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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 16:39

 

 

Source : mediapart.fr

Etats-Unis: une réforme bancaire sous la dictée de Wall Street

|  Par Martine Orange

 

 

 

Au lendemain de la crise de 2008, Paul Volcker souhaitait imposer une séparation entre les banques de dépôt et banques d’investissement. Trois ans après, le gouvernement américain va adopter une régulation bancaire, qui ne modifie presque rien.

Soudain, le gouvernement américain a accéléré. Alors que la crise financière a commencé depuis plus de six ans, que les discussions sur les nouvelles régulations financières – dites lois Volcker – s’éternisent depuis plus de trois ans, il n’y avait brusquement plus de temps à perdre : les textes sur la nouvelle réglementation bancaire devaient absolument être adoptés avant la fin de l’année.

Dans la précipitation, les cinq autorités chargées de contrôler le secteur bancaire et financier – dont la Réserve fédérale (FED), la Securities and exchange commission (SEC), la Commodity futures trading commission (CFTC) – ont rendu leur copie, mardi. Un texte de plus de 800 pages qui devait être adopté dans la foulée par le Sénat.

Au milieu des milliers de dispositions et de procédures retenues, quelques questions s’imposent : quelles leçons ont été retenues de la crise ? Les banquiers et les financiers vont-ils être tenus responsables de leurs actes ? Le système financier va-t-il être moins vulnérable ?

Frappé par le déferlement de la crise financière qui avait menacé d’engloutir tout en 2007-2008, l’ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, avait tiré un avis tranché sur les événements : le système financier mondial avait un besoin urgent de retrouver une stabilité afin de permettre le développement de l’économie. Et la seule façon pour y parvenir était de revenir à une séparation stricte entre les banques de détail et les banques d’investissement, comme au temps du Glass-Steagall Act, afin d’échapper au chantage des banques sur les États et l’économie, au nom du too big to fail.

Les milliers de contre-propositions avancées par les banques et leurs avocats, les milliers d’heures de lobbying auprès des élus de tout bord – le monde bancaire figure en tête des donateurs des élus américains – , des entreprises et autres groupes d’influence, les centaines d’amendements présentés jusqu’à la dernière minute ont eu raison des idées de Paul Volcker, un moment conseiller économique de Barack Obama.

Bien que les grandes banques de Wall Street comme Goldman Sachs, JP Morgan ou Citi continuent à dénoncer une loi qui les assassine, il ne reste plus grand chose de la volonté de réforme de l’ancien président de la Réserve fédérale dans le texte soumis au Sénat américain. Comme la France, le gouvernement américain est en train de rater sa réforme bancaire. La grande loi de régulation du monde bancaire s’est transformée en un texte confus, reposant sur le bon vouloir des banquiers et la vigilance des régulateurs.

Officiellement, l’activité de trading pour compte propre est désormais interdite aux banques. Mais les banquiers de Wall Street n’ont pas manqué de mettre en avant la nécessité d’offrir à leurs clients tous les services dont ils avaient besoin, d’assurer les contreparties sur tous les marchés, de leur proposer des couvertures sur les risques. Ils ont fini par obtenir les « flexibilités » qu’ils demandaient.

Soulignant combien ils étaient nécessaires aux États pour acheter leurs dettes, ils ont d’abord obtenu de pouvoir conserver leur activité de trading pour compte propre sur le marché des obligations souveraines, sans restriction pour les titres américains et avec un peu plus d’encadrement pour les autres.

Le reste a suivi. À l’avenir, les banques pourront conserver leurs activités de market making (de tenue de marché), acheter et vendre des actions, des obligations, au nom de leurs clients. Elles pourront aussi continuer à offrir des produits de couverture, des dérivés, proposer des contreparties, à la condition, précise la loi, qu’elles démontrent par des tests indépendants, que leurs portefeuilles de couvertures et de dérivés permettent « de réduire ou d’atténuer significativement un ou plusieurs risques identifiés ».

La ligne de partage entre ces activités et celles de trading pour compte propre est bien mince. Comment faire la différence ? Tout va reposer dans les mains des régulateurs et de leur interprétation des textes. Pour montrer qu’elles se conforment bien à la nouvelle législation, les banques devront prouver que leurs positions sont en adéquation avec la demande de leurs clients. Chaque année, les responsables bancaires devront fournir une attestation que leurs systèmes sont bien conformes aux règles instaurées.  

