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29 décembre 2013 7 29 /12 /décembre /2013 17:25

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

L'heure de la revanche pour les lanceurs d'alerte

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 11.12.2013 à 11h03 • Mis à jour le 12.12.2013 à 17h24 | Propos recueillis par Yves Eudes

 
 

Depuis le début du millénaire, des groupes de hackers et de militants de l'Internet libre expliquaient que les agences de renseignement des Etats-Unis mettraient en place un système de surveillance d'envergure planétaire, capable d'espionner des pays entiers. Parmi ces lanceurs d'alerte, Christopher Soghoian, Jérémie Zimmermann et Jacob Appelbaum. Les médias les écoutaient, puis les oubliaient, car ils n'apportaient pas de preuves matérielles exploitables. On les prenait parfois pour des paranoïaques ou des extrémistes égarés par leur antiaméricanisme.

Tout change au printemps 2013, quand un consultant de l'Agence de sécurité nationale (NSA) américaine, Edward Snowden, fournit aux médias des milliers de documents authentifiés de facto par le gouvernement des Etats-Unis, qui n'a pas contesté leur provenance. Aujourd'hui, les théories et les intuitions des militants de l'Internet libre ont acquis un nouveau poids.

Jacob Appelbaum.

Informaticien, militant de l'Internet libre, Jacob Appelbaum est l'un des concepteurs du projet TOR, vaste réseau de serveurs permettant de naviguer sur Internet sans se faire repérer. Il a aussi été le porte-parole de WikiLeaks aux Etats-Unis. En 2013, il s'est installé à Berlin pour fuir le harcèlement policier dont il était victime dans son pays.

Que répondez-vous à ceux qui disent : « Tout ça ne me concerne pas, je n'ai rien à cacher » ?

Jacob Appelbaum : Quand quelqu'un vous sort cette phrase, répondez-lui : « Alors déshabille-toi, mets-toi nu devant moi, tout de suite. » Non seulement il ne le fera pas, mais il se mettra en colère, parce qu'il comprendra que vous essayez de prendre le pouvoir sur lui. Ensuite, ça le fera réfléchir.

Que faire face à la NSA quand on est un simple citoyen ?

Au niveau personnel, pas grand-chose. Se protéger tout seul dans son coin, c'est comme recycler trois déchets pour sauver la planète. Ce nouveau système de surveillance de masse est totalitaire au sens strict du terme, car il n'y a pas d'échappatoire. Même si on ne va pas sur Internet, on est surveillé, identifié, localisé, de mille façons, y compris quand on utilise son passe électronique dans le métro – mais vous allez encore dire que je suis parano…

Beaucoup n'ont pas encore compris qu'ils peuvent être surveillés, même s'ils ne sont pas intéressants pour les services secrets. Vous serez fiché parce que vous êtes l'ami d'un ami de quelqu'un qui les intéresse, ou que vous le côtoyez par hasard. Plutôt que de sélectionner les informations, la NSA garde les données de tout le monde, pour toujours. Compte tenu de leurs moyens et de la baisse continue des coûts de stockage, c'est faisable.

Que peut faire l'Europe ?

D'abord, les Européens doivent comprendre que cette mise sous surveillance de pays entiers est une nouvelle forme de colonisation. Quand j'ai demandé à des élus allemands pourquoi leur pays n'accordait pas l'asile politique à Edward Snowden (actuellement réfugié en Russie), plusieurs m'ont répondu : « C'est impossible, il ne serait pas en sécurité ici. » C'est un aveu implicite : face aux Etats-Unis, l'Allemagne n'est pas tout à fait un pays indépendant.

Le téléphone d'Angela Merkel est sur écoute depuis 2002, bien avant qu'elle soit devenue chancelière. Alors, ne croyez surtout pas qu'elle est la seule responsable allemande à être espionnée par la NSA. Or, face aux Etats-Unis, l'Union européenne est faible, elle pratique la politique désastreuse de l'apaisement. Il faudrait au contraire enquêter en profondeur, tout mettre sur la table, tout publier, puis lancer une grande opération de type « Vérité et réconciliation ».

