux Européens sur la réforme du secteur bancaire espagnol.

En trois ans, cette structure au fonctionnement opaque est devenue le symbole d'une gestion autoritaire de la crise, où des capitales de la zone euro se trouvent mises au pied du mur, contraintes pour éviter la faillite à réaliser des réformes rejetées par bon nombre de citoyens. « La Troïka doit être démantelée, ces gens sont complètement hors sol, hors réalité. Qui rend des comptes là-dedans ? » s'était emportée, en juin, Isabelle Durant, une eurodéputée belge du groupe des Verts, qui avait résumé l'agacement de bon nombre de citoyens. « Une créature politique non identifiée, pour ne pas dire un monstre », tranche Sylvie Goulard, une élue libérale du Parlement.

En toute logique, cette Troïka se dissoudra quand les plans d'aide (les bail-out) seront arrivés à terme. Par exemple à l'horizon 2016 pour Chypre, si l'on en croit les échéances officielles. Problème : sur le terrain, l'embellie semble encore fragile (Irlande), voire carrément inexistante (Grèce). D'autres mégaprêts pourraient donc être nécessaires et faire durer le supplice. Les Européens et le FMI devraient discuter, cette fin de semaine à Washington, d'une nouvelle enveloppe d'aide à la Grèce.

 

Olli Rehn à Riga, en Lettonie, le 12 septembre 2013. © CE. 
Olli Rehn à Riga, en Lettonie, le 12 septembre 2013. © CE.


Sans surprise, du côté des services d'Olli Rehn à Bruxelles, on minimise l'ampleur des frictions. « Aucune de ces situations (dans les pays aidés – ndlr) n'est simple, mais c'est pour cela qu'il est plus important que jamais que nous puissions compter sur l'expertise combinée et complémentaire des trois institutions », a expliqué le commissaire Rehn, chargé des affaires économiques au sein de l'exécutif de Barroso. Et de repousser à plus tard l'irrésistible débat sur l'après-Troïka : « Nous devrons certainement explorer des manières d'améliorer la gouvernance de la zone euro, y compris dans la gestion des mécanismes de crise. » 

Si Bruxelles n'ose pas avancer franchement sur ce dossier, c'est avant tout parce que les États membres, l'Allemagne en tête, n'ont pas envie d'ouvrir la boîte de Pandore. Car remplacer la Troïka reviendrait sans doute à donner davantage de pouvoirs encore à la commission européenne, pour la transformer un peu plus en un « fonds monétaire européen » – un scénario pas forcément plus populaire aux yeux de nombre de citoyens sur le continent…

Pourtant, la tension enfle de tous côtés. Principale explication : le malaise croissant du FMI, qui cherche à limiter la casse et ne pas perdre ce qui lui reste de légitimité dans la gestion de crise. Au printemps 2010, c'est Berlin surtout qui avait poussé pour que l'institution de Washington, alors dirigée par Dominique Strauss-Kahn, intervienne. C'est même l'une des conditions fixées par le parlement allemand, le Bundestag, pour valider chaque plan d'aide qui se présente : il faut que le FMI s'implique lui aussi.

Mais le FMI est en désaccord avec la manière dont la crise est gérée, et tient désormais à le faire savoir. Son rapport publié en juin a fait l'effet d'une bombe : l'institution y critique le plan de sauvetage négocié en 2010 pour la Grèce, expliquant qu'à ses yeux, il aurait mieux fallu « adoucir » la politique d'austérité, en pratiquant un effacement partiel des dettes publiques – scénario exclu, à l'époque, par Paris et Berlin (lire l'article de Martine Orange). Le texte, où beaucoup ont cru déceler l'influence du nouveau directeur Europe du FMI, le Britannique Reza Moghadam, dénonce à mots à peine couverts la gestion de la commission européenne. Ce qui avait obligé Olli Rehn, le commissaire aux affaires économiques, à répliquer : « Que le FMI se lave les mains et fasse peser toute la responsabilité sur les épaules de l'Europe, est injuste. »

La commission piégée ?

