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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 13:16

 

Publiée le  1 juin 2012 par 2frogsdanslouest

 

 

MONTAGE & NARRATION
Dany Papineau http://www.2frogs.ca

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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 13:08

 

ledevoir.com 

  Claude Lafleur   2 juin 2012  Québec
Des centaines de juristes ont pris la rue lundi dernier pour dénoncer la loi 78.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Des centaines de juristes ont pris la rue lundi dernier pour dénoncer la loi 78.
Lundi soir dernier, de 700 à 800 juristes ont défié l’imaginaire en défilant en toge et en silence dans les rues du centre-ville, s’élevant contre l’abus de pouvoir que représente selon eux la loi 78. « C’est un moment que je n’oublierai jamais et je sais que la plupart de mes confrères et consoeurs qui étaient là ne l’oublieront pas non plus », déclare Me Rémi Bourget, l’un des organisateurs de la marche. « Et quelle semaine ce fut ensuite ! », ajoute-t-il en riant.

Les organisateurs voulant conférer un caractère solennel à leur protestation, ils avaient décidé de marcher en silence. « Ce qui n’a pas été facile, de révéler Me Bourget, puisque les gens dans les rues nous applaudissaient et voulaient nous parler. Mais nous sommes demeurés silencieux… jusqu’à ce qu’on arrive à la place Émilie-Gamelin. Là, on a été accueillis par un tonnerre d’applaudissements et tout un tintamarre, dans une ambiance électrisante ! »


La marche avait deux objectifs : faire part des inquiétudes des juristes quant au contenu de la loi 78, « qui, selon nous, brime les libertés fondamentales », ainsi que faire valoir « notre désarroi » devant une perte de confiance prévisible de la part des citoyens à l’endroit de nos institutions.


Dès le départ, Me Bourget était très conscient des risques que prenaient maints juristes en menant une telle dénonciation publique. « Je dirais que les craintes que certains entretenaient se sont concrétisées », dit-il.


« Il n’y a pas de conséquences pour moi puisque je suis avocat en pratique privée, précise-t-il. Par contre, mon confrère François Desroches, avocat à la SAAQ, a été directement visé par les commentaires du ministre Moreau. Puisqu’il y a une enquête administrative en cours, par respect pour François, je ne veux pas commenter sa situation, mais disons que ça vient simplement démontrer tout le courage que ça prenait pour certains avocats de descendre dans la rue ! »


Rémi Bourget insiste sur le fait que notre système de justice se fonde sur la primauté du droit. Il est par conséquent essentiel pour les juristes de montrer que la loi 78 doit être respectée, tout en demandant qu’elle soit déclarée inconstitutionnelle. « Notre marche est peut-être la seule manifestation à avoir été à 100 % légale depuis l’adoption de la loi 78, lance l’avocat. Nous avons respecté l’itinéraire qu’on avait fourni huit heures d’avance à la police. C’était fondamental pour nous. »


Au Québec, on a la chance d’avoir une constitution basée sur la primauté du droit, insiste-t-il. « Donc, lorsqu’il y a des lois qui contiennent des abus de pouvoir, on peut les faire déclarer inconstitutionnelles. Mais la façon de faire, c’est devant les tribunaux - et non en les bafouant dans la rue. Avec notre marche, nous avons respecté la loi, tout en la contestant. »


Cette marche silencieuse par des centaines de juristes a fait sensation à travers le monde. « J’ai été contacté par différents groupes, notamment par des défenseurs des droits civils dans d’autres pays, raconte Me Bourget. Ils ont demandé à nous rencontrer… On verra ce que cela peut donner, mais disons que notre démarche a eu des échos à travers le monde », conclut-il avec satisfaction.

 

 

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 14:41

 

voixdefaits.blogspot.fr

vendredi 1 juin 2012

#manifencours / Québec / 31 mai 2012

 

 

 

Marche de santé illégale contre la hausse et la loi 78

Publiée le 31 mai 2012 par Voixdefaits - Vidéo Phébus sur un fond musical de Keny Arkana

 

 

                                                                        ************************************

 

 

 
au Québec, des milliers de personnes armées de casseroles ont manifesté ce jeudi soir à Montréal, après l'échec des négociations entre le gouvernement et les responsables étudiants sur la hausse des frais de scolarité. Sur BFMTV Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, nous explique la situation.
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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 14:34

 

 

Manifestation d'étudiants hier à Montréal

 

  - le 1 Juin 2012


 

Dans les rues de Montréal, plusieurs milliers de personnes armées de casseroles ont manifesté jeudi soir suite à un nouvel échec des négociations entre les responsables étudiants et la ministre de l’Education Michelle Courchesne, en désaccord sur la hausse des frais de scolarité.

 Jugeant insuffisant l’assouplissement de la hausse proposé par le gouvernement, une remise de 35 dollars par an sur les 1778 dollars d’augmentation, près de 10 000 protestataires au total se sont rejoints en centre ville dans une manifestation qui a été déclarée illégale par la police, son trajet n’ayant pas été communiqué au préalable. Deux autres manifestations ont rejoint le cortège principal, et des groupes de marcheurs ont également été recensés dans les quartiers périphériques.

Des manifestants calmes mais déterminés

 La manifestation s’est déroulée dans le calme, malgré la colère des protestataires. Une intervenante communautaire, Madeleine Delisle, explique: « Nous voulons la justice et la gratuité scolaire pour tous. Je suis complètement désabusée par ce gouvernement, je n’y crois plus, il ne veut pas céder sur l’augmentation des frais pour ne pas perdre la face devant l’électorat, c’est une honte ». Deux arrestations ont tout de même eut lieu et la vitrine d’une institution bancaire aurait été brisée.

