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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 20:11

LEMONDE.FR avec AFP | 28.02.12 | 16h09   •  Mis à jour le 28.02.12 | 20h39

 
 

 

Image extraite d'une vidéo diffusée sur YouTube le 28 février, montrant la fumée s'élevant d'un quartier bombardé de Homs.

Image extraite d'une vidéo diffusée sur YouTube le 28 février, montrant la fumée s'élevant d'un quartier bombardé de Homs.AFP/-


Alors que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU débat sur un projet de résolution pour la crise en Syrie, les violences se poursuivent mardi 28 février. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, quatorze personnes ont été tuées dans ce pays meurtri par une crise qui a fait "aux alentours de 8 000 morts" en onze mois, a confirmé le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, sur RTL. "On a franchi toutes les limites de la barbarie", a-t-il estimé.

Le bilan des victimes de la répression est "certainement bien supérieur à 7 500 morts", a déclaré de son côté Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires politiques, qui a cependant admis que l'ONU ne pouvait "pas donner de chiffres précis".

Dans le centre du pays, Homs, bastion de la contestation, est toujours sous les bombes, pour le vingt-cinquième jour consécutif. "Les obus tombent et le monde regarde", a commenté un militant sur une vidéo montrant des bâtiments pilonnés d'où s'échappaient des colonnes de fumée noire.

  • Toujours pas d'accord sur l'évacuation des blessés de Homs

Le journaliste britannique Paul Conroy  a été évacué au Liban mardi, mais les informations contradictoires se multiplient sur le sort de la journaliste française Edith Bouvier. L'équipe du Croissant-Rouge arabe syrien (CRAS), en discussion avec les autorités et les rebelles, a en tout cas quitté la ville en début d'après-midi, faute d'accord.

Toutefois, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pu acheminer des vivres et du matériel humanitaire à Homs et à Idlib mardi. Mais le manque de sécurité empêche toujours la distribution aux civils.

 

 

  • Les Frères musulmans dénoncent un "massacre"

Lundi, soixante-huit civils ont été tués par des hommes armés, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui dénonce un "massacre" commis par les milices du régime de Bachar Al-Assad. Les corps, qui n'ont pas été identifiés, "portent des traces de balles et de coups portés à l'arme blanche." Il s'agirait de familles fuyant le quartier de Baba Amro à Homs.

 

Funérailles de Mohamed Ammar, le 28 février, tué par l'armée syrienne.

Funérailles de Mohamed Ammar, le 28 février, tué par l'armée syrienne. REUTERS/GORAN TOMASEVIC


Les Frères musulmans de Syrie ont également dénoncé ce "massacre" mardi, accusant le régime d'"avoir fait monter des familles entières dans des cars sous prétexte de les transporter en lieu sûr, avant d'en faire descendre les hommes et de tuer soixante-cinq d'entre eux de sang froid à coups de couteau, comme on égorge les moutons". "Ce massacre commis contre les jeunes hommes de Baba Amro est un crime de guerre, un crime de nettoyage ethnique et un crime contre l'humanité", ont-ils dénoncé.

  • La capitale gagnée par la contestation

Des milliers de personnes sont descendues mardi dans les rues de Damas, relativement peu touchée encore par les manifestations antirégime, pour célébrer les funérailles de deux victimes des tirs des forces de sécurité. "Les protestataires ont été encerclés par les agents de sécurité qui ont lancé des grenades lacrymogènes", selon le porte-parole des comités locaux de coordination de Damas.

Des manifestations se sont également déroulées dans les localités de la périphérie de Damas, comme Irbine et Zamalka, ainsi qu'à Barzé, en présence de nombreux agents de sécurité, selon les mêmes sources. Selon l'OSDH, plus de 30 étudiants ont été interpellés à l'université de Damas.

  • Un référendum qui risque d'être instrumentalisé

Le président Bachar Al-Assad a ratifié mardi la nouvelle Constitution, approuvée dimanche par près de 90 % des votants selon le gouvernement syrien, et qui instaure notamment un "pluralisme politique". Un vote qui pourrait être instrumentalisé par le régime, estiment des analystes.

"Le régime va utiliser le référendum pour dire qu'il a [le soutien de] la majorité du peuple, qu'il fait des réformes et qu'il se bat contre les groupes salafistes et terroristes", a affirmé Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Une analyse qui fait écho à la version du quotidien gouvernemental syrien Techrine, mardi, selon qui ce vote "est un succès pour les Syriens qui ont foi dans les réformes et un échec pour les régimes arabes et occidentaux qui veulent déstabiliser notre pays".

La porte-parole du département d'Etat américain, Victoria Nuland, a qualifié ce référendum de risible, et les Nations unies ont mis en doute sa crédibilité "dans le contexte de violence généralisée et de violations massives des droits de l'homme" qui prévaut en Syrie.

 

 

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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 19:17

LEMONDE.FR | 24.02.12 | 21h46   •  Mis à jour le 24.02.12 | 21h47

 
 

 

Capture d'écran d'une vidéo montrant les bombardements sur Homs, le 6 février 2012.

Capture d'écran d'une vidéo montrant les bombardements sur Homs, le 6 février 2012.AFP/-


Marie Colvin et Rémi Ochlik, les deux journalistes tués dans le bombardement du centre de presse de Homs qui a également blessé plusieurs journalistes européens, ont-ils été trahis par leurs téléphones satellitaires ? Le Telegraph rapporte que dans les jours précédant l'attaque, plusieurs journalistes présents dans la ville soupçonnaient que leurs téléphones satellitaires aient pu être repérés, et que le signal de ces appareils soit utilisé pour guider des bombardements.