Et si personne ne réagit ?

Tout va empirer. En collectant sans cesse des masses de données vous concernant, le système de surveillance fabrique votre doppelgänger numérique, un double qui devient plus vrai que vous. Votre profil et votre graphe social (cartographie de votre entourage) sont sans doute remplis d'informations erronées, mais vous ne pourrez jamais les faire rectifier, car vous ignorez leur existence.

Dans des pays où les Etats-Unis mènent des attaques de drones pour tuer des personnes identifiées comme des ennemis, la culpabilité d'une personne peut être décrétée par des machines, qui surveillent les communications et les déplacements de son téléphone. Pas besoin de connaître son nom, il est condamné à mort par un ordinateur, à cause de son téléphone. Je prédis que les Etats-Unis vont étendre leur programme d'attaques de drones, y compris dans des pays qui, aujourd'hui, se croient totalement à l'abri.

Le pire dans cette affaire, c'est que les gens de la NSA sont assurés de l'impunité. Moi, si je mens sous serment devant le Congrès, ou si je pirate des serveurs, je vais en prison. Pas eux. Cela dit, je peux aussi m'estimer heureux. Si je suis toujours en vie, c'est sans doute parce que je suis citoyen américain, que je suis juif et que j'ai la peau blanche. Si j'étais étranger, noir ou musulman, je serais mort aujourd'hui.

Quelle contre-offensive serait efficace ?

La seule solution est de multiplier les fuites de documents secrets. Le monde a besoin de plus d'hommes courageux comme Edward Snowden, qui risquent leur vie pour imposer la transparence. Il est facile aujourd'hui pour un jeune bien formé techniquement d'infiltrer ces agences, car elles ont sans cesse besoin de nouveaux talents. Nous devons aussi changer la tonalité du discours ambiant. Tout le monde parle de « cyberguerre » comme si elle était inéluctable. Il faudrait arrêter un peu, et parler plutôt de « cyberpaix ». Notre rôle est de pacifier Internet.

Christopher Soghoian.
  • « C'est comme si j'avais répété à un ami fumeur qu'il allait attraper le cancer » Christopher Soghoian, 32 ans, américain, britannique et français.

Christopher Soghoian possède trois passeports. Après une vie aventureuse de hacker et de militant indépendant, il a été embauché en 2012 par l'American Civil Liberties Union comme expert en « liberté d'expression, respect de la vie privée et technologie ». Il vit à Washington.

Quel effet cela fait-il d'avoir eu raison avant tout le monde ?

Christopher Soghoian : Ce n'est pas réjouissant, c'est un peu comme si j'avais répété à un ami fumeur qu'il allait attraper le cancer. Le jour où il découvre qu'il a le cancer, je ne vais pas aller le narguer en criant : « Je te l'avais bien dit ! » Je suis terrifié par les révélations d'Edward Snowden. Je savais que l'Etat américain nous surveillait, mais j'avais sous-estimé l'ampleur des moyens mis en oeuvre. Cela dit, ça fait plaisir de constater que mes copains ont cessé de croire que j'étais complètement parano. C'est une période exaltante pour les gens comme moi.

Avez-vous changé votre comportement quotidien ?

Déjà, avant les révélations de Snowden, je payais mes achats en liquide, je n'avais pas de compte Facebook et, quand je participais à une réunion importante, j'ôtais la batterie de mon téléphone. Désormais, je prends encore plus de précautions, j'ai renforcé la sécurité de mes communications et de mes appareils. Pour les entretiens importants, je demande à mes interlocuteurs de venir se promener avec moi dans un parc de Washington.

Les choses vont-elles changer aux Etats-Unis ?

J'ai quelques espoirs du côté des entreprises. De nombreux informaticiens travaillant dans le privé sont très en colère. Leurs relations avec les agences officielles vont se distendre. Certains grands services Internet vont sans doute renforcer les systèmes de protection des données personnelles, notamment grâce au cryptage. On peut aussi imaginer que les géants comme Google ou Facebook se retrouvent concurrencés par des nouveaux venus, proposant aux usagers des services mieux sécurisés. Par le simple jeu du marché, la sécurité pourrait progresser partout.