Officiellement, les banques de Wall Street ont déjà fermé une grande partie de leurs départements de trading pour compte propre, afin de montrer leur bonne volonté. Elles ne cachent pas leur soulagement, cependant, d’être parvenues à conserver leurs activités sur la tenue de marché. À voir les chiffres, on comprend : les cinq plus grandes banques de Wall Street ont réalisé un chiffre d’affaires de 44 milliards de dollars grâce à ces activités.

Cartel

Le rôle des hedge funds avait été mis en cause durant la crise. Les banques américaines n’auront plus le droit à l’avenir d’engager plus de 3 % de leurs capitaux dans les hedge funds, les fonds privés d’investissement ou les fonds liés aux matières premières. Anticipant ces restrictions, les grandes banques ont déjà commencé à réduire leurs positions.

Ce désengagement volontaire laisse toutefois perplexes nombre d’observateurs. Car au fur et à mesure que les autorités ont décidé de durcir les règles sur les marchés sous contrôle, des pans entiers de la finance ont couru se réfugier dans l’opacité des marchés de gré à gré, des sociétés écrans, des véhicules spéciaux. Cette finance de l’ombre fait peser des risques encore plus redoutables que les marchés contrôlés, car personne n’est capable d’en évaluer correctement ni la taille ni les positions.

Qui peut croire que les banques se tiennent à l’écart de ces structures opaques ? Qui imagine qu’elles renoncent à la spéculation pour leur seul profit ? Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La crise financière n’est plus qu’un mauvais souvenir pour les banques. Elles enregistrent des profits records, avec la complicité des banques centrales. Les 85 milliards de dollars déversés chaque mois par la Réserve fédérale sont essentiellement captés par les banques et servent essentiellement à alimenter leurs spéculations sur tous les actifs disponibles – actions, obligations, matières premières, immobilier. La déconnexion de ces marchés avec la réalité économique est devenue si grande que certains prédisent l’éclatement de ces bulles, avec encore plus de dégâts qu’en 2008. Et cette fois encore, les financiers risquent de ne pas en être comptables.

« Aucun banquier n’est allé en prison », s’était étonné Charles Ferguson, l’auteur d’Inside Job. Sensibles aux critiques de l’opinion publique qui reproche cette impunité accordée aux banquiers, les concepteurs de la loi avaient imaginé un moment que les dirigeants des grandes banques apportent leur garantie personnelle sur la conformité des actions de leur établissement par rapport à la loi. L’émotion fut intense à Wall Street : les grands banquiers pourraient avoir à répondre de leurs décisions devant les tribunaux ! Pire : ils pourraient en être comptables sur leurs deniers personnels.

Inutile de dire que la profession a vite réagi pour enterrer une idée si séditieuse. La responsabilité des dirigeants va être strictement encadrée : les dirigeants et les administrateurs sont tenus responsables de la mise en place des procédures requises pour se conformer en tout point à la loi. Chaque année, le président de la banque devra attester par écrit de toutes les procédures sont respectées. Cela peut-il prévenir une faillite ? Sûrement pas. Mais cela permet de dégager la responsabilité des dirigeants. N’est-ce pas l’essentiel ?

Cette loi, assure le gouvernement américain, va permettre de rendre le système financier plus solide, d’éviter une nouvelle crise. La façon dont le monde bancaire a évolué depuis 2008 amène à en douter. Quelques grandes banques, comme Lehman Brothers, Merrill Lynch ou Bear Stearns ont disparu dans la tourmente. Mais les autres sont devenues plus grosses que jamais. Le too big to fail est toujours plus vrai.

Le système bancaire se retrouve aux mains d’un cartel d’une petite dizaine d’établissements tentaculaires, qui s'entendent à merveille. Scandale des subprimes, scandale du Libor, manipulation sur l’Euribor, fraude sur les changes, sur le pétrole, sur l’or : à chaque fois, les mêmes noms reviennent, une poignée de banques allant de JP Morgan à Goldman Sachs en passant par Barclays, Deutsche Bank, UBS et Société générale. Les régulateurs commencent à leur imposer des sanctions de plus en plus lourdes. Mais même l’amende de 13 milliards de dollars infligée à JP Morgan pour son rôle dans la vente de dérivés sur les subprimes semble avoir l’effet d’une mouche sur un éléphant.

Par peur des conséquences jugées imprévisibles, les États-Unis ont préféré laisser prospérer un système opaque. Si le gouvernement américain n’a pas osé, comment croire que les régulateurs auront les moyens de limiter le rôle des banques ou oseront leur imposer des sanctions vitales ? Ce mardi, Wall Street soufflait. Tout va bien pour les banques. Rien que pour elles.

 

 

 

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