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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 18:18

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Construire un monde post-extractiviste, post consumériste

31 décembre 2015 par Nicolas Sersiron , Robin Delobel

 

 

 

 

 

Le monde post-extractiviste arrivera, quelque soit la volonté de ceux que Jean Ziegler appelle « les saigneurs de la terre », aussi désignés les 1% par Occupy et les Indignés. La question est de savoir comment il est possible de créer ce monde post-extractiviste, avant qu’il ne s’impose par la raréfaction des ressources naturelles. L’accélération des désastres climatiques et environnementaux, puis dans un proche avenir un effondrement des sociétés extractivo-consuméristes |1| avec une montée très probable de la barbarie, sont des probabilités fortes si rien ne change. Les métaux et les énergies fossiles sont des ressources finies dont les limites se rapprochent rapidement. L’eau douce, les sols agricoles, les forêts, les poissons, le sable sont eux aussi des ressources finies quand est dépassée la capacité des écosystèmes à les renouveler. Quant à la biodiversité, dont nous sommes un des éléments, elle est en chute libre pendant que le chaos climatique progresse.

 

Le productivisme agricole, initié par la « révolution verte », doit impérativement laisser la place à une agriculture respectueuse du climat, des sols, de l’environnement et de la santé des humains. Le gaspillage alimentaire, la production de nécrocarburants et la consommation de viande devront diminuer très fortement si nous ne voulons pas que la désertification et la faim ne progressent de façon irréversible. L’utilisation démentielle des énergies fossiles aura des conséquences catastrophiques sur le climat tellement la complexité des interactions est grande si nous restons sur la trajectoire actuelle. Quant aux apprentis sorciers de la géo-ingénierie qui veulent nous faire croire qu’ils peuvent lutter contre le réchauffement avec des moyens artificiels, plutôt que de s’attaquer aux émissions de GES des sociétés consuméristes, ils nous font courir des risques insensés, tel l’arrêt de la mousson en Inde avec une gigantesque famine. |2| Comme disait Einstein, « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés ».

 

La croissance de la consommation des ressources naturelles sur la trajectoire de ce début du 21e siècle (bien qu’en baisse ces derniers mois, notamment du à la baisse de la croissance chinoise) donne chaque jour plus de poids à l’hypothèse de l’effondrement. |3| Même la BM |4| et l’AIE, des institutions qui ont toujours soutenu le pillage des ressources naturelles et les profits capitalistiques, sont d’accord pour dire que si nous ne laissons par les trois quarts des ressources fossiles dans le sol, l’augmentation de 2°C, considérée comme une limite impérative par le GIEC, sera largement dépassée bien avant la fin du siècle. |5|

 

L’agriculture productiviste - grande émettrice de GES - ne pourra faire face à un tel bouleversement climatique. Elle sera incapable de fonctionner avec un pétrole très cher et ne pourrait s’adapter suffisamment vite aux variations de températures et de saisonnalité des pluies ou des sécheresses et nourrir les immenses agglomérations. Violence, guerre, tyrannie deviendraient alors les dernières solutions pour le partage de la nourriture et de l’énergie restantes,comme le décrit de manière très sombre le film Mad Max. Une autre agriculture, résiliente au pétrole, doit se développer rapidement. Que ce soit avec l’agroécologie urbaine, les ceintures maraîchères ou le redéploiement de l’agriculture paysanne et écologique, elle se fera avec des techniques respectueuses « des conditions de vie et du patrimoine naturel. » |6|

 

Quant aux énergies renouvelables, si elles sont de vraies solutions pour remplacer les énergies fossiles déclinantes et désastreuses pour le climat, elles nécessitent de grandes quantités de métaux et de ressources naturelles déjà limitées. |7| Le prix actuel du pétrole, très bas, masque la réalité du pic pétrolier. |8|

 

Le pic géologique, celui des matières premières minérales, le pic énergétique, le pic agricole et bientôt le peak everything seront bientôt atteints. Les énergies renouvelables ne seront une alternative crédible que dans la mesure où le gaspillage énergétique cessera. Inutile autant qu’impossible de construire des éoliennes si c’est pour consommer toujours plus. Il faut des ressources métalliques énormes pour fabriquer une grande éolienne : 1 tonne de cuivre et 500kg d’aimants de néodyme, un des métaux contenus dans les terres rares. Il en va de même pour les panneaux solaires qui nécessitent argent, cuivre, silicium, plastique et terres rares. Quant aux centrales nucléaires : elles nécessitent encore plus de métaux rares tels que titane, cobalt, tantale, zirconium, hafnium, indium, argent, sélénium et lithium « alors que les réserves de tous ces métaux si spécifiques ne dépassent pas le siècle. » |9| Philippe Bihouix explique dans ses livres comment la High Tech emballe le système.

 

Nous, les habitants des pays les plus prospères, sommes donc face à un choix très clair.

- Soit décider volontairement de diminuer notre empreinte écologique, donc notre consommation matérielle, en réduisant fortement nos besoins en bois, minéraux, viandes, poissons, énergies y compris d’origine renouvelable, eaux douces et terres arables. Aller vers la simplicité impliquera de remplacer le système de la mode, de l’obsolescence programmée et du gaspillage. Indispensable si nous voulons stopper le réchauffement planétaire produit en guère plus d’un demi-siècle conjointement aux désastres environnementaux et sociaux, pour laisser une terre viable pour nos enfants. Il faut des temps longs pour que la nature et les ressources écosystémiques retrouvent leur équilibre, les pertes de biodiversité sont définitives.

- Soit laisser le business as usual continuer à détruire notre biotope au nom du « libre » échange », de la « libre » concurrence et de la « libre » entreprise, avec pour seule idéologie le grand mensonge libéral du TINA. Que les dominants veuillent se noyer dans des piscines de bénéfices pourrait nous laisser indifférents si leurs folies ne nous entraînaient dans une débâcle aussi certaine que collective. L’incapacité de nos décideurs politiques à interdire les PFJ |10| ou à contraindre les banques trop grandes pour faire faillite à se scinder en plusieurs banques non dangereuses pour l’économie est le signe d’une connivence mortifère.

Pourquoi les banques ne continueraient-elles pas à jouer à la bourse-casino sur les matières premières, pétrole et nourriture ? Pourquoi ne pourraient-elles pas continuer à être sauvées par les contribuables quand elles tombent en faillite en entraînant celle de toute l’économie, nous disent-elles tranquillement ? Ces fameuses banques systémiques, too big to jail, trop grosses pour aller en prison, font grossir la dette publique par leurs combines d’évasions fiscales dans les paradis fiscaux, leurs délires mégalos et leurs prêts avec intérêts aux Etats. |11|

Nous devons prendre en mains notre avenir et organiser un plan de sauvetage du peuple par le peuple. Les dirigeants politiques, tout comme les responsables des grandes institutions financières, devenus les passe-plats des détenteurs de capitaux, n’hésitent plus à mentir ou à verser dans la schizophrénie. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, a expliqué fin 2012 que l’institution s’était trompée dans ses calculs et que les mesures d’austérité avaient en réalité des effets multiplicateurs augmentant la récession économique. Néanmoins, le FMI, à travers la Troïka, continue à imposer des mesures d’austérité aux pays européens, semblables à celles imposées depuis 30 ans aux PED. Il impose à la Tunisie des mesures d’austérité typique des PAS en échange de nouveaux prêts, ainsi que le remboursement des prêts odieux de la période Ben Ali, de même qu’il continue, par ses conseils, de faire saigner le peuple grec.

La BM continue à prêter en 2013 des dizaines de milliards de dollars pour l’extraction des énergies fossiles et alerte dans le même temps sur les cataclysmes à venir provoqués par le réchauffement climatique. Pour gagner l’élection le candidat François Hollande déclare que son plus grand ennemi est la finance, mais après trois ans de mandats, impose des mesures d’austérité au peuple, sanctifie la croissance du PIB, les profits des entreprises et rembourse une dette illégitime.

 

Les résistances sont liées

Les résistances à l’extractivisme, à la dette illégitime, à l’agriculture productiviste, à la malnutrition au Sud et au Nord comme au réchauffement climatique réussiront quand la multitude des luttes locales, internationales et des expériences alternatives seront suffisamment puissantes pour créer un effet de bascule dans la conscience du plus grand nombre. Les peuples retrouveront alors le sens de la vie en se réappropriant les grands choix de société. N’oublions jamais que l’ascenseur social et les classes moyennes occidentales sont nés du cataclysme financier de la crise de 29. Cela, contre la volonté des détenteurs de capitaux et des patrons aussi bien étasuniens qu’européens. C’est l’implication du peuple des Etats-Unis après la crise de 29 et la détermination des résistants européens dressés contre les armées nazis, après l’immense souffrance de la grande dépression, qui a permis ces grandes avancées vers plus d’égalité.

Pour construire un monde post-extractiviste, avant qu’il ne s’impose, la décroissance des inégalités, de l’agriculture industrielle et de nos comportements barbares avec les pays du Sud sont indispensables. Une décroissance volontaire de la consommation des biens matériels et alimentaires pour le 1,5 milliard d’humains qui gaspillent abondamment, est primordiale pour que d’autres peuples puissent avoir accès à une alimentation suffisante et une vie digne. Le modèle consumériste occidental issu de l’american way of life n’a été possible que par la conquête armée et le vol des ressources naturelles d’autres peuples par les Européens au cours des derniers siècles. Quand ce ne fut pas l’extermination quasi complète des peuples indigènes en Amérique du Nord, Australie, Nouvelle Zélande et ailleurs. Aujourd’hui, cette conquête par dépossession extractive est encore accentuée par les grands pays émergents qui veulent leur part du grand festin, on les comprend même si on ne les approuve pas.

 

L’impossible rattrapage

Bien que les spoliations par les accaparements de terre ou par les exploitations de mines à ciel ouvert redoublent d’intensité en ce début du siècle, le système capitaliste ne pourra jamais offrir aux près de quatre milliards d’Indiens, de Chinois et d’Africains, le même style de vie fondée sur le conso-gaspillage que celui du milliard d’habitants des pays de la Triade. Car ceci n’a été possible qu’avec la profusion d’un pétrole à très bas prix que les Occidentaux ont dilapidé au cours du 20èmeS. Cela en saturant l’atmosphère de CO2, 400 ppm en 2014 contre 280 il y a un siècle. Le banquet touche à sa fin, il faut partager les restes et cesser de dégrader le climat. Sinon, après la guerre économique en cours, c’est la guerre avec des armes qui explosera. Les Africains - dont le nombre devrait atteindre deux milliards - comme d’autres peuples, n’accepteront plus très longtemps d’être dépossédés de leurs richesses naturelles et d’avoir à subir le réchauffement dont ils ne sont pas responsables.

Pour que la trajectoire suicidaire actuelle s’infléchisse rapidement, les occidentaux, pionniers et grands responsables du pillage extractiviste, « pill-âge » ou Anthropocène, devraient être les premiers à diminuer très fortement leur empreinte écologique. Gandhi disait que c’est nous-mêmes qui devons changer si nous voulons que les autres changent.

N’est-ce pas à ceux qui ont tant profité des richesses de la terre et du travail des autres peuples d’initier la construction d’un nouveau modèle post-extractiviste, post-consumériste, socialement juste et écologiquement soutenable ?

Il est possible de vivre mieux, moralement et affectivement, en refusant d’être asservi par l’économie matérialiste. Moins de biens plus de liens proclament les objecteurs de croissance.

Il y a toujours un consommateur à la fin de la chaîne, et ce consommateur c’est vous et moi. Si nous voulons éviter un stress ingérable à l’avenir, nous devons renoncer aux idéaux du rêve américain et convaincre les politiciens que nous aspirons à autre chose que ce que le modèle consumériste du XX ème siècle a forgé dans l’inconscient collectif de la plupart des sociétés. Des modes de vie soutenables, la décroissance… sont des pistes très enthousiasmantes.  |12|

La compétition devra être remplacée par la coopération, le gaspillage par les économies de ressources et la sobriété alimentaire, la propriété intellectuelle par les savoirs partagés pour que tous puissent accéder à une vie soutenable. Nos besoins devront s’ajuster aux potentiels du renouvellement des écosystèmes pour que la planète bleue puisse continuer à offrir l’exceptionnel biotope qui a permis à la vie de naître et aux humains d’évoluer jusqu’à aujourd’hui. La conquête marchande et la civilisation industrielle se sont édifiées par des guerres, l’extension sans limites de la propriété privée, les destructions sociales et environnementales. Un avenir vivable pour tous ne pourra se construire qu’avec des relations basées sur les communs, tendant vers le partage, la gratuité et donc la paix. « Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre » disait Gandhi. Les latino-américains avec le « buen vivir », font primer les relations avec les autres et la nature sur l’avoir. « Selon José Kaputa Lota, le « plus être » négro-africain implique la critique du développement entendu comme ‘simple croissance, simple accumulation de richesses matérielles’. » |13| Il en va de même avec le Bonheur National brut, le BNB répandu en Asie.

 

L’audit citoyen des dettes publiques

Depuis l’arrivée de la Troika en Grèce, la liste (loin d’être exhaustive) des dégâts sur le pays se révèle effroyable : une dette équivalente à 175 % du PIB en 2014, le chômage s’élève à plus de 65 % pour les jeunes, graves atteintes à la santé publique, croissance considérable des suicide, braderie du patrimoine aux entreprises privées (plages, îles et entreprises publiques, etc.), montée des néonazis... Cette situation a été en grande partie provoquée par la priorité absolue donnée au remboursement d’une dette très majoritairement illégitime.

