La Russie est sens dessus dessous. Jamais depuis les années de la perestroïka et la fin de l’URSS, le pays n’a connu de telles mobilisations et de tels débats. Depuis maintenant deux mois se développe dans les grandes villes du pays une mobilisation citoyenne inédite qui ne demande pas seulement le départ de Vladimir Poutine mais aussi des réformes radicales du système politique et économique.
Ces mouvements d’opposition ont largement réussi leur pari ce samedi 4 février. Malgré un froid polaire (– 20°C à Moscou), environ 100.000 personnes se sont réunies à deux pas des murailles du Kremlin pour demander « des élections propres » et la démission de Vladimir Poutine.
La surprise est aussi venue du reste du pays. Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes, à Magadan, à Khabarovsk, dans l’extrême orient russe, à Ekaterinbourg et dans plusieurs villes de Sibérie : elles ont rassemblé de quelques centaines à plusieurs milliers de personnes, ce qui est inédit.
Mais c’est évidemment à Moscou que se concentraient les regards après les deux manifestations des 10 et 24 décembre qui avaient largement surpris le pouvoir. Dans une zone bouclée par la police, que les manifestants pouvaient rejoindre en passant sous des portiques de détection d’armes ou objets métalliques, environ 100.000 personnes se sont retrouvées pour un meeting de 1h30.
A la tribune se sont succédé personnalités et leaders de la multitude de mouvements et associations qui constituent aujourd’hui cette galaxie contestataire. « Nous sommes très différents, mais nous sommes ensemble pour demander la liberté et le droit. Nous aimons notre pays, nous ne sommes ni staliniens, ni fascistes, ni américains, nous sommes des Russes qui voulont la liberté », a déclaré Grigori Iavlinski, le leader du petit parti libéral Iabloko, dont la candidature à l’élection présidentielle de 4 mars vient d’être rejetée par la commission électorale.
Ancien député, Vladimir Rijkov a dénoncé le « refus du pouvoir de négocier » et appelé à la démission de Vladimir Poutine. Olga Romanova, responsable d’une association d’aide aux prisonniers, a demandé la libération de « tous les prisonniers politiques » et de tous ceux injustement emprisonnés « pour rien, pour des raisons d’argent, parce qu’on a voulu leur prendre leur business ». Etat de droit, justice indépendante, fin de la corruption : les appels se sont multipliés.
Pour ne pas laisser la capitale à l’opposition, le pouvoir avait favorisé la tenue d’une contre-manifestation qui a rassemblé, selon les décomptes de plusieurs journalistes russes, entre 25.000 et 30.000 personnes. Cela a permis au ministère russe de l’intérieur de jongler avec les chiffres : les « anti-orange » ou pro-Poutine auraient été près de 100.000 tandis que l’opposition n’aurait réuni que 23.000 personnes... Selon les récits de plusieurs journalistes, beaucoup de ces manifestants pro-Poutine avaient été réquisitionnés, vivement encouragés à venir par leur patron ou leur chef de service (lire également en page 2 de cet article).
En fin de meeting, une résolution adoptée par acclamation a résumé les demandes aujourd’hui faites par l’opposition : libération des prisonniers injustement détenus ; nouvelles élections législatives ; réformes politiques pour autoriser « l’enregistrement » des partis d’opposition ; élections propres et observateurs indépendants dans les bureaux de vote ; fin de la censure et de la mise sous tutelle des médias d’Etat. « Et enfin, a clamé Vladimir Rijkov sous les applaudissements, pas une seule voix pour Poutine le 4 mars. »
L'une des caricatures de Poutine sur Facebook.
Face à ce déchaînement de débats, de revendications, de critiques, que les médias d’Etat relaient timidement – ce qui est nouveau –, le pouvoir vacille. Car tout cela ne se passe plus seulement sur Internet, mais aussi dans les médias locaux, dans les rues, les entreprises et les universités.
Et c’est l’autre élément nouveau de ces dernières semaines : Vladimir Poutine est sur la défensive, il se débat, mène campagne, parle et explique. Ce qui n’était nullement prévu au programme lorsqu’en septembre dernier, l’actuel président Medvedev annonçait qu’il céderait son siège à Poutine pour lui-même reprendre sa place de premier ministre.
Ce « roque », que l’élection présidentielle du 4 mars devait entériner et qui laissait entrevoir un Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2024 (!), a fait basculer le pays. L'opposition avait choisi comme date de ce rassemblement le 4 février, soit à un mois jour pour jour du premier tour de la présidentielle. Ce 4 février en rappelle un autre, le 4 février 1990, quand près de 500.000 personnes défilèrent près de la place Rouge pour demander la fin du rôle dirigeant du parti communiste d'Union soviétique.
Plus de 27.000 personnes s’étaient inscrites sur Facebook (la page Facebook est ici) à ce rassemblement « pour des élections propres » qui a été autorisé par la mairie de Moscou après de longues négociations.
Contre-manifestation
Vidéo appelant à une contre-manifestation, samedi, au parc de la Victoire, à Moscou : « Contre, contre, contre... Je ne veux pas être contre, je veux être pour, pour la Russie, je ne veux pas être pour l'Occident, je veux être pour Poutine, je ne veux pas voir détruite la Mère Patrie, j'aime la Russie, je suis pour la Russie. »
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Mais ce samedi moscovite été encore plus agité. Car en riposte, Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, a fait organiser un contre-rassemblement, au sud-ouest de Moscou, dans le parc où est célébrée la victoire lors de la Grande Guerre Patriotique (la Seconde Guerre mondiale). Il est officiellement appelé par les « Patriotes de Russie », un petit mouvement de gauche qui a fait moins de 1 % des voix aux dernières élections législatives. Les organisateurs de ce meeting-concert, avec quelques stars de la musique et de la télévision d’Etat, disent attendre 15.000 personnes.
