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17 mai 2014 6 17 /05 /mai /2014 20:27

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Impôts : la vraie-fausse baisse de Manuel Valls

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Le premier ministre a annoncé des baisses de l'impôt sur le revenu, entrant en vigueur dès l'automne prochain. Mais il a omis de rappeler qu'un « choc fiscal » était attendu à la même échéance. En clair, il s'agit juste de l'annulation d'une hausse.

À quelques encablures d’élections européennes qui pourraient déclencher un nouveau séisme pour le parti socialiste, Manuel Valls a sorti de son chapeau, vendredi 16 mai, tel un prestidigitateur, une baisse des impôts pour l’automne prochain. Mais le tour de passe-passe est, en vérité, un peu grossier car de fortes hausses d’impôt devaient intervenir à cette même échéance. La baisse dont fait si grand cas le premier ministre n’est donc en réalité que… l’annulation de la hausse prévue. Elle confirme par ailleurs l’orientation néolibérale d’un gouvernement qui a abandonné le projet de gauche de refondation d’un impôt citoyen, au profit d’une politique de droite dont le ressort est l’antifiscalisme.

C’est au micro d’Europe 1, ce vendredi 16 mai, que Manuel Valls a fait mine d'effectuer un geste en faveur des foyers les plus modestes.

Annonçant qu’il entendait réduire la pression fiscale au profit des plus bas revenus, le premier ministre a donc indiqué que des mesures étaient en préparation. Selon lui, elles devraient bénéficier à 3 millions de contribuables et permettre à 1,8 million d’entre eux de sortir du champ de l’impôt sur le revenu, en devenant non-imposable. La mesure devrait coûter 1 milliard d’euros aux finances publiques et serait financée par un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

La réduction sera calculée sur la base du revenu fiscal de référence, qui correspond au montant net imposable après abattements et application du quotient familial et ouvrira à certains droits (prime pour l'emploi) ou à certains autres impôts (impôts locaux, redevance, etc). Les seuils seront de 14 000 euros pour un célibataire, 28 000 pour un couple, 38 000 pour un couple avec trois enfants, a précisé Matignon après l'intervention du premier ministre.

Le premier ministre a donné plusieurs exemples concrets des (soi-disant) baisses d’impôt auxquelles son dispositif devrait conduire : « Un couple de retraités percevant chacun une pension de 1 200 euros verra son impôt passer d’environ 1 300 euros à environ 1 000 euros. Un salarié célibataire au SMIC verra son impôt totalement annulé. Il bénéficiera donc d’une réduction importante au titre de la prime pour l’emploi d’environ 170 euros. Un couple de salariés avec deux enfants et un salaire brut d’environ 3 600 euros par mois à deux verra son impôt annulé alors qu’il est actuellement d’environ 700 euros. »

Manuel Valls a par ailleurs indiqué que ces mesures seraient votées rapidement par le parlement, de sorte qu’elles s’appliquent dès l’automne prochain, au moment où les contribuables seront conviés à payer le solde de leur impôt de 2014, sur la base de leurs revenus de 2013. À propos de la baisse envisagée, il a en effet apporté cette précision : « Elle sera intégrée dans la loi de finances rectificative qui sera présentée en juin. Ce sera applicable pour octobre, quand on reçoit ses feuilles d’impôt. »

Le premier ministre a enfin suggéré que cette mesure pourrait être complétée par d’autres dispositions. Évoquant une mesure «lisible, claire et massive», il a en effet rappelé avoir « demandé au gouvernement, avec les parlementaires, au cours de ce mois de juin, de travailler à une mesure qui améliore l'articulation entre fiscalité locale et impôt sur le revenu (...). Mais en faisant sortir 1,8 million de ménages de l'impôt sur le revenu, ils vont sortir automatiquement ou bénéficier de dégrèvements sur l'impôt local », a-t-il observé. Il a ajouté que, dans le cadre du débat sur le projet de budget 2015, la question d'« intégrer d'autres mesures » serait posée. « On verra si l'on corrige ce type de mesure, ou si on l'intègre dans une autre réforme de l'impôt sur le revenu. »

Il ne faut pourtant pas être dupe de la précipitation de Matignon. Si Manuel Valls a décidé de ne pas attendre l’automne prochain, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, pour engager une réforme fiscale, c’est que le gouvernement craignait que les impôts des Français n’explosent à cette même échéance de l’automne prochain, à cause d’une rafale de dispositions qui ont été votées antérieurement mais qui ne devaient apparaître qu'en septembre ou octobre, lors du paiement par les contribuables du solde de leur impôt sur le revenu de 2014.