 

La manifestation du 22 mai marquant les 100 jours de grève à Montréal


D’autres manifestations ont eu lieu à Québec, lieu des négociations entre étudiants et gouvernement, dans un climat plus électrique. Le journaliste du Journal de Québec Jean François Racine, brutalisé par la police, indique avoir été témoin de plusieurs arrestations, bien qu’il n’y ait pour l’instant pas de bilan officiel de la police de la ville.

Alors que le Premier ministre québécois a lancé un « appel au calme », Gabriel Nadeau Dubois, porte-parole du syndicat étudiant la Classe, a appelé à une grande manifestation samedi à Montréal. La dernière offre du gouvernement est selon lui « insultante, après 16 semaines de grève ».

Manifestation de soutien à Paris ce vendredi soir. Dès 19h, le collectif Sodé-Québec invite les franciliens à participer au premier « Concert de casseroles » organisé à Paris sur le Parvis des droits de l’homme, Place du Trocadéro, en soutien aux Québécois en lutte pour la préservation de l'accès aux études supérieures et la défense du droit de manifester librement.

  • A lire aussi:

Québec: concerts de casseroles pour défendre la liberté de manifester

Printemps érable: la grève est étudiante, la lutte est populaire

Florence Delavaud

 

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 14:27

 

Le Monde.fr avec AFP | 01.06.2012 à 07h59 • Mis à jour le 01.06.2012 à 07h59

 

 


La manifestation principale du centre-ville, regroupant près de 2 000 personnes, a dès le départ été déclarée illégale par la police car son trajet n'a pas été communiqué à l'avance.

 

Plusieurs milliers de personnes armées de casseroles ont manifesté jeudi soir 31 mai dans les rues de Montréal, de façon calme mais déterminée, peu après l'échec des négociations entre le gouvernement québécois et les responsables étudiants sur la hausse des frais de scolarité.

Les négociations dites "de la dernière chance" ont échoué jeudi au quatrième jour des pourparlers, ce qui risque d'aggraver la crise sociale dans la province francophone. "Il y a une suspension des négociations", a précisé le premier ministre libéral Jean Charest, un peu plus d'une heure après l'annonce de "l'impasse" par sa ministre de l'éducation, Michelle Courchesne.  "Evidemment, nous sommes déçus. J'aurais de loin préféré que nous puissions en venir à une entente mais malheureusement, et malgré le fait que les discussions ont été somme toute, je dirais, assez constructives, il y a un important fossé qui sépare toujours le gouvernement et les représentants des associations étudiantes", a déclaré le premier ministre.

 

"RAISONS POLITIQUES"

Ces négociations avaient débuté lundi et visaient à trouver une sortie du conflit sur les frais de scolarité qui dure depuis le 13 février. Auparavant, les dirigeants étudiants ont affirmé que le gouvernement avait rompu les pourparlers pour des raisons politiques, "partisanes" et pour protéger "son ego". Le gouvernement a indiqué que "pour des raisons politiques, de communication publique, (il) ne peut plus écouter nos demandes", a déclaré le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin.

Il a souligné que les propositions de la partie étudiante contenaient des solutions "qui ne coûtent rien au gouvernement ni aux contribuables".
"Mais, pour des raisons politiques, le gouvernement ne pouvait pas accéder à nos demandes", a répété le dirigeant étudiant, en soulignant que ces demandes étaient présentées dans le cadre de paramètres fixés par le gouvernement. Le porte-parole de la Classe, Gabriel Nadeau-Dubois, a d'ores et déjà appelé à une grande manifestation samedi à Montréal, pendant que le premier ministre lançait de son côté un appel au calme, répétant qu'au final, son parti, au pouvoir depuis neuf ans, devra se soumettre au verdict des urnes "d'ici dix-huit mois".

 

"INSUFFISANT"

Pour la première fois depuis le début du conflit il y a près de quatre mois, le gouvernement avait proposé mardi de réduire la hausse des frais de scolarité de 35 dollars par an, soit une petite somme par rapport aux 1 778 dollars de hausse prévue au total. Jugeant "insuffisant" cet assouplissement de la hausse, les étudiants avaient soumis mardi soir une contre-proposition au gouvernement qui l'a rejetée, jugeant qu'elle n'était pas acceptable. La dernière offre du gouvernement ramenait plutôt la hausse à 1 624 dollars, "ce qui est insultant, après seize semaines de grève", a accusé Gabriel Nadeau-Dubois.

Les étudiants "refusent d'assumer toute hausse des frais de scolarité", a répliqué la ministre Courchesne. Elle a également affirmé que la Classe avait menacé de perturber la présentation du Grand Prix de F1 de Montréal, le 10 juin.

A Québec, lieu des négociations entre étudiants et gouvernement, les manifestations se sont déroulées jeudi soir dans un climat plus tendu qu'à Montréal. Un journaliste du Journal de Québec, Jean-François Racine, ayant reçu deux coups de matraque de la police qui chargeait des manifestants, a indiqué avoir été témoin de "plusieurs arrestations" mais il n'y a pas encore de bilan officiel de la police de la ville.

 

 

 

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 14:21


courrierinternational.com - 01.06.2012 | Marc Cassivi | La Presse

 

 

La décision du gouvernement Charest de quitter la table des négociations, le 31 mai, a fait redoubler le tintamarre dans les rues québécoises. Alors que la contestation continue de gronder, de plus en plus de musiciens, cinéastes et artistes en tous genres s'inspirent de ce qui se trame dans la rue et y contribuent en ajoutant leur note au "concert de casseroles".

 
Capture d'écran issue du clip de la chanson "The Sound Your Life Makes" de l'auteur-compositeur montréalais Jason Bajada.