Des résistances se construisent, des groupes de citoyens expérimentent des manières de vivre basées sur l’autonomie, la solidarité et la gratuité, à travers des collectifs et des centres sociaux : échanges de semences, coopératives de production agricoles, soins et repas autogérées et gratuits. Les mouvements de désobéissance se développent contre les grands projets miniers, contre l’extrême droite et surtout pour un audit de la dette. 1

L’audit citoyen est un formidable moyen pour mettre au grand jour l’immense escroquerie que la dette représente pour les peuples du Sud, comme pour ceux du Nord, depuis la débâcle bancaire de 2008. Il consiste à analyser d’où vient la dette, à quoi elle a servi, qui détient ses titres, à chercher si elle a été contractée dans l’intérêt de la population ou pas. Les dettes publiques illégitimes étant le levier de l’extractivisme et de l’asservissement des peuples, l’audit citoyen est le meilleur moyen de lutter contre ces deux fléaux. Il porte en lui la reconquête de la démocratie par le contrôle des finances de l’Etat. L’audit citoyen a pour but, aussi bien au niveau local qu’au niveau d’un pays, voire d’un continent comme l’Europe, de comprendre comment l’argent des contribuables, est dépensé par les gouvernements.

L’audit permet par exemple de comprendre que les déficits chroniques des budgets ne sont pas dus à un excès de dépenses, comme on aimerait nous le faire croire, mais bien à une diminution volontaire des recettes depuis bientôt trois décennies. Le recours à l’emprunt, l’évasion fiscale, les privatisations, les PPP, (partenariats public-privé) doivent être analysés comme des cadeaux faits aux multinationales et à leurs actionnaires, et non pas comme des nécessitées économiques.

Les banques privées qui prêtent aux Etats et reçoivent les intérêts payés par les contribuables sont bien les vrais bénéficiaires, voire les véritables dirigeants, d’un système qui, en affaiblissant l’Etat, augmente le pillage des ressources humaines. Augmenter les impôts de la majorité pour faire face à la récession provoquée par les banques n’est-il pas une forme d’extractivisme appliquée à la plus-value produite par les travailleurs d’un pays. Les GPII (les grands projets inutiles imposés) associés à des PPP comme l’aéroport Notre Dame Des Landes, le train à grande vitesse Lyon-Turin (26-30 Mds d’euros), les autoroutes vides (Pau-Langon) ou les éléphants blancs dans les PED doivent être compris eux aussi comme des cadeaux faits aux grandes entreprises privées avec l’argent public ou pire avec des emprunts d’Etats faits auprès des banques privées : double jackpot. Privatiser les profits, socialiser les pertes, c’est la logique privilégiée par les gouvernants adeptes du néolibéralisme en période de crise mise en évidence par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du choc ».

L’Allemagne de l’Ouest avait obtenu en 1953 que le remboursement de sa dette de guerre ne dépasse jamais 5 % du montant de ses exportations annuelles |14|. En réalité elle ne l’a jamais remboursée. Les Grecs, Portugais, Irlandais, Espagnols, seraient-ils plus fautifs que les allemands des années 40 pour devoir subir de la part de la riche Europe une telle cure d’austérité ?

L’ensemble des dettes publiques peuvent être passées en revue par un audit citoyen qui agira comme un tamis en faisant apparaître toutes les dettes odieuses ou illégitimes, leur enlevant les assises pseudo légales qui fondent leurs remboursements. « Nous ne devons rien, nous ne paierons rien » est le slogan des Espagnol-e-s, sorti-e-s dans les rues en 2011 et actifs à présents pour porter les revendications des mouvements sociaux au sein des municipalités |15|.

En 2007-2008, sous l’impulsion de Rafael Correa, l’Equateur a organisé un audit gouvernemental et citoyen. Les travaux ont abouti à une annulation du remboursement de 70 % de la dette souveraine. L’Equateur n’a pas subi à ce jour de rétorsion de la finance internationale. |16|

L’Argentine a cessé ses remboursements de dettes unilatéralement en 2001. Elle était au bord du gouffre économique, conséquence d’un endettement odieux hérité de la dictature militaire de Videla.

Durant les deux dernières décennies (avant 2001), l’Argentine est un élève zélé du FMI et applique à la lettre ses contre-réformes : libéralisation financière, licenciement massif de fonctionnaires, privatisation des entreprises publiques, ouverture de l’économie, gel des salaires, diminution drastique des budgets de l’éducation et de la santé... Malgré les politiques d’ajustement structurel, le pays est prisonnier de la spirale de l’endettement. La récession économique s’installe. |17|

Après trois années sans payer, elle a obtenu une annulation de 55 % du stock de sa dette (84 Mds$). Les dix années suivantes, ce pays a eu un taux de croissance de plus de 7 %, malheureusement dans une logique économique extractiviste et libérale. Aujourd’hui, des « fonds vautours », ceux qui avaient refusé le remboursement après décote de leurs obligations, ont obtenu, après un jugement de la cour suprême des Etats-Unis, le remboursement de leurs obligations à leur valeur nominale, plus les intérêts de retard, mettant ainsi l’économie Argentine en péril. |18|

Le peuple d’Islande a obtenu, à force de casserolades dans les rues, que les contribuables ne soient pas contraints d’assumer les dettes des banques après leur faillite. Elle a, depuis 2011-12, retrouvé un taux de croissance de 3 % et un taux de chômage que tous les pays européens lui envient. Agnès Rousseau écrit dans Bastamag « …face à la pire crise bancaire de l’histoire, l’Islande fait passer les intérêts des citoyens avant ceux des banquiers. Et a décidé de mettre fin à l’impunité des délinquants de la finance. » |19| En décembre 2013 trois anciens banquiers et un important actionnaire de la banque Kaupthing ont été condamnés à plusieurs années de prison. |20|

Après une camapgen citoyenne initiée en 2011 et suite à la victoire de Syriza aux élections législatives de janvier 2015, un audit de la dette, présidée par Zoé Konstantopoulou et soutenu par le gouvernement, a été coordonné par Eric Toussaint, porte parole du CADTM. Il réunissait 30 expert-e-s, juristes, politologues, économistes venant des quatre coins du monde pour analyser la dette grecque et ainsi déceler les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables.
Inauguré en mars 2015 le comité d’audit a rendu son rapport préliminaire à la fin du mois de juin en présence d’Alexis Tsipras et de nombreux ministres. Il conclue que la totalité de la dette de la Troika est illégale, illégitime, insoutenable et odieuse.

Comme on l’a vu avec la capitulation grecque |21|, seule une très forte mobilisation de la population peut pousser le gouvernement à utiliser les travaux de l’audit et ensuite opérer une annulation des dettes illégitimes. N’oublions pas que les dettes publiques illégitimes ont un double rôle. Au Sud elles servent à contraindre les peuples et les pays endettés à exporter leurs matières premières à très bas coût pour ensuite exporter les devises nécessaires à son remboursement vers les acteurs de la finance internationale. Au Nord, elles servent à contraindre les populations à perdre une part toujours plus importante des bénéfices de leur travail au profit de l’oligarchie financière. Que ce soit par la baisse des salaires, la privatisation des services publics ou l’augmentation de la charge de la dette sur le budget national, donc sur les contribuables. Leurs annulations sont fondamentales pour se rapprocher d’une société post-extractiviste dans laquelle la recherche du bien vivre, cher aux Équatoriens et aux Boliviens, primerait sur celui du toujours plus de consommation et de croissance.

 

Paradis fiscaux et judiciaires (PFJ), prix de transfert et contrôle des changes

Bloquer ou rendre inopérant l’utilisation des PFJ relève d’une décision politique. Selon le journaliste Denis Robert, on sait exactement où va l’argent mondial. Il suffit d’ajouter ou de supprimer quelques lignes dans les ordinateurs pour fermer la porte de ces enfers pour les 99 %. Autre solution, taxer les transactions financières non pas à hauteur de 0,01 %, mais entre 1 et 3 %. Cela enlèverait une bonne part du bénéfice attendu de l’utilisation des PFJ. L’emploi de cette manne aiderait à faire disparaître les dettes publiques.

Pour lutter efficacement contre la grande pauvreté et la faim, la disparition des PFJ est fondamentale. L’extractivisme est lié à la dette et à la corruption dans les PED, le repenti John Perkins |22| le démontre avec des preuves et des témoignages. Ni les accaparements de terre ni les concessions minières, ni bien d’autres contrats léonins ne pourraient se faire sans ces trous noirs dans lesquels tombent les commissions qui vont corrompre les décideurs. Près de 100 millions d’ha en Afrique ont été accaparés pour des loyers annuels ne dépassant pas un euro par ha. Ces prix étant ridiculement bas, il est impossible que d’énormes soultes ne soient pas versées aux décideurs grâce à l’opacité des PFJ. De plus une grande partie des matières premières transitent dans ces paradis pour actionnaires, enfer pour les citoyens ordinaires - par le système des prix de transferts. Les bénéfices des multinationales n’y sont pas imposables.

Les dettes illégitimes vident les budgets des PED, les paradis fiscaux les privent de rentrées légitimes. Victor N’Zuzi de RDC, |23| paysan-journaliste, fait une comparaison saisissante : il demande comment une personne à qui on aurait coupé les bras et les jambes, ferait pour vivre et manger.

Oxfam écrit en 2013
On estime que les fuites de capitaux illicites coûtent au moins 859 milliards de dollars par an aux PED. La Commission européenne estime que l’évasion fiscale coûterait chaque année près de 1000 Mds€ à l’Union européenne, soit près de 2000€ pour chaque citoyen européen. En France, le Sénat estime que le coût pour le trésor public de l’évasion fiscale pourrait atteindre 50 milliards (par an). »  |24|

La disparition du contrôle des changes a été imposée aux gouvernements du Sud par le FMI. Remettre ce contrôle aux frontières rendrait beaucoup plus difficiles les détournements et la corruption opérés grâce aux PFJ. Et contrairement à ce que la communication dominante veut nous faire croire, la demande en ressources naturelles est tellement forte que les multinationales extractivistes seraient bien obligées de s’y soumettre si une telle décision était prise de façon concertée par un groupe d’Etats du Sud. L’évasion fiscale, les détournements de fonds publics dans les PED, les prix invisibles des accaparements de terre, les bénéfices illicites ou criminels deviendraient alors plus difficiles.

Le chiffre colossal du rapatriement des bénéfices obtenus par les multinationales dans les PED pourrait être connu et taxé en fonction des lois fiscales du pays et des pollutions environnementales produites. Les PED retrouveraient une liberté de gestion, des moyens de financement d’une autre ampleur que les pauvres prêts de secours des IFI’s avec leurs terribles conditionnalités ultralibérales ou les misérables APD, provenant des pays extractivistes. Même le FMI lui-même le reconnait enfin en 2014 : « L’évasion fiscale des multinationales est mauvais pour l’économie mondiale et les pays pauvres. Pour chaque dollar d’aide que les PED reçoivent, près de 10 dollars disparaissent à travers la corruption et l’évasion fiscale. » |25|

Pourquoi l’île de Jersey est-elle le premier exportateur de bananes ? Parce que les trois grands producteurs Dole, Chiquita et Fresh Del Monte, sociétés étatsuniennes, se transforment en acheteurs-revendeurs de leur propre production. Comment ? En passant par des sociétés filiales dans ce paradis fiscal, elles minimisent leurs prix d’achat dans les pays producteurs d’Amérique latine et maximisent leurs prix de revente à d’autres filiales dans les pays consommateurs. Selon John Christensen de Tax justice network, les multinationales créent souvent une centrale d’achats aux Îles Caïmans, délocalisent leurs services financiers au Luxembourg, versent des royalties pour l’utilisation de la marque en Irlande, font facturer les coûts de transport sur l’Ile de Man, organisent le réseau de distribution à partir des Bermudes et paient les ressources humaines à Jersey. Ces escroqueries « légales », acceptées par nos gouvernements, enlèvent des recettes fiscales aux budgets des pays où la consommation a lieu. Le prix est volontairement si élevé que la plus-value faite sur la revente des bananes dans la filiale installée dans le pays acheteur n’offre qu’une très faible valeur ajoutée taxable.

L’ensemble de la plus-value faite par ces jeux d’écritures comptables est alors réalisée à Jersey et dans d’autres PFJ où l’impôt sur les sociétés n’existe pas. En enrichissant les actionnaires de ces multinationales, elles appauvrissent les peuples du Sud et du Nord de plusieurs façons.

Le prix de vente des bananes à la production est artificiellement trop bas pour que les travailleurs des bananeraies reçoivent des salaires dignes et que les taxes sur les exportations dues aux pays producteurs puissent améliorer les conditions de vie de la population. La terre, l’eau et les travailleurs de ces pays ont produit les bananes, et en plus ils subissent la défertilisation due à ces monocultures, les pollutions de l’eau et du sol, les maladies, provoquées par le très dangereux Paraquat.

C’est ainsi que les multinationales extractivistes, opérant dans les PED pour les minerais, le pétrole ou les produits agricoles et sylvicoles, « optimisent », en réalité volent le pays producteur en ne payant que très peu de taxes.

Le rétablissement du contrôle des changes et l’interdiction du recours aux PFJ sont indispensables pour que les multinationales opérant dans les PED paient les impôts sur leurs bénéfices directement aux autorités des pays où production et « extraction » ont lieu. Cette rupture avec le dogme du libre-échange permettrait de rendre obligatoire le réinvestissement d’une part importante de ces bénéfices dans l’économie du pays. Aujourd’hui, les multinationales rapatrient « librement » la quasi-totalité vers leurs actionnaires. Ces mesures ne sont pas de même nature que le protectionnisme utilisé par les pays occidentaux au 19-20èmeS, destiné à défendre leurs industries capitalistes dans un système de conquête internationale des marchés. On parle ici de protections légitimes contre l’évasion fiscale dans les PFJ.

L’aide publique au développement, l’APD, un moyen de l’extractivisme !