Le choc fiscal de cinq mesures

C’est Mediapart qui avait révélé ce « choc fiscal » à venir dans une enquête en date du 21 janvier dernier, enquête qui, à l’époque, n’avait eu aucun écho dans les autres titres de la presse.

Voici ce que nous affirmions dans cette enquête. Nous expliquions à l’époque que ce « choc fiscal » était dû à cinq mesures différentes qui, pour certaines d’entre elles, risquaient de s’additionner les unes aux autres pour différentes catégories de contribuables.

La première mesure est l’effet en année pleine de la suppression de l’exonération fiscale des heures supplémentaires effectuées. Comme le dispositif n’a pris effet qu’en cours d’année 2012, l’impact sur les recettes de l’impôt sur le revenu a été faible en 2013 : de l’ordre de 500 millions d’euros. Alors que beaucoup de Français pensent que le problème est désormais derrière eux, ils auront donc la très mauvaise surprise de découvrir lors du paiement du solde de leur impôt à l'automne que l’impact de l’annulation de cette mesure emblématique du sarkozysme se fera surtout sentir en cette année 2014, puisqu'en année pleine, la suppression de la défiscalisation générera 1,54 milliard d’euros de recettes supplémentaires.

À cause de cette mesure, de nombreux salariés verront leurs impôts augmenter à la fin de l'été 2014, ou monteront d’une tranche dans le barème d’imposition, ou encore découvriront qu’ils deviennent assujettis alors qu’auparavant ils ne l’étaient pas.

La deuxième mesure figurait dans la loi de finances pour 2013 et prévoyait d’assujettir purement et simplement au barème de l’impôt sur le revenu les principaux revenus de l’épargne, c’est-à-dire les dividendes ou les placements à revenus fixes (obligations, comptes sur livret ou à terme…). La réforme a commencé à s’appliquer sur les revenus de 2013, et fera donc sentir pour la première fois ses effets sur l’impôt sur le revenu exigible en 2014.

Or, là encore, les effets seront très sensibles pour les ménages. Car, dans l’ancien système, les dividendes étaient taxées à 21 %. Quant aux contribuables qui étaient assujettis au prélèvement forfaitaire libératoire, l’imposition était de 24 %, prélèvements sociaux compris. Tous ces revenus vont donc basculer à compter de cette année dans le champ de l’impôt sur le revenu, frappant les contribuables les plus riches, ceux qui sont assujettis au taux marginal de 45 %, mais aussi des contribuables plus modestes, ceux dont le taux marginal est seulement de 30 %. Or, ce taux de 30 % s’applique à la tranche de revenus imposable comprise entre 26 631 euros et 71 397 euros, ce qui englobe des contribuables dont certains d’entre eux sont loin d’être riches. Et la mesure sera de forte intensité, puisqu’elle devrait rapporter pas loin d'1 milliard d’euros.

Troisième mesure qui se fera sentir sur les feuilles d’impôt adressées aux contribuables à la fin de l’été, le gouvernement a aussi prévu une mesure sociale très lourde consistant à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu dont profitaient jusqu’à présent les majorations de retraite ou de pension versées pour charge de famille. La mesure est très importante, puisqu’elle rapportera 1,2 milliard d’euros dès 2014.

Quatrième mesure, le plafond du quotient familial a été abaissé de 2 000 à 1 500 euros pour chaque demi-part accordée pour charge de famille. Ce qui devrait rapporter 1,03 milliard d'euros à compter de 2014. 

Enfin, cinquième mesure, et celle-là concerne près de 13 millions de salariés, la loi de finances pour 2014 a prévu la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. Et là encore le gain pour l'État serait immense, puisqu’il porterait sur 960 millions d’euros.

Depuis plusieurs mois, dans les sommets de l’État, on avait donc conscience que cette rafale de hausses d’impôt, après celles survenues en septembre 2013, sans parler de la hausse de la TVA survenue au 1er janvier de cette année, serait très mal vécue par des Français qui sont par ailleurs soumis à un violent plan d’austérité, et à un pouvoir d’achat en baisse.

