Le chantier du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à quinze kilomètres au nord de l’agglomération nantaise, va-t-il débuter prochainement ? Entre les déclarations du premier ministre, Manuel Valls, qui n’a cessé de l’affirmer durant les derniers mois de 2015, et les initiatives des opposants, qui vont se multiplier dans les prochains jours, la tension monte.
Mardi 5 janvier, les opposants, regroupés dans de nombreuses associations dont l’Acipa, l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport, devaient tenir une conférence de presse à La Vache rit, une ferme située dans la ZAD, la zone à défendre, lieu emblématique de la résistance qui s’est manifestée dès 2009 par l’occupation des terrains destinés à la future plate-forme aéroportuaire. Ils ont notamment prévu d’annoncer l’organisation d’une manifestation samedi, qui devrait voir de nombreux tracteurs, vélos et manifestants à pied occuper les boulevards périphériques au nord et au sud de Nantes. Cet encerclement, non interdit par la préfecture, doit permettre d’éviter des débordements dans le centre-ville, tels qu’ils s’étaient déroulés lors de la manifestation du 22 février 2014.
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Il s’agit pour les manifestants de protester contre d’éventuels arrêtés d’expulsion, qui pourraient être prononcés par le tribunal de grande instance de Nantes le 13 janvier. Ce rendez-vous judiciaire, prévu à l’origine le 10 décembre 2015, avait été reporté, COP21 oblige. En fin d’année, Aéroport du Grand Ouest (AGO), filiale de Vinci Airports, a relancé la procédure. Elle concerne les opposants historiques, onze maisons et quatre fermes représentant plus de 400 hectares de terres agricoles – le projet d’aéroport couvrant 1 220 ha. Après les mesures d’expropriation déjà prononcées et les recours des opposants rejetés en juillet par la justice, cette nouvelle étape signifierait un feu vert pour les expulsions et l’évacuation de la ZAD, préalables au démarrage des travaux. Les derniers occupants arrivés sur la ZAD, qui ont monté un projet de conserverie au lieu-dit de la Noé verte, passeront, eux, en procès le 27 janvier.
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Guérilla judiciaire
Les 200 à 300 militants, agriculteurs, occupants de fermes et de maisons, habitants des cabanes et caravanes qui émaillent le bocage nantais, n’en auront pour autant pas fini avec la guérilla judiciaire qui marque la très longue histoire de ce projet, vieux de cinquante ans.
Jeudi 7 janvier, les naturalistes « en lutte contre l’aéroport » tiendront à leur tour une conférence de presse pour présenter cinq nouvelles espèces protégées rencontrées sur la zone : deux animaux, le crossope aquatique (une musaraigne) et le triton de Blasius (un amphibien), et trois plantes. Avec plusieurs associations de défense de l’environnement, ils ont écrit au ministère de l’écologie et à la préfecture pour signaler la présence de ces espèces, non répertoriées dans l’arrêté de dérogation pour la destruction d’espèces protégées pris par le préfet en décembre 2013. Cet arrêté, ainsi que celui sur la « loi sur l’eau », ont déjà été attaqués en justice par les opposants qui attendent le jugement en appel.
« Il n’est pas possible de s’attaquer à ces bêtes durant la période de reproduction et le créneau pour le transfert de certaines espèces va vite se refermer, explique le porte-parole du collectif des naturalistes, François de Beaulieu. Si le gouvernement fait la bêtise d’évacuer la zone avant, il comprendra alors que la manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes derrière un triton en carton, comme en février 2014 à Nantes, démontre un fort haut niveau de mobilisation. »
Affrontement inévitable
L’affrontement paraît donc inévitable d’autant que la position gouvernementale n’a pas varié. Le changement de majorité régionale et l’élection du nouveau président de région, Bruno Retailleau (Les Républicains), n’ont pas modifié la donne. Ce dernier a demandé à M. Valls, lors d’une entrevue le 15 décembre, le démarrage rapide des travaux et l’évacuation de la ZAD. Rappelant que l’actuel chef du gouvernement était ministre de l’intérieur lors de l’opération « César », une tentative d’évacuation en novembre 2012, M. Retailleau veut compter sur la détermination de M. Valls, mais redoute « le triangle des Bermudes où se perdent les décisions ».
« Je crains que l’intérêt régional, le nouvel aéroport, ne soit sacrifié sur l’autel des manœuvres politiciennes, par exemple d’une main tendue à Cécile Duflot [chef de file d’EELV] », confie-t-il au Monde. M. Retailleau redoute en outre que, si l’évacuation de la ZAD n’est pas menée avant mars, elle ne devienne impossible à un an de l’élection présidentielle.
Du côté gouvernemental, la thèse reste la même. « La volonté est de mener à bien ce projet très attendu localement. Il a obtenu les feux verts nécessaires et permettra de ne pas devoir étendre l’aéroport actuel, source de nuisances multiples, notamment pour les 40 000 personnes résidant sur la trajectoire des avions », précise un conseiller. A l’initiative de riverains, une pétition réclamant l’évacuation de la ZAD aurait recueilli plus d’un millier de signatures.
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Jeudi, une réunion interministérielle doit avoir lieu sur ce dossier. « Une réunion technique comme il s’en tient régulièrement sur le sujet », précise-t-on à Matignon. La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, plutôt hostile à l’actuel projet, décline toute responsabilité. « C’est un dossier traité directement par le premier ministre, a-t-elle expliqué au Monde. J’ai donné mon avis et proposé que l’on explore des solutions alternatives. On tient des discours sur la démocratie environnementale, alors appliquons-les. » Cette proposition d’une nouvelle expertise indépendante sur « l’optimisation » de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique était justement au cœur de l’accord politique régional entre le PS et les écologistes, pour le second tour des élections régionales en Pays de la Loire.
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