L'hypothèse n'est toutefois pas la plus probable. Comme le rappelle l'organisation de défense de la presse Reporters sans frontières, les militaires syriens n'ont pas eu besoin de recourir à des technologies avancées pour cibler le centre de presse. "Le bâtiment aurait été visé de manière intentionnelle, étant de notoriété publique qu'il accueillait régulièrement des journalistes", explique l'ONG, qui voit dans ce bombardement la preuve directe de la volonté de l'armée de cibler délibérément les journalistes sur place.

Plusieurs témoignages laissent cependant entendre que l'armée utilise les signaux des téléphones mobiles pour guider ses tirs d'artillerie dans le quartier de Baba Amro, épicentre de la contestation contre la dictature. Les lignes téléphoniques filaires ont été coupées dans la ville.

 

UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE INSTALLÉ PAR UNE ENTREPRISE ITALIENNE

Repérer les signaux de téléphones mobiles et en déduire l'origine du signal ne fait pas appel à une technologie élaborée. En triangulant la source d'un signal, il est possible, avec un matériel relativement basique, de déterminer l'endroit où se situe un téléphone mobile avec une précision relative, mais parfaitement suffisante pour un bombardement.

La Syrie a cependant mis en place un véritable système de surveillance à grande échelle des moyens de communication. Le pays avait acheté à Area SpA, une entreprise italienne, un ensemble de logiciels de surveillance américains, français et allemands, permettant de surveiller aussi bien les communications Web que les conversations téléphoniques. Selon l'agence Bloomberg, la Syrie a notamment acheté, via Area, une technologie de surveillance des communications Web au français Qosmos, qui élabore notamment des systèmes d'inspection de paquets (DPI, Deep Packet Inspection), l'équivalent électronique d'un passage au scanner.

Malgré les sanctions prises par la communauté internationale contre Damas et l'interdiction de vente d'armes à la Syrie, la vente de ces technologies de surveillance n'est pas proscrite. Pour les défenseurs des droits de l'homme, elle est cependant assimilable à une complicité de crimes de guerre, puisque ces technologies de surveillance sont utilisées par la Syrie pour surveiller et retrouver les dissidents, victimes de tortures et d'exécutions sommaires.

 

LES TÉLÉPHONES SATELLITAIRES VULNÉRABLES

La surveillance des téléphones satellitaires est également possible – et techniquement simple concernant des informations de base. Localiser un appareil, par exemple, requiert un équipement minimal, et les signaux de ces appareils sont aisément identifiables.

Espionner les conversations transmises par ces appareils est en revanche plus complexe, mais n'est pas impossible. Début février, une équipe de chercheurs de l'université de Bochum (Allemagne) était parvenue à "casser" partiellement l'encryptage utilisé par la plupart des téléphones satellitaires. Les chercheurs ne sont pas parvenus à décoder intégralement les signaux cryptés échangés par le téléphone et le satellite, mais estiment que les vulnérabilités qu'ils ont découvertes montrent que les encryptages actuels peuvent être cassés.

Surtout, les téléphones satellitaires constituent une cible de choix pour les services de renseignement, syriens ou non, puisqu'ils sont très majoritairement utilisés par les journalistes, hommes d'affaires ou autres personnes ayant besoin d'un système de communication indépendant et échangeant des informations sensibles. "Gardez cela à l'esprit la prochaine fois que vous utiliserez votre [téléphone ou pager satellitaire], spécialement dans une zone de guerre", rappelle le blog spécialisé Open BTS. "Quel que soit votre encryptage ou système d'identification, la simple existence de ces signaux radio envoie un message à tout observateur militaire : 'il y a quelqu'un ici avec un système de communication particulier, et ce n'est pas l'un des nôtres'. C'est un message qui peut être très dangereux."

Le Monde.fr


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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 15:04

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 23.02.12 | 13h39   •  Mis à jour le 23.02.12 | 17h23

 
 

 

Image envoyée par un "journaliste citoyen" du comité de coordination locale dans le quartier de Baba Amro, à Homs, le 22 février.

Image envoyée par un "journaliste citoyen" du comité de coordination locale dans le quartier de Baba Amro, à Homs, le 22 février. AP/HONS


Les forces de sécurité syriennes ont abattu des femmes et des enfants désarmés, bombardé des quartiers résidentiels et torturé des blessés dans les hôpitaux suivant les ordres donnés au "plus haut niveau" de la hiérarchie militaire et gouvernementale, estime un nouveau rapport du Conseil de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Syrie, publié jeudi 23 février. Les enquêteurs indépendants de la commission des Nations unies demandent que les auteurs de ces crimes contre l'humanité soient poursuivis devant la justice, alors que le bilan des violences dans le pays s'élève désormais à sept mille six cents morts selon les opposants.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins 46 personnes, en majorité des civils, sont mortes dans les violences, jeudi, en Syrie. Parmi les victimes figurent treize membres d'une même famille tués dans le village de Kafar Al-Ton, dans la province de Hama, pris d'assaut par les forces du régime, ainsi que trois enfants et seize soldats et membres des services de sécurité.

La commission a interrogé cent trente-six nouvelles victimes depuis novembre dernier, date de son précédent rapport. Elle avait alors conclu que les forces de l'ordre syriennes avaient perpétré des crimes contre l'humanité lors de la répression brutale des manifestations. Depuis, ces forces ont continué à commettre "des violations graves, étendues et systématiques des droits de l'homme", dénonce la commission.

Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, cette dernière précise que les forces rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) ont également commis des abus, parmi lesquels des meurtres et des enlèvements, mais "dans une mesure bien moindre".

