Source : www.reporterre.net
Les faucheurs volontaires ont pénétré au coeur du lobby français des OGM
Grégoire Souchay (Reporterre)
samedi 15 mars 2014
Le collectif des faucheurs volontaires est intervenue pacifiquement vendredi 14 mars à l’Association Générale des Producteurs de Maïs. Le but : mettre en pleine lumière le lobby français des OGM. Reporterre suivait l’action.
Pau, Reportage
Les téléphones portables sont éteints. Nous n’avons pour toute information qu’un rendez-vous à la sortie de l’autoroute A64. Il est 22 heures quand, sur un rond point obscur en bordure de Pau (Pyrénées-Atlantiques), s’offre à nous une scène d’embrassades chaleureuses et fraternelles. Voici que se retrouvent les Faucheurs Volontaires, de Midi-Pyrénées, Languedoc Roussillon et même de Rhône Alpes. Tous sont là pour la même chose sans savoir exactement en quoi consistera l’action.
« On fait confiance aux copains », souffle Elsa. On nous guide plus loin vers la communauté d’Emmaüs Lescar-Pau où la troupe sera hébergée pour la nuit. Et comme de coutume chez les Faucheurs, tout commence avec un bon repas, préparé par les volontaires de la communauté pour la trentaine d’invités du soir. Enfin, minuit approchant, le briefing peut commencer. Jacques et Jacky détaillent le plan d’action, la communication et le mode opératoire. A peine l’exposé a-t-il commencé qu’on entend fuser ça-et-là une blague et l’assemblée se met à rire de bon cœur.
Ainsi sont les Faucheurs Volontaires, collectif hétéroclite d’activistes né sur le plateau du Larzac durant l’été 2003. Ils ont mené alors des actions communes d’arrachage de cultures OGM, avec pour figure de proue José Bové, jusqu’à ce que celui-ci devienne député européen. Depuis, les actions se sont diversifiées mais le fonctionnement reste inchangé.
« Ce que j’aime ici c’est la capacité du groupe à trouver des solutions même quand on a des désaccords profonds », souligne Zita, militante toulousaine. Et effectivement nous sommes surpris par la facilité avec laquelle tout s’organise. « Il y a beaucoup d’habitués pour cette action. Quand on est 150, c’est une autre paire de manche ! », tempère une militante. Finalement, tout le monde finit par aller se coucher dans un wagon aménagé pour l’occasion par les volontaires d’Emmaüs.
L’AGPM : un lobby qui ne dit pas son nom
L’esprit qui présidait la réunion de la veille est toujours aussi vivace au petit déjeuner. Avec les arrivées nocturnes, quarante personnes sont maintenant prêtes à partir à l’action. La cible du jour : l’Agrosite de Pau-Montardon et plus précisément l’AGPM, Association générale des producteurs de maïs. Après les faits d’armes des Faucheurs à Trèbes en janvier dernier, l’objectif veut cette fois rendre visible le rôle de l’AGPM dans la promotion de la culture des OGM.
« Pas tous les OGM, nuance-t-on à l’AGPM, interrogé plus tard par Reporterre, il ne s’agit que des innovations qui ont démontré un intérêt pour les producteurs. Nous ne sommes pas un lobby pro-OGM ». Mais selon Jacques Dandelot, du collectif anti-OGM 31, « l’AGPM fait partie des structures qui ont systématiquement attaqué en justice les décrets interdisant la culture de maïs transgénique. » Qui plus est, l’un de ses membres, Claude Ménara, exploitant agro-industriel dans le Lot-et-Garonne affirmait ouvertement le mois dernier au salon de l’Agriculture qu’il venait « faire du lobbying » en faveur des OGM, qui permettent selon lui de « produire plus, produire mieux, varié, utile, en répondant aux exigences des industriels et des consommateurs ».
Ecouter l’ITV de Jacques Dandelot.
Mais l’AGPM n’est pas la seule à agir ainsi. Sur le même site de Pau-Montardon, on trouve les locaux de la Fédération des Oléagineux et Protéagineux (FOP), qui défend l’utilisation d’OGM pour les agro-carburants, ainsi que le laboratoire Arvalis, spécialisé dans l’expérimentation végétale et qui a conclu à la nécessité « scientifique » de l’utilisation des OGM par les agriculteurs.
L’AGPM est elle-même, comme l’indique sa communication, « une association spécialisée de la FNSEA », syndicat agricole fortement engagé dans la promotion des OGM et des biotechnologies productivistes. Christophe Terrain, président de l’AGPM est pour sa part administrateur FNSEA, président de la confédération européenne des producteurs de maïs (Maiz’Europ) et de l’Institut du végétal (Arvalis). Rappelons par ailleurs que le président de la FNSEA, Xavier Beulin, est également président de la FOP et de la multinationale Sofiprotéol, engagée dans le monde entier dans les cultures OGM.
Chronique d’une occupation tranquille
C’est donc pour mettre en lumière le rôle de l’AGPM dans le lobbying en faveur des OGM que les faucheurs Volontaires ont décidé d’occuper ce vendredi 14 mars les locaux de l’association de producteurs.
L’effet de surprise est quasi-total, les activistes n’étant jamais intervenu sur ce site. « OGM : Citoyens contre agrobusiness, Non aux brevets sur le vivant ». En quelques minutes, les banderoles sont installées un peu partout, une délégation est envoyée pour discuter avec la direction. Un groupe occupe le hall, un autre discute avec la presse et un troisième attend à l’extérieur l’arrivée de la gendarmerie. Dans les locaux, le groupe décide d’occuper l’entrée sans pour autant bloquer le passage ni investir les bureaux.
L’objectif est de donner une visibilité médiatique, pas de faire un coup de force. Deux membres du personnel de l’AGPM de passage se retrouvent à discuter avec les manifestants. Juste à côté, dans une vitrine, on trouve bien en évidence le livre Faucheurs de science, écrit par Gil Rivière-Wekstein, pamphlet contre les faucheurs qui prétend dénoncer les coulisses du mouvement. Sauf qu’aucun des faucheurs présents, pourtant habitués des actions, n’a jamais rencontré l’auteur de cette prétendue enquête.
Après une heure d’occupation tranquille, les gendarmes arrrivent sur les lieux. Se déroule alors un rituel habituel des faucheurs : chacun (selon son souhait) écrit son identité et ses coordonnées sur une feuille, qui pourra être remise à la gendarmerie en cas d’arrestation. « Cela permet d’éviter que l’un d’entre nous soit choisi au hasard », m’explique-t-on. Et les poursuites juridiques se font collectivement : c’est pour cette raison que ce sont cinquante-sept faucheurs qui comparaitront en appel au tribunal de Colmar la semaine prochaine pour une autre action.
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