Capture d'écran issue du clip de la chanson "The Sound Your Life Makes" de l'auteur-compositeur montréalais Jason Bajada.

 

Tous les soirs, à 20 heures, je l'entends de mon salon, la fanfare de fortune.

On dit de quelqu'un qui chante comme une casserole qu'il chante faux, comme le bruit sans harmonie de ceux qui tapent sur des casseroles. Cette fanfare de fortune, ce chahut métallique, est ce que j'ai entendu de plus harmonieux depuis le début de cette grève des étudiants.

J'en suis à rêver que ces casseroles, que le symbole de leur tintamarre, celui de l'indignation, que la résonance de cette désobéissance civile par batteries de cuisine interposées, contribue à la résolution du conflit. Fleur bleue ? Je plaide coupable.

Elle est belle, la musique des casseroles. C'est la musique émouvante d'un peuple digne et fier, qui refuse de se faire imposer l'injustifiable. Qui, face au mépris et à l'injustice, refuse de se taire. Et qui répond bruyamment, d'un même rythme, par esprit de corps, en canalisant sa colère. Générations unies, qui prennent la rue, en souriant, coude à coude, solidaires.

Elle est belle, la musique des casseroles comme appui rythmique à une vidéo magnifique, réalisée par Jérémie Battaglia, en ligne depuis quelques jours, à l'appui d'une chanson du groupe Avec pas d'casque (Intuition #1). "Tu diras que c'est l'instinct qui t'a mené jusqu'ici", chante Stéphane Lafleur, sur des images monochromes de manifestants défilant, casseroles à la main, dans les rues de Montréal.

Elle est belle, la musique des casseroles jouant le même rôle dans une vidéo de l'auteur-compositeur montréalais Jason Bajada, The Sound Your Life Makes, en ligne aussi depuis quelques jours. "Jamais je n'ai vu Montréal aussi belle", écrit-il sur son site web. Moi non plus.

 


Ils sont nombreux, musiciens, cinéastes, bédéistes, gens de théâtre, artistes en tous genres, à être inspirés ces jours-ci par ce qui se trame dans la rue. A embrasser la résistance pacifique. A y contribuer. En ajoutant des notes au concert de casseroles.

Ariane Moffatt a donné le ton avec sa nouvelle version de Jeudi 17 mai, lecture poignante des manchettes du jour. Une chanson comme un manifeste: "Je n'invente rien/c'est Jean Charest qui parle/ce 17 mai au matin/je m'oppose à cette loi spéciale".


 
Urbain Desbois a transformé la chanson Madame Bertrand de Robert Charlebois en Madame Beauchamp [la ministre de l'éducation qui a démissionné le 14 mai] . "Mme Beauchamp, tout le monde a le droit se tromper/Et de faire des choses qu'on pourrait regretter", chante ce père d'une étudiante de 22 ans dans une vidéo rappelant Subterranean Homesick Blues de Bob Dylan.

Il y a une semaine, Damien Robitaille a mis en ligne Casseroles, une chanson folk engagée et humoristique qui commence et se termine, elle aussi, par le grondement des casseroles. "Si vous en avez ras-le-bol, tapez sur vos casseroles/Et si vous en avez marre, c'est l'heure du tintamarre/Nous ne sommes pas des casseurs, on fait juste un cri du cœur/Répondez à l'appel, sortez avec votre vaisselle!" Mais attention au téflon, ajoute en clin d'œil l'auteur-compositeur franco-ontarien...

Cette semaine, dans un registre semblable, François Parenteau et Gaëtan Troutet ont lancé Anarchopanda, tu marches avec nous, pastiche d'une chanson pour enfants doublé d'une ode au militantisme du désormais célèbre prof de philo costumé
, présent dans bien des manifestations. "Anarchopanda/Contre la tyrannie, tu marches avec nous/Si tout le monde voit que c'est nous les gentils/C'est un peu grâce à toi et tes bisous".

"Anarchopanda, ton appui indéfectible et courageux à la cause des étudiants et de la justice sociale au Québec méritait amplement d'avoir une chanson thème, écrit François Parenteau sur la page Soundcloud de cette pièce sans prétention. Alors voilà mon humble cadeau à toi (avec un gros merci à l'ami Gaëtan Troutet pour sa généreuse contribution musicale et technique), un petit câlin musical. Et lâche pas!"

Hier, les artistes montréalais Navet Confit et Géraldine ont à leur tour fait paraître Dans un coffre de Charest, chanson électro inspirée par un slogan entendu durant les manifestations (et répété comme un mantra). En prenant toutefois quelques précautions. "Nous tenons à spécifier que ceci n'est pas un appel à la violence, écrivent-ils. C'est un appel à la réflexion, à la discussion et à votre sens de l'humour".

 
Tiens, un peu comme une autre chanson, plus ancienne celle-ci, de Loco Locass [Libérez-nous des libéraux]. Que je fredonne spontanément depuis quelques jours et dont on se souviendra, je l'espère, le jour des élections...
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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 16:59
rfi.fr -  La Revue de Presse des Amériques - 
Article publié le : jeudi 31 mai 2012 - Dernière modification le : jeudi 31 mai 2012

A la Une : Québec, le printemps d’érable ne faiblit pas

Par Anne Corpet

Manifestation des étudiants dans les rues de Montréal contre les hausses des frais de scolarité, le 24 mai 2012.
REUTERS/Olivier Jean

Au Québec, les négociations en cours entre le gouvernement et les associations étudiantes - qui protestent contre la hausse annoncée des frais de scolarité - n’ont toujours pas abouti. Les deux parties doivent se retrouver ce jeudi à la table des négociations. La pression de la rue reste forte : mercredi soir, comme chaque soir depuis près de deux semaines, les Québécois sont sortis dans les rues et ont tapé sur des casseroles pour exprimer leur ras-le-bol face à un gouvernement qui a accumulé les maladresses dans sa gestion de la crise. Des concerts de casseroles ont même eu lieu pour la première fois dans les provinces anglophones du Canada. Le mouvement initialement étudiant s’est transformé en crise de grande ampleur.