  • Une liste de dirigeants identifiés

"La commission a reçu des preuves crédibles et solides identifiant des membres de haut rang et de rang intermédiaire des forces armées qui ont ordonné à leurs subordonnés de tirer sur des manifestants désarmés, de tuer les soldats qui refusaient d'obéir à ces ordres, d'arrêter des personnes sans raison, de maltraiter des prisonniers et d'attaquer des quartiers civils avec des tirs aveugles de chars et de mitrailleuses", explique la commission. Selon elle, en effet, "la majorité des crimes (...) a été menée à travers des opérations complexes qui ont impliqué l'ensemble du dispositif de sécurité, et qui par conséquent ont nécessité des directives supérieures".

La commission a donc dressé une liste confidentielle de noms de dirigeants militaires et de responsables soupçonnés d'avoir ordonné les violences. Cette "enveloppe scellée contenant les noms de ces personnes" a été déposée auprès du haut commissariat des droits de l'homme de l'ONU, indiquent les enquêteurs.

  • Le sort des enfants

Plus de cinq cents enfants ont été tués depuis le début de la révolte, en mars 2011, selon la commission, qui cite une "source fiable". Décembre dernier a été le mois le plus meurtrier, avec quatre-vingts enfants tués, suivi de janvier 2012, où soixante-douze enfants sont morts dans les violences. "Les enfants continuent d'être arrêtés de façon arbitraire et torturés pendant leur détention", dénonce la commission d'enquête.

  • Tortures

Le rapport fournit une liste de trente-huit centres de détention, dans douze villes, où la commission a documenté des cas de torture. Cette dernière est particulièrement inquiète de la situation à Homs, haut lieu de la résistance au régime de Bachar Al-Assad, où elle dit avoir trouvé des preuves que des sections de l'hôpital militaire et de l'hôpital Al-Ladhiqiyah sont devenues des centres de torture.

  • La situation humanitaire se dégrade

Le rapport dénonce aussi une situation humanitaire qui ne cesse d'empirer, avec quelque soixante-dix mille personnes déplacées depuis le début de la révolte.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est en pourparlers depuis lundi avec les autorités syriennes et demande des trêves quotidiennes de deux heures pour acheminer de l'aide humanitaire au plus vite, alors que plusieurs quartiers de Homs sont coupés du monde et manquent de vivres et de matériel médical, sans aucune possibilité d'évacuer les blessés.

Vendredi, à Tunis, une conférence internationale des Amis de la Syrie devrait aboutir à des "propositions concrètes" sur la manière dont la communauté internationale "pourrait soutenir les organisations humanitaires", selon un responsable américain. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui estime que cette réunion "participera à l'isolement croissant du régime", a annoncé que son objectif était "d'avancer sur la question de l'aide humanitaire" et maintient son idée de couloirs humanitaires pour aider les victimes de la répression. Une solution jugée difficile à mettre en œuvre selon des diplomates européens, du moins "sans recours à la force militaire, à moins d'avoir une véritable coopération du régime".

Après la Russie, en début de semaine, la Chine a annoncé, jeudi, qu'elle n'enverrait aucun représentant à la conférence.

 

 

La commission s'inquiète particulièrement du sort réservé à la ville de Homs, où les quartiers sunnites, et notamment Baba Amro, étaient violemment bombardés jeudi pour le dix-neuvième jour consécutif. Des chars ont commencé à entrer dans les rues de Bama Amro jeudi, malgré la colère de la communauté internationale après la mort de quatre-vingts personnes, dont deux journalistes, l'un français l'autre américaine, la veille. "Nous lançons un dernier cri de détresse. Les gens, s'ils ne sont pas tués par les bombardements, vont mourir de faim et de soif", affirme à l'AFP Omar Chaker, un militant sur place.

"Plus les condamnations [internationales] se succèdent, plus le bombardement s'intensifie", a commenté Hadi Abdallah, un militant local de la Commission générale de la révolution syrienne, qui évoque des "explosions terrifiantes" depuis l'aube. Selon un autre opposant, Abdel Rahmane, les communications sont totalement coupées dans les quartiers bombardés.

 

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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 14:57

Editorial | LEMONDE | 23.02.12 | 13h59

 
 

 

Explosion dans le quartier de Baba Amro, à Homs, le 22 février.

Explosion dans le quartier de Baba Amro, à Homs, le 22 février. AFP/-


C'était il y a trente ans, fin février 1982. Le régime syrien, alors dirigé par Hafez Al-Assad, le père de l'actuel président, faisait face à une révolte armée dans la ville d'Hama. Le pouvoir redoutait une extension de cette rébellion menée par les Frères musulmans. Il décida de faire un "exemple", d'infliger à cette ville et à sa population une punition telle qu'elle briserait l'insurrection naissante.

Hafez Al-Assad fit bombarder Hama à l'arme lourde. Puis des unités spéciales entrèrent dans la ville. Durant plusieurs jours, elles en disposèrent, pour tuer, violer, torturer, piller à loisir. Les estimations sur le nombre des morts varient - de 10 000 à 35 000.

Mais la ville fut vite rouverte afin que chaque ressortissant du pays puisse venir "voir". Et comprendre que la Syrie est gouvernée selon ce qu'un journaliste américain, Thomas Friedman, a appelé "la loi d'Hama". La loi du massacre.

La "loi du massacre" est de nouveau mise en oeuvre. Cette fois par Bachar Al-Assad, dans la ville voisine, presque mitoyenne : Homs. Celle-ci revit le cauchemar d'Hama. Et sans doute est-elle destinée au même sort : être le théâtre d'une tuerie sans pitié, perpétrée "pour l'exemple".

Depuis trois semaines, le régime de Bachar Al-Assad a ordonné le pilonnage d'Homs à l'artillerie lourde : chars, mortiers, roquettes. Une bonne partie de la ville est aux mains de l'insurrection populaire qui, depuis bientôt un an, défie le régime.