Il faut donc dire les choses telles qu’elles sont : c’est un tour de bonneteau qu’a réalisé ce vendredi matin Manuel Valls sur Europe 1. Il a tout bonnement présenté comme une baisse d’impôt ce qui n’est que l’annulation d’une hausse prévisible. Vulgairement dit, voilà comment on peut traduire le message du premier ministre aux Français : puisque le gouvernement renonce à vous taxer davantage, estimez-vous heureux ! C’est cadeau…

Dans ces annonces, il y a pourtant plus qu’un cadeau fiscal. Le geste annoncé par le premier ministre peut faire l’objet de plusieurs critiques complémentaires.

L'impôt, « c'est insupportable ! »

D’abord, il y a quelque chose d’un peu surréaliste à observer un gouvernement annoncer opportunément, à quelques jours d’un scrutin important, une baisse des impôts, financée par un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Soit il est faux de prétendre que la fraude fiscale va être renforcée, et dans ce cas-là, il est irresponsable ou démagogique de faire cette annonce ; soit c’est vrai et dans ce cas-là, on se demande bien pourquoi le gouvernement a attendu si longtemps pour annoncer un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Deuzio, il est fallacieux de présenter un relèvement des seuils d’imposition comme une mesure en faveur des foyers modestes. Car, comme l’impôt sur le revenu est un impôt progressif, tout allègement dans les tranches basses d’imposition profite à toutes les autres tranches, y compris les revenus les plus élevés.

Tertio, cette annonce de baisse des impôts s’inscrit dans le prolongement des annonces calamiteuses proférées dans le passé par d’autres ministres, dont Pierre Moscovici, visant non pas à réhabiliter l’impôt, mais à conforter son discrédit dans l’opinion, et donc à faire le jeu de l’antifiscalisme, dont autrefois seule la droite radicale avait le monopole. Après le « ras-le-bol fiscal » de Pierre Moscovici, voici donc que Manuel Valls contribue, à son tour, à ruiner le consentement à l’impôt, qui est pourtant au fondement de la République. En la matière, les mots sont importants, et le premier ministre a joué sur Europe 1 d’une bien inquiétante pédagogie citoyenne : « En 2013, le chiffre des Français qui payent l'impôt sur le revenu a atteint 20 millions » alors qu'il était de 17 millions en 2010, a-t-il déploré, avant de ponctuer ce constat par cette formule : « C'est insupportable ! »

Et puis ce faisant, quatrième critique, le gouvernement se fixe pour objectif de démanteler encore un peu plus l’impôt sur le revenu, qui au fil des ans est devenu un gruyère, et de s’inscrire dans la logique néolibérale de baisse des impôts. Or, l’annonce d’une baisse de l’impôt sur le revenu constitue une violation de plus des engagements de campagne de François Hollande. Car la promesse initiale était de conduire une « révolution fiscale », passant notamment par une fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG), dans la perspective de la refondation d’un véritable impôt citoyen progressif. L’ambition des socialistes était non pas de démanteler encore un peu plus l’impôt sur le revenu, mais au contraire d’engager une refondation radicale.

Et puis, on sait ce qu’il en est advenu : ce projet de « révolution fiscale » a été abandonné en chemin, au profit du projet d’une taxe à 75 % sur un nombre ultra-restreint de contribuables, ceux dont les revenus étaient supérieurs à 1 million d’euros – projet qui lui-même a été abandonné au profit d’une taxe sur les mêmes revenus, mais à la charge des entreprises. Au total, donc, la grande réforme de l’impôt sur le revenu a été définitivement abandonnée. Et l’injustice de ce prélèvement, qui est devenu dégressif pour les plus hauts revenus, est restée inchangée.

Manuel Valls franchit donc un pas de plus, symbolique. Il confirme l’abandon de la réforme visant à refonder un impôt citoyen, mais il va encore au-delà, en annonçant qu’il se rallie à la politique néolibérale de baisse des impôts. « Vive l’impôt ! », scandaient les socialistes pendant la campagne présidentielle ; l’impôt, « c’est insupportable », martèle deux ans plus tard leur porte-voix…

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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