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8 novembre 2014 6 08 /11 /novembre /2014 18:40

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Sur le terrain

08/11/2014 à 17h52
A Popovo, entre chèvres et haut débit, les expats réinventent leur vie

 

 

 

Chris et Claire à l'entrée de leur maison à Popovo (Guillaume Fontaine)

Chris et Claire à l’entrée de leur maison à Popovo, en octobre 2013 (Guillaume Fontaine).

Guillaume Fontaine | journaliste

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Dans un coin perdu de Bulgarie, des Européens de l’Ouest repeuplent la campagne. Ils télétravaillent au soleil dans des maisons à 10 000 euros et adoptent une vie plus simple.

(De Popovo, Bulgarie) La plaine du Danube, au Nord de la Bulgarie, est un vrai blanc dans les guides touristiques. Quand on arrive dans l’immense gare de Popovo, en rase campagne, juste en face des silos de l’usine de transformation de tournesol, il faut le reconnaître : le paysage est loin d’être enchanteur.

Autour, une plaine céréalière à perte de vue, tout au plus des petites collines boisées pour arrêter parfois le regard et des villages aux maisons de briques marrons toutes semblables. Au centre de cette petite région, Popovo n’a rien d’une grande séductrice avec ses friches industrielles, ses collectifs qui ont connu des jours meilleurs et sa place principale gris béton.

C’est pourtant là qu’ils ont tous choisi de s’installer. Pas un mouvement de masse, mais un vrai flot continu depuis une dizaine d’années. Cela a commencé avec Mark et Cara, un couple d’Anglais tombés amoureux de la région et de ses 300 jours de soleil par an. Leur site internet a été le déclencheur. Un site à l’anglaise, avec tous les détails pratiques imaginables sur la vie locale, comment s’installer et beaucoup de photos.

Très vite, d’autres sont venus, qui ont fait d’autres sites. Beaucoup d’entre eux se sont plus ou moins improvisés intermédiaires pour l’achat des maisons, facilitant l’arrivée des suivants. Puis une émission de téléréalité a été consacrée à cette première vague de pionniers.

Une chambre d’hôtes et une petite ferme bio

Aujourd’hui, ils sont plus de 600 à posséder une maison dans les environs de Popovo. D’autres communautés similaires existent dans les lieux touristiques de Bulgarie mais celle de Popovo est de loin la plus improbable.


Chris et Claire à Popovo (Guillaume Fontaine)

Claire et Chris se sont installés à Palamartsa il y a cinq ans. Le village de 600 âmes au Nord de Popovo compte 10% de nouveaux installés comme eux. Ils sont rapidement devenus des piliers de la communauté. Les exemples même d’une intégration réussie :

« On avait voulu s’installer en France sur un petit projet agricole mais c’était trop cher pour nous. On a voulu tester la Bulgarie. »

Après un volontariat chez Mark et Cara, ils ne sont jamais repartis, convaincus eux aussi d’être dans un lieu préservé, unique en Europe. Très vite, leur modèle s’est imposé à eux : une chambre d’hôtes et une petite ferme biologique pour fournir les légumes, les œufs, le bacon et le lait des petits-déjeuners gargantuesques qu’ils servent à leurs clients. Pour compléter l’activité, Chris est tuteur en télétravail pour l’open university du Royaume-Uni et Claire organise de stages de Reiki.

Une vie plus authentique et plus ensoleillée

« Ceux qui nous connaissent depuis longtemps ne nous auraient jamais imaginé dans cette vie-là », s’amuse Chris. Archéologues, plutôt urbains, ils se sont pourtant très bien faits à la vie parfois un peu rude d’un village bulgare. Le couple a vite tissé des liens avec ses voisins :

« Nous avons fait appel à eux dès le début pour la rénovation de la maison. Nous voulions respecter l’architecture locale et utiliser les mêmes briques de terre crue avec lesquelles les vieilles maisons sont construites. Nos voisins nous ont aussi aidés pour le potager puis pour nos chèvres. »


Chris et ses chèvres (Guillaume Fontaine)

Ils ont également fait l’effort d’apprendre le bulgare. Inconcevable pour eux de rester en vase clos avec la communauté anglophone. Chris promène son violon dans les fêtes locales et se produit avec le groupe folklorique, une fierté du village qui tourne toute l’année dans les environs.