Il a fallu plus de trois mois de grève dans les universités et des manifestations monstres dans les rues de Montréal et de Québec pour qu’en début de semaine, le gouvernement de Jean Charest consente finalement à négocier avec les associations étudiantes.

 

Charest face à une jeunesse solidaire et mobilisée

Fort de sa majorité, le gouvernement québécois souhaitait initialement passer en force et avait refusé toute discussion avec les étudiants lorsque la hausse de 75 % des frais de scolarité avait été annoncée. Première erreur : Jean Charest a totalement sous-estimé la capacité de mobilisation d'une jeunesse jusque-là considérée comme apolitique et individualiste. « Le gouvernement ne comprend pas du tout les étudiants d’aujourd’hui » constate Jacques Hamel, professeur de sociologie à l’université de Montréal. « Leur solidarité se forme par le truchement des réseaux sociaux, de manière redoutablement efficace. Leur capacité de mobilisation et leur ténacité ont pris par surprise les pouvoirs en place ». Madeleine Gauthier, qui travaille depuis plus de trente ans sur les jeunes au Québec confirme : « J’appelle cette génération celle des négociateurs-nés. Depuis leur plus tendre enfance, ils ont appris à discuter avec leurs parents. Le gouvernement a fait une erreur de taille en qualifiant d’entêtement leur volonté de faire simplement entendre leur point de vue ».

Le vote d'une loi spéciale a mis le feu aux poudres

Pour mettre un terme aux manifestations étudiantes, dont certaines aboutissaient à quelques débordements, le gouvernement a fait voter une loi spéciale il y a deux semaines. Cette loi 78, appelée « loi matraque » par ses détracteurs, restreint le droit à manifester et a été perçue comme une atteinte à leurs droits fondamentaux par de nombreux québécois. Au lieu d'apaiser la situation, elle a considérablement élargi le flot des manifestants, amenant dans la rue aux côtés des étudiants des Québécois de toutes les générations. Déclarées illégales du fait de la loi 78, ces manifestations ont abouti à de nombreuses arrestations, ce qui n’a fait que décupler la mobilisation contre le texte. La loi 78 est aujourd'hui contestée devant la justice. « Ce texte est contraire aux chartes des droits fondamentaux du Québec et du Canada qui garantissent la liberté d’expression et d’association. Il a suscité la colère de toute la population », assure l'avocat Félix-Antoine Michaud qui a déposé deux recours devant la cour supérieure du Québec. Et il développe : « Les syndicats, les associations de défense des droits civiques, de défense de l’environnement se sont jointes aux associations étudiantes pour demander l’abrogation de la loi. En tout, 140 organisations se sont jointes aux requêtes en annulation. C’est du jamais vu au Québec ! ».

 

Derrière la question des frais de scolarité, la dénonciation du modèle néo libéral

A l’élément déclencheur du conflit, la hausse des frais de scolarité, se sont rapidement greffés d’autres enjeux. Les accusations de mauvaise gestion des universités se sont étendues au gouvernement Charest, soupçonné de corruption. «Les manifestations ont plus largement donné lieu à une dénonciation du modèle néo libéral », constate le sociologue Jacques Hamel, « Au-delà de la marchandisation du savoir, les manifestants ont dénoncé la montée des inégalités et les ravages créés par la dernière crise économique ». Pour beaucoup de manifestants, c’est la spécificité du modèle québécois qu’il convient de défendre. Michel Huot, professeur au Cegep (année après le baccalauréat ndlr) de Beauce-Appalaches explique : « Au Québec, l’Etat intervient beaucoup plus que dans les autres provinces canadiennes. C’est un modèle où il y a des politiques sociales démocrates. Mais depuis une quinzaine d’années, il s’est essoufflé pour des raisons budgétaires. Le concept d’utilisateur payeur est désormais appliqué dans plusieurs domaines, ce qui a été dénoncé en arrière-plan des manifestations étudiantes ». Lors de la plus grande manifestation, plus de 250 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Montréal. Dans l’histoire récente du Québec, seules les manifestations en faveur de l’indépendance ou contre la guerre en Irak avaient atteint une telle ampleur. Mais les étudiants ne se sont pas sentis dépossédés par l'élargissement de leur mouvement. « Nous sommes très fiers d’avoir été à l’origine de ce combat », déclare Jeanne Reynolds, porte parole de LA CLASSE, une organisation étudiante en pointe du mouvement, « nous sentons un ras-le-bol collectif contre les mesures régressives qui attaquent les plus pauvres et les classes moyennes au profit des plus riches ». Et la jeune fille conclut : « L’erreur de Jean Charest a été de ne pas nous prendre au sérieux et de nous laisser tout ce temps pour entraîner la collectivité dans la lutte, et créer cette contestation massive. C’était une erreur colossale du gouvernement, elle a tourné à notre avantage ».

 

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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 16:50

 

Le Monde.fr | 31.05.12 | 12h28   •  Mis à jour le 31.05.12 | 18h13

 

 
   Un masque caricatural du premier ministre Jean Charest, dans les rues de Quebec City le 29 mai.

Anne Pélouas, correspondante du "Monde" au Canada, raconte les origines du mouvement étudiant et les concessions que devra immanquablement faire le gouvernement.