Une part très importante de l’APD française est gérée par l’AFD. Celle-ci administre les Contrats Désendettement-Développement, les C2D. De quoi s’agit-il ? Pour ne pas annuler une dette bilatérale, le plus souvent illégitime (soutien financier à un dictateur, argent détourné, aide liée, etc.) correspondant à un prêt fait par le gouvernement français à un pays de l’Afrique subsaharienne par exemple, l’Etat prêteur fait des C2D. Alors que la majeure partie de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, la France propose à ce pays que les remboursements de cette dette soient réinvestis dans le pays sous le contrôle de l’AFD. Ce système est éminemment retors puisqu’il qualifie d’APD les C2D. Ainsi il maintient la pression néocoloniale sur le pays pour obtenir l’accès privilégié à ses ressources naturelles ou favoriser une entreprise. De plus les C2D transforment le caractère illégitime ou odieux de la dette d’origine en aide généreuse. Pauline Imbach, du CADTM, appelle les C2D, dans le magazine les Z’Indignés, Contrat de Domination et d’Endettement. L’association Survie écrit :

les C2D sous couvert d’annulation de dette (que l’Etat bénéficiaire rembourse pourtant au final), des montants colossaux sont versés pour financer des projets cornaqués par l’AFD et pour lesquels les entreprises françaises décrochent régulièrement le pactole.

Dans « Comment l’aide au développement se privatise au profit des grandes multinationales » |26| Bastamag cite un communiqué de la plateforme des PFJ, composé de différentes ONG, expliquant que Proparco, la banque adossée à l’AFD, « malgré son mandat de développement, agit comme n’importe quel investisseur privé, guidé par la rentabilité des projets plus que par leur impact réel sur l’amélioration des conditions de vie des populations des pays du Sud ».

A contrario, la Norvège a fait réaliser un audit par le cabinet Deloitte de ses créances sur les PED. Il est apparu que 34 de ses crédits à l’exportation vers des PED étaient douteux. |27| Elle avait déjà procédé en 2007, de manière unilatérale, à l’annulation des créances illégitimes qu’elle détenait sur l’Equateur, la Jamaïque, le Pérou, la Sierra Leone et l’Egypte. |28| Si ce pays reconnaît ses actes néocoloniaux, la France,elle, prend le chemin inverse !

La main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne disait le grand écrivain Malien Amadou Hampâté Bâ. L’APD ne porte-t-elle pas implicitement, derrière la générosité apparente, un potentiel de soumission ou de corruption de celui qui reçoit, voire les deux ? Peut-elle s’abstraire du « donner, recevoir, rendre », de l’équilibre entre ce qui est reçu et ce qui est rendu ? Colonialisme et néocolonialisme sont des « prendre sans rendre ». On parle d’« échange inégal » entre les matières premières exportées par les PED, dont la valeur restant au pays est extrêmement faible et les produits manufacturés importés dont le prix est toujours plus élevé. L’APD française comme celle des autres pays industrialisés est si maigre qu’elle ne peut en aucun cas correspondre à un « rendre » capable de rééquilibrer son « prendre » extractiviste. C’est de la communication permettant d’habiller et ainsi de faciliter la prédation néocoloniale.

Plutôt qu’une APD frelatée, la réparation-compensation de la dette écologique issue de l’extractivisme participerait à la création d’un authentique « rendre » de ces Européens et des autres qui ont tant « reçu-pris ». Mais les pays industrialisés sont paniqués à l’idée d’une décroissance matérielle, avec baisse de la consommation et du confort, fin du gaspillage et perte des profits que cela entrainerait ? C’est bien la justice et l’égalité qu’ils refusent aux autres ! Et pourtant, n’est-ce pas vers une décroissance subie que nous précipite à grande vitesse le délire matérialo-extractiviste actuel ?

En quoi les miettes, que représente l’APD mondiale de 130 Mds$ en 2010 - dont 5 à 10 % vont réellement à des projets améliorant la vie des 3 milliards d’humains vivant avec moins de 2 dollars par jour - peuvent être qualifiées d’aide réelle ? 10 % de 130 = 13 Mds$ divisé par 3 M = 4,3 dollars par an et par personne. Rien comparé aux 400 Mds$ que les migrants envoient chaque année, soit 100 $ par an et par personne ou comparé aux 300 Mds$ ou bien plus de bénéfices faits dans les PED que les multinationales rapatrient dans leur pays d’origine. Ou encore aux fonds très importants en provenance des PED, cachées dans les PFJ. De qui se moque-t-on ? Des peuples du Sud comme des naïfs et consentants citoyens du Nord qui pensent que l’on donne toujours trop aux pays pauvres !

 

L’APD doit être abandonnée et remplacée par un système d’échanges justes.

Car, comme les dettes illégitimes, elle appartient à l’arsenal du néocolonialisme. Il serait plus intéressant pour les PED de remettre des taxes variables à leurs frontières sur les produits agricoles en provenance des pays industrialisés qui subventionnent leur agriculture avec près de 750 millions de dollars chaque jour en 2013. Selon Olivier de Schutter « les pays développés sont autorisés à subventionner leurs agriculteurs à hauteur de plus de 400 milliards de dollars, sans violer les règles de l’OMC. » |29| Une escroquerie !

Il faut choisir. Soit on accepte la pauvreté, le sous-développement, la faim, et on fait semblant de combattre avec des aides faussement charitables qui ne changeront rien aux causes structurelles de l’injustice globale. Ainsi en va-t-il de l’APD, des subventions et des prêts de secours conditionnés à des cures ultralibérales ou des bateaux de céréales payés par le PAM (programme alimentaire mondial) pour compenser a minima les effets catastrophiques du libre échange imposé depuis trente ans et permettre de résorber les surplus du Nord.

Soit on choisit la voie de la justice et de l’égalité, en axant les réparations sur l’autonomie agricole, économique et politique des PED par l’annulation des dettes illégitimes, par la lutte contre la corruption et la disparition des PFJ. Ensuite, par des soutiens techniques et financiers - en compensation des siècles d’asservissement et de dégâts écologiques - les pays industrialisés pourraient contribuer à la transformation dans les PED de leurs matières premières extraites et surtout au déploiement d’une agroécologie paysanne efficiente, sans intrants extérieurs.

 

 
Notes

|1| http://www.reporterre.net/spip.php?...

|2| Géo-ingénierie : scientifiques, militaires et milliardaires s’allient pour manipuler l’atmosphère par Sophie Chapelle http://www.bastamag.net/article3404.html

|3| Naomi Oreskes, L’effondrement de la société occidentale, ed LLL 2014

|4| La BM « redoute une hausse de la température du globe de 4 °C dès 2060. Un monde à + 4°C déclencherait une cascade de changements cataclysmiques, dont des vagues de chaleur extrême, une chute des stocks alimentaires et une montée du niveau de la mer frappant des centaines de millions de personnes » http://www.lemonde.fr/planete/artic...

|5| « Comment l’Europe et la Banque mondiale subventionnent le réchauffement climatique ». http://www.bastamag.net/article777.html

|6| Dominique Meda, Nous vivons toujours dans la mystique de la croissance, Libération 10.09.2013

|7| Philippe Bihouix, l’age des low tech, ed Seuil 2014

|8| http://reporterre.net/Le-prix-du-pe...

|9| Philippe Bihouix, Penser la décroissance, ed SciencePo-LesPresses 2013

|10| http://cadtm.org/Pour-le-gouverneme...

|11| Voir Bancocratie, Eric Toussaint, Aden, 2014

|12| Harald Weltzer Libération, 22 mars 2013

|13| Paul Aries, Amoureux du bien vivre, Golias 2013

|14| http://cadtm.org/L-annulation-de-la...

|15| http://cadtm.org/Espagne-et-si-l-au...

|16| http://cadtm.org/Video-L-audit-de-l...

|17| http://cadtm.org/Argentine-la-fin-d...

|18| http://fr.radiovaticana.va/news/201...

|19| http://www.bastamag.net/article3045.html

|20| http://abonnes.lemonde.fr/europe/ar...

|21| http://cadtm.org/Grece-pourquoi-la-...

|22| John Perkins, Les confessions d’un assassin financier, éd Alterre, 2005

|23| La voix de l’Afrique http://www.youtube.com/watch?v=vW9J...

|24| http://www.oxfamfrance.org/Quand-le...

|25| http://www.imf.org/external/np/pp/e...

|26| ,http://www.bastamag.net/Comment-l-a...

|27| http://www.finances.net/infos/actio...

|28| http://cadtm.org/Le-Bresil-l-Algeri...

|29| http://www.lafranceagricole.fr/actu...

Auteur

Robin Delobel

CADTM Belgique

Auteur

Nicolas Sersiron

Ex-président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Après des études de droit et de sciences politiques, il a été agriculteur-éleveur de montagne pendant dix ans. Dans les années 1990, il s’est investi dans l’association Survie aux côtés de François-Xavier Verschave (Françafrique) puis a créé Échanges non marchands avec Madagascar au début des années 2000. Il a écrit pour ’Le Sarkophage, Les Z’indignés, les Amis de la Terre, CQFD.
Il donne régulièrement des conférences sur la dette.

 

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 00:12

 

Source : http://www.kaizen-magazine.com

 

 

Un tribunal international pour préserver la nature
En parallèle de la COP21 s’est tenue, du 4 au 5 décembre 2015, la troisième édition du Tribunal international des droits de la nature. À la barre : des peuples indigènes, des experts et des personnalités, défenseurs du caractère sacré de la Terre. Gouvernements et entreprises ont été jugés par contumace. Compte rendu d’audience.

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© Thomas Masson

 

À l’initiative de l’association GARN (Global Alliance for Rights of Nature) le Tribunal international des droits de la nature a pour volonté d’instaurer un cadre juridique international pour protéger les écosystèmes et de qualifier toute enfreinte à la Déclaration universelle des droits de la Terre comme un crime d’écocide.

Dans cette optique, elle a organisé la troisième édition de ce tribunal, qui s’est déroulée à la maison des Métallos, à Paris, un ancien haut lieu d’actions politiques de résistance. C’est dans ces murs que près de 65 plaignants, de 32 nationalités et 7 langues différentes, ont plaidé pour une justice environnementale.

Rituel naturel

Pour replacer la Terre au centre des débats,  des cérémonies chamaniques inaugurent le procès. Trois femmes, représentantes du peuple Kichwa de Sarayaku (Équateur), font brûler dans un bol une matière blanche. Le but est de

« retirer toutes les ondes négatives, de donner de la force et de rendre hommage à la Terre qui souffre »

explique l’une d’elles dans sa langue natale, le quechua.

 

 

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Représentantes du peuple Kichwa de Sarayaku et cérémonie dédiée aux quatre directions,

menée par des femmes du peuple Ponca. © Thomas Masson

 

Casey Camp-Horinek, militante des droits des peuples autochtones et environnementaliste, et trois autres femmes du peuple Ponca (Oklahoma, États-Unis) saluent les quatre directions. Ce rituel est effectué pour relier entre-elles toutes les personnes de la salle, pour prendre conscience du moment présent et pour invoquer de la bienveillance. Elles rendent hommage aux quatre points cardinaux, puis au  Haut et Bas. Elles effectuent ce rituel en faisant brûler de l’encens au parfum d’aiguilles de pin.

Casey Camp-Horinek prend ensuite la parole devant un auditoire de près de 250 personnes : « Je vous vois, je reconnais vos esprits. Nous ressentons tous de la peine. Il est temps pour l’humanité de se remettre en question, de faire des efforts. En ce moment, nous ne méritons peut-être pas d’être sur Terre. Nous essayons de dominer alors que la planète est sacrée et qu’elle prend soin de nous. La Terre-Mère est généreuse ; elle est toujours avec nous. Mais nous oublions cela. Nous sommes là pour nous rappeler de son existence, pour évoquer ses droits et pour prôner sa défense, dans une voie positive. C’est peut-être le moment pour l’humanité de ne former qu’un, de s’apercevoir que toute forme de vie possède un esprit. Oui, c’est une bonne chose que nous soyons là ce matin. »

 

Plaidoiries

Après ces rituels, le tribunal entre en session. Les plaignants, de José Bové au chef Kayapo (Brésil) Raoni Metuktire, tiennent un discours poétique sur la planète. Ils parlent d’une « Terre vivante »,  d’un « organisme vivant » et d’une « Terre-Mère ». Les cours d’eau, forêts, sols et êtres vivants sont décrits comme sacrés et animés d’esprits.

Et, quand vient le moment de dénoncer les crimes perpétrés contre la nature, les critiques sont acérées. Les plaintes portent sur les énergies fossiles, la déforestation, la privatisation et la pollution de l’eau, les accords de libre-échange, le nucléaire, les mines d’extraction, la financiarisation de la nature, l’expulsion de populations de leurs terres, etc. Les plaignants évoquent alors une nature «  bafouée et exploitée », une planète « en crise » et un « état d’urgence climatique ». Toutes les personnes venant à la barre pointent du doigt l’irresponsabilité des gouvernements et des entreprises.

Pablo Solón (Bolivie, Fundación Solón) dénonce « la folie du capital et du pouvoir ». David Kureeba (Ouganda, Global Forest Coalition and Friends of the Earth) demande aux gouvernements d’arrêter de vendre des concessions aux entreprises et de laisser les communautés locales reprendre le pouvoir de décider. Maxime Combes (France, Attac) suggère de « supprimer larticle 3.5 de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique qui sacralise le commerce international, aux dépens de mesures écoresponsables ». Il qualifie ensuite les industries fossiles – privées et publiques – « d’ennemies no 1 de la nature et d’adversaires de l’humanité ». S’appuyant sur des études, il demande de laisser au moins 80 % des énergies fossiles dans le sol. Desmond D’sa (Afrique du Sud, SDCEA) parle d’une industrie pétrochimique ayant une « soif du gain » et considérant la Terre comme « un jouet ». Sous des applaudissements nourris, il affirme que « le temps de se rassembler, de ne faire qu’un, est venu ».

Maude Barlow (Canada, The Council of Canadians) parle d’une « eau trop exploitée et polluée » et clame qu’elle ne doit plus être considérée « comme un bien marchand », mais comme « un cadeau divin ». Tony Clark (Canada, Polaris Institute) regrette que la nature soit considérée comme du « capital » et un « organisme mort ».