L'armée a ciblé le quartier de Baba Amro, 30 000 personnes à peu près. Femmes, enfants, vieillards, tous sont pris dans un piège terrible, cernés par les blindés, visés par les snipers dès qu'ils tentent de sortir dans la rue.

Bachar Al-Assad a bien appris la leçon d'Hama, c'est un homme consciencieux. Il faut qu'il y ait des morts, beaucoup. Il a refusé la requête de la Croix-Rouge, qui sollicitait, mardi 21 février, deux heures de trêve pour évacuer les blessés. Le dictateur syrien opère sous la protection diplomatique de la Russie et de la Chine. Coïncidence ? Il a lancé l'assaut au moment même où Moscou et Pékin s'opposaient à toute médiation de l'ONU.

Mais, contrairement à son père, Bachar Al-Assad massacre à l'ère d'Internet. En direct, en somme. Il suffisait, mardi, d'aller sur YouTube pour assister aux bombardements d'Homs. Le régime a-t-il sciemment fait tirer sur le petit centre de presse d'où les journalistes transmettaient leurs textes et leurs images ? Là où l'Américaine Marie Colvin et le Français Rémi Ochlik ont été tués en début de matinée.

Plus d'une vingtaine de personnes, au bas mot, tombent chaque jour sous les obus à Homs. L'ONU est impuissante. Le plan d'intervention de la Ligue arabe a été torpillé par les Chinois et les Russes. Hors l'action diplomatique, l'Europe et les Etats-Unis ne savent que faire. Au fil des morts, la pression s'accroît pour armer les rebelles - en matériel lourd. La guerre va s'installer, elle peut durer longtemps. Elle sera d'une cruauté d'un autre âge, celui de la "loi du massacre".

 

 

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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 14:02

 

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 22.02.12 | 13h47   •  Mis à jour le 22.02.12 | 14h51

 
 

Plus de 7 600 personnes ont été tuées dans les violences depuis l'éclatement de la révolte en Syrie, en mars 2011, indique, mercredi 22 février, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Parmi elles figurent 5 542 civils, 1 692 soldats et membres des services de sécurité et près de 400 déserteurs, a indiqué le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

 

NOUVEAUX RAIDS DES FORCES SYRIENNES

Des soldats et des miliciens soutenant Bachar Al-Assad ont mené une série de raids contre plusieurs villages d'une province du nord du pays, tuant vingt-sept jeunes Syriens, a indiqué mercredi un groupe d'opposants. Les jeunes gens, tous des civils, ont été pour la plupart abattus par balle, dans la tête ou dans la poitrine, alors qu'ils se trouvaient chez eux ou dans la rue dans les villages d'Idita, d'Ibline et de Balchone, dans la province d'Idlib, proche de la frontière avec la Turquie, rapporte le réseau syrien pour les droits de l'homme.

Plusieurs vidéos enregistrées par des militants locaux postées sur YouTube montrent des cadavres de jeunes blessés par balle dans les rues et dans leurs maisons. L'authenticité des images n'a pas pu être confirmée de manière indépendante. Les forces de sécurité ont tué mardi une centaine de personnes lors d'attaques contre la ville de Homs, épicentre de l'insurrection, et des villages de la province d'Idlib, ont annoncé les comités de coordination locaux.

Dix enfants et trois femmes figurent parmi les victimes, affirme ce mouvement d'opposition dans un communiqué qui accuse les forces de sécurité fidèles au président Bachar Al-Assad d'avoir commis des meurtres et des violations des droits de l'homme.

 

TREIZE CIVILS TUÉS À BABA AMRO MERCREDI

 


Mercredi, les bombardements continuaient sur Baba Amro, un quartier sunnite tenu par les insurgés, pilonné sans relâche depuis dix-huit jours. Au moins treize civils ont été tués mercredi dans ce quartier, où deux journalistes étrangers ont déjà trouvé la mort dans la matinée, selon une ONG syrienne.

Mardi soir, le journaliste Rami Al-Sayyed a été tué par un obus alors qu'il transportait des blessés et des morts vers l'hôpital de ce quartier, selon des militants. M. Sayyed, âgé de 26 ans et père d'une fille d'un an et demi, "était le pilier des militants à l'origine des films" illustrant les évènements à Baba Amro, selon Hadi Abdallah, militant local de la Commission générale de la révolution syrienne. "Aujourd'hui, il n'y a pas d'images diffusées en direct de Baba Amro, parce qu'il n'y a plus Rami", dit-il. "Sa caméra diffusait en direct du quartier, mettant à nu les mensonges des médias officiels", ont ajouté encore les comités locaux de coordinations. Comme des centaines de citoyens anonymes, il s'était armé d'une caméra pour témoigner de la situation sur place, face aux fortes restrictions imposées aux journalistes professionnels.

Dans le quartier rebelle, l'Armée syrienne libre (ASL) tente d'assurer nourriture et refuge aux habitants qui n'ont pas fui les combats. Selon Hadi Abdallah, même si "ses moyens restent limités, l'ASL assure surtout la protection du quartier", où se trouvent encore 90 000 personnes selon lui. Le militant affirme aussi que les opérations d'aide en général sont très risquées en raison des bombardements et de la présence de snipers. "Nous avons des stocks de nourriture dans les immeubles, mais plusieurs personnes ont été tuées en allant les chercher. C'est presque du suicide", explique-t-il.

Outre Baba Amro, plusieurs quartiers de la ville de Homs, assiégés depuis des semaines, sont coupés du monde et manquent de vivres et de matériel médical, alors qu'il n'y a aucune possibilité d'évacuer les blessés. La situation humanitaire y est devenue dramatique et les appels à agir se sont faits très pressants, notamment du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui demande des trêves quotidiennes de deux heures pour acheminer de l'aide humanitaire au plus vite en Syrie, notamment à Homs.

