Face aux riverains 25/01/2012 à 20h20
Invitée de Rue89, la présidente du Front national décrit son monde idéal : une France sans regroupement familial et dans laquelle les flics seraient moins timides.
Marine Le Pen à Rue89 (Audrey Cerdan/Rue89)
Marine Le Pen est arrivée, ce mercredi matin, directement après une interview à la radio. Chauffée. « Un tour à France Inter, rien de mieux pour comprendre pourquoi on se bat », dit-elle dans les escaliers. On comprend qu'elle pense à la bien-pensance, au mépris des bobos de gauche qui peuplent selon elle les médias. Comme les autres personnalités reçues dans le cadre de nos « Face aux riverains », la candidate du FN a passé une bonne heure dans nos locaux.
Ces jours-ci, tout le monde l'interroge sur la crise de l'euro. Elle admet que cela impliquerait probablement la mise en place d'un contrôle des changes, « tant que cela sera nécessaire ». Pour éviter la fuite des capitaux. Elle affirme que le franc vaudra, après dévaluation, « comme le dollar ».
Ce « centre d'incitation à l'avortement »
Elle est moins catégorique sur ce qui n'est pas évoqué dans sa plateforme présidentielle : elle envisage toujours un déremboursement de l'IVG et de mettre au pas le Planning familial, ce « centre d'incitation à l'avortement », « en lui donnant des instructions ».
« Je dis, s'il y a un choix à faire, s'il y a vraiment des économies à faire, l'avortement est quelque chose qu'on peut éviter après tout, il y a des modes de contraception qui permettent d'éviter d'avoir une grossesse non désirée. Si j'ai un choix à faire, je vais l'assumer. »
« L'asile, c'est devenu n'importe quoi »
Elle compte réduire l'immigration légale à 10 000 personnes. Elle veut stopper toute immigration du travail (« aucun sens ») et renoncer au regroupement familial. Une majorité d'étudiants (ils étaient 66 000 à entrer en France en 2010) et un peu d'asile politique mais avec des critères plus fermes.
« Aujourd'hui, c'est devenu n'importe quoi. Les réclamations sortent totalement des critères du droit d'asile, qui existent depuis toujours.
Les dissidents soviétiques, les poètes ou écrivains maudits dans leur pays... Ce n'est plus du tout ça. Le droit d'asile est détourné par une immigration économique. »
Réarmer moralement les policiers
Dans le monde de Marine Le Pen, les policiers sont toujours malmenés par les délinquants. C'est d'un « réarmement moral » (« shoot » d'ego) dont ils ont besoin, avec la mise en place d'une présomption de légitime défense :
« On est dans une situation où, dès qu'il y a une arrestation, le policier est convoqué devant sa hiérarchie pour s'expliquer, pour se justifier, parce qu'il est accusé par le délinquant ou le criminel d'avoir dit ceci, d'avoir fait cela. Les policiers ont presque peur de faire leur métier maintenant, et on en arrive à des drames. »
Marine Le Pen nous a confirmé qu'elle interdirait les manifestations de soutien aux sans-papiers.
Pas le temps de télécharger illégalement
Plus anecdotique, nous avons appris que :
- Marine Le Pen aimait vivre avec sa famille et « près de son père » à Saint-Cloud. Ses enfants sont au collège public, « pas à l'Ecole alsacienne » ;
- elle n'a pas envie de payer des impôts quand elle sait que cela contribue au financement du salaire de Laurent Ruquier ;
- elle ne sait pas quel est le montant de sa facture d'eau, parce que c'est une SCI qui la paye ;
- Elle est une vraie libertaire du Web. Mais elle ne télécharge pas, parce qu'elle n'a « pas le temps ».
