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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 15:51
Marianne - Mardi 5 Juin 2012 à 05:00

 

Greek Crisis
Historien et ethnologue, ancien correspondant en France pour la revue grecque Nemecis, Panagiotis... En savoir plus sur cet auteur

 

Les effets dévastateurs de la crise grecque se constatent au quotidien. Au cours d'une balade sur la mer Egée, notre blogueur associé Panagiotis Grigoriou a découvert la détresse des professionnels du tourisme.

 

(Nicolas Vernicos, armateur et président de la chambre de commerce internationale grecque - ARGYROPOULOS/SIPA)
(Nicolas Vernicos, armateur et président de la chambre de commerce internationale grecque - ARGYROPOULOS/SIPA)
Ces derniers jours, la Mémorandocratie s'apparente à un château branlant, tandis qu'en dehors de la Baronnie et pour ce qui est de la «construction» européenne, la grande auberge devient décidément espagnole, sans compter sur les spéculateurs qui donneraient trois mois à l'euro, guère davantage, pour... se sauver. Et aux Grecs ? Ce dimanche Avgi, quotidien proche de Syriza, titre : «Nous prendrons la responsabilité [de gouverner] et nous garantirons l'unité du peuple à travers un programme qui sortira la Grèce de la crise, de la pauvreté et du discrédit», tandis que toutes les autres formations politiques ne voient plus qu'un seul adversaire, la gauche radicale.

Il y a dans ce pays du vent mauvais, du vent qui tourne et du vent de l'Égée. Ce dernier n'a jamais connu de mémorandum et il lui survivra évidement, comme il l'a toujours fait depuis que le parcellaire égéen est habité par l'esprit et le corps de l'histoire humaine. C'est en y naviguant qu'on réalise sans trop de peine, que nos affaires en cours et leurs complications, ne seraient pas du tout pélagiques, c'est clair. Et en ce lundi 4 juin, il y a peu de vent, tout juste de quoi naviguer mettant toutes voiles dehors.

Les Cyclades frappées par l'aporie du futur

Mon ami Vardis est skipper professionnel depuis presque vingt ans. Sa branche subit aussi le vent mauvais de la crise depuis 2010, mais ces marins s'y connaissent en adversité et en litote. Vardis avait besoin d'un «second» pour ce week-end, et il a pensé faire appel à mes connaissances de marin. Une occasion pour prendre la mer, en y contournant (provisoirement) le gros temps troïkan. Les professionnels du tourisme se posent beaucoup de questions en ce moment, car l'aporie du futur frappe aussi les Cyclades. Déjà, au départ du grand port de plaisance situé à Alimos au sud d'Athènes, les habitués des lieux constatent avec stoïcisme que ce vendredi fut le premier «jour plein», rappelant le temps d'avant, même si on préparait les bateaux comme d'habitude. Car sinon, cette saison s'inaugure assez mal, certaines flottilles sont à vendre, sans compter le nombre de bateaux privés.

C'est indéniablement un signe du crépuscule pour une certaine classe moyenne, mais entre nous, nous n'irons pas forcement pleurer. Une «certaine» ne signifie pas évidemment toute la classe moyenne, et encore moins, sa composante la mieux placée en termes de richesse. J'ai remarqué que ce monde hors du monde se porte toujours bien. Grosses cylindrées, yachting, et affaires. Des gros 4*4 parmi leurs véhicules sont déjà immatriculés en Bulgarie, comme leurs autres biens, c'est pour éviter l'imposition «par principe et sur signes extérieurs de richesse». Sauf que leurs conducteurs ont un peu l'air gênés, et plus particulièrement, l'autocollant distinctif de l'ordre des médecins grecs placé sur la vitre arrière. On comprendra alors mieux combien Syriza devrait aussi en trouver remède rapidement, au cas où... C'est vrai que nombreux sont les Grecs qui se tournent vers Alexis Tsipras et ses camarades. On peut se satisfaire des résultats des législatives du 6 mai, néanmoins, en restant dubitatif quant à la tournure du futur proche, et l'histoire en décidera, rapidement, une fois n'est pas coutume. Pour répondre aussi, à l'occasion, à certains lecteurs de ce blog dont le questionnement est compréhensible, je pense qu'on peut provoquer ce proche futur car, pour une fois, il deviendrait «faisable». Et cette faisabilité passe, paraît-il, par Syriza, même si parfois dans la vie (politique ou pas), on ne réalise qu'après coup la véritable portée de nos actes.