« Ce n’est pas un meeting de soutien au pouvoir. C’est un meeting contre les supporters de la révolution orange », dit l’un des responsables, en référence à la révolution orange qui avait renversé le président ukrainien en 2004, justement pour protester contre les élections truquées. Samedi, les principaux mots d'ordre de ce rassemblement ont pris pour cible l'occident et particulièrement les Etats-Unis accusés de vouloir déstabiliser la Russie. "Occident, enlève tes mains de notre patrie", a déclaré l'un des orateurs.
Immédiatement, l’opposition a dénoncé ce simulacre, notant que des consignes avaient été données à des enseignants de la région et à des fonctionnaires pour qu’ils participent à ce contre-meeting. Les « ressources administratives » ont encore de beaux jours en Russie, qui permettent d’ordonner à des employés ou à des fonctionnaires d’« aller au défilé ». Le week-end dernier, près de 6.000 personnes ont ainsi manifesté à Ekaterinbourg, grande ville de l’Oural, en faveur de Poutine : beaucoup expliquaient benoîtement qu’ils y avaient été obligés et que des cars à la sortie de l’usine ou des bureaux les avaient conduits sur le lieu de la manifestation. -------------------
Ci-dessous, une vidéo dans laquelle Poutine explique : «Pourquoi allez à la manifestation ? Samedi, il fait froid. Froid, donc neige, donc rester à la maison, donc regardez la première chaîne, donc la stabilité... »
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Le Kremlin et Vladimir Poutine jouent depuis deux semaines sur les deux registres, fermeture et ouverture. La fermeture, c’est justement le syndrome révolution orange : financés par les Etats-Unis, les groupes d’opposants, mélanges de libéraux, de fascistes, de nationalistes et de criminels ont pour projet de jeter le pays dans le chaos, affirment les supporters du Kremlin.
C’est ce que raconte la vidéo ci-dessous, postée sur Internet et intitulée « La Russie sans Poutine, bienvenue en enfer » : le récit est catastrophique, voyant la pays sombrer en deux ans dans l’anarchie (ruine, grèves, disettes, violences, attaques tchétchènes, chômage, criminalité) puis être envahi – sous prétexte d’opération humanitaire – par l’OTAN, la Géorgie, la Chine, le Japon. La « mère patrie » cernée, avec comme ennemi principal l’impérialisme américain : la vieille rhétorique soviétique de la guerre froide est de retour.
Dans ce registre, un sommet a été atteint avec la publication, mercredi à la une de Izvestias, quotidien proche du pouvoir, d’un article de Dmitri Rogozine, ancien du KGB, puis dirigeant d’un parti nationaliste avant d’être nommé ambassadeur auprès de l’OTAN par Vladimir Poutine et récemment promu vice-premier ministre en charge des armements.
Contre l'Occident et les Etats-Unis
« Poutine est le dernier leader européen à ne pas pouvoir être écrasé par l’hégémonie américaine, écrit Dmitri Rogozine. Une Russie faible sera la prochaine victime d’un monde qui est en train de perdre la raison. Ce monde ne respecte que la force, la force brutale des armes et pas le soft-power inventé par quelques analystes. » Ceux qui n’ont pas cette force « seront violés et volés », annonce-t-il, « et la menace ne vient pas seulement de l’extérieur mais aussi de l’intérieur (…) Une défaite de Poutine fera beaucoup d’heureux, Mme Clinton par exemple, et aussi notre cinquième colonne de libéraux, ceux qui font la queue devant l’ambassade des Etats-Unis ».
En écho à Dmitri Rogozine, Vladimir Poutine a également longuement pris à partie, lors d’une rencontre avec la presse, le rédacteur en chef de la radio Echos de Moscou (une des rares voix critiques en Russie) lui reprochant d’ignorer les dangers stratégiques et les enjeux vitaux des systèmes de défense anti-missiles…
Vladimir Poutine a également fait monter au créneau un autre de ses supporters nationalistes, le cinéaste Nikita Mikhalkov, qui s’est aussi illustré en défense de la « Mère Patrie » face aux déstabilisateurs professionnels. Cette nervosité du premier ministre russe apparaît d’autant plus grande que les cercles au pouvoir semblent se diviser. Il y a une semaine, le directeur de campagne de Poutine s’en prenait au président Medvedev, lui reprochant de ne pas suffisamment s’investir dans la campagne.
Ce dernier proposait de son côté de revenir sur plusieurs lois électorales : d’abord envisager de rétablir l’élection au suffrage universel des gouverneurs de région et non plus leur nomination par le Kremlin ; ensuite assouplir le système d’autorisation des partis et des candidats aux élections, les critères actuels ayant permis au Kremlin d’éliminer toute véritable opposition (lire notre précédent article ici).
Cela n’empêche pas les élites russes de parler désormais ouvertement de l’après-Poutine et des réformes à engager dans le pays. Ministres et oligarques ont ainsi multiplié les critiques lors du Forum de Davos, reconnaissant l’ampleur de la corruption, la bureaucratisation accélérée, le manque de réformes, la stagnation de l’économie et sa dépendance exclusive vis-à-vis du pétrole et du gaz. En creux, c’est le bilan catastrophique de douze années de pouvoir quasi absolu de Vladimir Poutine qui est fait.
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Fin janvier, concert du groupe punk et féministe "Pussy riot" : il a eu le temps de chanter quelques chansons farouchement anti-Poutine avant d'être arrêté, retenu cinq heures au commissariat voisin et condamné à 5 euros d'amende par personne.