Et pour l'Europe ?

Les Européens doivent comprendre que les élus américains, même ceux qui sont très critiques à l'égard de la NSA, n'ont pas vocation à protéger les étrangers. Le salut de l'Europe ne viendra pas de ce côté. D'autre part, même si le gouvernement des Etats-Unis promet aux Européens de ne plus les espionner, il ne respectera pas sa parole, il continuera à tricher et à mentir.

Pour les Européens, la seule solution est technologique. Ils peuvent décider de ne plus utiliser les services, les logiciels et les matériels américains. Cela dit, le problème est profond. La création d'un « cloud souverain » européen ne mènera pas très loin. Même si les Européens conservent leurs données sur leur territoire, tant que leurs serveurs seront connectés à Internet, les services secrets américains pourront les pénétrer. Ils sont très forts.

D'autre part, un pays qui est incapable de fabriquer ses propres équipements de communication est dans une posture d'infériorité fondamentale face aux pays fournisseurs de matériels. Tant que les responsables politiques et économiques français utiliseront des iPhone, ils n'auront aucun espoir d'échapper à la surveillance américaine.

Jérémie Zimmermann.
  • « Si nous perdons la liberté d'avoir une vie privée, nous perdrons toutes les autres » Jérémie Zimmermann, 35 ans, français.

Jérémie Zimmermann est le cofondateur de La Quadrature du Net, association de défense des libertés des citoyens sur Internet, installée à Paris.

Comment se sent un militant de l'Internet libre aujourd'hui ?

Jérémie Zimmermann : Le fait d'avoir alerté l'opinion sur ce problème depuis des années nous donne aujourd'hui une grande responsabilité, car la société dans son ensemble se tourne vers nous pour trouver des solutions. Nous sommes aux avant-postes de cette bataille, et nous allons la livrer. C'est la mère de toutes les batailles car, si nous perdons la liberté d'avoir une vie privée, nous allons perdre toutes les autres.

Comment les pays visés doivent-ils réagir ?

La première étape consiste à admettre que le problème existe, ce qui n'est pas évident, et la deuxième à avoir envie de le résoudre. Dans certains pays, comme l'Allemagne ou le Brésil, l'opinion est en train de franchir ces deux étapes. La troisième consistera à imaginer une alternative. C'est l'affaire des experts et des militants de l'Internet libre. D'abord, nous devons faire un audit des services et applications utilisés par le grand public. Tout ce qui vient des grandes sociétés américaines est irrécupérable au niveau sécurité : poubelle direct.

Même chose pour les logiciels propriétaires fermés, dont on ne peut pas inspecter le fonctionnement interne. Mais cela va plus loin. Il faut aussi examiner les logiciels libres et les systèmes de cryptage, pour voir si certains n'ont pas été compromis. Ensuite, nous devrons concevoir des solutions alternatives – imposer les logiciels libres un peu partout, construire des réseaux décentralisés, installer des systèmes de cryptage automatique pour toutes les communications…

Et à plus long terme ?

Pour finir, il faudra appliquer nos solutions dans le monde réel, ce sera l'affaire de la société tout entière. Nous devrons commencer par les pays ayant la volonté politique de lancer ce chantier.
Nous devrons aussi combler notre retard dans le domaine du « matériel libre ». Jusqu'à présent, les hackers se sont concentrés sur les logiciels libres, et n'ont pas su proposer une alternative crédible en ce qui concerne les appareils. C'est une erreur.

Nous ne nous sommes pas assez battus contre l'arrivée des nouveaux appareils proposés par les grands fabricants, dont la stratégie commerciale est entièrement fondée sur la collecte d'informations et le contrôle. Aujourd'hui, on peut dire qu'un smartphone est une machine à espionner permettant aussi de téléphoner.

Yves Eudes
Grand reporter

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 


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