Certains clients de Vardis ne disent pas substantiellement autre chose, mais demeurent fidèles à la presse mémorandienne. C'est vrai que parmi les clients de toujours, nombreux sont ceux qui ont affalé leurs voiles de l'essentiel ; désormais cet «essentiel» sera réservé aux (plus) riches. Anna par exemple, l'archéologue, est au chômage ou presque. Maria, l'enseignante, n'a plus les moyens. C'est de cette manière que tout un petit peuple disparaît de la circulation... des vents de mer. La sociologie des clients de mon ami se trouve modifiée par la crise, même si Vardis a su adapter ses tarifs. Rien à faire. Les skippers entre eux, se disent bien que cette saison sera la plus difficile de toutes. «Vingt ans de mer, et à la clef... la crise, pour quelle issue ? On ne peut pas le savoir», remarque Vardis.

Game over pour les prolétaires

La mer ne change pas, mais ceux qui la pratiquent si. J'ai observé, par exemple, que certains bateaux de plaisance parmi les plus rapides, et qui ont toujours dépassé les voiliers à fond les manettes, perdent une partie de leur allure, «Tiens, il y des riches qui économisent le carburant maintenant, c'est nouveau», avons-nous constaté hier, en naviguant entre le Cap Sounion et l'île des prisonniers politiques de la Guerre civile, Makronissos, hissant enfin la grande voile. Sauf qu'on peut perdre son allure mais pas son arrogance, ni son lifestyle, encore inébranlable, comme chez ces... embarqués aisés du pays en démolition sociale, qui ont encore fait la fête hier soir dans les bars des deux ports sur l'île de Kea, à la manière du temps d'antan. Ou presque, parce que les établissements étaient moins bondés qu'avant, surtout des restaurants. Le constat est unanime chez tous les professionnels du tourisme, c'est déjà moins bien. Mais les prix ne baisseront pas. J'ai payé pour une salade de tomates (sans feta) et dix sardines grillées, onze euros. Deux clients de Vardis qui ont consommé pratiquement le même repas, l'ouzo en plus, en ont eu pour cinquante euros, ils ont trouvé que c'était cher.

Mais à chacun son échelle de l'inconcevable. Une femme se plaignait à ses amis, autour d'une table voisine, dans «l'indignation» : «On m'a demandé 22 euros par jour pour laisser mon toutou en pension, eh bien, comme vous le constatez, j'ai préféré l'emmener avec moi sur l'île, décidément, où va-t-on ? » Les classes bien aisées de la population auront droit aux... toilettages et autres garderies ; et les prolétaires, qui pour une fois avaient caressé le rêve des trente millions d'amis, devraient enfin comprendre : game over.

Crise chez les hôteliers

Je remarque par la même occasion, que chez les moyennement encore riches, le style de vie est tout autant bruyant et hautin qu'avant la troïka. Détruire tout un peuple n'est pas synonyme de catharsis. Supposer aussi que dans ce pays, 20% de la population aurait profité de l'hybris durant trente ans environ, et on aurait une meilleur idée de la taxinomie du vacancier grec de l'été 2012. Sur l'île de Kythnos, des habitants évoquent aussi le chômage. Comme ces deux personnes, sur le port dimanche après-midi.

- «Mes enfants qui travaillent encore, gagnent moins de 700 euros par mois, alors je les aide, je touche 1300 de retraite, c'est normal, c'est ainsi que les jeunes s'en sortent...»

- «Oui mais après ?»

- «Après quoi ?»

- «Après un accident survenu sur nos retraites, ou dans nos vies... Mes deux enfants sont au chômage.» 

Les Cyclades sont désormais sur la touche : «Les plaisanciers sont arrivés, mais il n'y a pratiquement aucune réservation chez les hôteliers. En 2011, durant la même période, il y avait du monde», a expliqué une femme. Les plaisanciers de leur coté, ne surfent plus tout à fait au plus haut de la vague : «Georges K. avait acheté un bateau neuf, 120 000 euros en 2008, il l'a vendu 35 000 euros en avril dernier. Moi-même dans mon entreprise j'employais 240 personnes avant la crise, j'ai moins de 60 employés en ce moment. Le monde de l'entreprise va mal, il n'y a plus de crédit, c'est dur», a-t-elle ajouté.

Et sur les îles, on voyagera de plus en plus dans le temps, si cela est possible. Les sujets de discussion rappellent parfois 2010 : consommation, bijoux et travaux dans les demeures athéniennes, laissées sous la surveillance des sociétés de gardiennage, et toujours peu de politique. Rien de comparable avec l'univers sensoriel pour la majorité des concitoyens, décidément le partage des eaux sociales passera cet été par la mer Égée.

Heureusement qu'il existe des endroits qui n'intéressent toujours pas la classe moyenne haute, dont certaines de ses exigences resteront durablement basses. Tel le site archéologique de l'ancienne Karthaia, sur l'île de Kea. Je ne connaissais pas ce site, plus accessible par bateau. On sent encore l'énergie des lieux et on imagine aussi, cette chance... provoquée des les anciens. C'est bien loin.

 

Grèce : les inégalités sociales se creusent
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