 

Manifestation des étudiants québecois contre l'augmentation des frais de scolarité, le 30 mai, à Montréal.

Manifestation des étudiants québecois contre l'augmentation des frais de scolarité, le 30 mai, à Montréal.AFP/ROGERIO BARBOSA


L'intégralité du débat avec Anne Pélouas, correspondante du "Monde" au Canada, jeudi 31 mai 2012


bob : Quel a été le déclencheur du mouvement étudiant au Québec ?

C'est la décision du gouvernement québécois d'augmenter les droits de scolarité pour les étudiants à l'université et dans les collèges du Québec qui a provoqué le conflit. On parle d'une hausse de 75 % des frais d'inscription. Au départ, le projet du gouvernement était sur cinq ans, et maintenant, ils ont reculé un peu, c'est sur sept ans qu'il prévoit cette hausse. C'est la décision qui a mis le feu aux poudres au mois de février.

umiboozu : Quelles sont les raisons qui ont amené le gouvernement à augmenter les frais de scolarité ?

Le gouvernement est accusé par les étudiants et par d'autres indignés québécois de vouloir appliquer le principe "utilisateur-payeur", y compris à l'université, contrairement à d'autres pays où on considère que le budget de l'éducation doit être supporté par la voie de l'impôt. C'est une tendance qui n'est pas propre au Québec, c'est tout le Canada, toute l'Amérique du Nord qui pratiquent de cette façon, avec des frais de scolarité qui sont parfois assez élevés. Pour des raisons de sous-financement des universités, le gouvernement a cherché le moyen de trouver de l'argent ailleurs que dans la poche du contribuable, en puisant dans celles des étudiants et de leurs parents directement.

 

Biloutte : Où en sont les négociations entre le gouvernement et les étudiants ?

On entre, ce jeudi 31 mai, dans la 4e journée de négociations. Mercredi, les organisations étudiantes n'étaient pas très optimistes, parlant de pas en arrière plutôt que d'avancées. Ils disaient avoir heurté un mur du côté gouvernemental. A minuit hier [mercredi], l'ambiance n'était pas très optimiste. Même la coalition considérée comme la plus radicale, la "Classe", a menacé de claquer la porte. Mais les négociations ne sont pas rompues ce matin. On s'attendait à des développements majeurs plus rapides, mais les discussions semblent assez lentes.

Ce qu'on comprend, c'est que le sujet principal – que le gouvernement n'a pas voulu aborder pendant les trois derniers mois –, qui porte vraiment sur ce gel des frais de scolarité, est vraiment sur la table. Mais le gouvernement semble maintenir sa position, rester dans les limites de son budget, et donc il faut trouver les moyens d'économiser pour pouvoir accorder quelque chose aux étudiants. Et cela ne semble pas facile à faire.

Et du côté des étudiants, je crois qu'il y a une ouverture à renoncer à la gratuité scolaire pour certains, voire au refus de l'absence totale de hausse. Mais il reste que sur le fond du problème, la raison de cette grève, les associations doivent obtenir une concession majeure du gouvernement sur son projet initial des hausses des frais.

 

>> Lire le décryptage : Qui sont les acteurs du conflit ?


Visiteur : Le mouvement n'est-il qu'étudiant ? Les récentes manifestations semblent plus larges et rassembler un plus grand bassin de citoyens ? Est-ce réellement le cas ?

Absolument. Il faut rappeler que dès le départ, il n'y a pas eu que des étudiants dans la rue, loin de là. Dès la grande manifestation du mois de mars, on a vu aux côtés des étudiants des gens de gauche, des syndicalistes, des parents.

Mais le mouvement, qu'on pourrait placer dans la lignée de ceux des indignés dans tout le monde, a pris de l'ampleur après que le gouvernement québécois a adopté cette "loi 78", qui a galvanisé les troupes, et pas seulement celle des étudiants. C'est une loi d'exception qui prévoyait la suspension des sessions universitaires et aussi une limitation du droit de manifester.

Donc on a pu voir à ce moment-là une amplification du mouvement étudiant, qui est vraiment passé d'un conflit étudiant à un conflit beaucoup plus social sur la défense des libertés individuelles, du droit de manifester. Par exemple, cette semaine, des juristes sont descendus en toge dans la rue à Montréal pour défendre ce droit à la liberté. Cela montre à quel point le mouvement étudiant est sorti du cadre.

Cela fait une semaine aussi que les "peuples citoyens" sortent devant chez eux avec leurs casseroles, et c'est fait de façon très spontanée, cela dépasse la raison de départ da la grève étudiante.

 

Samuel : Bonjour, le fait que le gouvernement ait fait voter une loi pour réduire le droit de manifestation n'est il pas antidémocratique ?

Il y a de nombreux pays qui encadrent le droit de manifester, y compris la France. Cela dit, on n'avait jamais eu besoin de ce type d'encadrement au Canada, et particulièrement au Québec, où les manifestations sont toujours très pacifiques.

Cette fois-ci, certains pensent qu'on a dépassé les bornes. C'était en tout cas certainement maladroit ; en pensant casser le mouvement, le gouvernement n'a fait qu'attiser le brasier. Mais le débat sur l'anticonstitutionnalité de la loi est ouvert, la loi qui limite le droit de manifester est contestée devant les tribunaux.

 

>> Lire le reportage : Nuits blanches à Montréal


nO : Bonjour. Pouvons-nous croire que ce mouvement est aussi un mouvement de contestation d'un glissement progressif vers une société plus libérale à l'américaine, proche voisin contesté ?

Je crois qu'il faut se garder de généraliser. Il y a au Québec des gens qui défendent le modèle néolibéral à l'image de Jean Charest, le premier ministre. Mais il est certain que le mouvement qu'on voit grossir depuis le mois de février à partir du conflit étudiant est une contestation des politiques néolibérales.