Sentences

À l’issue des deux jours de plaidoiries, les juges font part de leurs délibérés. La première de leurs recommandations est de faire en sorte que le Statut de Rome (adopté en 1998 par 120 États, fut le préalable à la constitution de la Cour pénale internationale – CPI) rende possible la poursuite des responsables de crimes d’écocide devant la CPI (officiellement entrée en fonction en 2002, elle a le pouvoir de juger les crimes internationaux : contre l’humanité, de guerre et les génocides).

Le gouvernement équatorien est tenu responsable des actes de criminalisation de défenseurs de la nature. Le tribunal a condamné les chantiers des barrages du Belo Monte et du Tapajós. Les juges ont déclaré que le cas Chevron (déversement de milliards de litres de pétrole à ciel ouvert, en Equateur et au Brésil) « est l’un des pires cas d’écocides jamais perpétrés en Amazonie » et qu’une « justice restauratrice doit être appliquée sans délais ». D’autres cas ont été « ouverts » et seront traités lors de la prochaine édition du Tribunal international des droits de la nature (il se tiendra au Maroc ou à La Haye).

Ce tribunal était avant tout symbolique. Les plaignants ont exposé leurs plaintes devant des juges acquis à leur cause. Et les bancs des accusés étaient vides : pas de présence des entreprises et des gouvernements incriminés et aucun avocat n’a assuré leur défense, ni déposé des éléments pour prouver leur innocence.

De leur côté, les 195 pays participants à la COP21 ont signé, le 12 décembre 2015, la Convention-cadre sur les changements climatiques. L’article 7.5 (page 28) stipule ceci : « […] L’adaptation [aux effets néfastes du changement climatique] devrait suivre une démarche impulsée par les pays (…) prenant en considération les groupes, les communautés et les écosystèmes vulnérables, et devrait tenir compte et s’inspirer des meilleures données scientifiques disponibles et, selon qu’il convient, des connaissances traditionnelles, du savoir des peuples autochtones et des systèmes de connaissances locaux, en vue d’intégrer l’adaptation dans les politiques environnementales pertinentes, s’il y a lieu. »

Si mince soit l’entrebâillement, une porte est ouverte aux justiciers de la nature.

 

Thomas Masson

 

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Source : http://www.kaizen-magazine.com

 

 

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 15:53

 

Source : http://cadtm.org

 

 

En direct de la COP21 à Paris – Analyse de l’« Accord de Paris » et mobilisations

16 décembre par Remi Vilain

 

 

 

Au Trocadéro, le samedi 12 décembre à Paris.

 

Troisième et dernier volet d’ « En direct de la COP21 ». Alors que la COP21 a officiellement fermé ses portes vendredi, je vous propose de clôturer cette mini-série en nous concentrant d’abord sur le (non-) contenu de l’Accord de Paris pour ensuite revenir sur quelques-unes des mobilisations citoyennes de la semaine et du week-end du 7 au 12 décembre à Paris.

 

Lire aussi « En direct de la COP 21 à Paris - Brève 1 »
Lire aussi « En direct de la COP 21 à Paris - Brève 2 »

 

C’est donc après deux semaines de négociations plus ou moins dures entre les 195 pays-parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) que ces derniers sont parvenus à un « accord historique » selon les dires de certains grands médias. Pourtant il n’en est rien puisque l’Accord de Paris est dépourvu de toutes contraintes, qu’elles soient d’ordres économiques, politiques, écologiques ou énergétiques. Vide aussi car exempt de tous les concepts revendiqués par les mouvements sociaux, écologistes, citoyens qui agissent pour construire un modèle économique et sociale basé sur la justice et la satisfaction des besoins humains fondamentaux pour tous. Ces mouvements s’opposent aux solutions technologiques qui ne font qu’ajouter désordres et destructions. Accord dépassé enfin pour sa capacité à diviser en deux entités bien distinctes les pays dits développés des pays dits en voie de développement et/ou émergents pour faire face aux changements climatiques.


L’Accord de Paris : mais où sont passés les objectifs chiffrés ?

« Insistant avec une vive préoccupation sur l’urgence […] de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C […]. |1| » Voilà donc les deux seules mentions à des objectifs chiffrés dans ce fameux « accord historique » de Paris d’une quarantaine de page. Exit donc les moyens sur lesquels il faut agir pour y parvenir, exit l’établissement de limitations sur les gaz à effets de serre (GES), sur la décarbonisation de l’économie, sur les extractions, etc.

 

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Quelques uns des manquements au sein de l’Accord de Paris.

 

Par ailleurs, il est intéressant de se pencher sur la manière dont cet accord est écrit. En plus d’un déficit flagrant d’ambition et d’objectifs concrets, ce texte est un vrai « menu à la carte » où les Etats disposent d’une totale liberté pour mener une politique selon leur bon vouloir en vue de stopper les changements climatiques. Les formules courtoises, presque révérencieuses envers les pays dit développés se succèdent dans cet accord contraignant qui n’en a que le nom. La Conférence des parties « invite », « recommande », « convient », « renouvelle » les Etats réunis à ce sommet à, « selon qu’il convient », entreprendre des politiques et des actions qui « pourraient », « devraient » permettre de contenir les effets des changements climatiques, et ce « dans les meilleurs délais ». Bref, ne cherchons pas plus des traces de quelconques exigences au sein de cet accord, puisqu’elles sont tout simplement absentes. Ce constat est du reste renforcé tout au long de cette Convention-cadre sur les changements climatiques pour la simple et bonne raison que chaque Etat est à la fois juge et partie de ses propres engagements, ses propres politiques et de sa propre volonté en matière d’objectif à atteindre et de systèmes alternatifs à mettre en place. Mais n’ayons aucune crainte, rassurons-nous, les gouvernements se rassembleront, de nouveau en 2023 et ensuite tous les cinq ans, pour établir un nouveau bilan afin « d’actualiser et de renforcer leurs mesures […] pour l’action climatique » |2|.

Autre fait choquant, et non des moindres, la persistance de la non-reconnaissance de la dette écologique des pays industrialisés envers les pays dits émergents. Bien que ce texte évoque de façon imperceptible la responsabilité de la première période industrielle, et donc de la responsabilité des pays occidentaux dans le réchauffement climatique et ses impacts (« contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels »), aucune reconnaissance, pas même une allusion appuyée au dépouillement des ressources naturelles d’hier et d’aujourd’hui à l’encontre des pays dits en voie de développement et pourtant principaux concernés par les effets des changements climatiques. Au contraire, la même rhétorique impérialiste et condescendante est une nouvelle fois employée tout au long de cette convention, puisque ce sont les pays développés qui vont majestueusement apporter leur « aide » à la fois financière et logistique et sauver tout un pan entier de la population de par une « volonté d’action humaniste ».

Trêve de plaisanterie, nous sommes donc à des années lumières des revendications exprimées et exigées par le CADTM |3|, c’est-à-dire d’une reconnaissance de la dette climatique et écologique des pays du Nord envers les pays du Sud et d’un versement - sans condition et sans contrepartie de contributions de réparations en dédommagement du pillage perpétré depuis des siècles dans les pays de la Périphérie tout autant que de l’annulation totale des dettes illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables contraignant les pays du Sud à alimenter des politiques extractivistes pour le remboursement de ces dernières.

 

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Au Trocadéro à Paris le samedi 12 décembre.

 

Cette condescendance, reflet d’un monde toujours plus inégal et dominé par les pays les plus riches, s’exprime de nouveau à travers l’évocation de la justice climatique. La justice climatique – concept fondamental réclamé par l’ensemble de la société civile et les acteurs environnementaux les plus avertis est absolument nécessaire pour entreprendre une transformation du système politique, économique et sociale en adéquation avec l’urgence climatique –, n’est évoquée qu’une seule fois, de façon marginale et de manière à la rendre insignifiante. En effet, d’après l’Accord de Paris, la justice climatique est seulement reconnue par « certaines cultures » et a une « importance » relative pour « certaines » d’entres-elles. Là où la société civile et les populations en font une revendication majeure et indissociable pour faire face aux changements climatiques, l’Accord de Paris en fait une évocation obsolète et dépourvue d’intérêt.

Cela fait d’ailleurs le lien avec une autre notion totalement absente de ce texte du 12 décembre 2015, celle de la « démocratie énergétique ». Evoquée à plusieurs reprises dans les conférences à la ZAC et à Montreuil, la « démocratie énergétique » qui a pour vocation à insérer populations, mouvements sociaux, société civile et autres acteurs non gouvernementaux dans les prises de décision est tout simplement absente. S’il est effectivement évoqué une « coopération régionale et internationale [… comprenant] la société civile, les communautés locales et les peuples autochtones » |4|, celle-ci n’est qu’une recommandation et en aucun cas une obligation, n’oublions pas cette formule, « selon qu’il convient ». Pire encore, le recours au secteur privé et aux institutions financières internationales revient lui régulièrement et laisse la porte grande ouverte aux partenariats publics-privés (PPP) qui voient fréquemment les intérêts économiques des multinationales privilégiés au détriment de l’intérêt collectif, de notre intérêt à tou.te.s, le salon « Solutions COP21 » du Bourget en étant à la fois un parfait prélude et un parfait exemple.

 

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Place Stalingrad à Paris, rassemblement de solidarité à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

 

Bouclons l’analyse de cet accord en nous attardant sur les moyens à mettre en œuvre pour soi-disant « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». Là encore, c’est le désert absolu. Aucune remise en cause du système économique capitaliste et productiviste qui est pourtant par essence en contradiction même avec l’urgence du changement climatique puisque, pour ne relever que cette contradiction, le capitalisme suppose une croissance infinie à partie de ressources naturelles qui sont elles finies. Bien au contraire, « l’innovation doit être au service de la croissance économique » |5| et assurer « le fonctionnement du mécanisme financier ». Mais vers quel modèle nous dirigeons-nous lorsque la seule et unique référence universelle à l’« énergie » est juxtaposée à « atomique » |6| ? Les énergies renouvelables, elles, n’apparaissent qu’une seule fois, et ne semblent être destinées uniquement aux « pays en développement » |7| !

De qui se moque-t-on ? Cet Accord de Paris n’en est définitivement pas un et cette COP21 répond en définitive totalement à ce qui était déjà prévu depuis fort longtemps, un véritable fiasco, une mascarade incarnant toujours plus férocement le fossé qui sépare les populations des gouvernements et de ses ami.e.s des industries extractivistes. Tant que des priorités telles que la reconnaissance de la dette écologique, la mise en place d’une justice climatique et l’instauration d’une démocratie énergétique (pour ne parler que de ce pan de l’instauration d’une réelle démocratie) ne seront pas mises en place, nous ne pourrons définitivement pas parler « d’accord historique » !


Et du côté des actions, mobilisations et manifestations ?

Alors que les mouvements sociaux ne se faisaient aucune illusion sur les conclusions de cette COP21, et en dépit des événements récents de la mi-novembre à Paris et des mesures anti-démocratiques et anti-constitutionnelles |8| cristallisées dans l’ « état d’urgence » prises par le gouvernement français, la mobilisation a été massive tout au long de ces deux semaines.

Après un dimanche 29 novembre qui a vu les forces de l’ordre françaises réprimer à cœur joies et à grand coups de matraques les manifestant.e.s pacifiques rassemblé.e.s pour l’occasion, on pouvait craindre un certain « no man’s land » dans les rues de Paris. Pourtant, il n’en a rien été puisque ce sont pas moins de 15.000 personnes qui étaient réunies avenue de la Grande Armée ce samedi 12 décembre au sein d’une opération qui avait pour nom « redlines ». Ces « lignes rouges » représentaient physiquement les frontières à ne pas franchir pour ne pas passer outre un réchauffement de 2°C de notre planète. Si certain.e.s étaient déçu.e.s, et à raison, que ce grand appel à la désobéissance civile soit finalement autorisé (et par conséquent contrôlé) par la préfecture de police de Paris, cela n’en reste pas moins une belle victoire des mouvements sociaux. A la fois pour plaider en faveur d’une justice climatique et d’une démocratie énergétique, mais aussi et surtout elle a permis d’ouvrir une brèche dans les mesures imposées par l’état d’urgence. Rassembler autant de personnes en un même lieu alors que cela est tout bonnement proscrit à l’heure actuelle dans l’Etat français est autant pour les populations une réappropriation timide mais certaine de l’espace public qu’une forme véritable de jurisprudence pour toutes les mobilisations à venir en France.

Dans un contexte où les politiques d’austérité mettent toujours plus à mal les acquis sociaux du siècle dernier, ne doutons pas que les revendications à venir sur les thèmes de la santé, de l’éducation, du travail, des inégalités de genre, etc. pourront s’appuyer sur cette journée pour revendiquer leur droit à manifester et à se faire entendre. Et c’est notamment en cela que ce point d’orgue était nécessaire et indispensable.

 

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On a retrouvé une des chaises de BNP-Paribas Bruxelles au 104 à Paris.

 

N’oublions pas que si effectivement les redlines étaient contrôlées de part et d’autre de l’avenue de la grande armée par d’énormes convois policiers, nous nous sommes nous-mêmes donnés l’autorisation de rejoindre par la manifestation la chaîne humaine de 14h à la Tour Eiffel, et cela ce sont bien les milliers de personnes réunies dans les rues qui l’ont obtenu, sans demander rien à personne.

N’oublions pas non plus les nombreuses actions entreprises et accomplies par divers collectifs dans le cadre des Climate Games |9|, en France et partout ailleurs, à l’encontre des lobbies, des multinationales, de la chambre internationale de commerce |10|, du salon « Solutions COP21 » ou encore de l’appel international à la poursuite de la réquisition de chaises dans les banques adeptes de green-washing en parallèle d’investissement massifs dans les énergies fossiles |11|.

 

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La Nature se protège et se défend ce samedi 12 décembre avenue de la Grande Armée à Paris.

 

Enfin, n’oublions pas que le 12 décembre sonne certes le glas de la COP21 et de cette Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mais qu’elle n’a pas mis fin à la conscientisation et à la mobilisation des citoyen.ne.s du monde entier pour renverser un système politique et économique mortifère et destructeur pour les humains et leur environnement. Je terminerai par ce slogan désormais célèbre des Climate Games : « We are nature defending itself » !