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Poutine reste néanmoins largement favori pour emporter la présidentielle du 4 mars. Mais selon un scénario différent de celui qui était écrit de longue date. Pour la première fois, Poutine a admis mercredi qu’il pourrait ne pas être élu dès le premier tour. « Je m’y prépare si cela s’avère nécessaire et même si un second tour implique une déstabilisation politique de notre pays. » En 2000, il avait été élu dès le premier tour avec 53 % des voix ; en 2004 avec 70 % des voix ; en 2008, Medvedev avait été élu avec 70 % des voix également.
Un second tour ?
Un second tour serait en soi une petite révolution politique et une grande victoire pour l’opposition. Une opposition qui, à ce stade, se limite à quelques demandes simples pour ne pas accélérer les divisions.
Humour russe: "Notre famille est pour Poutine", dit la banderole.
La Ligue des électeurs, créée à la mi-janvier par des personnalités (écrivains, journalistes, musiciens), est aidée par une nébuleuse complexe de petits partis et mouvements de la société civile. Anciens ministres de Eltsine (Boris Nemtsov, Mikhaïl Kassianov), anciens députés libéraux éliminés par le pouvoir, ministres ou officiels limogés par Poutine ou Medvedev se trouvent aux côtés de groupes nationalistes, d’extrême gauche, de libéraux…
A ce stade, de cette multitude de voix, d’intérêts, de projets émergent une poignée de personnalités devenues les cibles directes du pouvoir. La principale est sans doute Alexeï Navalny, blogueur activiste, avocat et dénonciateur charismatique du « parti des escrocs et des voleurs », le parti de Vladimir Poutine. Là encore, le Kremlin a organisé la contre-offensive contre ce pourfendeur de la corruption régulièrement présenté en agent américain, en nationaliste fasciste et en provocateur.
Passées les manifestations de ce samedi, la question principale demeure celle d’une négociation entre la galaxie des forces d’opposition et le pouvoir. Alexei Koudrine, qui fut pendant près de dix ans ministre des finances avant d’être limogé en septembre dernier, a tenté un rôle de médiateur. Sans succès. Poutine n’est pas encore prêt à prendre acte de sa soudaine faiblesse politique : la reconnaître serait relancer les luttes entre les divers clans qui se partagent le pouvoir. Les mouvements d’opposition ont pour leur part déjà annoncé qu’ils continueraient leurs actions tout le mois de février. La journée de samedi apparaît ainsi comme le point de départ de nouveaux mouvements plutôt que comme la fin de l’alerte donnée au Kremlin. La constitution de comités locaux pour les réformes et la démocratie a ainsi été annoncée samedi. "Tout cela ne s'arrêtera pas le 4 mars, bien au contraire, tout commence", a prévenu Grigori Iavlinski.
Le montant du pot-de-vin moyen a plus que triplé en Russie en 2011 par rapport à l'année précédente, pour atteindre l'équivalent de près de 6 000 euros, a indiqué, vendredi 27 février, un responsable du ministère de l'intérieur cité par l'agence Interfax. "Le montant du pot-de-vin a été multiplié par 3,5 en 2011, dans les affaires recensées, pour atteindre 236 000 roubles [5 900 euros]", a indiqué ce responsable, un porte-parole du département de la lutte contre le crime économique dont le nom n'est pas précisé.
Environ 4,5 milliards de roubles (112 millions d'euros) de pots-de-vin extorqués ont été récupérés et versés au budget de l'Etat ou restitués à des personnes physiques et morales, selon la même source. La Cour des comptes russe a, pour sa part, estimé dans son rapport annuel de 2011 à 718,5 milliards de roubles (17,8 milliards d'euros), le montant des fraudes concernant les dépenses budgétaires, une somme record pour la dernière décennie. La corruption est un mal endémique en Russie, qui gangrène tous les services de l'Etat.
Le président russe, Dmitri Medvedev, élu en 2008, avait fait de la lutte contre ce phénomène une priorité de son mandat qui s'achève en mai, mais a reconnu que sa politique en la matière n'avait pas eu le succès espéré.
La photographie était censée discréditerAlexeï Navalny, une figure de l'opposition à Vladimir Poutine : parue dans une édition régionale de l'hebdomadaire Arguments et faits, elle montre l'opposant au côté de Boris Berezovski, le célèbre hommes d'affaires honni par les autorités russes. Les deux hommes rient de bon coeur, comme des amis de trente ans saisis dans un moment de complicité. Le journal a été distribué le 7 janvier dans la ville d'Ekaterinbourg, en Oural, par des jeunes revêtus d'un tablier bleu à la gloire de Vladimir Poutine. La légende de l'image précisait : "Alexeï Navalny n'a jamais caché que l'oligarque Boris Berezovski finance sa lutte contre Poutine."
Voilà qui aurait sans doute embarrassé Alexeï Navalny, un avocat de 35 ans qui dénonce sans relâche les mensonges et l'impunité des oligarques russes sur le site anticorruption qu'il a créé en 2010, Rospil. A ceci près que cette photo est un grossier montage, qu'Alexeï Navalny s'est fait un plaisir de démonter sur son blog : "Ces pratiques finissent par élargir le cercle de ceux qui savent que Poutine et son équipe sont des escrocs et des arnaqueurs."
Alexeï Navalny est la "sensation politique des deux dernières années" en Russie, affirme son biographe, Konstantin Voronkov. Orthodoxe pratiquant, ce nationaliste s'est fait connaître en dénonçant, sur son site, les détournements financiers de la banque VTB, détenue à 85 % par l'Etat, ou de Trasneft, le détenteur du monopole des oléoducs. En décembre 2011, il était au premier rang des défilés contre la fraude électorale aux législatives. "Je suis un hamster du Net et je vais ronger les gorges de ces salauds !" clamait-il. Cette audace lui a valu de passer quinze jours en prison. A sa sortie, il s'est empressé de rejoindre à nouveau les manifestants. "Je suis un petit moustique dont les piqûres font mal", aime-t-il dire.