- La préférence nationale, « ce n'est pas du tout de la xénophobie »
- « Je me moque de savoir de quelles origines sont les Français »
- « La seule qui n'a pas la liberté de parole, c'est moi »
- « Les policiers ont presque peur de faire leur métier »
- « Je suis extrêmement chauvine »
- « Plutôt rembourser les médicaments pour les personnes âgées que l'IVG »
- « Il ne s'agit pas d'envoyer les femmes à la cuisine ! »
- Les jeunes et les « usines à fabriquer des mégots » du PS
- « Si je suis élue, le franc vaudra comme le dollar »
- « Je suis gaullienne, je suis le chef des non-alignés »
- « Se priver des écoutes judiciaires serait une absurdité »
- « Avec les menottes vers le tribunal de la pensée »
- « Arrêtons de traiter les internautes comme des criminels »
- « Personne ne m'influence ! Personne ! »
- « Nous avons quelques œufs pourris »
- « Je ne vis pas hors-sol »
Cosette : Vous qui êtes pour la préférence nationale, approuvez-vous la politique de Viktor Orban en Hongrie à l'égard des Roms ?
Marine Le Pen : Je ne vois pas le rapport entre les deux questions en l'occurrence. La préférence nationale est un concept, d'ailleurs appliqué dans d'autres pays, qui consiste à donner aux nationaux une priorité d'accès à l'emploi et au logement par rapport à celui qui n'a pas la nationalité. Cette mesure de patriotisme social est souvent présentée à tort, et volontairement à tort, comme une sorte de mesure ethnique, comme si c'était les Français de souche contre les Français d'origine étrangère. Il n'y a rien de plus faux que ça. C'est un mensonge, je dirais même que c'est une diffamation. Tous les Français, tous ceux qui ont une carte d'identité, ont le droit d'avoir une priorité de traitement dans leur pays par rapport aux autres.
Pour information : le Maroc applique ces mesures, la Suisse également. Même au sein de la France [sic] – ce qu'on sait moins –, la principauté de Monaco applique depuis de très nombreuses années la préférence monégasque. Quand vous êtes citoyen monégasque, vous avez une priorité d'accès à l'emploi et au logement. A compétences égales, évidemment. S'il n'y a personne de la nationalité pour remplir une fonction parce que [personne] n'en a les compétences, un autre peut être embauché. C'est une priorité, pas une exclusivité.
Rue89 : Et la politique de Viktor Orban ?
Une des raisons majeures de la montée en puissance de l'Union européenne contre monsieur Orban, ce ne sont pas du tout ces affaires-là. Ce qui inquiète l'UE, c'est la volonté de monsieur Orban d'avoir un lien direct avec sa banque centrale. Je pense qu'une banque centrale nationale est un élément de la souveraineté nationale. En cela, monsieur Orban a raison.
Marine Le Pen à Rue89 (Audrey Cerdan/Rue89)
Rue89 : Oui mais sur son traitement des Roms ?
C'est-à-dire ?
Rue89 : Il propose de créer des camps de travail pour les personnes qui touchent des prestations sociales mais ne travaillent pas. Les Roms seraient concernés.
C'est marrant, ça me rappelle une proposition UMP, qui voulait faire travailler ceux qui touchaient des allocations chômage. Monsieur Orban a dû partir chercher son inspiration dans le programme UMP. Ce n'est pas très étonnant puisque monsieur Orban appartient au groupe [Parti populaire européen, PPE] au Parlement européen, le même groupe politique que l'UMP. C'est assez normal qu'ils aient une vision commune.
Rue89 : Et sur le travail contre prestations sociales ?
Je me suis déjà exprimé sur le sujet. Je trouve que c'est malhonnête de proposer ça au moment où il y a 5 millions de chômeurs [selon les chiffres publiés ce mercredi, on dénombre 4,5 millions de demandeurs d'emploi, fin 2011, outre-Mer compris et toutes catégories confondues, ndlr], où il n'y a pas d'emploi. Le rôle de l'Etat, c'est de créer de l'emploi, de mettre en place les conditions de contexte économique pour atteindre le plein emploi. Dire que ceux qui sont au chômage sont des gens qui profiteraient des allocations chômage me semble profondément injuste. On sait qu'il y a des gens qui profitent du système mais l'immense majorité sont des victimes du chômage.
