Le Nouvel Obs
Près de quatre mois après son échec à la présidentielle, l'ex-candidate a été applaudie par les militants écolos à Poitiers.
Eva Joly le 22 août, à son arrivée à Poitiers. (ALAIN JOCARD / AFP)
Elle est arrivée à Poitiers un peu hésitante, sans trop savoir à quoi s’attendre. Près de quatre mois après son échec à la présidentielle et ses 2,2%, Eva Joly ne savait pas vraiment comment allaient l’accueillir son parti et ses militants. La veille de son arrivée, Daniel Cohn-Bendit lui avait à sa façon souhaité bienvenue : apprenant que sa collègue du Parlement européen se prononçait pour un référendum sur le traité budgétaire européen, "Dany" avait lâché, lapidaire : "Eva a le droit de dire n’importe quoi". "Elle peut aussi faire un référendum sur l’euro en Norvège"…
Mais dans l’amphithéâtre du campus de la fac de droit, Eva Joly a vite été rassurée sur un point : pour une grande majorité des militants écolos présents, elle reste une grande dame. Populaire et applaudie. Parce qu’elle en bavé, parce qu’elle a tenu, et tant pis si tout cela s’est terminé en déroute. Joly a même eu le droit à une standing ovation au dernier jour de ces universités d’été, où aucun atelier n’était consacré à un retour critique sur la campagne…. L’ex-candidate est revenue sur son échec en se contentant de quelques mots d’autocritique : "J’ai abordé cette campagne sans expérience suffisante. Je n’avais pas idée de ce que ça demandait réellement, j’ai fait avec les moyens du bord et je vous remercie pour la patience que vous avez eu avec moi".
Eva Joly a aussi pris une petite revanche sur son cher "Dany". Le coprésident du groupe Vert au Parlement européen avait organisé un débat pour convaincre ses amis d’approuver le TSCG (traité de stabilité, de coopération et de gouvernance). A ses côtés, une sociologue allemande est venue expliquer avec conviction aux Verts à quel point, outre-Rhin, on avait besoin d’un engagement de la France. Des arguments auxquels les écologistes, attachés au fédéralisme européen, ont été sensibles. Au pied de la tribune, au premier rang, Eva Joly a sagement écouté. Avant qu’un militant ne lui donne l’occasion de prendre la parole au détour d’une question sur l’Islande.
Face à l’assistance public et tournant le dos à Cohn-Bendit, Joly s’est livrée à un réquisitoire contre le traité budgétaire, arguant que, selon elle, "le prix à payer était trop lourd" pour les peuples et que l’austérité ne marchait pas. Une intervention chaudement applaudie. A la sortie, Joly s’est même permis de taquiner Cohn-Bendit, le traitant de "papy flingueur" tandis que lui n’en démordait pas : en collant aux positions du Front de gauche, Joly verse dans la démagogie. Est-ce pour lui répondre que l’ex-candidate Verte s’est aussi payé Mélenchon et ses vacances au Venezuela : "On ne peut pas demander un référendum en Europe et applaudir des deux mains l’autoritarisme tropical du président Chavez. Les abus de pouvoir ne sont pas moins cruels au soleil".
Rassurée sur sa popularité, Eva Joly n’a pour autant pas trouvé sa voie pour la suite. Missionnée par l’ONU pour enquêter sur la corruption en Afghanistan, l’ex-candidate a profité de ces journées d’été pour lancer son club politique intitulé "#engagement". Une association destinée, selon elle, à fédérer des citoyens soucieux de s’engager par exemple contre le barrage de Belo Monte au Brésil ou les gaz de schiste…Mais, à Poitiers, seuls quelques dizaines de militants sont venus assister au pot de lancement. "On n’a pas fait de pub", glissait son équipe, sûre de pouvoir fédérer des milliers de citoyens derrière l’aura de l’instructrice de l’affaire Elf.
Reste à savoir ce que veut faire Joly de ce club aux contours imprécis. Quelle place pour l’ancienne candidate dans les mois et les années qui viennent ? A cette question, ni elle ni les Verts n’ont la réponse. Veut-elle rester à Bruxelles, où elle préside la Commission Développement, après 2014 ? Pas sûr tant les rapports avec "Dany", José Bové ou Jean-Paul Besset se sont tendus. "I didn’t make my mind", répond-elle en anglais. Voudra-t-elle devenir une "conscience morale" comme le suggère un Vert ? Ou s’impliquer davantage dans les affaires internes ? L’ex-juge assure que ce n’est pas son truc et il n’est pas sûr que beaucoup de cadres écolos le souhaitent. Alors quoi ? Un de ses collègues bruxellois en est sûr : "Elle a pris une énorme claque et psychologiquement elle veut prendre sa revanche". Joly, elle, se contente de répondre, évasive : "Il faut être ouverte à ce qui se présente".
Maël Thierry - Le Nouvel Observateur