 

 

 
Notes

|1| Nations-unies (2015). Convention cadre sur les changements climatiques. Accord de Paris. Voir : http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf. Page 2.

|2| Ibid. Page 35.

|3| Voir : Le CADTM se joint à l’état d’urgence climatique !. http://cadtm.org/Le-CADTM-International-se-joint-a

|4| Nations-unies (2015). Convention cadre sur les changements climatiques. Accord de Paris. Voir : http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf. Page 2.

|5| Ibid. Page 32.

|6| Ibid. Page 36.

|7| Ibid. Page 2.

|8| Voir : Etat d’urgence : Valls admet ne pas respecter la Constitution. http://www.politis.fr/Etat-d-urgence-Valls-admet-ne-pas,33107.html

|9| Voir Climate Games. https://www.climategames.net/fr/reports#list-tab

|10| Voir Action pour la justice climatique chez BNP Paribas : http://cadtm.org/Action-pour-la-justice-climatique

|11| Voir Réquisition de chaises dans les banques liégeoises : http://cadtm.org/Requisition-de-chaises-dans-les et En direct de la COP21 à Paris – Brève 1 : http://cadtm.org/En-direct-de-la-COP-21-a-Paris

Auteur
 
Remi Vilain

Permanent au CADTM Belgique

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 22:30

 

Source : http://www.terraeco.net

 

 

 
Evo Morales : « Pour sauver le climat, c’est le capitalisme qu’il faut éradiquer »

 

30-11-2015

 

 

Evo Morales : « Pour sauver le climat, c'est le capitalisme qu'il faut éradiquer »
(Crédit photo : David Solon)

 

Le chef d'Etat bolivien a réitéré ses attaques contre le capitalisme coupable selon lui « de détruire la planète ».
 

Il est arrivé vêtu d’un seyant costume sombre brodé de rose et de motifs incas. Il y a six ans, en 2009 à Copenhague, il avait fait le show avec son compère vénézuélien Hugo Chavez en pourfendant « l’impérialisme et les éconocrates ». Cette fois, le président bolivien, Evo Morales était orphelin de son acolyte, mais le verbe, lui, était toujours là. Radical et sans concessions : « Vous, le Nord, ne pouvez continuer à saccager la planète sans vergogne ni raison ! », a-t-il lancé en conférence de presse.

« Le capitalisme est la source de tous les maux, il est à l’origine de la destruction de la Pachamama [1] par le consumérisme et l’individualisme qui sape les communautés. » Le président bolivien a ainsi exhorté le monde à « en finir avec lui afin de sauver le climat » en appelant les peuples indigènes et les organisations sociales à la rescousse pour « stopper cette culture de guerre ».

Evo Morales a terminé son allocution en adressant ses condoléances au peuple français, « victime récente d’attentats odieux », mais en ajoutant que « les Occidentaux devaient s’interroger sur les origines de cette violence et cesser leurs interventions militaires sous tous les prétextes ».

[1] La Terre mère en quechua

 

 

 

Source : http://www.terraeco.net

 

 

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 21:26

Source : https://www.facebook.com/Attac-Play-218490888210631/

 

Climat : Nous sommes tous assignés à résistance / We are all forced to resist

 

Attac France (Officiel) avec Attac Play.

14 décembre, 23:31 · Paris ·

Attac France (Officiel) avec Attac Play.

14 décembre, 23:31 · Paris ·

 

Les États ne sont pas prêts à enclencher la « révolution climatique ». L’accord de Paris de la #‎COP21‬ franchit les « lignes rouges » que nous avons fixées et affirmées le samedi 12 décembre 2015. Plus de 30 000 personnes étaient présentes à l’Avenue de la Grande Armée, entre la Défense et l’Arc de Triomphe pour dénoncer les crimes climatiques et au Champ-de-Mars pour former une chaîne humaine pour le climat. La COP21 est terminée mais la mobilisation citoyenne ne fait que commencer. Nous sommes en état d'urgence climatique et sommes désormais tou.te.s assignés à résistance. ‪#‎CrimeClimatiqueStop‬ ‪#‎D12‬

Pour aller plus loin:
- Rejoignez le combat avec Attac > https://france.attac.org/agir-avec-attac/adherer
- Faites un don pour soutenir les campagnes > https://france.attac.org/agir-avec-attac/faire-un-don
- Signez cet appel historique > http://crimesclimatiquesstop.org/
- Commandez le livre > https://france.attac.org/…/li…/article/crime-climatique-stop

Crédits:
Réalisation-images: Tiphaine Blot, Camille Poulain, Mélanie Poulain, Elodie Sempere
Montage : Sempere Elodie
Musique: HK & les Saltimbanks
Coordination: Mélanie Poulain
Production: Attac Play

 

 

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 17:51

 

Source : http://www.medias-libres.org/2015-greenwashing/#articles

 
 

 

Pour sauver le climat, ils plantent des arbres virtuels !

 

Le réchauffement climatique, voilà l’ennemi ! Si vous ouvrez de temps en temps les journaux ou écoutez d’une oreille même discrète les informations, vous avez forcément entendu parler de la COP 21, vingt-et-unième conférence mondiale autour du changement climatique, qui se tiendra à Paris en décembre prochain. À cette occasion, un gros battage médiatique est organisé pour promouvoir l’idéologie de la « fuite en avant technologique », qui voudrait nous sauver des désastres écologiques par un développement accru des nouvelles technologies.

À Grenoble, un lieu plus que tout autre incarne la volonté de faire accepter cette idéologie : le CCSTI (centre de culture scientifique technique et industrielle). Alors que se prépare une exposition autour du réchauffement climatique et de la réalité virtuelle, une ancienne stagiaire nous éclaire sur le fonctionnement du CCSTI.

 

« Comment peut-on mettre un masque à des gens pour leur faire ouvrir les yeux sur quelque chose ? » Le masque dont parle Juliette (pseudonyme), c’est un masque de réalité virtuelle. Un gros bazar qu’on se met devant les yeux, qui tient avec une structure autour de la tête et qui permet de naviguer dans un univers virtuel immersif. Une batterie de capteurs donnent à celui qui porte ce masque l’impression d’être le personnage d’un film.

C’est ce genre de masque qui devrait être utilisé pour la prochaine exposition du CCSTI (centre de culture scientifique technique et industrielle) autour du réchauffement climatique. Le CCSTI ? Un machin abreuvé d’argent public situé dans une casemate du bout de la rue Saint-Laurent (on l’appelle d’ailleurs également comme ça : la Casemate). Fondé en 1979, ce machin est le premier CCSTI de France (depuis il y en a une quarantaine), qui a pour noble mission de « diffuser et promouvoir la culture scientifique auprès de tous les publics », et a attiré – selon leurs chiffres – 42 000 personnes pour l’année 2014.

 


 

Jusqu’à l’année dernière, Juliette ne connaissait pas le CCSTI. Étudiante, elle a postulé pour y faire un stage de plusieurs mois  : « J’étais curieuse de voir ce qu’était la culture scientifique et en quoi consiste le dialogue art-science-société. Je suis arrivée mi-mars, ma principale mission a été de penser et de réaliser une exposition autour du changement climatique, prévue pour cet automne ».

Le CCSTI monte plusieurs expositions par an, sur des sujets plus ou moins scientifiques comme le dopage, les jeux vidéos ou les « capteurs dans la ville ». En cette année de COP 21, la Casemate a donc décidé de faire comme tout le monde et de parler du réchauffement climatique. Juliette continue : « Au début j’étais enthousiaste : le sujet me touchait, j’étais assez libre et très heureuse d’avoir le temps de faire des recherches sur ce sujet. J’ai donc pu lire et découvrir pas mal de penseurs comme André Gorz ou Philippe Descola.» Mais Juliette a peu à peu déchanté : si elle abordait cette « mission » pleine de curiosité, des interdits et brusques revirements l’inquiètent : « Je voulais qu’on pose les idées de base de l’exposition selon des résultats et des courants de pensée scientifique, pour ensuite envisager quelles formes et outils technologiques conviendraient le mieux pour les exposer. Mais la Casemate tend au contraire à partir de la forme pour voir quels contenus pourraient y entrer. En fait, dans toutes les expositions de la Casemate il faut qu’il y ait des nouvelles technologies et du numérique. Et bien souvent cela se fait au détriment de la finesse de l’analyse en privilégiant le spectaculaire. Cet impératif de recherche de l’innovation devient vite un parasite, car on ne peut plus penser.»

Le CCSTI, financé à hauteur de 1,7 millions d’euros par l’argent public (la Métropole, la ville de Grenoble, la région, l’Etat, l’Europe), possède également une flopée de « partenaires », œuvrant au développement des nouvelles technologies (le Commissariat à l’énergie atomique, Génération Robots, Xerox, Institut des neurosciences, Orange, Minatec...). Que ce centre public fasse la propagande de tout ce que ces « partenaires » privés vendent n’est donc pas un scoop - loin de là -, mais l’expérience de Juliette documente le néant de la pensée qui règne dans ce type de lieux. « La Casemate se revendique être un lieu neutre et ouvert pour discuter les processus d’innovation, la place et l’usage des technologies et du numérique aux niveaux individuel et collectif. Tout en disant promouvoir des débats citoyens, aussi critiques et éthiques, sur des sujets de société. Mais il y a des confusions. La neutralité n’existe pas. Une chose est de tester ces dispositifs technologiques pour servir la présentation de phénomènes scientifiques et faire ce qu’on appelle la médiation culturelle et scientifique. Une autre est de mettre en scène la technologie de manière irrésistible, pour elle-même, de s’en servir d’appât pour le public et de lui demander son avis pour l’aspect contributif quasi-obligatoire mais souvent fictif. Ça peut tomber dans l’acceptabilité, et la propagande. En réalité ce à quoi on fait surtout contribuer le public c’est à cette course en avant de l’innovation dont on ne sait plus quoi faire. Le credo c’est qu’il nous est permis d’inventer de nouveaux usages, de détourner ces produits et ces technologies. En réalité c’est nous qui sommes détournés d’autres questions. Par exemple sur la responsabilité des nouvelles technologies dans la dégradation de l’environnement et le changement climatique, la virtualisation du vivant, la collecte et la mise en données du monde, le rôle et le pouvoir des experts et différents scientifiques dans les négociations locales et internationales ».

 

Faire participer sans faire penser

Au CCSTI encore plus qu’ailleurs, les nouvelles technologies ne sont pas un questionnement mais un réflexe. « Ils adorent mettre des écrans partout comme dans un rêve technologique. Et pas que des écrans, de plus en plus d’autres formes d’objets techno-magiques connectés, de l’internet dans les objets avec des puces et capteurs. On connecte tout mais quel est le fond ? Les nouveaux outils numériques rendent une exposition ‘‘sexy’’. Mais ta pensée est forcément conditionnée par ces médiums.(...) Par exemple la consigne d’explorer au maximum les possibilités de la réalité virtuelle tout en parlant du changement climatique était un dilemme. Aller dans la réalité virtuelle c’est comme partir de ce monde, ou se prendre pour Dieu. On avertit sur l’isolement profond et le mal-être causé par cette technologie. Au début j’essayais de travailler le collectif et la notion de choix à travers le film immersif mais c’était quasi-impossible. Ca me rappelle ce qu’a déploré Alain Damasio dans une interview à Poptronics sur le jeu Remember Me. Il n’a rien pu y insuffler de politique en raison des mécanismes-mêmes de la technologie du jeu et des impératifs commerciaux. Avec ces technologies on est au mieux ‘‘seul ensemble’’. L’homme se retrouve avec son masque sur la tête et plonge dans un non-lieu virtuel pour du pseudo-sensationnel.»

Construire une exposition autour d’un thème aussi plombant que le réchauffement climatique n’est forcément pas simple. Juliette en était consciente et a tenté de proposer des idées un peu « originales » : « C’est sûr que plein de questions se posent : comment ne pas être uniquement alarmiste ? Comment ne pas marteler ce qui se répète déjà ailleurs ? Comment apprendre des choses au public et donner envie d’agir ? À un moment je voulais introduire une pièce de théâtre. Mais on m’a dit qu’elle ne pourrait être jouée qu’une seule fois, alors que si on met un totem avec des voix enregistrées, ça peut être répété à l’infini. Donc on préfère mettre des dizaines de milliers d’euros pour acheter des machines que payer des gens. Je dois être has been… mais je tiens au vivant ! Pareil pour la programmation dans l’exposition. En cherchant du ludique qui soit sensibilisateur et participatif, j’ai proposé de préparer une sorte de jeu de rôle : un ‘‘procès’’ de la géo-ingénierie [NDR : l’ensemble des techniques visant à modifier le climat et l’environnement dans le long terme], présentant des faits et des arguments ‘‘pour’’ et ‘‘contre’’ mais ici on m’a dit que ce n’était pas possible, que la Casemate ne pouvait pas faire ça. Eux personnellement étaient intéressés mais se retranchaient derrière une image de l’institution. Moi je crois qu’une organisation c’est avant tout des gens qui ont des valeurs et des convictions. Si ce n’est pas la Casemate qui soulève ce genre de questionnements alors qui le fera ?»

L’exemple-type de la grande blague – très chère – que représentent les activités du CCSTI, c’est le Living-lab : ce nouvel espace à la mode dans le monde de la culture scientifique propose au public de tester en « grandeur technique » des nouvelles technologies et de donner son avis dessus. Ils appellent ça « l’innovation ouverte » et selon ses promoteurs, comme les gens participent, le Living lab est « au service de la créativité citoyenne et du développement local ». Mais Juliette doute : « On a organisé une journée living lab pour trouver ce qu’il serait pertinent de mettre dans le film, selon les avis d’un groupe de personnes qui avaient répondu à notre appel à participation. Certes ils ont pu rencontrer deux scientifiques mais cet événement ponctuel ne correspond à aucun engagement dans le long terme. La Casemate ne donne pas suite et ne prend aucune responsabilité vis-à-vis de la parole des gens. Si, on met leur nom au générique - quelle gloire ! La Casemate ne leur donne prise sur rien. On fait tester des technologies aux gens, on prend les idées, on recueille leur avis et on essaye de les restituer. Suite à la journée Living lab, les idées ont été balayées à la réunion suivante et on est finalement parti sur autre chose à mettre dans le masque ». Participer plutôt que de penser : peu importe s’il n’y a aucun enjeu « démocratique », c’est tellement plus à la mode de proposer au public de faire joujou avec un gadget plutôt que de lui demander si la camelote électronique le rend heureux.