Sur la vraie photo, Alexeï Navalny ne côtoie pas Boris Berezovski mais Mikhaïl Prokhorov, troisième fortune de Russie et candidat à la présidentielle de mars 2012. Le document a été pris le 25 mai 2011 à la radio Echo de Moscou : Prokhorov et Navalny s'étaient croisés dans un couloir, et un photographe qui passait par là leur avait proposé un portrait. Alexeï Navalny avait accepté à condition, avait-il plaisanté, que la photo donne l'impression qu'il était plus grand que Prokhorov, un gaillard de plus de deux mètres de haut. Plusieurs prises de vue ont été faites, le photographe les a envoyées par mail à Navalny, mais aucune n'a finalement été publiée.
Comment les auteurs du photomontage ont-ils pu retrouver cette image ? En janvier 2011, la boîte mail de l'avocat a été piratée, et sa correspondance privée ainsi que celle de sa femme ont été publiées sur le Net. Quelques mois plus tard, la photo a donc sans doute été volée dans la boîte mail d'Alexeï Navalny. Des pratiques de piratage informatique qui semblent monnaie courante en Russie : lorsque Alexeï Navalny avait lancé un appel aux dons afin de financer son site anticorruption, le FSB (les services de sécurité russes) avait demandé à Yandex Diengui, société qui gère une application de paiement en ligne, de lui fournir les noms et les adresses IP de tous les contributeurs.
Dès que le montage avec Berezovski a été diffusé, Alexeï Iouchtchenko, l'auteur du cliché original, a dénoncé sur son blog la falsification en publiant la vraie photo ainsi que plusieurs autres prises au même moment. Les internautes s'en sont alors donné à coeur joie, inventant des images détournées où Alexeï Navalny figure aux côtés de Staline, Arnold Schwarzenegger, un alien ou Voldemort, le seigneur des ténèbres qui poursuit Harry Potter de sa vindicte. Le tout agrémenté de légendes précisant que M. Navalny "n'a jamais caché que les aliens finançaient sa lutte contre Poutine".
Ces pratiques de photomontage rappellent les heures les plus sombres du stalinisme, une période analysée en profondeur par David King dans son livre The Commissar Vanishes (Canongate Books, Londres, 1997). A l'époque, les retouches permettaient de réécrire l'histoire en magnifiant le rôle de Staline lors des premières années de la révolution. Grâce à ces photomontages, le "Petit Père des peuples" devenait le premier compagnon de Lénine : il s'invitait dans tous les épisodes de la révolution de 1917, y compris le retour d'exil de Lénine à Petrograd.
Le photomontage permettait également de supprimer de l'imagerie officielle du régime les responsables politiques tombés en disgrâce. Les "ennemis du peuple" - Trotski, Boukharine ou Zinoviev - disparaissaient ainsi mystérieusement des photos prises lors du défilé du 1er Mai ou de l'anniversaire de la révolution d'Octobre. Une célèbre photo réalisée en mars 1919, au 8e congrès du Parti communiste, montre Staline seul avec Lénine et Kalinine. Sur le cliché d'origine, vingt personnes les entouraient : onze ont été fusillées, trois se sont suicidées.
L'affaire Navalny illustre une autre pratique du trucage photo, fort répandue : non plus éliminer mais discréditer. Si les montages sont monnaie courante, les supercheries sont cependant vite dévoilées sur le Web, créant un effet boomerang. Ce qu'a bien compris Alexeï Navalny : "Les nouvelles technologies et la société de l'information contemporaine constituent des barrières pour ces approches primitives (de photomontage), a-t-il déclaré au New York Times. Vous publiez quelque chose dans un journal régional, et en une heure c'est sur Internet. Très rapidement, la vraie photo est retrouvée."
Des dizaine de personnes, dont l'écrivain Edouard Limonov, ont été interpellées à Moscou, alors qu'elles tentaient de manifester pour "une nouvelle année sans Poutine".
Le rassemblement, organisé par l'opposant et écrivain controversé Edouard Limonov, avait lieu sur la place Trioumfalnaïa dans le centre de la capitale, autour du slogan "une nouvelle année sans Poutine". L'un d'eux a crié "Liberté" alors qu'il était arrêté par la police. D'autres ont scandé "La Russie sans Poutine". Une banderole, où il était écrit "mort aux occupants du Kremlin", a aussi été brandie. Edouard Limonov a indiqué à la radio Echo de Moscouavoir lui aussi été interpellé.
Un important dispositif policier a été déployé dans l'après-midi pour quadriller les lieux, avec l'envoi notamment d'une trentaine de fourgons cellulaires. La police de Moscou a annoncé qu'elle avait interpellé 60 personnes après avoir établi un cordon autour de la place.
Moscou, le 31 décembre. REUTERS/MIKHAIL VOSKRESENSKY
"L'ÈRE DE LA DISPERSION DES RASSEMBLEMENTS EST FINIE"
Outre le départ de l'homme fort du pays, Vladimir Poutine, le rassemblement avait également pour but de réclamer comme tous les 31 des mois comptant 31 jours l'application de l'article 31 de la Constitution garantissant la liberté de rassemblement.
A Saint-Pétersbourg, deuxième ville du pays, une dizaine de personnes ont été interpellées alors qu'elles essayaient de manifester sur la perspective Nevski, en plein centre. Plusieurs ont scandé "La nouvelle année sans Poutine" ou "Nous avons besoin d'une autre Russie". Selon un des dirigeants de l'opposition, Boris Nemtsov, 200 personnes se sont également rassemblées dans la ville de Nijni Novgorod (ouest de la Russie), mais aucune interpellation n'a eu lieu.
Réagissant à ces interpellations le soir du Nouvel An, l'ex-dissidente soviétique et militante russe Lioudmila Alexeeva a estimé que c'était "honteux et stupide". "Les autorités doivent comprendre que l'ère de la dispersion des rassemblements est finie", a-t-elle ajouté, citée par l'agence Interfax.