En 2013, avec d’autres, ils ont organisé un festival mêlant musique bulgare et DJ electro, une première dans la région. L’idée a été reprise cette année dans un autre lieu. Les plus conservateurs parmi les locaux semblent se faire à l’idée et les jeunes de Popovo sont ravis.

L’an dernier, un article du Guardian sur leur chambre d’hôtes a dopé le nombre de visiteurs. Le bouche à oreille, une activité intense sur Facebook et d’excellents commentaires sur TripAdvisor commencent à donner une existence touristique au petit village. Effet d’entraînement : selon eux, près d’un client sur deux pense à acheter une maison pour venir s’installer, séduit par le rêve d’une vie nouvelle, plus simple, plus authentique et plus ensoleillée.

Il y a 25 ans, à la chute du communisme, le village comptait 3 000 habitants. Enfin libres d’habiter où ils le désiraient, les habitants ont fuit les campagnes. Les villages ont été désertés, certains ou disparu.


Des gens dansent dans le cadre du Luna Doline Festival, en septembre 2013 (Guillaume Fontaine)

Une maison pour 10 000 euros

Dans ceux qui subsistent, ne vivent plus qu’une poignée d’actifs et les « babas », les grands-mères, qui touchent une maigre pension, vivent de leur jardin et de la rente de leur champ que gère pour elles la coopérative locale. Pas une rue sans maisons vides ou en ruine. Anciennes écoles, dispensaires ou bâtiments administratifs sont également à l’abandon. Voilà qui explique le prix de l’immobilier, l’un des moins cher d’Europe.

Pour 5 000 euros et sans trop de tracas juridiques, vous pouvez acheter une maison habitable au confort sommaire avec l’eau, l’électricité, le téléphone et un beau verger. Sur eBay Royaume-Uni, les enchères commencent à 130 euros. Elles montent à un peu plus de 70 000 pour des villas luxueuses entièrement rénovées. Mais l’essentiel des transactions se fait à moins de 10 000 euros.

En achetant sur place, le prix est divisé par deux. Comptez 5 000 euros supplémentaires pour les travaux d’isolation et votre salle de bain. Vous avez votre nouveau chez vous pour 10 000 euros. Imbattable.


Soirée autour du feu à Popovo, en septembre 2013 

Tous les villages autour de Popovo ont aujourd’hui leur petite communauté. Chacune d’entre elles a son ambiance. A Voditsa, on est plutôt post-hippy ou « alternatif » : mode de vie assez relâché dans l’Eden bulgare à la vie facile. A Palamartsa, c’est plus laborieux. La plupart des expatriés y ont un vrai projet de vie.

Internet ultra-rapide et télétravail

Internet est souvent déterminant dans l’installation et joue le rôle de lien au quotidien. Dans les classements de rapidité, l’Internet bulgare apparaît souvent dans le top 10, toujours loin devant la France ou les Etats-Unis. Un effet de la libéralisation du secteur qui a multiplié les opérateurs malgré un nombre toujours restreint d’utilisateurs. Résultat, même dans un village éloigné, le débit est comparable à celui de la ville. Un avantage indéniable pour le télétravail.

Agnès vend ses toiles sur Internet et expose un peu. Mais elle vit surtout en faisant l’agent immobilier. Viv a pris une retraite précoce mais son mari fait toujours du consulting à distance dans le secteur de la défense tout en peaufinant les extensions de leur maison.

Dans le village voisin, Bram et Anna ont choisi la formule « sans hiver » : ils rentrent alors en Belgique pour travailler.

Evelien, elle, a débarqué l’an dernier de Turquie. Cette Hollandaise a quitté la Cappadoce pour Palamartsa. Organisatrice de séjours touristiques à la carte, elle croit dur comme fer au développement touristique de la Bulgarie. Evelien recrute ses clients avec son site et développe une offre locale qui n’existait pas jusqu’alors.