Dans ces politiques néolibérales, on peut évidemment parler de cette application du principe de l'utilisateur payeur, la poussée des partenariats public-privé, la hausse des frais de santé. Donc une bonne partie des gens qui descendent dans la rue en ce moment au Québec sont contre cette tendance néolibérale. On peut dire qu'ils ont de fait profité de l'indignation étudiante pour se rallier au mouvement et contester le gouvernement dans la rue.

 

mike : Pensez-vous que l'éjection du chef de cabinet de Charest suffira ou ce dernier pourrait-il tomber avec son gouvernement ?

Je ne pense pas que le gouvernement de Jean Charest va tomber. Je pense qu'il est normal de respecter l'institution démocratique qu'est un gouvernement qui a été élu de façon démocratique. Le mandat de Jean Charest arrive à son terme, des élections sont prévues pour l'automne prochain, donc il n'y a aucune raison que le gouvernement tombe avant.

De toute façon, il y a d'autres moyens certainement meilleurs que de faire tomber un gouvernement pour régler le conflit. Et il faut se rappeler que M. Charest a déjà eu à essuyer plusieurs revers ou à faire marche arrière sur des projets importants auxquels il tenait, sous la pression populaire.

Il y a plusieurs exemples au cours des dernières années, depuis les divergences sur l'aménagement d'une station de ski dans la région d'élection du premier ministre – où les gens se sont battus contre des promoteurs immobiliers, appuyés par le gouvernement, pour conserver le statut de parc –, jusqu'à la bataille contre les gaz de schiste, une exploitation que le gouvernement favorise alors que de nombreux villages se sont mobilisés pour empêcher le développement anarchique de cette exploitation sur leur territoire.

On sait M. Charest têtu au niveau politique, mais tout de même capable de faire machine arrière. Et je crois qu'il va devoir une fois de plus reculer, même modestement, pour éviter que le conflit ne dégénère encore.

 

>> Voir les images : "Printemps érable" : cent jours de grève étudiante au Québec


bingo : Jusqu'où le gouvernement peut-il reculer ?

Je ne crois pas qu'il va annuler complètement la hausse des frais de scolarité, mais je crois qu'une majorité d'étudiants et d'associations étudiantes accepteraient de renoncer à la gratuité ou au gel des frais de scolarité si le Québec faisait un geste significatif et s'il renonçait à l'application de la partie de la loi 78 qui restreint le droit de manifester.

 

Aude : A combien s'élèvent les frais de scolarité moyens au Québec ?

Avec la hausse décrétée par le gouvernement, on serait à environ 3 000 euros par an. Je crois qu'actuellement, on est à un peu plus de 2 000 euros. C'est une hausse qui rapprocherait le Québec de ce qui se pratique ailleurs au Canada et aux Etats-Unis. Ce qui justifie, d'après le gouvernement québécois, cette mesure de rattrapage, alors que les étudiants québécois revendiquent en quelque sorte le droit à la différence, en rappelant qu'on n'est jamais obligé de faire comme tout le monde.

Il faut se souvenir que si le Québec a eu une bonne part de sa population qui a pu accéder et réussir des études universitaires depuis les années 1950-1960, c'est certainement dû à cette ouverture massive des universités sans avoir à payer des frais faramineux.

 

Marion : Avez-vous pu prendre le pouls du côté des grévistes ? Après quatre mois de grève, qu'en est-il de leur moral sur le terrain ?

Sur le terrain des manifestations, on peut dire qu'il y a une certaine radicalisation. Les slogans, les gens sont plus engagés qu'au début. Il y a une certaine galvanisation des foules, avec la loi spéciale adoptée par le gouvernement, l'absence de règlement et de discussions pendant presque trois mois, les gens qui sortent avec leurs casseroles, les enfants qui tapent sur les casseroles... On sent qu'il y a un mouvement populaire plus large qui soutient les étudiants.

Du côté des étudiants eux-mêmes, ma crainte, c'est que les plus radicaux sont ceux qui sont encore là. On est en début d'été, beaucoup d'étudiants ont du travail dans des camps de vacances, des piscines municipales, ou sont déjà partis dans leur famille concernant les étrangers. Je crains qu'il ne reste que les plus radicaux dans les jours qui viennent, ce qui pourrait entraîner des affrontements plus violents avec la police. Pour l'instant, cela reste assez pacifique, y compris dans les marches nocturnes dans les rue de Montréal et à Québec.

 

Alex : Y-a-t-il un risque que le mouvement se radicalise dans la violence ?

Il y a toujours un risque qu'une poignée – et même un peu plus – de gens plus radicaux commettent des actes violents. Il y en eu quelques-uns, passablement montés en épingle par les médias. Il y a toujours dans les manifestations des gens habillés en noir, cagoulés, même si les masques ont été interdits par la loi spéciale.

Pour l'instant, la police fait plutôt preuve de modération dans l'application de la loi, mais il y a tout de même eu, certains soirs, plusieurs dizaines, voire centaines, d'arrestations. Donc, il y a quand même un risque de dérapage, surtout si les négociations échouaient.

>> Lire le point de vue Un "printemps érable" venu de loin


Aline : Y a-t-il des manifestations dans d'autres villes que Montréal et Québec ?

Absolument. Il y a dans beaucoup de petites villes, et même de villages, du Québec, des concerts de casseroles tous les soirs. Les gens sortent de chez eux, se regroupent dans une rue. Il y a eu hier des manifestations similaires dans plusieurs villes canadiennes. Il y avait un article ce matin "Le Canada aux casseroles", avec une centaine de villes canadiennes où des sympathisants du mouvement québécois sont descendus dans la rue : Toronto (300 personnes), St. John's, Halifax, Winnipeg, Vancouver...