Le premier ministre russe a pour sa part estimé samedi qu'il n'y avait "rien d'anormal" à ce que "tout bouillonne" en Russie, ajoutant qu'il s'agissait du "prix à payer pour la démocratie". "Nous sommes au milieu d'un cycle politique, les élections législatives sont terminées et l'élection présidentielle va commencer", a déclaré M. Poutine, qui s'adressait aux Russes pour la nouvelle année, dans un discours retransmis à la télévision.
"Lors de telles périodes, les hommes politiques exploitent toujours les sentiments des citoyens, tout est un peu déstabilisé, tout bouillonne, mais c'est le prix à payer pour la démocratie. Il n'y a rien d'anormal là-dedans", a-t-il ajouté. Dans son discours, le Premier ministre a par ailleurs insisté sur le fait qu'il tenait à s'adresser et à souhaiter la bonne année à tous les Russes, quelles que soient leurs opinions politiques.
Le régime de Vladimir Poutine fait face au plus important mouvement de contestation depuis son arrivée au sommet du pouvoir en 2000, et cela à un peu plus de deux mois de la présidentielle, en mars, à laquelle il est candidat pour un troisième mandat au Kremlin après ceux accomplis entre 2000 et 2008.
Les manifestants du 24 décembre étaient nombreux sur l'avenue Sakharov, mais ils n'ont pas encore trouvé leur leader.Arseny Neskhomodiv/Le Monde
MOSCOU (envoyé spécial) -"29 000" ? Bon nombre de titres de la presse russe s'interrogeaient sur les chiffres officiels de la participation, divulgués par les autorités moscovites, au sortir de la manifestation de l'opposition sur l'avenue Sakharov à Moscou samedi 24 décembre. Des chiffres contestés par l'ensemble des médias, pour qui le nombre de protestataires était nettement plus étoffé.
Certains médias avaient déployé des "observateurs-compteurs" sur place et obtiennent une fourchette allant de 70 000 personnes à plus de 100 000. Le quotidien Kommersant note (lien abonnés) au passage que malgré le succès de la manifestation de Moscou, les rassemblements en province ont été en général moins suivis que lors de la journée de manifestations précédente, le 10 décembre dernier.
UN DISCOURS PLUS RADICAL
Le quotidien Vedomostise réjouit de l'émergence en Russie d'une "démocratie de la rue, civilisée et efficace". Et s'il faut féliciter les nouvelles têtes d'affiche de l'opposition pour être parvenus à canaliser pacifiquement des dizaines de milliers de personnes, il ne faut pas oublier les précurseurs qui ont permis la naissance de cette société civile, comme Lioudmila Alexeïeva, ou encore l'association Memorial, pour laquelle travaillait Natalia Estemirova, assassinée en Tchétchénie en raison de ses activités.
Nombre de journaux retiennent par ailleurs que la manifestation de samedi a été nettement plus sévère à l'égard de Vladimir Poutine, directement interpellé, tandis que la précédente édition était davantage axée sur la dénonciation des fraudes lors des élections législatives en début de mois.
Le discours des orateurs s'est également radicalisé, note la presse qui évoque notamment le discours très suivi du blogueur Alexeï Navalny : "Nous sommes suffisamment nombreux aujourd'hui pour prendre la Maison Blanche (siège du gouvernement) ! Nous ne le ferons pas cette fois-ci, car nous sommes des pacifistes. Mais la prochaine fois, nous serons un million dans la rue !"
UNE OPPOSITION EN DEMI-TEINTE
"Et maintenant ?", interroge le tabloïd MoskovskiïKomsomolets, qui déplore l'absence de volonté de la part des organisateurs de l'opposition de descendre sur le terrain politique et de concocter un programme, préférant plutôt miser sur le caractère citoyen du mouvement.
Pour le quotidien Kommersant, la présence samedi sur la tribune de Alexeï Koudrine, jusqu'à tout récemment ministre des finances de Vladimir Poutine, pourrait donner un début de réponse. Koudrine pourrait-il jouer un rôle d'intermédiaire entre les opposants et le régime ? L'ancien ministre, que Vladimir Poutine présentait encore tout récemment comme "un ami", a exhorté samedi sur scène le pouvoir à réformer le système électoral avant le scrutin présidentiel pour ne pas "perdre la chance d'un changement pacifique".
Le rôle de Koudrine est également évoqué par l'expert Alexeï Makarkine, à qui le quotidien Nezavissimaïa Gazetadonne la parole. Selon lui, la solution idéale serait une table-ronde entre le pouvoir et l'opposition, avec l'ancien ministre comme modérateur entre les deux parties – un scénario qui semble pour l'heure loin d'être réalisable. Quant à un "serrage de vis" de la part du pouvoir, l'expert n'y croit que peu : Vladimir Poutine n'en a pas les moyens, le régime n'y est pas prêt, pas plus que la société russe ne pourrait l'accepter.
LE PAYS EST QUASIMENT À L'ARRÊT JUSQU'AU 7 JANVIER
Mais avant toute éventuelle suite de ce mouvement de protestation spontané, ce premier chapitre s'arrêtera forcément d'ici quelques jours, à l'occasion des grandes fêtes du Noël orthodoxe, le 7 janvier. Du 1er au 11 janvier, le pays est quasiment à l'arrêt, les journaux ne paraissent plus, les transports sont au ralenti et les Russes, à la datcha ou en vacances au soleil à l'étranger.
Les organisateurs ont d'ailleurs donné rendez-vous fin janvier ou début février pour de nouvelles manifestations. Juste à temps pour la nouvelle campagne électorale, présidentielle celle-là, qui devrait marquer le 4 mars prochain le retour de l'actuel premier ministre Vladimir Poutine au Kremlin.