Ce simulacre de participation avec le public se produit-il également en interne ? Plutôt que de seulement participer en tant que stagiaire passive, Juliette a cherché à s’impliquer  : « D’après mes recherches, je m’étais dit qu’il serait pertinent de proposer une exposition sur le cœur de métier de la Casemate : les nouvelles technologies, le numérique et les processus d’innovation. J’avais donc écrit : ‘‘Les nouvelles technologies vont-elles nous sauver ?’’ Je voulais interroger le modèle d’une course accélérée à l’innovation et à la croissance, qui porte des promesses technologiques aux catastrophes à venir. Des réponses à notre place, qui tendent à faire de nous des assistés et nous éloignent du « faire », bien que ces innovateurs se revendiquent d’être des « makers ». Je voulais creuser dans l’exposition : de quelles énergies se nourrissent ces technologies, quels rapports de production et quels modes de domination elles induisent. Mais aussi quelles relations entre humains, non-humains, et environnement elles proposent. Si les technologies ont permis des missions et des mesures scientifiques de plus en plus précises, peuvent-elles vraiment devenir ‘‘vertes’’ et nous protéger de désordres naturels ? Quelle est la réalité physique, industrielle, de la dématérialisation ? Comment faire transition ? Je voulais d’abord provoquer des débats en réunion. Mais la proposition a été écartée et on n’en a jamais discuté ».

Discuter de tout sans que ça ne change rien

Cette absence de discussion ne relève pas de la censure, ni d’un climat de terreur. Juliette est d’ailleurs un peu gênée à l’idée de participer à un article du Postillon : elle n’aimerait pas passer pour une « traître » vis-à-vis de personnes qui ne l’ont pas maltraitée. À la Casemate, les salariés sont sympas et l’ambiance presque détendue. Il y a bien quelques tensions avec le directeur Laurent Chicoineau (voir encart), mais pas de pressions. On peut parler de tout, mais sans que ça ne change rien : « Ce que je découvrais sur le changement climatique, et comment il tend à rendre les inégalités toujours plus criantes, je trouvais ça assez terrible. J’avais besoin d’en parler avec mes collègues. Alors on a eu de vraies discussions là-dessus, ils sont touchés par la gravité de ce sujet, mais rien n’advient. C’est cynique. En restant sur le terrain des sciences naturelles (bio-physique, géologie, glaciologie, climatologie,…) il y a beaucoup à dire, mais c’est très partiel. En tant que centre de culture scientifique, c’est étrange de ne pas donner autant de place aux sciences humaines, sciences sociales, sciences politiques… Venant plutôt de ce milieu, je trouve fondamental de replacer le débat du changement climatique dans le contexte de négociations internationales. Qu’est-ce que cette COP21 ? Pas seulement une date de lancement d’expo, mais sûrement une énième conférence aux mesures dérisoires, qui se borne à prendre le problème du changement climatique comme un phénomène à part, réglable indépendamment et de préférence selon les lois du marché et de la concurrence, comme pour le marché du CO2. Alors que le changement climatique est inséparable de la façon qu’ont nos sociétés prédatrices de se développer, de la géopolitique de l’énergie et des modes de production, de l’urbanisation et des mouvements de populations...»

Voila pourquoi Juliette a décidé de témoigner publiquement : non pour planter un couteau dans le dos de ses anciens collègues, mais pour que les questionnements qui l’ont bouleversée pendant son stage puissent avoir un écho public. Parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi personne ne faisait rien contre ce genre de paradoxes : « Dans la Casemate les technologies sont omniprésentes, ça consomme à fond mais personne ne fait le lien avec le réchauffement climatique. » C’est un réflexe contemporain en vogue : penser que la pollution se limite aux industries « anciennes » (chimie, charbon, diesel) et que les nouvelles technologies sont en revanche « clean ». Certains ont l’impression de sauver la planète en n’achetant plus de journaux-qui-tuent-les-arbres pour s’informer uniquement sur Internet, et omettent de réfléchir aux minéraux rares nécessaires à leurs gadgets et au gouffre énergétique creusé par le fonctionnement d’internet. Le CCSTI veut sauver la planète grâce à la réalité virtuelle, et fuir ainsi les dégâts bien réels causés par les technologies que ce centre technologique promeut tout au long de l’année. Dieu soit loué : les normes scientifiques sont gardiennes de notre salut, la science notre nouvelle religion, les modélisations du futur nos évangiles. Juliette analyse : « La Casemate œuvre au déploiement de ce monde ultra-technologique, qui nous fait miroiter la douceur d’une dépendance infinie de l’humanité aux dispositifs technologiques - dont les coûts prohibitifs ne feront qu’accroître les inégalités individuelles et collectives, dont la production repose sur l’exploitation internationale de travailleurs, dont le modèle d’obsolescence programmée et de boîte noire incompréhensible et irréparable par l’individu lambda pousse jusqu’au paradoxe ce fonctionnement autodestructeur pour notre société. »

C’est ainsi que le CCSTI va « faire mettre un masque aux gens » pour « leur faire ouvrir les yeux » sur le réchauffement climatique, afin qu’ils voient de leur propres yeux les conséquences de ce réchauffement (désert qui avance, banquise qui fond, bref du Yann Arthus Bertrand en 3D). Une ineptie qui devrait en effet coûter quelques 50 000 euros à produire et bénéficier de l’aura du réalisateur Luc Jacquet. Pour Juliette « ils veulent tirer leur légitimité à propos du réchauffement climatique de son nom et non de ce qu’ils ont fait ou pensé ». Paresse, quand tu nous tiens.

Ce Luc Jacquet - connu pour avoir réalisé La Marche de l’Empereur, vient de sortir un nouveau film La glace et le ciel, qui a été projeté en clôture du festival de Cannes, s’il vous plaît messieurs-dames. Centré autour de la vie du glaciologue grenoblois Claude Lorius, ce film - que la rédaction n’a pas eu la chance de voir, le festival de Cannes ne nous envoyant toujours pas d’invitation presse - documente sans doute très bien le réchauffement qui vient. Quant aux solutions proposées, on ne peut que douter de leur pertinence en voyant le nom des partenaires de la Wild Touch, la fondation de Luc Jacquet ayant produit le film : fondation Bettencourt Schueller, fondation Albert II de Monaco, groupe Danone/Evian, Fidal (premier cabinet d’avocats d’affaires), Disneynature, etc. : que des amis des petits oiseaux et des grands profits. Un des membres du « comité scientifique » autour du film n’est par ailleurs pas un inconnu de nos contrées dauphinoises : Jean Therme. Le directeur de la recherche technologique au Commissariat à l’énergie atomique est un grand promoteur de la fuite en avant technologique et aussi un grand ami de la nature : d’ailleurs il fait tous les jours les 66 kilomètres entre Grenoble et Saint-Jean-d’Arvey en taxi (voir Le Postillon n°11).

L’idéologie de Jean Therme est la même que celle du CCSTI, la même que celle de François Hollande ou de la quasi-totalité des responsables : le salut viendra par les nouvelles technologies. Une idéologie qui, face aux dégâts causés par la société industrielle, espère créer un monde nouveau qui échappe au réel : un monde virtuel dominé par le règne des technologies.

La dernière étape de l’exposition du CCSTI, telle qu’elle était prévue jusqu’en juillet, illustre à merveille cette idéologie : il sera apparemment proposé au public de déambuler dans une forêt d’arbres incrustés d’écrans numériques, chacun symbolisant une « initiative locale » luttant contre le réchauffement climatique et à coup sûr permettant de « sauver le climat ». Curieusement, sur les initiatives citées pour l’instant sur leur appel à contribution, il en manque une – pourtant pleine de bon sens : débrancher toutes les machines créées par tous les partenaires du CCSTI.

La symbolique du planter d’arbre est beaucoup utilisée par certains écologistes : pas plus tard que le 21 septembre, le maire Piolle a planté, en compagnie du président de la Ligue pour la protection des oiseaux Allain Bougrain-Dubourg, un « arbre pour le climat » à la Bastille afin de « symboliser l’action de Grenoble pour la nature ». Une symbolique somme toute ridicule mais inoffensive.

Les troncs d’arbres technologiques créant la « forêt virtuelle des initiatives locales » sont symptomatiques d’un changement d’époque : désormais beaucoup ont abandonné l’idée de sauver les conditions matérielles d’une vie saine sur la planète et commencent petit à petit à se faire à l’idée de la création d’une vie totalement artificielle. Mais un autre monde artificiel n’est pas possible : face au désert intellectuel qui avance, des témoignages comme celui de Juliette sont des oasis salvateurs.

Cet article a été publié initialement par le journal grenoblois Le Postillon

 

 
 
 
Source : http://www.medias-libres.org/2015-greenwashing/#articles
 
 
 
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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 17:43

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

ça bouge ! Médias libres

Arbres virtuels, labels bidons, musée de l’uranium : plongez dans le monde du greenwashing

par

 

 

A l’heure où l’on sabre la dimension citoyenne de la COP21, les médias libres ont décidé de faire entendre leurs voix pour ne pas laisser les dominants parader en vert impunément... La Coordination permanente des médias libres, qui réunit plus de 40 médias à travers la France, dont Basta !, réalise un dossier collectif d’une vingtaine d’articles sur des champions du greenwashing. Elle propose une plongée dans le monde de ces fausses solutions climatiques, où les ressources restent illimitées et la croissance, infinie.

En 2015, l’écologie ne sentirait-elle pas le sapin ? Et on ne parle pas ici de la santé de l’écologie politique.

Nous savons maintenant, au lendemain des attentats, que l’état d’urgence met malheureusement en péril la dimension citoyenne de la COP21. Cette dernière pourrait être réduite à la portion congrue, c’est-à-dire aux négociations entre les chefs d’Etat. Au-delà du fait qu’au pays des droits de l’homme, on préfère le bleu marine au vert, et que ça ne date pas d’hier, espérons que des voix discordantes se feront entendre pendant cette « verte quinzaine ».

Le vert, on ne le tolère que sur les billets ou quand il permet de faire joli dans un projet ou un discours.

Alors, ce n’est peut-être pas un hasard si en mai dernier, au cœur de la verte Corrèze [1], une poignée de médias « libres », « indépendants », « pas pareils », ont décidé, entre deux réunions le cul dans l’herbe, de saluer à leur façon la tenue de la COP21, en mettant en avant ce qu’ils considéraient comme les plus belles opérations de « green-washing », ou, en bon français, d’éco-blanchiment.

Des centrales géantes à bois aux élus frontistes qui se tournent vers l’écologie, du gaz de schiste au timbre vert de la Poste, en passant par un musée à la gloire de l’uranium ou le programme international de recherche sur la fusion nucléaire (Iter) : les médias partenaires de cette opération pointent du doigt les décalages entre discours et pratiques, faux labels et vraies manipulations.

Nous vous proposons une plongée dans le monde de ces fausses solutions climatiques, où les ressources restent illimitées et la croissance, infinie. Un monde où l’on préfère maquiller en vert les vieilles recettes qui menacent directement la planète, la cohésion sociale de nos sociétés et, sur le long terme, la vie humaine, plutôt que de s’attaquer aux racines du réchauffement climatique.

Si le tri fut bien évidemment hautement sélectif, la liste est malheureusement loin d’être exhaustive.

Bonne lecture !

La Coordination permanente des Médias libres

- >Le dossier de la Coordination des médias libres

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 17:33

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Accord historique ?

A Paris, les Etats s’accordent pour sauver le climat mais ne précisent pas comment y arriver

par

 

 

 

L’accord sur le climat a été adopté dans la soirée du 12 décembre au Bourget sous un tonnerre d’applaudissements. Un quasi unanimisme entoure le texte jugé « historique ». Pourtant, à y regarder de plus près, l’accord ne précise en rien comment la communauté internationale devra agir pour ne pas dépasser un réchauffement de 2°C. Ni les moyens que les États devront débloquer pour y arriver et s’entraider. Encore moins les sanctions qui frapperaient un pays qui ne réduirait pas ses émissions. Les énergies renouvelables ne semblent pas faire partie des solutions. Au contraire du nucléaire, des techniques de manipulation de l’atmosphère ou de l’accaparement des terres. Décryptage.

Les traits sont tirés. Négociateurs, représentants d’ONG, journalistes... chacun regarde sa montre et n’a qu’une envie : que les heures de réunions et les nuits blanches s’achèvent sur un « accord » sur le climat. Même si celui-ci est « a minima ». Ce samedi, nombreux sont ceux qui arpentent les couloirs du Bourget avec leurs valises. « La fin de la COP est fixée par les horaires de vol de retour », ironise un fin connaisseur de ces négociations. Jusqu’au bout, le contenu de l’accord est resté secret. Toute la semaine, des compromis ont été passés derrière des portes closes réunissant négociateurs et décideurs politiques de chaque pays. La course à l’info pour les milliers de journalistes et ONG s’est parfois achevée dans les salles de repos.

 

 

Le texte final est finalement remis à 11h30 ce samedi 12 décembre en présence de François Hollande. « La seule question qui vaille, voulons-nous un accord ? », lance le président de la République. « L’accord décisif pour la planète, c’est maintenant. Il est rare d’avoir dans une vie l’occasion de changer le monde. » Comme dans une pièce de théâtre, les mots entonnés sont marqués d’intensité dramatique. La voix de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et président de la COP21, s’éraille. « Ce texte que nous avons bâti ensemble constitue le meilleur équilibre possible permettant à chaque délégation de rentrer chez soi la tête haute avec des acquis importants. » Et de citer Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que cela soit fait ».

