Début juillet, le rapporteur public du Conseil d'Etat avait jugé "excessif" le moratoire interdisant la culture du maïs transgénique MON810, de la firme Monsanto, en France. Le rapporteur public de la plus haute juridiction administrative française avait conclu que si des mesures étaient prises – comme l'encerclement du MON810 par des cultures conventionnelles et l'éloignement de toute ruche –, la cohabitation de ce maïs avec le reste de l'environnement était possible.
Une conclusion confirmée, jeudi 1er août, par sa décision de lever ce moratoire français. "Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE qu'une telle mesure ne peut être prise par un Etat membre qu'en cas d'urgence et en présence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement", souligne le Conseil d'Etat.
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LE GOUVERNEMENT "PAS FAVORABLE AUX OGM"
Les ministres de l'environnement et de l'agriculture, Philippe Martin et Stéphane Le Foll, ont immédiatement réagi après cette décision du Conseil d'Etat – qui suspend pour la deuxième fois une interdiction du MON810 décidée par le gouvernement – en rappelant leur engagement de "maintenir le moratoire sur la mise en culture de semences OGM, afin de prévenir les risques environnementaux et économiques pour les autres cultures et l'apiculture". Ils promettent une nouvelle décision avant les prochains semis du printemps 2014.
Jeudi matin, sur Europe 1, M. Le Foll avait déjà souligné que le gouvernement n'était "pas favorable aux OGM", ajoutant que "le Conseil d'Etat n'est pas le décideur, ce n'est pas lui qui dit si on peut ou pas interdire les OGM, il ne s'appuie que sur la base juridique pour dire si elle est valide ou pas".
TOXICITÉ ET BIODIVERSITÉ
Europe écologie-Les Verts s'est dit "consterné et scandalisé", tandis que plusieurs organisations écologistes, paysannes, apicoles et d'agriculture biologique ont appelé jeudi à "des mesures d'interdiction définitive des cultures d'OGM, à l'instar de huit pays européens", arguant que "80 % des Français refusent toujours les OGM". "Les productions OGM contaminent les chaînes alimentaires, par les pollens et les graines transgéniques, mais aussi par les pesticides très liés à ces OGM, pesticides nuisibles à la biodiversité et à la santé", expliquent ces associations.
Comme les autres cultures génétiquement modifiées le maïs MON810 est en effet suspecté de toxicité, mais aussi de porter atteinte à la biodiversité. Cette culture, qui disperse autour d'elle une toxine Bt (pour Bacillus thuringiensis) destinée à éliminer les insectes ravageurs, pourrait jouer avec d'autres pesticides un rôle dans la forte diminution du nombre d'abeilles.
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UNE INTERDICTION DEUX FOIS LEVÉE
La France, comme d'autres pays européens (Autriche, Hongrie, Grèce, Roumanie, Bulgarie, Luxembourg), avait interdit depuis 2008 la culture du MON810 sur son sol, avant que le Cour de justice de l'Union européenne ne soit saisie, notamment par Monsanto. En 2011, la justice avait déjà suspendu cette interdicion, pour carence de fondement juridique. Le gouvernement Fillon avait alors décidé un nouveau moratoire en mars 2012, en s'appuyant sur des conclusions de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, plutôt floues.
L'Association générale des producteurs de maïs (AGPM), l'Union française des semenciers (UFS) et la Fédération interprofessionnelle de la production de maïs et de sorgho (FNPSMS) avaient alors déposé un recours au Conseil d'Etat, arguant que cette interdiction "ne repose sur aucun élément scientifique sérieux" et que "les producteurs de maïs impactés par la pyrale et la sésamie [deux insectes ravageurs du maïs] subissent un réel préjudice économique".
LE SEUL OGM CULTIVÉ EN EUROPE
Le maïs MON810 a été l'un des tout premiers autorisés en Europe, dès 1998. Le premier à susciter, aussi, une vive opposition des écologistes. Jusqu'à aujourd'hui, il a été peu cultivé en France : 5 000 hectares en 2006, 22 000 hectares l'année suivante. Lassé des attaques dont il fait l'objet, Monsanto avait annoncé, début 2012, qu'il ne le commercialiserait plus "tant que la France n'aura pas de contexte politique favorable et d'approche réglementaire fondée sur la science".
Mi-juillet, Monsanto, déçu par l'absence de perspectives commerciales dans un continent globalement hostile aux biotechnologies, a aussi décidé de retirer toutes ses demandes d'homologation en cours pour de nouvelles cultures transgéniques dans l'Union européenne. Toutes, sauf sa demande de renouvellement de l'autorisation pour son maïs MON810 – le seul organisme génétiquement modifié actuellement cultivé à des fins commerciales en Europe.
La France ne cultive pas d'OGM, mais importe néanmoins des produits génétiquement modifiés pour l'alimentation animale ou l'industrie agroalimentaire.
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