>> Découvrez qui sont ces manifestants en images, dans notre portfolio.
Les Russes manifestent en nombre ce samedi contre la fraude aux élections législatives du week-end dernier. Des rassemblements organisés via Internet.
Des Russes manifestent contre les fraudes électorales à Krasnoyarsk, en Sibérie, le 10 décembre 2011 (Ilya Naymushin/Reuters)
C'est présenté comme la plus importante manifestation de protestation en Russie depuis vingt ans : des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées ce samedi à Moscou, et dans des dizaines d'autres villes du pays, pour protester contre la fraude dans les élections législatives du week-end dernier, et contre la violente répression qui a suivi le scrutin contesté.
Quelque 50 000 policiers et forces anti-émeutes ont été mobilisés dans la capitale russe contre ce rassemblement autorisé pour un maximum de 30 000 manifestants. Pour le correspondant de la BBC, Moscou avait ces derniers jours « l'allure d'un Etat policier plutôt que d'une démocratie »...
Les slogans des manifestants réclamaient « rendez-vous les élections », ou s'en prenaient plus rarement directement à Poutine, qualfiié de « voleur ».
Le déroulement de ces événements donne à la Russie un air de « révolution arabe », avec une mobilisation via les réseaux sociaux, le rôle des blogueurs, et une information citoyenne parallèle dans un climat de propagande officielle et d'intimidation qui sont la marque de fabrique du « système Poutine ».
La mobilisation sur le Web a permis la centralisation des informations sur des cas de fraudes électorales, dans le scrutin de dimanche dernier remporté, avec un score plus réduit (un peu moins de 50%, 15 points de moins qu'en 2007), par Russie unie, le parti au pouvoir, prélude au retour de Vladimir Poutine à la présidence l'an prochain.
Russie unie contrôle néanmoins 238 sièges sur 450 à la Douma, le parlement russe.
Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont confirmé, eux aussi, les fraudes :
« La qualité du processus électoral s'est considérablement détériorée pendant le décompte des voix, lequel s'est caractérisé par de fréquentes violations de procédure et d'apparentes manipulations, dont plusieurs bourrages d'urnes rapportés ».
Cette carte, en russe, montre les cas de fraude relevés par les réseaux citoyens, dans toutes les villes de Russie.
Carte des fraudes électorales recensées par la société civile russe (kartarusheniy.ru)
La protestation prend, elle aussi, ses racines sur le Web. Avec la personnalité emblématique d'Aleksei Navalny, blogueur condamné en début de semaine à quinze jours d'emprisonnement pour outrage à policier.
A 35 ans, Aleksei Navalny n'était guère connu en dehors du petit cercle de la blogosphère « dissidente » russe.
Aujourd'hui, il est devenu le symbole de la résistance à Vladimir Poutine et à Dmitri Medvedev, l'actuel Président, surtout après que ce dernier l'a traité d'« enculé » sur son compte Twitter avant d'affirmer qu'il avait été « piraté ».
Sur le Web, la journée de protestation de samedi a été soigneusement préparée. Selon notre partenaire Global Voices Online, dès le 8 décembre, MitingMap a créé une carte des protestations dans les différentes villes russes. Le journal Novaya Gazeta (le journal pour lequel travaillait la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa) a compilé une liste de toutes les manifestations prévues.
Carte des manifestations prévues ce samedi en Russie (Yandex)
Pressions sur le réseau social Vkontakte
Sur les réseaux sociaux, des groupes ont été créés dans presque toutes les grandes villes et sont vus par le pouvoir comme une menace. Le 8 décembre, un blogueur sur LiveJournal, Edvvvard, écrivait que d'étranges choses commençaient à se produire sur son groupe sur le réseau social russe Vkontakte nommé Rospil (dédié au soutien du projet très méritant Rospil.info du blogueur Alexey Navalny contre la corruption).
Il pensait au début qu'il s'agissait de la politique interne de Vkontakte pour éviter que les contestataires communiquent entre eux. Toutefois, il a reçu un message de Pavel Durov, le fondateur du réseau social, disant que le groupe avait atteint la limite quotidienne de commentaires et qu'il essayait de trouver une solution.
Plus tard, Durov a ajouté :
« Tout va bien. Il y a peu de temps le service de sécurité fédéral (FSB [ex-KGB]) nous a demandé de fermer les groupes d'opposants comme le vôtre. Par principe, on ne fait pas ça. Nous ne savons pas encore comment ça va se terminer pour nous, mais nous resterons sur notre position. »
Edvvvard écrit donc que Durov a choisi son camp dans le conflit post-électoral et que c'est celui des blogueurs.
Quelques heures plus tard, le site de news Lenta.ru a sorti l'info selon laquelle la police avait proposé d'abolir l'anonymat en ligne, dans la mesure où les réseaux sociaux « représentaient une menace possible pour le socle social ». Par la suite, le ministre Nurgaliev a dénoncé cette proposition, la considérant « absurde ».
Jusqu'à maintenant, cependant, aucun des groupes n'a été fermé ou interdit.
Poutine succède à... Poutine
Cette poussée de fièvre vient perturber le scénario bien huilé de la mainmise sur le pouvoir par Vladimir Poutine, qui rège en maître sur la Russie depuis déjà douze ans. Celui-ci avait confié les « clés » du pouvoir à Dmitri Medvedev lorsqu'il n'a pas pu se représenter pour des raisons constitutionnelles, devenant alors son Premier ministre.
Ce « purgatoire » touche à sa fin avec l'élection présidentielle prévue l'an prochain, et la désignation en septembre de Poutine comme candidat officiel par Medvedev, en qui certains opposants avaient pu mettre quelque espoir de changement, mais qui s'est finalement révélé comme le « faux nez » de Poutine.