Autre pièce à conviction : le Wall Street Journal a fait état la semaine dernière de documents internes au FMI, qui prouvent qu'en ce mois décisif de mai 2010, plus de 40 États membres du Fonds, tous non européens, s'étaient opposés au plan d'aide tel qu'il avait été conçu pour Athènes. Des représentants de l'Australie, de la Russie ou de l'Argentine, avaient alors mis en garde contre d'« immenses risques » encourus, si l'on en croit le compte-rendu des débats. Un officiel brésilien s'était, lui, inquiété d'un programme « mal conçu et insoutenable en dernier ressort ».

Ces prises de position n'avaient pas empêché Dominique Strauss-Kahn d'expliquer aux journalistes, dans la foulée de l'accord, que le Fonds n'avait « aucun doute » sur le fait que ce « bail-out » allait marcher. Aujourd'hui, les membres non Européens du FMI ne décolèrent pas contre cette erreur de diagnostic de 2010, et critiquent le « favoritisme » du Fonds à l'égard des pays européens. « Le Fonds se trouve aujourd'hui exposé à un risque excessif en Europe : c'est pour cela qu'il veut se désengager », résume Costas Lapavitsas, un économiste grec basé à Londres, dans un entretien au quotidien El País. Pas moins de 56 % des prêts aujourd'hui accordés par le FMI profitent à des pays de l'Union.

« Le fait que les décisions portant sur des programmes d'ajustement qui impliquent le FMI soient prises, vraisemblablement, à Berlin, Francfort ou Bruxelles, devrait horrifier les membres de l'institution », commente Ousmène Mandeng, un ancien responsable du Fonds. « C'est quasiment la première fois que le FMI se trouve influencé à ce point par ses plus grands actionnaires. » Mais côté européen, Angela Merkel rechigne toujours autant à expliquer aux citoyens allemands qu'une partie des prêts débloqués à Athènes ne seront finalement pas remboursés.

Interrogée en juin sur le sujet, Christine Lagarde a tenté de calmer le jeu : « Les membres de la Troïka ont eu une relation très solide et productive au cours des trois dernières années », a-t-elle affirmé, vantant le caractère « novateur » de l'aventure. Mais personne n'est dupe. La gestion calamiteuse de la crise chypriote, en début d'année, a laissé des traces indélébiles. Le FMI a choisi de participer à hauteur de 10 % seulement du volume d'aide global débloqué pour Chypre – contre un tiers lors des « bail-out » précédents. Le désengagement du FMI de la crise de la zone euro est déjà en cours.

Dans une moindre mesure, la BCE a elle aussi pris ses distances avec la gestion au jour le jour de la Troïka. Au sein du conseil des gouverneurs, à Francfort, ils sont de plus en plus nombreux à craindre pour la sacro-sainte indépendance de l'institution. « La BCE n'accepte pas l'interférence des gouvernements. Mais son indépendance devrait fonctionner dans les deux sens : cela signifie également que la BCE s'abstienne d'intervenir dans les décisions très politiques, avec des conseils portant sur les impôts ou les coupes dans les dépenses. Et c'est pourtant ce qu'elle fait au sein de la Troïka : elle doit en partir le plus vite possible », juge Paul De Grauwe, un économiste belge, professeur à la London School of Economics.

À la tête de la BCE, Mario Draghi avait tenté de désamorcer la polémique au mois de mars : « Gardez à l'esprit que nous ne signons pas le mémorandum », ce cahier des charges signé entre Bruxelles et les capitales menacées de faillite, qui établit la liste des réformes à effectuer. Devant des eurodéputés qui l'interrogeaient fin septembre à Bruxelles, Draghi a tenté de minimiser un peu plus le rôle de la BCE au sein de la Troïka. Il ne s'agirait de rien d'autre qu'un travail de simple conseiller, « en liaison avec la commission », pour fournir une « expertise technique ». De là à dire que la BCE conseille, depuis l'extérieur, la Troïka, il n'y a qu'un pas…

Alors que le FMI et la BCE tentent de sauver la face devant le fiasco annoncé, il ne reste plus que la commission européenne, stoïque dans la tempête, à assumer le bilan – calamiteux – de trois années de Troïka. À l'approche des élections européennes, José Manuel Barroso, si prompt à s'inquiéter de la montée des « populismes » sur le continent, s'est-il rendu compte de l'opération ? Son collègue Olli Rehn, lui, n'a pas l'air gêné : le Finlandais a exprimé en août son envie de se présenter aux élections comme possible chef de file européen des libéraux.

 

 

 

 

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