 

 

A quelques kilomètres de là, des cornes de brume résonnent et une ligne rouge composée de milliers de personnes se forme à Paris, en guise d’alerte sur le niveau de réchauffement qu’il ne faut pas dépasser au risque de bouleversements imprévisibles de l’équilibre de la planète (voir notre reportage).

Les discussions se poursuivent. Comme à l’accoutumée, des rumeurs circulent sur des blocages. Les pays pétroliers refuseraient la mention des 1,5 °C à ne pas dépasser. Les États-Unis feraient barrage à toute contrainte trop forte sur leurs émissions de gaz à effet de serre et sur les financements. La présidence française parvient finalement à réunir toutes les parties autour d’un même texte, nécessairement revu à la baisse. Le délégué du Nicaragua qui pointe les failles de l’accord, tout en précisant que son pays ne fera pas obstruction, est hué dans la salle de presse. L’unanimisme doit prévaloir, à tout prix. Vers 19h30, les coups de maillet successifs marquent l’adoption de l’accord [1]. Mais que contient-il ? Un indicateur : à lire les communiqués des entreprises, celles-ci se satisfont d’un « accord historique ». Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace, n’est pas étonné : « Tel que l’accord se présente, si vous voulez investir dans une nouvelle mine de charbon, le texte ne donne quasiment aucun élément pour vous persuader de ranger votre portefeuille ».

 

Un accord non contraignant qui entrera en vigueur en 2020

« Ce texte sera le premier accord universel de l’histoire dans les négociations climatiques », annonce François Hollande, à qui répond une salve d’applaudissements. « Nous avons là l’instrument juridique qui prend la suite du protocole de Kyoto, précise Pierre Radanne, spécialiste des questions énergétiques et climatiques. Pour la première fois, l’ensemble des pays de la planète sont engagés dans ce processus jusqu’en 2030, avec la volonté de ne pas dépasser les 2°C. » L’accord, qui entrera en vigueur en 2020, les incite même à poursuivre l’action pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C [2]. Le texte rappelle la « responsabilité commune mais différenciée des pays » inscrit dans la Convention onusienne sur le climat de 2012. Il acte que « les pays développés doivent continuer à prendre la tête » des efforts de réduction d’émissions. Les pays en développement, eux, doivent « continuer à renforcer leurs efforts d’atténuation (...) à la lumière des différents contextes nationaux », formulation qui prend donc en compte leur niveau de développement.

L’accord ne prévoit cependant aucune contrainte. Sa mise en œuvre est soumise à la bonne volonté des États. « La contrainte se joue au niveau des verbes (comme "doivent" ou "devraient" par exemple, ndlr) utilisés pour chaque action demandée aux États, précise Célia Gautier du Réseau action climat (RAC). La contrainte juridique est beaucoup plus forte lorsque ces grands accords internationaux sont traduits dans la législation nationale et des plans nationaux plus

 

ambitieux. »

« Ce texte final est insuffisant pour enrayer le péril climatique »

Selon le groupement intergouvernemental des experts du climat (Giec), atteindre les 2°C implique de réduire de 40 à 70 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050, et même de 70 à 95 % pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement. Cet objectif de long terme n’apparait pas dans le texte. Pur affichage ? Quel sens accorder à ces « 2°C », alors que seul est mentionné que « les parties doivent atteindre un pic mondial des émissions de gaz à effet de serre dès que possible » ? Toujours selon le Giec, ce pic des émissions doit être atteint au plus tard aux environs de 2020. « Ce texte final est insuffisant pour enrayer le péril climatique », souligne Célia Gautier. « Le mode d’emploi présenté est vague et le calendrier repousse les efforts à plus tard. »

Dans les semaines qui ont précédé la COP, 188 pays sur 195 avaient remis leurs « contributions nationales » dans lesquelles ils présentent les efforts qu’ils envisagent pour lutter contre le changement climatique. Si l’on se fie à ces promesses de réduction, on s’achemine vers une augmentation de plus de 3° C des températures. Un seuil mettant en péril l’avenir de millions de personnes [3]. « Il faut absolument que les États renforcent leurs engagements pour contenir la hausse des températures en-deçà de 2 °C », alerte Célia Gautier. L’Union européenne affiche par exemple un objectif de réduction de ses émissions de gaz de serre de seulement 40 % d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990. Sans même préciser ce sur quoi s’engage chacun des

 

États membres.

L’initiative d’une coalition « pour une haute ambition » a fait flop

Les engagements des pays sont annexés à l’accord, mais ils n’en font pas partie stricto sensu. Étant volontaires, ils n’ont pas de valeur contraignante. Pour pousser les pays qui font preuve de mauvaise volonté à accentuer leurs efforts, un « dialogue facilitateur » doit être engagé entre les parties signataires sur leurs niveaux d’engagements respectifs. Un bilan de ces engagements sera réalisé en 2023. Il pourra ensuite amener à leur révision tous les cinq ans. « Mais la révision à la hausse de ces engagements restera dépendante de l’interprétation du texte et de la bonne volonté des États », prévient Attac France. En clair, un pays qui continuerait à polluer allègrement ne sera pas sanctionné, encore moins obligé de réduire ses émissions de carbone.

Le premier rendez-vous de 2023 semble trop tardif quand on sait que la trajectoire des émissions pour les dix prochaines années est décisive pour la suite. « Si on attend plusieurs années pour revoir ces objectifs, nous sommes dans le couloir de la mort », analyse Hindou Ibrahim, de l’Association des femmes des peules autochtones du Tchad, un pays particulièrement frappé par les dérèglements climatiques. « Au lieu de prendre le problème à bras le corps aujourd’hui, l’accord repousse les échéances à 10 ou 15 ans », résume Jean-François Julliard, de Greenpeace. L’Union européenne, les États-Unis, le Brésil et quelque 80 pays en développement ont communiqué sur leur volonté de prendre les devants en s’engageant à une première révision de l’accord avant 2020, dans le cadre d’ « une coalition pour une haute ambition ». Mais cette initiative a fait flop... Dès le lendemain de l’annonce, seuls 15 pays ont rejoint la coalition.

 

Incertitude des financements après 2020

La question des financements a été la plus grande source de tensions. Seront-ils finalement sur la table, ces 100 milliards de dollars par an promis aux pays en développement depuis 2009 pour faire face aux conséquences du changement climatique ? Les 100 milliards apparaissent bien dans la décision (et non dans l’accord) comme « un plancher », qui est donc appelé à être relevé. Le texte précise qu’« un nouvel objectif collectif chiffré » d’aide financière devra être avancé « avant 2025 ». Pour Armelle Lecomte, d’Oxfam, « l’accord reconnaît que davantage d’argent sera nécessaire. Mais il n’y a aucune garantie sur le long terme pour les financements. On ne sait pas s’ils continueront à croitre. » Des promesses vagues, donc.

Les ONG voulaient une révision régulière des objectifs. Or, il est aujourd’hui difficile de savoir ce qu’il se passera après 2025. Alors que les pays riches, historiquement responsables du réchauffement climatique, n’ont jamais débloqué les financements nécessaires, ils tentent ici de se dédouaner de leurs responsabilités. « Il y a eu beaucoup d’annonces unilatérales ces dernières semaines qui ont pu rassurer un certain nombre de pays vulnérables sur les financements prévus dans les cinq ans, observe Armelle Lecomte. Mais il n’y a rien de solide sur le long terme. » Toute « responsabilité ou compensation » des pays du Nord pour les préjudices subis par les pays en développement est passée à la trappe.

 

Les énergies renouvelables quasiment absentes

Le seuil visé est donc celui des 1,5°C. Comment le respecter ? « 1,5°C ne veut rien dire si on ne gèle pas l’extraction des combustibles fossiles. Sinon, c’est de l’hypocrisie », souligne Nnimmo Bassey, des Amis de la Terre. Plusieurs études préconisent de laisser dans le sol plus des deux tiers des réserves prouvées de pétrole et de gaz afin de ne pas dépasser les 2 °C de réchauffement global maximal d’ici la fin du siècle [4]. Nulle trace du terme « fossiles » dans le texte qui ne mentionne pas non plus le « désinvestissement des énergies fossiles », ni la sobriété énergétique...

Le terme « renouvelables » est lui présent une seule fois dans le texte. Ce dernier pointe « la nécessité de promouvoir l’accès universel à l’énergie durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables ». Si cette phrase est un premier pas, plusieurs ONG regrettent que l’attention portée aux énergies renouvelables soit trop limitée dans le texte et que le cap de 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 ne soit pas partagé par la communauté internationale. Le terme énergie « atomique », lui, est bien présent. L’Association nucléaire mondiale (World Nuclear Association) qui regroupe les acteurs de la filière nucléaire (comme Areva, EDF et Engie) s’est fendue d’un communiqué en milieu de semaine soulignant la nécessité de doubler la capacité nucléaire pour rester en-deçà des 2° C... [5]

 

Accaparement des terres et géo-ingénierie

Certaines formulations du texte sont des plus mystérieuses. L’accord évoque par exemple un « équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre » après 2050... Que cache cette étrange formule ? « Cela ouvre la porte à l’utilisation massive de techniques inappropriées telles que le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone et la géo-ingénierie », analyse Attac France. La géo-ingénierie consiste à manipuler l’atmosphère ou les océans pour tenter d’agir sur la température globale de la planète [6].

L’accord international réduit aussi les terres agricoles et les forêts à des « puits et réservoirs de carbone ». Une vision qui heurte Maureen Jorand, du CCFD-Terre Solidaire. « Les terres ne sont pas des calculettes à carbone ! Des populations vivent dessus, et en vivent aussi, souligne t-elle. Cela ouvre la porte à une financiarisation accrue de la nature et aux accaparements de terre. Surtout cela permettra de dédouaner les plus grands pollueurs qui au lieu de réduire leurs émissions, iront séquestrer du carbone, en particulier dans les pays du Sud ».

 

En France comme en Chine, des collectivités locales s’engagent

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, a fortement communiqué sur un autre texte, mentionné dans l’accord et intitulé « l’agenda des solutions » [7]. Son objectif : valoriser les initiatives volontaires de différents acteurs (villes, régions, entreprises...) pour atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés à l’échelle de leur pays. « Près de 80 villes, régions, provinces ou États fédérés, soit 615 millions d’habitants, se sont engagés à réduire de 80 à 95 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par rapport à 1990 », se félicite Mathieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot. Onze villes ou provinces chinoises – qui représentent le quart des émissions chinoises – se sont par ailleurs engagées à atteindre leur pic d’émissions de gaz à effet de serre en 2020, soit dix ans avant l’objectif affiché par la Chine.

Mais certaines ONG pointent l’absence de garde-fous. Aucun critère clair permettant d’éviter les atteintes à l’environnement et aux droits des populations n’a par exemple été défini. « En novembre, on a directement interpellé François Hollande en soulignant notre inquiétude quant à la présence d’initiatives portées par Total et d’autres entreprises d’énergies fossiles, ou par l’agriculture industrielle fortement émettrice de gaz à effet de serre », souligne Maureen Jorand. La majorité des entreprises souscrivant à cet agenda le font sous des ombrelles du secteur privé comme le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui regroupe plus de 190 entreprises. Il n’est donc guère étonnant que des pratiques qui s’apparentent à l’agriculture climato-intelligente, promues par l’agro-industrie (comme l’a montré notre enquête), figurent dans cet agenda. Bien loin des pratiques agro-écologiques portées par les mouvements

 

paysans.

Quand le commerce et la croissance prévalent sur le droit des peuples

L’accord note « l’importance de la justice climatique », une notion chère aux mouvements sociaux. Mais il relègue la question primordiale des droits humains, des populations indigènes et de la sécurité alimentaire au second plan [8]. Alors que les brouillons d’accord se sont succédé ces derniers jours, une notion a surgi dans la dernière ligne droite, celle de « croissance économique » accolée à celle de « développement ». « Il y a une improbable recherche de compatibilité entre une croissance globale, les questions climatiques et le développement, déplore Geneviève Azam de l’association Attac. À moins de recourir aux techniques de la géo-ingénierie, je ne vois pas comment nous pourrions concilier les trois. »

Le commerce semble donc avoir une longueur d’avance, y compris lorsqu’il s’agit de sanctionner les pays qui ne respectent pas les règles établies par les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement. Rien de tel n’existe concernant la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Aucun mécanisme n’est mis en œuvre pour sanctionner les États qui ne prendraient pas des engagements suffisants, qui ne les mèneraient pas à bien ou qui refuseraient de revoir à la hausse leur ambition. « On a besoin d’une réforme des Nations Unies, mais ce n’était pas le mandat de cet accord, appuie Pierre Radanne. Il faut effectivement raccrocher le système de l’Organisation mondiale du commerce au système des Nations unies. » En clair, soumettre les règles du commerce international à l’objectif climatique, pour entamer un début de changement. En attendant la prochaine conférence qui se tiendra à Marrakech en novembre 2016, les négociateurs se pressent pour rejoindre l’aéroport. Ils peuvent s’envoler tranquilles : toute régulation du secteur de l’aviation – qui représente 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre – a été exclue de l’accord.

@Sophie_Chapelle

 

Photo de une : 3000 personnes forment les mots, visibles du ciel, "Climate Justice Peace" à Paris le 12 décembre au matin, à l’initiative d’une action des Amis de la Terre.

Photo de la tribune de la COP21 avec François Hollande / CC COP21

Autres photos : Sophie Chapelle

Notes

[2Sur les 39 pages du texte, deux parties doivent être distinguées : les 22 premières pages sont des décisions qui prennent effet avant 2020 – les décisions prises à l’issue de cette conférence climatique de Paris sont sensées mettre les États dans l’action dès 2016. Les 17 autres pages (et leurs 29 articles) concernent l’accord à proprement parler : ce dernier prend effet à partir de 2020. L’accord devra avoir été ratifié, accepté ou approuvé par au moins cinquante-cinq pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais, « à tout moment après un délai de trois ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord », tout pays pourra s’en retirer, sur simple notification.