Avec une opposition durement réprimée, une presse largement aux ordres, la blogosphère est restée le seul espace de contestation, malgré les pressions. Aujourd'hui, c'est dans la rue que l'autoritarisme trouve une opposition. Un scénario imprévu, même si Poutine tente de le faire passer pour une tentative de destabilisation manipulée par les Américains. La foule sans précédent de ce samedi montre que ce discours trouve ses limites.
Anne Dastakian - Marianne | Samedi 10 Décembre 2011 à 18:01
Plusieurs dizaines de milliers de citoyens russes ont manifesté ce samedi après-midi dans 90 villes de Russie pour exprimer leur exaspération face au pouvoir en place. Alors que les observateurs étaient inquiets de la réaction du pouvoir à l'annonce de ces manifestations, ces dernières se sont finalement déroulées sans incidents majeurs
Impressionnées par les dizaines de milliers de leurs concitoyens, prêts à braver la représsion policière pour manifester leur indignation face aux fraudes massives relevées lors des législatives du 4 décembre dernier, les autorités russes ont décidé de faire profil bas. Sous haute présence policière, certes, mais sans la violence et les centaines d’arrestations enregistrées depuis l’élection, quelques cent milliers de Russes se sont rassemblés pacifiquement, samedi, de Kaliningrad à Vladivostok, dans 90 villes de Russie, par une température moscovite de 0 degrés. Même le désormais célèbre en France écrivain Eduard Limonov, chef du parti national-bolchévique, n’est pas parvenu à faire sortir la maréchausée de ses gonds : il a pu, en toute impunité, manifester avec quelques dizaines de partisans, sans autorisation, au pied de la statue de Karl Marx sur la place de la Révolution ! Face à tant d’indifférence, il a fini par rejoindre le meeting autorisé. La police, comme il se doit, a cherché à minimiser le mouvement : à l’en croire, seuls 20.000 opposants se sont réunis sur la Place Bolotnaïa à Moscou, un chiffre que les organisateurs estiment plus réalistement à 80.000 -- la foule débordant largement la place sur les ponts enjambant la Moskova, et les quais adjacents. Il faut dire que les autorités moscovites n’avaient autorisé que 30.000 participants…
Idem à St Petersbourg, où la police concède 10.000 participants, contre les 20.000 clâmés par l’opposition. Arborant moultes drapeaux bigarrés –allant de l’extrême-gauche aux ultras-libéraux, en passant par les nationalistes-, les manifestants, dont beaucoup participaient à une telle protestation pour la première fois, ont écouté et acclamé des figures connues de l’opposition. Flottant au dessus de la foule, les banderoles clamaient « Rendons au pays les élections ! », « Exigeons un nouveau comptage des voix ! », « La Russie sans Poutine ! », etc.. A l’issue du meeting moscovite, une résolution en cinq points a été adoptée : elle réclame l’annulation de l’élection et l’organisation d’un nouveau scrutin, la libération des prisonniers politiques, une enquête sur tous les cas de fraude signalés ainsi que le limogeage du président de la Commission centrale électorale Vladimir Tchourov. Celui-là même qui, la veille, a entériné le résultat de l’élection que tous les observateurs indépendants –OSCE y compris- ont qualifié de « lourdement falsifiées ». Ainsi Dmitri Orechkine, du site nabludatel.org (observateur.org) estime le taux de fraude à au moins 20%, n’accordant à Russie Unie pas plus de 25% des voix, au lieu des 49,5% officiellement receuillis. « Il est impossible, à l’heure actuelle, de savoir l’étendue réelle de la fraude », analyse Grigory Melkoniantz, vice-président de l’ONG Golos (la voix) spécialiste du contrôle de la régularité des élections. «Les autorité ont fraudé si insolemment et ouvertement que les gens ne l’ont pas supporté», soupire le jeune homme, qui promet que «chaque fraude relevée fera l’objet d’une plainte ». A l’évidence, un vent d’exaspération souffle sur la Russie..
Le nouvel observateur - Publié le 05-12-11 à 06:50 Modifié à 23:05
Les observateurs de l'OSCE ont affirmé lundi avoir constaté des "violations" dont du "bourrage d'urne" lors des législatives en Russie qui ont accordé la veille la majorité absolue à la chambre basse du Parlement au parti de Vladimir Poutine, même s'il est en net recul. (c) Afp
Plus de 300 opposants, dont le blogueur dénonçant la corruption Alexeï Navalni, ont été interpellés lundi à Moscou, au moment où ils tentaient d'organiser une marche de protestation contre le déroulement des législatives, marquées, selon l'OSCE, par des infractions.
"Plus de 300 personnes ont été interpellées, parmi lesquelles (Ilia) Iachine (cofondateur du mouvement d'opposition Solidarité, ndlr) et (Alexeï) Navalni, qui ont activement appelé à désobéir à la police", a annoncé le service de presse de la police de la capitale russe, cité par l'agence de presse RIA Novosti.
Plusieurs journalistes ont également été interpellés, mais ils ont été rapidement relâchés, a précisé RIA Novosti.
Près de 5.000 personnes s'étaient rassemblées sous une pluie battante dans le centre-ville en fin d'après-midi pour dénoncer la manière dont ont eu lieu les élections, scandant "Russie sans Poutine !". La police a quant à elle fait état de 2.000 manifestants, d'après l'agence de presse Interfax.
La plupart, des jeunes, ont répondu aux appels lancés sur les réseaux sociaux.
Il s'agit d'une mobilisation d'opposants d'une rare envergure dans le pays, où les législatives de dimanche ont vu la victoire du parti du Premier ministre Vladimir Poutine, Russie unie, sur fond de multiples accusations de fraudes.
Après ce rassemblement, des centaines de militants ont tenté de marcher vers la commission électorale centrale.
