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Le Monde.fr | 26.06.12 | 16h05 • Mis à jour le 26.06.12 | 16h58
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A Séville, trente-six familles sans logement occupent illégalement, depuis la mi-mai 2012, un immeuble terminé en 2008 mais resté vide. Un phénomène qui se répand dans une Espagne frappée par la crise et l'austérité. Photographe pour l'agence Reuters, Marcelo del Pozo a partagé pendant huit jours le quotidien de ces Espagnols ordinaires à une époque extraordinaire.
Crédits : REUTERS/Marcelo del Pozo
Irma Blanco et Elena Contreras, toutes deux trentenaires au chômage, ont pris leur tour de garde dans le hall. Ce sont essentiellement des gens modestes qui occupent l'immeuble, souvent chômeurs, parfois salariés ou retraités, incapables de payer leurs loyers ou leurs crédits. Les 36 familles qui squattent les 32 logements ont instauré des tours de garde 24 heures sur 24. Elles craignent moins la police et les huissiers que d'autres personnes sans logis à la recherche d'un toit.
Antonia Rodriguez, 44 ans, sans emploi, est l'une des âmes du mouvement d'occupation. L'arrivée dans l'immeuble, entre le 16 mai et le 21 mai 2012, s'est fait par familles entières. Ainsi, la mère d'Antonia, Ana Lopez, s'est installée avec son mari ses deux enfants et ses trois petits-enfants.
Une vie semi-communautaire s'est organisée dans le petit immeuble. Les occupants nettoient, à tour de rôle, les parties communes, comme ici Agasanta Quero (à droite) et MariCarmen Angulo. Les familles se partagent en tout et pour tout une cuisine en état de marche, qui était installée dans l'appartement témoin, la seule disposant d'une cuisinière et d'un réfrigérateur.
L'immeuble de quatre étages est situé non loin du centre de Séville, la capitale d'Andalousie. Il est la propriété du promoteur immobilier espagnol Maexpa, qui n'a jamais réussi à vendre un seul des 32 appartements. Les lots ont été proposés sur le marché en plein déclenchement de la crise, au moment où la bulle immobilière espagnole explosait.
Antonio Buenavida salue Ana Lopez et Manuela Cortes, deux des retraitées sexagénaires de l'immeuble. Antonio est un militant, membre de l'organisation 15-M, créée dans la foulée du mouvement des "indignados" du printemps 2011. C'est ce mouvement, adepte des actions locales et concrètes au service des victimes de la crise, qui a organisé l'occupation à la mi-mai 2012.
Manuela Cortes, 65 ans, dans le salon de "son" appartement. Le photographe Marcelo del Pozo a pu aller et venir librement dans l'immeuble durant une bonne semaine. "J'ai découvert un groupe de personnes dont le courage force l'admiration, confie-t-il. Ils ont choisi de se battre pour que leur famille ait un toit."
Les occupants illégaux prennent le frais, à la tombée du soir, au pied de l'immeuble. Les squatteurs ont gagné la sympathie de la population du voisinage. La police n'est pas intervenue, sauf pour empêcher d'autres personnes de prendre d'assaut l'immeuble, lorsque les appartements ont été tous occupés. Le propriétaire n'a d'ailleurs pas porté plainte, pas plus que la banque Ibercaja, qui avait financé le projet.
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