 

Kat : Le problème ne concerne pourtant que le Québec...

Dans les autres provinces, les frais de scolarité sont déjà plus élevés qu'au Québec.

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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 13:43
Mise à jour le mercredi 30 mai 2012 à 0 h 31 HAE
 
 
  •   Le compte rendu d'Yvan Côté à Montréal, à 22 h

Pendant que des manifestants étaient massés devant l'immeuble où se tenaient les négociations entre le gouvernement et les leaders étudiants à Québec, la 36e manifestation nocturne s'est déroulée dans le calme dans les rues de Montréal.

Les fortes pluies qui se sont abattues sur la métropole ont réduit quelque peu la taille du contingent habituel de manifestants, place Émilie-Gamelin, atténuant la ferveur des participants.

Plusieurs des organisateurs de la marche ont jonglé un temps avec l'idée de prendre le métro pour aller manifester à Longueuil, pour contourner les règlements municipaux montréalais, mais ont échoué à la mettre en oeuvre.

La manifestation, qui a été déclarée illégale d'entrée de jeu, s'est déroulée de façon pacifique dans les rues du centre-ville. Vers 22 h 30, certains manifestants ont scandé « À nous le pont ». Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) les a avisés qu'ils seraient arrêtés s'ils empruntaient le pont Jacques-Cartier.

La manifestation a pris fin sans incident vers 23 h et le SPVM n'a rapporté aucune arrestation. Par ailleurs, une autre marche est également partie plus au nord de Montréal, sur fond d'un tintamarre de casseroles.

 

De 150 à 200 personnes manifestent devant les bureaux du ministère de l'Éducation à Québec. De 150 à 200 personnes manifestent devant les bureaux du ministère de l'Éducation à Québec.

 

À Québec, les manifestants qui s'étaient rassemblés devant l'Assemblée nationale se sont dirigés en direction de l'édifice où se déroulaient les négociations entre le gouvernement et les associations étudiantes.

Les organisateurs de l'événement ayant remis leur itinéraire à la police, la manifestation n'a pas été déclarée illégale par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).

De 150 à 200 manifestants se sont massés vers 22 h devant l'immeuble, certains d'entre eux cognant sur la porte d'entrée des bureaux du ministère de l'Éducation. Casseroles à la main, ils demandaient au gouvernement de Jean Charest de régler le conflit étudiant. Le tout s'est déroulé dans le calme et les policiers ne sont pas intervenus.

Le parvis s'est vidé de ses manifestants quelques minutes à peine après que les négociations entre Québec et les leaders étudiants eurent été suspendus, vers 22 h 50.

Lundi soir, le SPVQ avait interpellé des dizaines de manifestants devant ce même édifice lors d'une arrestation massive.

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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 13:37

 

Le Monde.fr | 30.05.2012 à 10h24 • Mis à jour le 30.05.2012 à 10h24

Par des enseignants-chercheurs québécois et français

 

Universitaires, nous enseignons et nous conduisons nos recherches au Québec et en France. Nous connaissons bien nos universités et nos étudiants, que nous côtoyons et que nous contribuons à former, des deux côtés de l'Atlantique. Aujourd'hui, au regard de la situation que connaît le Québec, nous sommes partagés entre la colère et l'espoir. La colère face au cynisme d'un gouvernement qui a laissé pourrir la situation et a préféré la répression au dialogue pendant trop longtemps ; l'espoir de ceux qui ont vu fleurir ce mouvement et tout ce qu'il a déjà semé d'irréversible sur son chemin.

 

La colère d'abord. Depuis trois mois, le premier ministre Jean Charest et son gouvernement ont plongé le Québec dans l'une des pires crises sociales de son histoire.

 

D'abord, en remettant en cause l'un des éléments fondateurs de la société québécoise contemporaine : une université accessible à tous. Ce modèle fait notre fierté ! L'université québécoise, dans sa forme actuelle, est étroitement liée à la construction d'un Etat-providence unique en Amérique du Nord, qui a favorisé l'essor économique et social du Québec et l'édification de son peuple. Elle tire d'ailleurs une partie de son prestige, vue d'Europe, de cette position singulière. Cette spécificité est une chance et devrait être valorisée comme telle.

 

Il y a par ailleurs une cruelle ironie, doublée d'un certain cynisme, à faire payer aujourd'hui les étudiants, pour les difficultés financières des universités québécoises que le gouvernement libéral de Jean Charest a directement alimentées depuis des années. Les choix d'investissement aventureux (en matière d'immobilier notamment) ont été rendus possibles par des modes de décisions de moins en moins collégiaux, de plus en plus "managériaux", au sujet desquelles de multiples signaux d'alerte ont été lancés. Depuis plus de 100 jours, le gouvernement Charest et ses ministres n'ont pourtant pas jugé nécessaire de faire le bilan de l'université québécoise et des politiques menées depuis plusieurs années, au-delà même de la question des droits d'inscription. Les frais de scolarité ont bon dos !

 

Ensuite, en ébranlant un autre pilier de cette société : la négociation et le dialogue social, notamment avec les organisations syndicales. Depuis le début du conflit, le premier ministre n'a cessé de mépriser ses interlocuteurs étudiants, qui ont pourtant démontré à maintes reprises leur sens des responsabilités, de la mesure, de l'imagination et du dialogue, durant ces longues semaines de grève. Faut-il rappeler ce que représente pour ces milliers d'étudiantes et d'étudiants le sacrifice d'une session d'étude, dans un environnement qui leur en rappelle sans cesse le prix ?