Mais la police a bloqué l'accès à plusieurs rues, et procédé à des interpellations, notamment sur la place Loubianka, où siège le FSB (service fédéral de sécurité, ex-KGB) et qui est située non loin des locaux de la commission électorale.
A Saint-Pétersbourg, une centaine de personnes ont aussi été interpellées lundi soir au cours d'un rassemblement non-autorisé contre les élections, selon la police locale.
Plus tôt dans la journée, la mission d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait affirmé avoir constaté des "violations" de la procédure de comptage des voix pendant les législatives, évoquant en particulier de "sérieuses indications de bourrage des urnes".
Comme en 2007, elle a constaté que "la concurrence politique (avait été) limitée et inéquitable" au cours de la campagne électorale et a souligné "le manque d'indépendance" des autorités électorales, des médias et la trop grande proximité de l'Etat et de Russie unie, le parti au pouvoir.
Après la publication des conclusions de l'OSCE, les Etats-Unis ont déclaré être "très préoccupés".
La France avait peu avant demandé que "toute la lumière soit faite" sur les infractions constatées et le gouvernement allemand s'était dit pour sa part "très inquiet".
Le Parti communiste, arrivé en deuxième position avec un peu moins de 20% des suffrages, a dit préparer "une plainte auprès de la Cour suprême de Russie" et plusieurs autres auprès de tribunaux régionaux après avoir constaté des infractions dans 1.600 bureaux de vote.
Le président russe, Dmitri Medvedev, a rejeté ces critiques, jugeant que le vote avait été démocratique.
"Les élections ont été honnêtes, équitables et démocratiques", a-t-il déclaré, selon Interfax.
A l'échelle nationale, le parti au pouvoir remporte 49,35% des voix, un niveau toujours très élevé, mais qui représente une baisse d'environ 15 points par rapport à 2007 (64,3%).
Néanmoins, en vertu d'un système complexe de répartition des sièges à la Douma (chambre basse du Parlement) lié au mode de scrutin, 238 sièges sur 450 reviennent à Russie Unie, soit 12 sièges de plus que la majorité absolue.
Il n'aura donc besoin d'aucun soutien pour former le gouvernement, même s'il perd 77 députés et sa majorité des deux tiers.
Le Parti communiste aura 92 députés, Russie juste (centre-gauche) 64 et le parti libéral-démocrate (nationaliste) 56 sièges.
La presse russe notait lundi que ce score était peu reluisant pour la formation de Vladimir Poutine, qui a annoncé qu'il serait candidat à la présidentielle de mars 2012, estimant que l'appareil administratif avait été mis au service du régime, qu'il avait organisé des fraudes en sa faveur et qu'il était à l'origine de pressions sur des ONG et des médias indépendants.
Le quotidien Vedomosti a en particulier relevé les cyber-attaques qui ont paralysé les sites de l'ONG Golos, spécialisée dans la surveillance des scrutins et par ailleurs dans le collimateur de la justice, et de médias indépendants comme le journal Kommersant et la radio Echo de Moscou.
Plusieurs d'entre eux (kommersant.ru, golos.ru et slon.ru notamment) ne fonctionnaient d'ailleurs toujours pas lundi soir.
Publié le 04-12-11 à 08:52 Modifié à 13:56 par Le Nouvel Observateur avec AFP3 réactions
Le jour des élections, des sites notamment consacrés à la fraude électorale sont inaccessibles depuis le début de matinée.
Des blogueurs russes s'étaient déjà dits samedi victimes d'une cyber-attaque contre la plate-forme LiveJournal, un des principaux sites hébergeant des blogs. (Alexander Zemlianichenko - Sipa)
Au moins cinq sites internet indépendants russes étaient inaccessibles dans la matinée de dimanche 4 décembre, jour des élections législatives en Russie, a-t-on constaté après que la radio Echo de Moscou a dénoncé une cyber-attaque.
Outre Echo de Moscou, les sites du quotidien Kommersant, de l'hebdomadaire New Times, de l'ONG Golos qui recense les fraudes électorales ainsi que son site interactif La carte des fraudes étaient inaccessibles.
"Une série de sites d'informations ont été victimes de cyberattaques le jour des élections législatives", a observé l'agence Itar-Tass dans une dépêche.
Gêner la publication d'informations sur les fraudes
Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou a annoncé sur son compte Twitter que le site de la radio était victime d'une attaque par déni de service (DDoS) "depuis 6h40".
"L'attaque sur le site le jour des élections est clairement une tentative de gêner la publication d'informations sur les fraudes", a ajouté le rédacteur en chef de la radio, contrôlée par le géant gazier Gazprom mais restée jusqu'à présent la principale station russe à offrir des informations indépendantes.
Il a indiqué à l'agence Interfax que la radio allait adresser une plainte au Parquet et à la Commission électorale centrale.
"Nous préparons une plainte au Parquet général et à la Commission électorale centrale de Russie", a-t-il dit.
Doute sur la légitimité des élections
"Par ailleurs, nous attirons l'attention sur le fait que l'attaque sur notre site peut mettre encore plus en doute la légitimité des élections", a-t-il poursuivi.
Des blogueurs russes s'étaient déjà dits samedi victimes d'une cyber-attaque contre la plate-forme LiveJournal, un des principaux sites hébergeant des blogs.
Par ailleurs, le rédacteur en chef du principal site d'informations en ligne Gazeta.ru, Mikhaïl Kotov, a été convoqué pour dimanche par le service fédéral des médias (Roskomnadzor), a-t-il déclaré à l'agence Interfax.
Un de ses adjoints avait démissionné jeudi dénonçant des pressions "sans précédent" exercées sur le site à l'approche des élections.
Gazeta.ru était accessible dimanche matin sur l'internet.