Pascal : Avec la préférence nationale, quelles prestations seraient supprimées pour les étrangers ?
D'abord, les allocations familiales, parce que c'est un effort fait par la collectivité dans le cadre d'un investissement pour la natalité. Donner des allocations familiales pour aider à faire des enfants qui peut-être partiront de France parce qu'ils n'ont pas la nationalité française apparaît absurde et contraire au sens des allocations familiales.
Deuxièmement, on va supprimer l'AME, l'aide médicale de l'Etat, qui bénéficie aux clandestins et commence à devenir une pression financière insupportable. Entre 700 et 800 millions d'euros servent à soigner des clandestins, pas uniquement dans des situations où ils risquent leur vie – évidemment, il faut soigner les gens quand ils sont en danger vital – mais aussi à prendre en charge les lunettes, les dents, etc [La prise en charge, dans la limite de la sécurité sociale, ne permet pas un remboursement effectif des frais de lunettes et des prothèses dentaires, ndlr].
Ce que nous ne pouvons même plus faire pour nos propres compatriotes, pour les Français qui ont cotisé toute leur vie. Un tiers des Français renoncent à se soigner parce qu'ils n'en ont plus les moyens.
J'assume cette priorité. En tant que candidate à la présidentielle et présidente de la République, on a un devoir à l'égard des siens et je veux, compte tenu de la situation difficile de nos finances, réserver l'effort national d'abord aux miens. Si après je peux être généreuse, je le ferais mais aujourd'hui, on ne peut plus être généreux.
Suppression de l'aide médicale de l'Etat
Salmuek : Vous voulez abroger l'aide médicale pour les étrangers sans-papiers. Sachant que nous partageons le même territoire et que les virus circulent, n'est-ce pas une absurdité médicale absolue ?
C'est l'argument qu'on nous sort en permanence. Ces problèmes viraux ne représentent peut-être que 0,1% des soins apportés aux clandestins. Ce qui est choquant, c'est la différence de traitement. Quelqu'un qui est clandestin, donc qui a déjà violé la loi décidée par le peuple français, a un accès aux soins beaucoup plus large que ceux qui devraient en être les premiers bénéficiaires.
Rue89 : AME et allocations familiales, donc ?
Et l'accès au logement également. Il doit être réservé aux Français. Ce n'est pas du tout de la xénophobie. L'idée, c'est de dire qu'avec 5 millions de chômeurs, 8 millions de pauvres, 1 700 milliards d'euros de dettes et des déficits autour de 150 milliards par an [en 2010, ndlr], on ne peut plus subvenir aux besoins de ceux qui entrent sur notre territoire. Vous êtes étranger, vous pouvez venir en France mais vous devrez subvenir à vos propres besoins.
C'est là toute l'ambiguïté de la politique de Nicolas Sarkozy. D'un côté, il dit lutter contre l'immigration et de l'autre, dans les faits, il laisse entrer 200 000 personnes légalement – je ne parle pas des clandestins – alors qu'on n'a pas les moyens de les loger, de les soigner et d'éduquer les enfants. On n'a pas d'emplois pour eux, on a déjà 5 millions de chômeurs.
Rue89 : Sur ces 200 000 personnes, il y a 100 000 personnes qui subviennent à leurs besoins, qui sont des étudiants étrangers ou viennent avec des visas économiques.
Personne ne subvient à ses besoins puisque le système de protection sociale français est purement égalitaire. Il n'y a aucune différence entre celui qui est étranger en situation légale et celui qui est français.
Rue89 : Oui mais il n'y a pas 200 000 personnes démunies.
Ce n'est pas le problème. Nous payons tous pour des services publics, qui creusent les déficits. C'est honnête de dire qu'on n'a plus les moyens de mener cette politique généreuse. Qui est d'ailleurs une générosité un peu contrainte puisqu'on aurait pu demander aux Français par referendum ce qu'ils pensent de ce sujet.