Le FBI a fermé le site de partage de fichiers, fréquenté par plus de 25 millions de visiteurs par jour. Le fondateur et ses associés ont été arrêtés. Explicateur.
Jeudi soir, vers 23 heures, la nouvelle a choqué beaucoup d'internautes qui ne parlent que de ça sur les réseaux sociaux. Megaupload, le site de téléchargement direct le plus populaire, a été fermé par le FBI et sept personnes liées au réseau « Mega » sont sous le coup d'un mandat d'arrêt. Cinq questions pour y voir plus clair.
Pour les internautes qui ont l'habitude de télécharger ou regarder des films et séries en streaming, Megaupload est un site incontournable, parmi les cent plus consultés sur le Web, selon la plupart des classements.
Créé par un informaticien allemand, Kim Schmitz, dit « Kim Dotcom », le site Megaupload, comme Megavideo (qui a été fermé aussi), héberge de nombreux fichiers de films et de musique protégés par le droit d'auteur.
Le principe : le « direct download ». Chaque internaute peut déposer un fichier, qu'on peut ensuite télécharger gratuitement. Ce n'est pas du « peer-to-peer », où chacun donne un peu de sa connexion. Là, les fichiers sont stockés sur de puissants serveurs.
Selon ses administrateurs, Megaupload a toujours été d'accord pour supprimer les contenus illégaux sur demande et pour discuter avec l'industrie culturelle. Pour le FBI, le site favorise le téléchargement illégal et devait fermer.
Pour bénéficier d'une meilleure vitesse de téléchargement, il était possible de contracter des abonnements payants (200 dollars pour une connexion à vie) et beaucoup d'internautes utilisaient aussi le site pour héberger des fichiers personnels (photos de vacances) ou professionnels.
C'est le département américain de la Justice qui a décidé d'intervenir. Dans un un communiqué, il explique ce qu'il reproche au site :
- le viol de droits d'auteur. Les autorités américaines évaluent le préjudice subi à 500 millions de dollars, tandis que Megaupload aurait empoché 175 millions de dollars.
- tentative de racket ;
- blanchiment d'argent.
Jeudi soir, le coup de filet a été gigantesque : dix-huit noms de domaine saisis ; 50 millions de dollars d'actifs saisis aussi sur des comptes à Hong Kong ; quatre personnes, dont « Kim Dotcom » arrêtées en Nouvelle-Zélande, et trois autres sous le coup d'un mandat d'arrêt.
Ont été arrêtés :
- Kim Schmitz, dit « Kim Dotcom », 37 ans, le PDG et fondateur de Megaupload, basé à Honk Kong et en Nouvelle-Zélande ;
- Finn Batato, directeur marketing, 38 ans, basé en Allemagne ;
- Mathias Ortmann, 40 ans, basé en Allemagne et à Honk Kong, directeur technique, co-fondateur ;
- Bram van der Kolk (« Bramos »), 29 ans, un Danois basé également en Nouvelle-Zélande, superviseur du développement.
Sous mandats d'arrêt :
- Julius Bencko, 35 ans, basé en Slovaquie, graphiste ;
- Sven Echternach, 39 ans, basé en Allemagne, directeur commercial ;
- Andrus Nomm, 32 ans, basé en Estonie et en Turquie, développeur et chef de l'équipe de développement technique ;
Les autorités américaines affirment aussi avoir saisi « une grosse vingtaine de voitures de luxe, dont une Maserati, une Lamborghini, et de nombreuses Mercedes-Benz », appartenant aux responsables du site.
Dans le communiqué, les autorités américaines assurent avoir travaillé en coopération avec la police des Pays-Bas et du Canada. Selon Numerama, les forces policières de huit pays auraient collaboré à l'opération.
Une coopération étonnante pour une telle affaire. Si elle est courante dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue par exemple, elle ne l'est pas pour faire fermer un site hébergé à Hong Kong.
Cette décision survient au lendemain d'une mobilisation de sites américains contre deux projets de loi Pipa et Sopa, qui visent à défendre les droits d'auteur, en facilitant le blocage des sites contrevenants sans intervention de la justice.
Immédiatement, des représailles ont été lancées. Le collectif d'activistes Anonymous a frappé, comme il a l'habitude de faire, en noyant les sites sous des requêtes de connexions, entraînant sa mise hors service.
Jamais autant de sites n'ont été touchés par des attaques d'Anonymous. Parmi eux :
- le site du ministère américain de la Justice ;
- celui de la branche américaine d'Universal Music ;
- le site de l'industrie musicale américaine (RIAA) ;
- en France, le site de la Hadopi, ainsi que UniversalMusic.fr.
Dans un communiqué, le Parti Pirate a exprimé « sa stupeur ». Maxime Rouquet, coprésident du Parti Pirate :
« Au lieu de doter l'industrie du droit d'auteur de toujours plus de moyens répressifs, et de traiter comme un réseau de mafieux toute plateforme qui génère du profit en diffusant des œuvres, il faudrait mettre en place un mécanisme simple et équitable pour que les auteurs et les artistes tirent profit de la diffusion commerciale de leurs œuvres. »
En France, surtout depuis la mise en place de la loi Hadopi, Megaupload avait un succès énorme. Selon Le Figaro.fr, en novembre 2010, 7,4 millions de Français avaient consulté le site.
Nicolas Sarkozy a fait un communiqué pour exprimer sa satisfaction suite à cette décision :
« La mise à disposition illégale, par ce service, d'œuvres protégées par le droit d'auteur, permettait à ses promoteurs de réaliser des profits criminels sous la forme de recettes publicitaires ou d'abonnements de ses usagers. »
Le président de la République ajoute :
« La lutte contre les sites de téléchargement direct ou de streaming illégaux, qui fondent leur modèle commercial sur le piratage des œuvres, constitue une impérieuse nécessité pour la préservation de la diversité culturelle et le renouvellement de la création. [...]
C'est le financement des industries culturelles dans leur ensemble qui est mis en cause par ce type d'opérateurs. [...] Le moment est donc venu d'une collaboration judiciaire et policière active entre Etats pour porter un coup d'arrêt à leur développement. »
Ces décisions arrivent alors que François Hollande a répété sa demande de mettre fin à la loi Hadopi. Nul doute que ce débat va pimenter le campagne présidentielle. Nicolas Dupont-Aignan s'est opposé sur Twitter au communiqué élyséen :
« Derrière les conditions et les circonstances de la fermeture du site américain Megaupload se joue en réalité le futur de la liberté d'expression sur Internet. »
Les personnes arrêtées ont été inculpées par une chambre d'accusation de l'Etat de Virginie et risquent, selon le droit américain, jusqu'à vingt ans de prison. Seulement, comme le rappelle Clubic, la société Megaupload est juridiquement placée à Hong Kong et ne dépend donc pas du droit américain. Beaucoup de questions restent en suspens :
- Que va-t-il advenir des fichiers privés que certains stockaient sur Megaupload ?
- Nombre d'internautes qui avaient contracté un abonnement se plaignent sur les réseaux sociaux : « Et mon abonnement ? Vais-je être remboursé ? »
- Quelles vont êtres les prochaines attaques d'Anonymous et de ses alliés, qui n'hésitent pas à parler du « début d'une cyber-guerre » ?