 

CORRIDORS HUMANITAIRES

Le président du CICR a affirmé plus tôt mardi, que "la situation actuelle exige qu'une décision soit prise immédiatement pour qu'une pause humanitaire puisse être instaurée dans les combats". La Russie a affiché, mercredi, son soutien à cet appel du CICR, tout comme la Maison Blanche – qui a réitéré, par ailleurs, son refus d'armer l'opposition, malgré de nouveaux appels au Congrès. Le ministère des affaires étrangères français a également indiqué qu'il espérait des résultats concrets de la conférence sur la Syrie vendredi à Tunis, notamment sur l'accès des organisations humanitaires aux victimes de la répression.

Un couloir relierait le Liban à la ville de Homs, qui est soumise à des bombardements constants depuis 18 jours. Un autre ferait la liaison entre la Turquie et Idlib dans le nord du pays et un troisième irait de la Jordanie à la ville de Deraa.

La Russie s'est toutefois opposée à la proposition française d'instaurer des "couloirs humanitaires" en Syrie, dans la mesure où ils ne feraient qu'"aggraver le conflit", a déclaré mercredi le vice-ministre russe des affaires étrangères, Guennadi Gatilov. "Il est peu probable que la création de ces couloirs humanitaires soit efficace. Cela [peut] conduire à des confrontations militaires graves", a déclaré M. Gatilov.

 

LE CNS S'INTERROGE SUR UNE INTERVENTION

Le Conseil national syrien (CNS) a fait savoir mercredi qu'il commençait à envisager une intervention militaire comme l'unique solution pour mettre fin aux violences qui durent depuis près d'un an en Syrie. "Nous sommes vraiment tout près de considérer cette intervention militaire comme la seule solution. C'est un choix entre deux maux, l'intervention militaire et la persistance de la guerre civile", a commenté Basma Kodmani, haut responsable du CNS lors d'une conférence de presse à Paris.

Kodmani a ajouté que le CNS a proposé à la Russie, qui a mis son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, de convaincre Damas de garantir un passage sécurisé pour les convois humanitaires apportant de l'aide aux populations civiles. "Afin de ne pas avoir recours à la militarisation, l'idée est de demander à la Russie d'exercer des pressions sur le régime pour qu'il ne prenne pas pour cible des couloirs humanitaires", a-t-il dit.

 

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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 13:57

 

Le Monde - 22 février 2012

 

Le blog Dans l'enfer de Homs, journal de la résistance syrienne, hébergé sur le site du quotidien Libération, a mis en ligne trois nouveaux témoignages sur les violences commises à Homs par l'armée de Bachar Al-Assad.

Alors que deux journalistes viennent d'être tués et que le bilan de la répression a atteint sept mille six cents morts depuis mars 2011, les Homsois continuent de témoigner en envoyant leurs vidéos sur les plates-formes de partage. Abdel-Basset Sarout, Danny AbdelDayem et Abou Salah sont de ceux-là. Des quartier d'Al-Bayadah ou de Baba Amro, l'un des plus durement touchés par la répression, ils racontent, à visage découvert, la violence des agressions contre les civils. Près de soixante pour cent de ses cent mille habitants auraient déjà fui les combats.

"Abou Salah s'est fait rapidement connaître en témoignant à visage découvert et en défiant ainsi le régime syrien", explique le blog. Le 6 février, "de Baba Amro, il décrit une situation catastrophique et lance un appel au monde".

"Les martyrs sont sous les balles, les gens sous les décombres", explique le jeune homme blessé, allongé sur un matelas de fortune. (...) "Nous sommes en train d'être tués et les voix et les corps inanimés des martyrs inondent nos rues." (...) "Bachar, ne crois pas que nous capitulons. même si tu nous tues tous, je te jure que nous renoncerons jamais."

 

 


 

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 14:23

 

Le Monde - 20 février 2012

 

Dans une chanson dédicacée « au courageux peuple de Homs et à tous les Syriens qui se battent pour la liberté », des rappeurs iraniens dénoncent la violence du régime de Bashar Al-Assad, le laissez-faire de la communauté internationale face aux massacres et le soutien de la Russie au régime meurtrier.  Assassin de son propre peuple, comparé à l’ange de la mort Azrael, Assad «paiera» pour ses crimes.

Le soutien de l'Iran au régime de Bashar Al-assad est  implicitement critiqué, le rappeur chante : "Je suis en colère contre l'un des miens [le régime iranien], mais je m’en prends à Medvedev. J’ai envie de lui cracher au visage mais il n’en vaut pas la peine. »

Produit par les artistes Emad Ghavidel, jeune rappeur de 22 ans, et Hamed Fard, ce clip est diffusé sur You-Tube. Hier soir, 8000 personnes avaient visionné ce film, en l'espace d'une nuit, leur nombre a doublé.

 

 

Le refrain traduit en français :
« Je jure par les lamentations et les pleurs des mères endeuillées,
que tu paieras Bashar Al-Assad, je ne me tairai pas même si je finis noyé dans mon sang.
Sache que les Iraniens ne peuvent rester calmes alors que tu tues.
Ton nom est lion [traduction d'assad en français] mais tu n’as pas de crinière.
Mais que suis-je en train de dire ?
Tu n’es pas un lion, ni même une hyène.
Tu ne mérites même pas d’être traité avec colère. »

Cette chanson s'inscrit dans plusieurs actions de solidarité entre les peuples syrien et iranien initiées ces derniers mois. Un précédent article a été écrit à ce sujet suite à une manifestation à Damas, en février 2012, au cours de laquelle des opposants ont brandi des pancartes adressant un message de soutien au mouvement protestataire en Iran.

