Il y a dans ce pays du vent mauvais, du vent qui tourne et du vent de l'Égée. Ce dernier n'a jamais connu de mémorandum et il lui survivra évidement, comme il l'a toujours fait depuis que le parcellaire égéen est habité par l'esprit et le corps de l'histoire humaine. C'est en y naviguant qu'on réalise sans trop de peine, que nos affaires en cours et leurs complications, ne seraient pas du tout pélagiques, c'est clair. Et en ce lundi 4 juin, il y a peu de vent, tout juste de quoi naviguer mettant toutes voiles dehors.
Les Cyclades frappées par l'aporie du futur
C'est indéniablement un signe du crépuscule pour une certaine classe moyenne, mais entre nous, nous n'irons pas forcement pleurer. Une «certaine» ne signifie pas évidemment toute la classe moyenne, et encore moins, sa composante la mieux placée en termes de richesse. J'ai remarqué que ce monde hors du monde se porte toujours bien. Grosses cylindrées, yachting, et affaires. Des gros 4*4 parmi leurs véhicules sont déjà immatriculés en Bulgarie, comme leurs autres biens, c'est pour éviter l'imposition «par principe et sur signes extérieurs de richesse». Sauf que leurs conducteurs ont un peu l'air gênés, et plus particulièrement, l'autocollant distinctif de l'ordre des médecins grecs placé sur la vitre arrière. On comprendra alors mieux combien Syriza devrait aussi en trouver remède rapidement, au cas où... C'est vrai que nombreux sont les Grecs qui se tournent vers Alexis Tsipras et ses camarades. On peut se satisfaire des résultats des législatives du 6 mai, néanmoins, en restant dubitatif quant à la tournure du futur proche, et l'histoire en décidera, rapidement, une fois n'est pas coutume. Pour répondre aussi, à l'occasion, à certains lecteurs de ce blog dont le questionnement est compréhensible, je pense qu'on peut provoquer ce proche futur car, pour une fois, il deviendrait «faisable». Et cette faisabilité passe, paraît-il, par Syriza, même si parfois dans la vie (politique ou pas), on ne réalise qu'après coup la véritable portée de nos actes.
Certains clients de Vardis ne disent pas substantiellement autre chose, mais demeurent fidèles à la presse mémorandienne. C'est vrai que parmi les clients de toujours, nombreux sont ceux qui ont affalé leurs voiles de l'essentiel ; désormais cet «essentiel» sera réservé aux (plus) riches. Anna par exemple, l'archéologue, est au chômage ou presque. Maria, l'enseignante, n'a plus les moyens. C'est de cette manière que tout un petit peuple disparaît de la circulation... des vents de mer. La sociologie des clients de mon ami se trouve modifiée par la crise, même si Vardis a su adapter ses tarifs. Rien à faire. Les skippers entre eux, se disent bien que cette saison sera la plus difficile de toutes. «Vingt ans de mer, et à la clef... la crise, pour quelle issue ? On ne peut pas le savoir», remarque Vardis.
Game over pour les prolétaires
Mais à chacun son échelle de l'inconcevable. Une femme se plaignait à ses amis, autour d'une table voisine, dans «l'indignation» : «On m'a demandé 22 euros par jour pour laisser mon toutou en pension, eh bien, comme vous le constatez, j'ai préféré l'emmener avec moi sur l'île, décidément, où va-t-on ? » Les classes bien aisées de la population auront droit aux... toilettages et autres garderies ; et les prolétaires, qui pour une fois avaient caressé le rêve des trente millions d'amis, devraient enfin comprendre : game over.
Crise chez les hôteliers
- «Mes enfants qui travaillent encore, gagnent moins de 700 euros par mois, alors je les aide, je touche 1300 de retraite, c'est normal, c'est ainsi que les jeunes s'en sortent...»
- «Oui mais après ?»
- «Après quoi ?»
- «Après un accident survenu sur nos retraites, ou dans nos vies... Mes deux enfants sont au chômage.»
Les Cyclades sont désormais sur la touche : «Les plaisanciers sont arrivés, mais il n'y a pratiquement aucune réservation chez les hôteliers. En 2011, durant la même période, il y avait du monde», a expliqué une femme. Les plaisanciers de leur coté, ne surfent plus tout à fait au plus haut de la vague : «Georges K. avait acheté un bateau neuf, 120 000 euros en 2008, il l'a vendu 35 000 euros en avril dernier. Moi-même dans mon entreprise j'employais 240 personnes avant la crise, j'ai moins de 60 employés en ce moment. Le monde de l'entreprise va mal, il n'y a plus de crédit, c'est dur», a-t-elle ajouté.
Et sur les îles, on voyagera de plus en plus dans le temps, si cela est possible. Les sujets de discussion rappellent parfois 2010 : consommation, bijoux et travaux dans les demeures athéniennes, laissées sous la surveillance des sociétés de gardiennage, et toujours peu de politique. Rien de comparable avec l'univers sensoriel pour la majorité des concitoyens, décidément le partage des eaux sociales passera cet été par la mer Égée.
Heureusement qu'il existe des endroits qui n'intéressent toujours pas la classe moyenne haute, dont certaines de ses exigences resteront durablement basses. Tel le site archéologique de l'ancienne Karthaia, sur l'île de Kea. Je ne connaissais pas ce site, plus accessible par bateau. On sent encore l'énergie des lieux et on imagine aussi, cette chance... provoquée des les anciens. C'est bien loin.