 

A l'heure où la dette des étudiants aux Etats-Unis vient de dépasser mille milliards de dollars, leurs voisins québécois ont clamé leur refus de la "hausse des frais de scolarité" et leur crainte face à l'endettement. Mais leurs gouvernants n'ont eu comme réponses qu'indifférence et paternalisme. Au bout de plusieurs semaines de grève, le gouvernement annonça en grande pompe une bonification des "prêts et bourses" et la mise en place d'un système de "remboursement proportionnel au revenu", le tout accompagné d'un étalement de la hausse sur sept ans plutôt que cinq (mais cette hausse serait désormais de 82 % et non plus de 75 %). Les questions de l'endettement étudiant, tout particulièrement pour les enfants des classes moyennes n'ayant pas accès aux bourses du gouvernement, et de la marchandisation de l'éducation restèrent absentes du débat. A l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays (Angleterre, Chili), les défenseurs de réformes régressives font mine de s'offusquer de l'injustice d'une gratuité pour tous qui profiterait aux plus riches, pour avancer leurs pions. Si l'enjeu est de faire participer davantage les classes supérieures au financement de l'université, pourquoi ne pas les imposer directement ? C'est au niveau de l'impôt et de sa répartition que se fabrique la solidarité nationale, pas dans la variation du coût du service pour ses usagers ! Le Québec, n'en déplaise à monsieur Charest, n'est pas encore une entreprise, et l'université non plus !

 

Enfin, en s'attaquant au droit de manifester, le gouvernement Charest a heurté de front un marqueur démocratique majeur, au Québec comme ailleurs. En effet, comme si la situation n'était pas déjà suffisamment désastreuse, le premier ministre a ajouté la provocation à l'incompétence en créant contre son propre peuple un état d'exception. La "loi 78", aussi appelée "loi spéciale" est en passe de faire le tour du monde, et vaut déjà au premier ministre du Québec d'être comparé à des chefs d'État peu fréquentables dans certains journaux étrangers. Lui qui s'affirme tellement soucieux de l'image du Québec dans le monde, quelle belle opération ! De pays ouvert et tolérant, le Québec est en train d'apparaître, grâce à cette "campagne de communication", comme "le pays où l'on manifeste en tapant sur des casseroles" (faute d'être entendu), rappelant les heures les plus sombres des dictatures sud-américaines...

 

Mais ces sources de colère légitimes, comme un magistral pied de nez aux artisans du pire, ont fait surgir une multitude d'initiatives, d'échanges, d'expressions citoyennes qui donnent de multiples raisons d'espérer, dans une société qui pouvait donner l'impression de se sentir "à l'abri de ces choses qui n'arrivent qu'aux autres", pour paraphraser le grand poète québécois Gaston Miron, et son beau texte La route que nous suivons. Qui peut rester insensible à une telle effervescence collective, à la clameur de ces milliers de citoyens, toujours plus nombreux, défiant chaque jour la loi spéciale ? Dans les rues, le soir, en famille et entre voisins, on ne parle plus seulement des frais de scolarité mais de l'arbitraire de la loi 78, du refus de dialoguer du gouvernement, des brutalités commises "au nom de la sécurité publique", de l'atteinte aux biens publics et aux ressources collectives par des intérêts privés.

 

Bien sûr, le gouvernement peut écraser ce mouvement, en arrêtant toujours un peu plus de manifestants (plusieurs centaines la semaine dernière). Les Etats sont toujours en mesure de "gagner" contre leur population, pour un temps du moins. Mais quelle sera alors la victoire des gouvernants d'aujourd'hui ? Quel titre de gloire comptent-ils obtenir de l'écrasement de la jeunesse de leur pays ? Quelle réforme vaut l'infamie de voir son nom associé à la répression et à la trahison pour des générations ?

 

L'honneur est un bien précieux, et c'est la seule chose que peut encore sauver le gouvernement Charest : en abrogeant la loi 78 et en décrétant un moratoire sur la hausse des frais de scolarité afin de créer des conditions favorables à un vrai débat démocratique de société sur l'avenir de l'éducation supérieure au Québec, ou encore en quittant les responsabilités qu'il n'a pas su assumer ! Parce que pour le reste, il a déjà perdu et nous avons déjà gagné. Tant s'est construit dans ce mouvement, tant s'est bâti qui résistera aux coups de matraques, aux intimidations et à toutes les "lois spéciales" : de la dignité et de l'espoir dans la lutte, des aspirations à une société plus juste et à la restauration d'une morale publique. Autant d'éléments dont nos deux sociétés, au Québec comme en France, ont grandement besoin. Peut-être est-ce de nouveau chez Gaston Miron que l'on trouve les mots les plus justes, pour décrire ce printemps québécois : "Nous avançons nous avançons le front comme un delta (...) nous reviendrons nous aurons à dos le passé et à force d'avoir pris en haine toutes les servitudes nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir."



 

Valérie Amiraux, Université de Montréal ; Marcos Ancelovici, Université McGill à Montréal ; Emilie Biland, Université Laval à Québec ; Fabien Desage, université Lille-II ; Pascale Dufour, Université de Montréal ; Stéphanie Garneau, Université d'Ottawa ; Diane Lamoureux, Université Laval à Québec ; Eléonore Lépinard, Université de Montréal ; Sylvain Lefèvre, Université du Québec à Montréal ; Sylvie Paquerot, Université d'Ottawa ; Anne Revillard, université Paris-XIII ; Vincent Romani, Université du Québec à Montréal ; George Ross, Université de Montréal ; Frédéric Vairel, Université d'Ottawa ; Daniel Weinstock, Université de Montréal.

des enseignants-chercheurs québécois et français

 

 

 

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