 

 

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 14:25

 

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 19.02.12 | 11h43   •  Mis à jour le 19.02.12 | 12h00

 

 

 

 

Les militants syriens s'attendaient à de nouvelles manifestations à Damas dimanche 19 février. La journée est placée sous le signe de la désobéissance civile, au lendemain de rassemblements d'une ampleur inédite non loin du cœur de la capitale. Les militants tentent de mobiliser autour des premiers "martyrs" de la capitale, jusqu'alors plus habituée aux démonstrations de force du régime avec des rassemblements massifs et médiatisés de partisans du président Bachar Al-Assad. Samedi, entre "15 000 et 20 000 personnes" selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) ont participé aux funérailles de quatre manifestants abattus la veille par les troupes du régime dans le quartier de Mazzé, les premiers protestataires tués au coeur de la capitale.

Au cours de ces funérailles, un cinquième manifestant a péri lorsque les troupes ont tiré sur les participants à la cérémonie, devenue une manifestation anti-régime. Les militants pro-démocratie ont appelé à la désobéissance civile dimanche dans la capitale sur leur page Facebook "Syrian Revolution 2011".

Plus au nord, dans la province de Homs, une femme a été abattue au cours de perquisitions menées par les troupes du régime, tandis qu'un homme est mort sous les balles des forces de sécurité dans la province d'Idleb. Par ailleurs, dans cette même région, le procureur général et un juge ainsi que leur chauffeur ont été abattus par des tireurs non identifiés, selon l'OSDH, tandis que l'agence officielle Sana a attribué ces assassinats à des "bandes terroristes armées". L'agence rapporte également que des "bandes terroristes armées" ont tiré une roquette sur un réservoir de carburant de la raffinerie de Homs (centre). Enfin, l'OSDH affirme que les bombardements, entamés le 4 février, se poursuivent sur Homs, la "capitale de la révolution".

 

Un corps à proximité d'un cours d'eau à Idlib, après une attaque de l'armée syrienne, le 18 février 2012.

Un corps à proximité d'un cours d'eau à Idlib, après une attaque de l'armée syrienne, le 18 février 2012.AFP/BULENT KILIC


 TENSIONS AU SEIN DE LA LIGUE ARABE

L'Egypte a décidé, dimanche, de rappeler son ambassadeur en Syrie, a annoncé le ministère égyptien des affaires étrangères. Le chef de la diplomatie égyptienne Mohammed Kamel Amr a reçu l'ambassadeur dans la matinée après l'avoir convoqué et il a été décidé que le diplomate rester au Caire "jusqu'à nouvel ordre", selon un communiqué du ministère.

L'Egypte avait appelé mercredi à "un changement pacifique et réel" en Syrie et à l'arrêt immédiat des violences contre les civils, tout en rejetant une intervention militaire. La Ligue arabe a décidé la semaine dernière de fournir un soutien politique et matériel à l'opposition syrienne et de demander au Conseil de sécurité la formation d'une force conjointe ONU-Arabes pour mettre fin aux violences en Syrie.

A Alger, le ministre d'Etat et secrétaire général du Front de libération national (FLN-parti présidentiel), Abdelaziz Belkhadem, estime que la Ligue arabe doit être réformée. "La Ligue n'est pas une ligue et (...) encore moins arabe. C'est une Ligue qui fait appel au Conseil de sécurité contre un de ses membres fondateurs ou à l'OTAN pour détruire les capacités de pays arabes. Elle a besoin d'être profondément revue", a déclaré M. Belkhadem, qui a également le statut de représentant personnel du chef de l'Etat. La situation en Syrie "est tragique. Les Syriens sont en train de s'entretuer. Il faut mettre un terme à cette tragédie et permettre aux Syriens de décider seuls de leur avenir, de la forme du régime qu'ils veulent et des dirigeants qu'ils veulent", a souligné M. Belkhadem.

L'Irak a annoncé des mesures pour renforcer le contrôle de sa frontière avec la Syrie et empêcher la contrebande d'armes et de personnes, a indiqué samedi le bureau du premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. L'Irak veut que la Syrie participe au sommet arabe prévu fin mars à Bagdad, bien que la Syrie soit actuellement suspendue de la Ligue arabe, a déclaré le premier ministre irakien dans une interview diffusée samedi. La Ligue arabe a décidé en novembre dernier de suspendre la Syrie de ses activités jusqu'à ce que Damas ait appliqué un plan arabe visant à mettre fin à la crise syrienne. Le 12 novembre 2011, lors d'une réunion ministérielle au Caire, 18 des 22 membres de la Ligue arabe ont voté pour la suspension de la Syrie de toutes les activités au sein de l'organisme panarabe, et ce jusqu'à l'application totale par Damas d'un plan arabe de sortie de la crise syrienne. La Syrie a qualifié cette suspension d'"illégale".

 

ESPOIR DE NÉGOCIATION POUR PÉKIN

Il reste un espoir que la crise syrienne puisse se résoudre pacifiquement par le dialogue, estime dimanche l'agence Chine nouvelle qui insiste sur les bouleversements régionaux qu'entraînerait une intervention armée pour mettre fin aux violences qui durent depuis 11 mois. Pékin a envoyé à Damas son vice-ministre des affaires étrangères, Zhai Jun, qui a rencontré Assad samedi et a répété le soutien de son pays au projet de référendum constitutionnel du président syrien comme moyen de sortir de l'impasse. "Parmi les différents groupes de l'opposition en Syrie, certains ont exprimé leur volonté de dialoguer avec le gouvernement et ont également mis en garde ceux qui souhaitent une intervention extérieure du danger de devenir un instrument de l'Occident", écrit Chine nouvelle dans un article en anglais. "Pourtant, leur appel à un dialogue pacifique inter-syrien a été largement ignoré, de manière intentionnelle ou fortuite, par les médias occidentaux qui diffusent le sentiment faux qu'il existe un consensus dominant entre les différentes factions des forces de l'opposition en faveur d'une intervention dans leur pays".

