Le répit aura été de courte durée pour la classe politique italienne. A peine les scandales liés au "Cavaliere" s'estompent-ils que ses alliés prennent la relève. Depuis fin septembre, en effet, un nouveau scandale politico-financier frappe Rome et sa région du Latium. En cause : le million d'euros de fonds publics dilapidé en deux ans par Franco Fiorito – l'ex-chef du groupe parlementaire régional du parti de Silvio Berlusconi – en notes de frais pour des courses, des vacances, des achats de voitures de luxe ou encore des repas aux factures très salées.
Surnommé "Batman" par ses amis, Franco Fiorito a été arrêté, mardi 2 octobre au matin, dans le cadre d'une enquête ouverte cet été par le parquet de Rome concernant une dizaine de conseillers régionaux du Peuple de la liberté (PDL, droite). Ces élus locaux sont soupçonnés de malversations financières, allant de fausses factures au détournement de fonds publics, pour un total de 6 millions d'euros sur deux ans. La présidente de la région, Renata Polverini, a déjà présenté sa démission.
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Et cela ne fait que commencer. Des enquêtes préliminaires ont été ouvertes en Emilie-Romagne et dans le Piémont, où le parquet de Turin a décidé de mener des auditions après qu'un élu du PDL a révélé à une chaîne de télévision locale qu'un conseiller régional réclamait 5 000 euros de remboursement de notes de frais... pour une semaine de ski.
RENFORCEMENT DU CONTRÔLE
Ces élus locaux qui piochent dans les fonds publics quand la population se serre la ceinture sous le coup de l'austérité témoigne d'un système défaillant en matière de contrôle des dépenses publiques locales, qui ont explosé ces dix dernières années, comme le souligne le quotidien italien Sole 24 Ore. Entre 2001 et 2010, les dépenses courantes annuelles des régions ont ainsi bondi de 40,3 %, atteignant 151 milliards d'euros, soit 11,5 % du PIB, selon les calculs du journal. Face à cette incurie financière – qui n'est pas sans rappeler celle des régions espagnoles –, Rome a donc décidé de prendre les devants.
Ce tour de vis doit notamment passer par un décret qui devrait être adopté d'ici à la fin de la semaine par le chef du gouvernement, Mario Monti. Il vise à renforcer le contrôle de la Cour des comptes sur les budgets locaux : régions, provinces et communes. A l'heure où la pression s'accroît sur le pays, qui s'est enfoncé dans la récession au deuxième trimestre, le chef du gouvernement italien veut éviter à tout prix un scénario à l'espagnole.
Pour Francesco Saraceno, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques et spécialiste de l'Italie, il était temps. Selon lui, cette gabegie des finances régionales n'aurait, en théorie, pas dû arriver, et est la conséquence d'une réforme mise en place en 2001 par l'ancien gouvernement de centre gauche. Cette dernière avait pour objectif de réduire les dépenses de Rome et d'augmenter l'efficacité des services publiques, en transférant une partie des compétences et des dépenses de l'Etat aux régions.
"PACTE DE STABILITÉ INTERNE"
"C'était utopique et cela n'a absolument pas marché. Les dépenses et les compétences, au lieu d'être transférées, ont été tout simplement dupliquées", explique-t-il, avant d'énumérer : "Les dépenses d'apparat politique (salaires, voitures de fonction, etc.) sont passées d'environ 450 à 900 millions d'euros entre 2001 et 2011. Autre exemple frappant, celui du système de santé (+ 53 % en dix ans), qui est en déficit de 40 milliards, et dont la moitié est concentrée par trois régions (Sicile, Latium, Calabre) sur un total de 21."
Les deux régions les plus dépensières durant la dernière décennie sont celles du Latium (+ 78 %) et de l'Emilie-Romagne (+ 57,7 %), qui font d'ailleurs partie de celles actuellement sous le coup d'enquêtes judiciaires. Mais dépensières ne veut pas dire endettées : sur ce point, c'est la Sicile qui prend la tête du classement, avec ses 5,3 milliards d'euros d'endettement sur les 50 officiellement cumulés.
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Pour autant, le "syndrome espagnol", en référence à la quasi-faillite de certaines de ses régions poids-lourds, selon les termes de la Cour des comptes italienne, est encore loin selon M. Saraceno. "Il y a en Italie un pacte de stabilité interne : le déficit des régions est absorbé par l'Etat, qui reprend la dette à sa charge." Résultat, contrairement aux régions espagnoles, ces dernières ne peuvent pas faire faillite elles-mêmes. Mais elles peuvent en revanche plomber les caisses de l'Etat.
D'où la volonté de Rome de faire passer ce décret, afin de rétablir la transparence et la crédibilité sur ses finances locales, et redonner in fine confiance aux investisseurs sur sa capacité à contrôler les dépenses publiques.
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