Les victimes du massacre de Houla à la morgue (AFP PHOTO / HO / SHAAM NEWS NETWORK)
C’est le massacre de trop. Celui qui empêche le monde de s’habituer sans réagir au bilan quotidien de morts en Syrie : la centaine de cadavres de Houla, près de la ville de Homs, parmi lesquels 32 enfants égorgés, massacrés par l’armée syrienne selon l’opposition, a provoqué l’indignation planétaire.
cadavres d’enfants à Houlla (AFP PHOTO / HO / SHAAM NEWS NETWORK)
Les photos de ces cadavres alignés à la morgue de la ville syrienne, des corps dans des linceuls blancs avant d’être inhumés, ont fait le tour du monde et ont frappé les esprits. Et ces autres photos, d’enfants massacrés, trop choquantes pour être reproduites en gros plan.
Au total, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), 114 morts, un massacre confirmé par les observateurs des Nations Unies présents en Syrie qui ont décompté pour leur part 92 cadavres dont 32 enfants de moins de dix ans.
Du Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, à la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, les condamnations se sont multipliées ainsi que les appels à juger les responsables de ce massacre. Pour la France, Laurent Fabius a proposé de réunir le groupe des pays amis du peuple syrien.
Pour les Nations Unies :
« Ce crime révoltant et terrible, dans lequel la force a été utilisée de manière aveugle et disproportionnée, est une violation flagrante du droit international et des engagements pris par le gouvernement syrien de cesser son recours aux armes lourdes dans les villes et la violence quelle qu’elle soit »
Samar Yazbek : « le peuple syrien soutiendra une intervention militaire internationale »
Samar Yazbek, une intellectuelle syrienne exilée en France, membre de la communauté alaouite comme le premier cercle du pouvoir syrien, a appris la nouvelle alors qu’elle se trouvait à Saint Malo pour participer à un débat que j’animais au festival Etonannts Voyageurs. Elle est sous le choc.
Auteur de « Feux croisés, journal de la révolution syrienne » (Buchet Chastel), un livre fort dans lequel elle raconte les premiers mois du soulèvement syrien, ainsi que les pressions qui l’ont poussée à s’exiler pour ne pas subir le sort d’une « traître » à sa communauté, Samar Yazbek manque de mots assez durs pour commenter ce massacre pour Rue89 :
Samar Yazbek : Je pense que ce massacre confirme l’intention du régime syrien de mener le peuple syrien vers une guerre confessionelle. Le massacre de ces enfants à Houla montre que le régime veut mener Alaouites et Sunnites à la confrontation. C’est une manipulation flagrante, mais je crains que ça conduise à une guerre confessionnelle, même si jusqu’à présent le peuple a démontré qu’il n’était pas dupe.
Ce massacre commis par ce régime criminel prouve l’importance de faire tomber ce régime et la nécessité pour la communauté internationale d’agir. (écoutez le son en arabe)
Rue89 : Décririez-vous la situation comme une « guerre civile » ?
Non, je ne pense pas qu’on puisse décrire la situation actuelle en Syrie comme une guerre civile, mais le monde entier doit désormais envisager qu’on ne peut plus donner à Bachar el-Assad une chance de plus. S’il reste au pouvoir, nous sommes tous menacés d’une guerre civile.
Le peuple syrien a su dépasser ces blessures, mais il y a des signes inquiétants qui peuvent conduire à une guerre civile. Tant que Assad reste en place, la menace ne fera que croître. S’il part, la Syrie sera sauve.
Sur quoi peut déboucher l’émotion internationale provoquée par ce massacre ?
Certes, ce dernier massacre a provoqué un choc. Mais j’insiste sur le fait que la communauté internationale reste spectatrice alors que le peuple syrien est martyrisé. Ils disent que c’est inacceptable, mais restent en position de spectateurs.
Pour quelle raison ? Ce massacre n’est qu’un symptôme de plus de ce que ce régime est en train de faire : exacerber les haines entre communautés et mener la Syrie vers la guerre civile. Garder le silence ne fera que mener la Syrie au chaos.
La seule solution est le départ de Bachar el-Assad et de son régime. La communauté internationale doit prendre cette mesure afin d’éviter à cette région une guerre confessionnelle et civile.
Cela passe-t-il par une intervention militaire internationale comme en Libye ?
Je ne pense pas qu’une intervention en Syrie soit nécessairement militaire. Il y a plusieurs mesures qui peuvent être prises par la Communauté internationale. Par exemple une condamnation claire et ferme du régime de Bachar el-Assad par les Nations Unies, des poursuites de Bachar el-Assad devant la Cour pénale internationale, que l’on suspende les relations diplomatiques avec le régime syrien... Il y a une panoplie de mesures pouvant être prises à l’égard de ce régime.
Je voudrais évoquer ici la position de la Russie. C’est hélas la preuve que le peuple russe participe au massacre du peuple syrien. Il fait que le peuple russe se réveille et qu’il sache que ce n’est pas dans son intérêt que ce massacre se poursuive.
Je ne peux pas appeler à une intervention militaire étrangère car je sais très bien, et vous le savez très bien aussi, qu’il n’y a pas de résolution possible. Le monde ne veut pas intervenir. La communauté internationale se contente du rôle de spectateur. Il s’agit d’un grand jeu d’intérêts internationaux de grandes puissances, d’équilibre. En attendant, le peuple syrien est livré à lui même et à la mort.
Si une résolution internationale est prise pour une intervention militaire, le peuple syrien sera pour sans hésitation. Il ne fait pas laisser Bachar massacrer le peuple impunément, il faut faire tomber son régime. (écoutez le son en arabe)
Le peuple syrien ne paye-t-il pas la situation géopolitique du pays ?
Oui, c’est le peuple syrien et le peuple syrien seul qui paiera le prix. Dans tous les cas de figure. Il paiera si Bachar el-Assad reste au pouvoir. Et il paiera en cas d’intervention militaire en Syrie.
Mais nous faisons face à un choix : soit Bachar el-Assad reste et il continue à tuer son peuple, soit on opte pour une intervention militaire sur une durée limitée. Nous avons le choix entre la peste et le cholera, et nous devons opter pour le choix le moins pire... Ces massacres ne peuvent pas continuer.
Malheureusement, le peuple syrien paie aussi le prix d’être dans un pays situé à proximité d’Israël et dans une région où les intérêts internationaux et les équilibres internationaux sont en jeu.
huffingtonpost.ca - AFPQC | Par Agence France-Presse Publication: 09/06/2012 09:25 Mis à jour: 09/06/2012 10:05