 

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 17:11
  • Rue89 - Publié le : 18/02/2012 à 17h01

 

 

 

 

Une vidéo postée sur YouTube et mise en ligne sur Al Jazeera montre le moment où les forces de sécurité du gouvernement syrien ouvrent le feu, ce samedi, sur la foule qui manifeste lors des funérailles des victimes de la journée de prostestation de la veille. C'est à Damas, dans le quartier de Mazzeh, et avant les coups de feu -à balles réelles précise la chaîne qatarie- on entend des slogans hostiles au président Bachar el-Assad et en faveur de l'Armée syrienne libre.

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 17:03

LEMONDE | 18.02.12 | 14h41   •  Mis à jour le 18.02.12 | 16h21

 
 

 

Le président syrien Bachar Al-Assad, en mars 2009.

Le président syrien Bachar Al-Assad, en mars 2009.REUTERS/KHALED AL-HARIRI


C'est par effraction que je suis entré dans la tête du président syrien. C'est une forteresse inaccessible. Avant d'arriver à s'en approcher, il faut passer pas moins de sept barrages. Haute sécurité. Peur et méfiance. Comme son père, Hafez, il se tient à distance. On raconte qu'un jour Hafez Al-Assad a fait fusiller les sept soldats qui devaient filtrer le passage des personnes qui avaient rendez-vous avec lui. Hafez aimait jouer aux échecs avec un ami d'enfance. Chaque après-midi, l'ami se présentait et se faisait fouiller sept fois avant d'arriver à la salle de jeu. Un jour, à force de le voir, les soldats le laissèrent passer sans faire leur travail.

Lorsque Hafez le sut, ordre fut donné d'exécuter les malheureux gardes qui avaient manqué à leur devoir. Le petit Bachar connaît cet épisode, un parmi tant d'autres, aussi sanglants les uns que les autres. Lui aussi est injoignable. Il y a de quoi. Quand on tue, on risque d'être tué. Alors on prend les précautions nécessaires et même plus.

Sa tête n'est pas très grande. Elle est occupée par du foin, des épingles et des lames de rasoir. Je ne sais pas pourquoi. Son cerveau est calme. Pas de stress, pas de nervosité. Je ne sais pas d'où il tient cette tranquillité. Question d'hérédité, ou bien a-t-il suivi des cours du soir pour apprendre à tuer sans que cela le dérange, sans qu'il soit le moins du monde inquiété par le malheur qu'il sème. Je me suis fait tout petit et j'ai tendu l'oreille. Car le petit pense et n'hésite pas à avoir des idées audacieuses :

J'ai tout appris de feu mon père, un grand homme d'Etat, un homme sensible, cultivé et grand stratège. Je me souviens qu'Henry Kissinger l'appréciait beaucoup. Il m'avait dit que lui aussi aimait bien le secrétaire d'Etat américain dont il admirait l'intelligence et le réalisme politique. Ils s'entendaient bien tous les deux. Mon père me rappelait comment cet homme a fait éliminer physiquement Salvador Allende et l'a remplacé par Pinochet.

Ces derniers temps, j'entre en communication avec mon père. Il est génial. C'est lui qui me dicte ce que je dois faire. Il m'encourage et m'indique des pistes à suivre. Il m'a dit dernièrement, au cas où les choses viendraient à empirer, de retourner au Liban, car ni lui ni moi n'avions admis la manière dont notre armée a été expulsée de ce pays en 2005. Même la mort d'Hariri et de quelques autres ingrats n'a pu effacer la honte que ces Libanais nous ont infligée.

Pour le moment, ça va. Je tiens. Pas de panique. D'abord, je ne suis ni Saddam ni Kadhafi. Vous ne me verrez pas ridiculisé par des agents américains en train de chercher des poux dans ma tête ou bien égorgé par des fanatiques. Ces deux-là se sont fait avoir parce que leur niveau d'intelligence n'était pas des meilleurs. Je suis de la famille Al-Assad, une famille et un clan unis et solidaires. Une grande famille, forte et puissante, qui a des traditions. Je ne fais pas n'importe quoi. Je résiste contre un complot international. J'ai des preuves. Aucune envie de voir mon pays devenir une république islamique dirigée par des analphabètes ou bien un bastion de cette gauche stupide juste bonne à parader dans les salons européens.

Mon père m'a appris que, en politique, il faut avoir un coeur de bronze. Le mien, je l'ai habitué à ce qu'il ne se brise jamais. Pas de sentiments, pas de faiblesse. Car je joue ma tête et la vie de toute ma famille. Les voyous qui mettent la Syrie à feu et à sang n'ont que ce qu'ils méritent. On parle de "printemps arabe" ! C'est quoi cette histoire ? Où voit-on un printemps ? Ce n'est pas parce que des agitateurs inconscients occupent des places publiques que les saisons ont changé de rythme et de sens. Chez moi, ce qu'ils appellent "le printemps" ne passera pas.

J'ai donné l'ordre de suspendre cette saison jusqu'à la victoire. Pourquoi le printemps serait synonyme de ma disparition ? Non seulement je ne vais pas mourir, mais je tuerai tout le monde avant. Il est dit dans l'islam que s'il faut sacrifier les deux tiers d'un peuple pour n'en garder qu'un tiers bon, il ne faut pas hésiter. J'applique cette loi vieille comme les Arabes. Je rappelle que la Syrie est un pays laïque, comme la France qui, tout à coup me trahit et me fait la morale. Et le pauvre Obama qui me condamne et parle d'atrocités ! De quoi se mêle-t-il ? Il n'a pas vu ce que son armée a fait en Irak et en Afghanistan ?

