Vendredi 9 septembre, ce qui constitue déjà une éternité pour une population quotidiennement exposée à une répression d'une sauvagerie comme le monde en a rarement connue, les Syriens descendus dans les rues ont réclamé une "protection internationale". Que demandent-ils ? Non pas une intervention militaire étrangère, susceptible de générer une violence encore plus insupportable de la part du régime. Mais d'abord et avant tout que la communauté internationale les aide à maintenir le caractère pacifique de leur protestation, leur permettant ainsi d'arracher à Bachar Al Assad, cramponné au pouvoir usurpé avec l'aide des amis de son père en juillet 2000 et prêt à "résister jusqu'au dernier Syrien", ce qu'il refuse de leur accorder : la justice, la dignité, la citoyenneté et la démocratie.
Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, ceux qui refusent dans toutes les communautés de servir de porte-voix aux discours de propagande élaborés dans les officines des services de renseignements, admettent que certains Syriens ont dû se résoudre à recourir aux armes pour contrecarrer les opérations conjuguées de l'armée syrienne, des moukhabarat et des chabbiha, mercenaires à la solde de la famille présidentielle. Mais ils savent aussi que, contrairement aux affirmations du régime et de ceux qui imaginent que la bure et la soutane donnent de la crédibilité à leur discours de "trompettes", comme on dit en Syrie, il n'existe pas dans ce pays de "groupes terroristes-islamistes-salafistes armés". Ils savent surtout que l'immense majorité des Syriens qui s'exposent dans les rues à une répression de moins en moins contrôlée par un pouvoir politique dominé par ses ultras, n'ont en main aucune arme et n'ont rien à voir avec la violence qu'on leur impute. Lorsque le Dr Khawla Haydar Haydar, professeur de mathématiques à la Faculté de Physique de l'Université de Damas, est entrée dans sa salle de cours, lundi 10 octobre, et a signé de son nom la déclaration suivante qu'elle venait d'écrire sur le tableau : "Parler de gangs armés en Syrie est un mensonge. Ce sont les militaires et la sécurité qui tuent les manifestants", elle a été longuement applaudie par ses étudiants et étudiantes, qui se sont ensuite opposés à son arrestation et on facilité sa fuite.
Comme elle le demande, il faut protéger la population syrienne. Cela signifie :
- réclamer la poursuite des pressions françaises et européennes sur les pays qui s'opposent sans vergogne à l'adoption d'une résolution internationale sur la Syrie. Certains hauts responsables syriens civils et militaires ont besoin d'une telle résolution avant d'annoncer leur défection, et de tenter de débarrasser le pays de Bachar Al Assad, sachant que personne ne les désavouera et ne volera plus à son secours... à l'exception, peut-être, de ses amis iraniens ;
- poursuivre l'annonce de sanctions contre les hommes d'affaires syriens, libanais ou autres, qui apportent un soutien matériel et financier à la famille Al Assad et au régime, lui permettant de payer les voyous et les sicaires chargés de terroriser les contestataires afin de gagner par KO ou par abandon un affrontement auquel ils ne survivront qu'au prix de la destruction totale de leurs adversaires ;
- faire parvenir aux manifestants syriens les caméras, les appareils photo ou les téléphones satellitaires dont ils ont besoin pour transmettre, à l'extérieur de la Syrie, en dépit du contrôle exercé sur les communications par les services de renseignements, les images attestant de la poursuite de leur mouvement. Ici et là, on le sait, les moukhabarat ont fait savoir aux jeunes et aux moins jeunes qui descendent dans les rues qu'ils les laisseraient faire sans intervenir s'ils renonçaient à filmer leurs démonstrations. Autrement dit, s'ils acceptaient que le mouvement de protestation se déroule à huis clos. Les Syriens ne sont pas assez stupides pour se laisser enfermer dans ce piège mortel : c'est lui qui avait permis à Hafez Al Assad, en 1982, de se livrer à Hama au carnage que l'on sait. Si le régime a peur des images, il faut alors les multiplier ;
- faire parvenir les médicaments et les matériels dont les médecins et infirmiers ont besoin pour soigner, à leurs domiciles ou dans des hôpitaux de fortune, les blessés qui ne vont plus dans les établissement publics de peur d'y être achevés sans procès. Comme ce malheureux jeune homme de Lattaquié, admis dans un établissement public pour s'être brisé la jambe, qui a été pris pour un manifestant et assassiné de sang-froid sur son lit d'hôpital. Savoir qu'ils seront traités et secourus ne peut qu'encourager les manifestants à affronter les risques immenses dont ils ont conscience ;
- faire parvenir l'argent dont les Syriens ont besoin pour subsister au jour le jour, que ce soit dans les villes, les quartiers ou les villages assiégés, que ce soit dans certaines zones reculées où l'armée cherche à les circonscrire pour mieux les affamer et les bombarder, que ce soit dans les camps d'accueil ouverts à leur intention en Turquie, en Jordanie ou au Liban. Le rôle de la communauté internationale est de contraindre le régime syrien à entendre sa population et à se plier à la volonté populaire. Celui des citoyens de tous les pays favorables à la démocratie est d'apporter leur contribution à la lutte exemplaire des révolutionnaires syriens.
Oui, il faut sauver la population syrienne en danger de mort. Il faut l'aider à mener à son terme son combat. Il faut lui fournir les moyens de poursuivre dans la voie pacifique qu'elle a choisie pour ce faire.
Les rassemblements organisés samedi 15 octobre à 14h30 sur la Place de la République à Paris, à 16h30 devant la Gare centrale de Mulhouse, à 17h00 sur la Place du Capitole à Toulouse, et un peu partout dans la monde à l'occasion du "Samedi des communautés en soutien à la révolution", comme celui prévu samedi 22 octobre à 15h00 sur la Place Bellecour à Lyon, sont l'occasion pour les amis de la Syrie et des Syriens, de faire entendre leur voix et de faire savoir aux manifestants à Homs, Daraa, Lattaquié, Deïr al Zor, Douma, Hassakeh et partout, qu'ils ne sont pas seuls dans le combat inégal qu'ils mènent pour leur liberté, leur dignité, pour leur avenir et celui de leurs compatriotes, et pour la démocratie.