Popovo (Guillaume Fontaine)

Après plusieurs séjours, Cristina et Mariama ont elles aussi craqué pour « l’esprit du lieu ». Cristina est coach, ses clients sont partout dans le monde. Avec Skype, elle peut mener ses entretiens d’où elle veut. Après avoir lâché son poste en ambassade pour devenir consultante, Mariama jouit de la même liberté.

D’autres sont venus séduits par le rêve d’une vie proche de l’autosuffisance. La plupart des maisons sont vendues avec un bout de terre et un beau verger. Pas de grande exploitation possible mais une agriculture vivrière très modeste, à l’image des Bulgares qui ont choisi de rester ou n’ont pas eu les moyens de partir.

Les locaux, passeurs des traditions

Un matin bleu, glacé et fumant, une petite compagnie avec seaux, couteaux et récipients en nombre. Une petite table de camping dressée dans un coin du jardin avec quelques verres et deux ou trois crus transparent de rakia, la gnole locale.

L’acteur principal grogne dans son enclos. 250 kg, un beau verrat bien gras. Avec son vieux calibre 12, Stepan l’expédie très proprement sans que la bête semble avoir eu le temps de réaliser ce qui lui arrivait.

Le vieux de la maison d’à côté venu regarder la cérémonie approuve. On tire le corps et la longue découpe commence.


Stepan (Guillaume Fontaine)

Stepan est à la manœuvre. Dans le village, c’est lui qui s’occupe de la mort. Chasseur, boucher, il est aussi croque-mort. Un homme précieux. Ian l’a fait venir pour être sûr que tout se passe bien.

Cela fait trois ans qu’Ian est installé à Palamartsa. La première année, il s’est consacré à sa maison. Puis il s’est mis à l’élevage. Comme pas mal de nouveaux arrivants, il n’y connaissait rien. Ses voisins bulgares l’ont aidé. Cela ne l’a pas empêché de faire des erreurs. Il se souviendra longtemps de son premier cochon :

« Des vrais amateurs, on avait fait ça en été. A 6 heures, ça allait très bien. Mais à 9 heures, il faisait déjà 30°C, il y avait des mouches partout. On a dû jeter une bonne partie de la viande. »

On ne l’y reprendra pas. Dans un village voisin, un groupe s’est trouvé complètement démuni face à sa première bête. Ils n’avaient personne avec eux et s’étaient contentés de bouquins et de vidéos sur YouTube. La mise à mort n’avait pas posé de problème particulier mais ils avaient dû s’interrompre pour aller sur l’ordi et s’apercevoir qu’il manquait des séquences sur la découpe.

Et surtout, qu’ils avaient commis l’irréparable : percer les intestins. Et comme ils ne savaient pas qu’il ne fallait pas nourrir le cochon dans les 24 heures précédents la mise à mort, ils étaient pleins. Toute la viande, même lavée à grande eau, avait pris un fumet difficile à supporter.


La découpe du cochon (Guillaume Fontaine)

« Ici, je suis libre »

Ian explique :

« Dans le village, nos voisins vivent en quasi-autarcie. Ils savent bâtir leur maison, cultiver, récolter, élever les animaux, transformer. Ils font ça très bien depuis toujours. Nous serions fous de ne pas faire appel à eux. »

Avec Stepan, une poignée de locaux jouent ainsi le rôle de passeurs des savoir-faire traditionnels. Heureux de voir ces nouveaux arrivants qui veulent apprendre leur mode de vie et apportent un peu de sang neuf. Mustapha est indispensable pour refaire un mur en pierre crue, chercher les champignons ou distiller, un sport local qui aide à passer l’hiver au chaud. Pour le soin des chèvres, il y a Anna et surtout Yumer, le berger. Alors à la question « Qu’est-ce que tu es venu faire à Popovo ? », la réponse de Ian est limpide comme son Rakia :

« Ici, je suis libre. Personne pour me dire comment faire les choses, j’ai des vraies relations avec mes voisins. Et il y a de l’espace. Impossible de retourner vivre en Europe de l’Ouest après ça. »


Cours de cuisine (Guillaume Fontaine)

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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