Que me reproche-t-on ? De donner l'ordre à l'armée de tirer sur les manifestants ? Si je ne fais pas ça, je perds ma place, je ne me ferai plus respecter. Regardez comment mon ami Moubarak s'est retrouvé du jour au lendemain éjecté de son palais. Il a manqué de détermination et de volonté. L'armée l'a trahi. Le pauvre, quelle déchéance, malade, déprimé, on le traîne sur une civière pour être jugé ! Les peuples sont ingrats. Ils oublient vite ce que les présidents font pour eux. Mon armée est composée en majorité d'hommes fidèles. Ceux qui ont déserté l'ont payé très cher. Je n'ai pas d'états d'âme. Je me défends, je dirai même, c'est de la légitime défense.

J'ai pris la précaution de mettre à l'abri Asma, ma femme, et mes trois enfants, Hafez, Zeyn et Karim. C'est normal, je réagis en bon mari et en bon père de famille. Je vois comment des pères irresponsables poussent leurs enfants à manifester tout en sachant pertinemment qu'ils peuvent tomber sous des balles perdues. On m'a dit que des enfants sont morts. Je n'arrive pas à le croire, et je rends leurs parents responsables de ce malheur, car il n'y a pas pire malheur que de perdre un de ses enfants ; je me souviens de la douleur de mon père le jour où mon frère aîné, Bassel, est mort dans un accident de voiture. Il a pleuré. Oui, j'ai vu mon père pleurer face à l'injustice du destin qui lui a ravi son fils bien-aimé.

Mon père, cet homme exceptionnel qui a fait de la Syrie un grand pays et qui a rendu la vie dure au voisin israélien, ce président a pleuré parce qu'il ne pouvait même pas se venger. Bassel mort, tué par la route. Il n'allait tout de même pas bombarder la route qui fut fatale au fils qu'il préparait pour lui succéder. Il n'a pas supporté d'être contrarié. Moi non plus. Je ne supporterai jamais d'être critiqué ou combattu.

Les Nations unies ont essayé de me salir et me demandent de me retirer. C'est de l'ingérence dans les affaires strictement internes de la Syrie. Que cette assemblée de fantoches me laisse en paix. Partir ? Pour aller où ? Elles me prennent pour un Ben Ali ? Je ne vais tout de même pas monter dans un avion et mendier l'asile politique dans le monde !

Heureusement que la Russie de mon ami Poutine et la Chine ont opposé leur veto. Mon ami Ahmadinejad aussi est avec moi ; il m'appelle souvent et me dit de ne pas céder. Il y a quand même une justice. Les insurgés sont des terroristes, des agents payés par l'Europe et même par certains pays arabes qui ont des comptes à régler avec moi. Vous n'avez qu'à suivre les émissions d'Al-Jazira pour comprendre que le complot existe.

On me parle de tortures ! C'est tout à fait normal de torturer pour éviter des massacres, pour que des innocents ne tombent pas sous les balles des mauvais Syriens.

Je tiens le pays ; je tiens tête à ceux qui veulent instaurer un autre régime ; on devrait me remercier et m'aider à protéger la Syrie du danger islamiste. Je sais ce que les islamistes feront avec ma tribu des alaouites ainsi qu'avec les minorités chrétienne et arménienne. Le Vatican devrait venir à mon secours au lieu de me condamner. Heureusement ce ne sont que des mots. Autre chose que ce que font actuellement les Européens en gelant mes avoirs chez eux et en essayant d'asphyxier le peuple en empêchant les échanges commerciaux. C'est mesquin et malhonnête. On m'en veut parce que la Syrie a toujours tenu tête à l'ennemi sioniste. Elle ne s'est jamais courbée face à Israël.

Mon père m'a dit au lendemain du massacre d'Hama, j'avais 17 ans : tu vois, mon fils, si je n'avais pas réagi avec cette fermeté, ce soir, nous ne serions plus là. Il a eu raison. Moi aussi, si je ne bombarde pas Homs, je sais où je dormirai ce soir : à la morgue ! Alors, il faut arrêter de dire n'importe quoi. 20 000 morts à Hama (à l'époque, personne n'avait réagi) ; à peine 8 000 entre Draa, Homs, Damas et Hama. Et tout ce tintamarre !

Vous savez pourquoi Asma, ma chère femme, m'a épousé ? Pour les valeurs que j'incarne. Elle l'a déclaré dans Paris Match du 10 décembre 2010. Ces valeurs se lisent sur mon visage. J'en suis fier.

Vous savez pourquoi j'ai fait ophtalmologie ? Parce que je suis allergique à la vue du sang.

En quittant cette tête, je me suis pris les pieds dans des fils électriques. Bachar est branché sur la centrale de la torture. C'est lui qui, pour passer le temps, appuie sur la pédale qui envoie des décharges dans les parties génitales des suppliciés. Il paraît que ça l'amuse et renforce sa détermination à débarrasser la Syrie des deux tiers jugés mauvais.


 

Ecrivain et poète francophone né à Fès (Maroc) en 1944, a enseigné la philosophie et étudié la psychiatrie sociale avant de devenir romancier. Il est membre de l'académie Goncourt depuis 2008. Il a reçu le prix Goncourt pour "La Nuit sacrée" (Points Seuil, 1987). Auteur de nombreux ouvrages, ses derniers livres parus sont : "L'Etincelle : révoltes dans les pays arabes", "Par le feu", "Que la blessure se ferme" (Gallimard)

Tahar Ben Jelloun


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