[3Depuis la première conférence des parties sur le climat, la COP1 en 1995, plus de 600 000 personnes ont perdu la vie dans un désastre climatique, selon un rapport de l’ONU.

[4Lire par exemple le rapport de 2012 de l’Agence internationale de l’énergie.

[5Voir ici

[6Lire nos différents articles sur la géoingénierie

[7Son autre nom : le Lima-Paris action agenda. Plus d’infos

[8Ces notions sont exclues de l’article 2 qui traite des objectifs de l’accord, et sont reléguées dans le préambule, sans valeur contraignante.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 20:17

 

Source : https://www.mediapart.fr/portfolios

 

Dans Paris, des milliers de militants du climat pas d'accord avec l'accord
 
 
 

Alors que les 195 pays réunis au Bourget mettaient la dernière main à l'accord de la COP21, adopté samedi dans la soirée, entre 15 et 20 000 personnes se sont retrouvées à Paris dans deux rassemblements successifs. Le premier, avenue de la Grande-Armée entre l'Arc de Triomphe et la porte Maillot, a consisté à faire valoir les « lignes rouges » des citoyens sur le climat ; le second, sur le Champ-de-Mars, a offert concert et prises de parole.

  1. Alors que les 195 pays réunis au Bourget mettaient la dernière main à l'accord adopté samedi dans la soirée à l'occasion de la COP21, plus de 10 000 personnes se sont retrouvées avenue de la Grande-Armée à Paris pour fixer leurs propres « lignes rouges » sur le climat.

  2. Deux rassemblements étaient organisés par de nombreuses ONG, dont 350.org et Alternatiba notamment, l'un avenue de la Grande-Armée, entre l'Arc de Triomphe et l'Arche de la Défense, et l'autre au Champ-de-Mars. Tout a été préparé à la Zone Action Climat (ZAC), qui siégait pendant la COP au 104 dans le 19e arrondissement. Des milliers de personnes ont assisté aux AG (comme sur cette photo), aux ateliers, etc.

  3. Toute la semaine précédant l'opération « Lignes rouges », des formations se sont tenues à la ZAC. Vendredi matin, par exemple, plus de 200 personnes étaient présentes. Au menu : informations légales, informations médicales aussi, notamment en cas d'utilisation par la police de gaz lacrymogènes, mais aussi préparation à l'événement en question sous la thématique du commando. En effet, toutes ces formations ont eu lieu alors que le rassemblement n'était pas autorisé.

  4. Un tour de chauffe avait eu lieu dès vendredi au sein même du Sommet sur le climat au Bourget. Une « ligne rouge » avait été déployée dans l'allée centrale.

  5. La préfecture a fini par autoriser le rassemblement vendredi vers 18 heures… Ce qui n'a pas empêché la forte mobilisation du lendemain. Dès 11 h 30, soit une demi-heure avant le début du déploiement des fameuses « lignes rouges », l'avenue était déjà bien remplie. La police, nombreuse sur place, avait arrêté la circulation. Les riverains sortaient la tête de leurs fenêtres, tout étonnés de ce soudain silence.

  6. À midi pile samedi, une immense banderole a été déployée sur plus de 800 mètres par des milliers de personnes qui portaient toutes du rouge.

  7. La foule a fait – plus ou moins – une minute de silence en hommage aux victimes du réchauffement. Outre les « Lignes rouges », deux slogans de 100 mètres chacun ont aussi été déployés : « It’s up to us to keep it on the ground » et « climate crime stop ».

  8. Le rassemblement était très festif, avec plusieurs fanfares tout au long. 

  9. Les « Anges gardiens pour le climat » étaient bien représentés.

  10. Les énormes ballons argentés avec une ligne rouge ont été fabriqués pendant les deux semaines de la Zone action climat au 104.

  11. Les cyclistes de Vélorution ont fait un passage applaudi entre les deux longues lignes rouges.

  12. De nombreux groupes affinitaires étaient représentés.

  13. Des représentants des peuples indigènes ont rejoint l'avenue de la Grande-Armée après une autre action dans Paris. « Ici, à la COP21, ils proposent de fausses solutions pour la crise climatique », selon Kandi Mossett (Mandan, Hidatsa, Arikara, North Dakota).

  14. Le rassemblement avenue de la Grande-Armée s'est dispersé sans heurts à partir de 13 h 30. La plupart des participants se sont ensuite dirigés vers le Champ-de-Mars, où se trouvait un autre rassemblement.

  15. À l'arrivée au Champ-de-Mars, les entrées étaient filtrées, avec fouille des sacs et autres cabats.

  16. Au Champ-de-Mars, entre 15 et 20 000 personnes ont été décomptées par les organisateurs. Des concerts et des prises de parole ont eu lieu.

  17. Les participants aux « lignes rouges » ont rejoint le Champ-de-Mars par la place du Trocadéro, déployant à nouveau une ligne rouge.

  18. Les ballons argentés des artistes de la Zac dessinent une ligne rouge sous la Tour Eiffel.

     

     

    Source : https://www.mediapart.fr/portfolios

     

     

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 16:56
Et si... nous fabriquions nous-mêmes notre énergie ?

Texte, photos et videos
Laura Geisswiller

 

En France, l’électricité est produite à plus de 75 % par les centrales nucléaires, un cas unique au monde. Moins cher et moins émetteur de gaz à effet de serre que les énergies fossiles, qui sont majoritairement utilisées sur la planète, le nucléaire est pourtant loin de faire l’unanimité. Et si le projet de loi de transition pour une croissance verte prévoit une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique d'ici à 2025, des initiatives citoyennes se créent pour prouver qu’une source d'énergie plus propre et plus sûre est possible.

Qu'il s'agisse de prototypes ou de projets organisés à plus grande échelle, tous partagent le même objectif : rendre la production d’énergie renouvelable accessible et apprendre aux populations à mieux gérer leur consommation énergétique.


 

 

De l’énergie solaire sur mon balcon

Pour Jean Walter, ingénieur en génie civil de 63 ans, la production d’énergie renouvelable commence sur le balcon de son appartement en région parisienne. Convaincu qu’il faut commencer à penser à l’après-nucléaire, ce père de famille a décidé de créer un prototype de générateur électrique alimenté par un panneau photovoltaïque. Son objectif n’est pas de remplacer le système électrique de son domicile, mais de mieux comprendre sa consommation d’électricité et de réfléchir à comment la diminuer.

« Mon modèle se veut le plus minimaliste possible, précise Jean Walter. Je suis encore en train de faire des expériences. Je vois ce que je peux alimenter avec mon panneau et comment je peux adapter mes besoins énergétiques. »

Pour la conception, Jean Walter est parti de zéro et s’est inspiré de plusieurs tutoriels sur Internet. Il s'est aussi rendu dans des “FabLabs”, des lieux ouverts au public où l'on peut utiliser des imprimantes 3D, des outils de conception et recevoir des conseils d’habitués.

« J’ai dû tout apprendre, raconte l’ingénieur. Comment programmer le processeur qui fait entrer l'électricité dans la batterie, comment dessiner certaines pièces sur l’ordinateur pour les imprimer ou même comment les assembler. En tout, cela m’a pris deux ans. »

Très enthousiaste quant au résultat, Jean Walter reconnaît tout de même les limites de son projet : « Je peux alimenter des objets électriques qui n’ont besoin que de 12 volts, comme les lampes dans mon salon, ou mon ordinateur, mais chauffer de l’eau, par exemple, ce n’est pas possible ! »

L’ingénieur continue de perfectionner son prototype, pour pouvoir partager ses plans en ligne. Il espère même proposer des kits à monter soi-même : « Pour tendre vers une transition énergétique, il faut une prise de conscience, assure le sexagénaire. Pour ça, les gens doivent tester les choses par eux-mêmes, et tout le monde n’a pas la patience ou le temps de faire ce que j’ai fait. »

 

http://s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/2015/12/11/163711429-ed87f4fe13f45f64eba375cdaa43c47c2e44ee34/assets/images/body/22-1024.jpg

 

 

 

Construire soi-même son éolienne pour 30 euros

Rendre la production d’énergie plus accessible, c’est également l’ambition de Daniel Connell, qui a mis au point un prototype “DIY” (“Do it Yourself ” : à faire soi-même), à l’aide de matériaux de récupération. Avec une roue de vélo, quelques planches d'aluminium, un cutter et une riveteuse, ce graphiste néo-zélandais peut construire une éolienne à axe vertical en quelques heures, pour moins de 30 euros.

Pragmatique, l’inventeur a choisi ce type d’éolienne parce qu’elle est capable de s’adapter aux lieux où le vent n’est pas régulier. Son modèle produit en moyenne 150 watts si le vent souffle à 20 km/h. « Je voulais que mon prototype soit opérationnel et utile, résume Daniel Connel. Mon objectif n’est pas de responsabiliser les gens, mais de leur donner des solutions concrètes pour produire de l’électricité facilement, que ce soit par conviction, par nécessité ou pour réduire leurs factures. »

Fidèle aux principes de l’open source, il partage sur son site son avancée et décrit la conception de son prototype étape par étape, avec une vidéo en 3D détaillée. Il organise également des ateliers au gré de ses voyages pour mieux accompagner ceux qui le souhaitent. « Je ne verrais aucun inconvénient à ce que quelqu’un reprenne mon prototype pour le commercialiser ou organiser des formations, tant que cela permet à l’idée de se répandre et à l’éolienne de s’améliorer », explique le Néo-Zélandais.

Daniel Connell reste toutefois réaliste, et ne pense pas que la plupart des gens qui ont facilement accès à l’électricité utiliseront son éolienne. « Je ne sais pas comment donner envie aux gens de changer d’habitudes ou de se mettre à créer des choses par eux-mêmes, regrette l’inventeur. Même si j’ai l’impression que ça devient de plus en plus populaire. »

 

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Montdidier, la ville laboratoire du renouvelable

Afin de satisfaire la demande énergétique d’une ville, les initiatives individuelles ne peuvent suffire, il faut voir les choses en plus grand. C’était le pari de Catherine Quignon-Le Tyrant, l’ancienne maire de Montdidier, en Picardie, qui lors de ses deux mandats a voulu faire de sa commune un modèle dans la maîtrise de l’énergie.

1 202 panneaux photovoltaïques, quatre éoliennes de plus de 100 mètres de haut, une chaufferie biomasse : depuis 2006, la petite ville de 6 000 habitants accumule les moyens de production d’énergie renouvelable. « Grâce aux éoliennes, nous couvrons 50 % des besoins énergétiques de la ville », explique Rodolphe Bral, directeur de la régie communale de Montdidier.

Lorsque la production est supérieure au besoin de la ville, l'électricité est redistribuée sur le réseau d'EDF, qui a alors l'obligation de la racheter. Les bénéfices ont permis à la commune d’améliorer l’isolation de certains bâtiments et de donner des chèques énergie aux habitants qui souhaitent investir dans une chaudière à granulés ou réaliser une rénovation thermique de leur logement.

Pour rendre la ville totalement autonome, il ambitionne d’étendre le parc éolien et réfléchit à des moyens pour faire des réserves d'énergie lorsque la ville est en surproduction et ainsi combler les journées où il n‘y a pas assez de vent et peu de soleil. « Mais stocker l'énergie, ça coûte encore extrêmement cher, commente le directeur, et pour le moment ce n’est pas rentable. »

Très fier de travailler pour la commune où il a grandi, Rodolphe Bral espère que sa ville est une source d’inspiration. « De toute façon, on n'a pas le choix, il faut réfléchir à la production d'énergie de demain, affirme-t-il. Nos besoins continuent d’augmenter, et vu les incertitudes liées au nucléaire et aux énergies fossiles, le renouvelable reste la meilleure des alternatives. »


http://s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/2015/12/11/163711429-ed87f4fe13f45f64eba375cdaa43c47c2e44ee34/assets/images/body/08-1024.jpg

 

 

 

 

Des initiatives citoyennes pour faciliter la transition énergétique

Fatiguée de se plaindre du nucléaire et d’attendre que les élus se mobilisent, Christel Sauvage s’investit depuis plus de vingt ans dans le développement et la promotion des énergies renouvelables.

« Un jour, j’ai compris qu’on nous avait complètement déresponsabilisés avec le nucléaire, explique cette ancienne biologiste de 49 ans. Si l’on n’avait pas massivement investi dans les centrales, notre autonomie énergétique non polluante, on l’aurait déjà aujourd’hui. »

En 2009, elle participe au lancement d’Enercoop Ardennes-Champagne, une coopérative qui fournit de l’électricité verte et qui participe au développement des énergies renouvelables, dont elle est aujourd'hui la PDG. « Notre objectif est de faciliter les choses pour un particulier qui souhaite une alternative au nucléaire. Il peut choisir qu’Enercoop devienne son fournisseur d’électricité ou il peut prendre une part dans la coopérative et en devenir sociétaire », résume Christel Sauvage.

Parallèlement, elle crée l’association Energie partagée, un fonds d’investissement qui permet à tout un chacun en France d’investir dans un projet d’économie d’énergie et de production d’énergies renouvelables. Depuis 2010, Energie partagée a rassemblé plus de 8 millions d’euros et a investit 6 millions d’euros dans vingt projets d’énergie verte. « C’est un placement financier mais il faut être patient, les souscripteurs pourront espérer toucher 4 % de rémunération, mais d’ici huit à dix ans », précise Christel Sauvage.

Christel Sauvage ne se décourage pas, mais voir le manque d’ambition des politiques l’agace : « C’est rageant, parce qu’on aura beau se bouger, faire des coopératives, lancer des projets ambitieux, la transition énergétique ne peut se faire qu’avec un vrai virage politique. »

Photo : Marc Mossalgue / Energie Partagée


 

http://s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/2015/12/11/163711429-ed87f4fe13f45f64eba375cdaa43c47c2e44ee34/assets/images/body/01bis-1024.jpg

 

 

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

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