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23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 20:13

 

Source : http://www.reporterre.net

 

Dans 430 villes à travers le monde, on a marché contre Monsanto

23 mai 2015 / Julie Lallouët-Geffroy (Reporterre)
 


 

Samedi 23 mai, dans 430 villes aux quatre coins du monde, des citoyens seront dans les rues « contre Monsanto, pour la souveraineté alimentaire ». Tous unis contre la multinationale, ils se sont organisés à travers les réseaux sociaux et grâce à un fonctionnement laissant la place aux initiatives locales et à l’autogestion.


- Rennes, correspondance

Les villes de Dhaka (Bangladesh), San Francisco (USA), San Juan (Puerto Rico), Taipei (Taiwan), Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) ou encore Rennes (France) auront toutes, samedi, un même mot d’ordre : « Contre Monsanto, pour la souveraineté alimentaire. » Une quarantaine de pays participent à des marches contre le géant états-unien des organismes génétiquement modifiés (OGM), la firme Monsanto. Et en France, aussi, dans toutes les régions

Derrière ce slogan se trouvent des revendications multiples que Monsanto parvient à réunir. Benjamin, militant parisien, énumère : « Comportement criminel dans les pays où elle est implantée, pollutions massives, usage de pesticides, OGM et donc brevetage du vivant, faillite de la paysannerie. »

 

Chaque lieu de manifestations a ses propres enjeux, au Burkina Faso c’est le coton OGM (voir encadré ci-dessous), au Bangladesh l’aubergine et le coton, en Inde le coton. En Argentine et au Brésil, où le soja transgénique règne en maître, on parle plutôt de résistance de la population face à la multinationale, voire de victoires.

Autogestion et initiatives multipliées

Mais quelle est l’histoire de cette étonnante mobilisation internationale ?

Pour réussir à s’unir autour d’une même cible, les militants ont utilisé les réseaux sociaux et une organisation issue de la mouvance Occupy Wall Street, une « démocratie horizontale ».

La première marche a vu le jour aux États-Unis en 2013, celle de Paris au mois de mai de la même année. « On a organisé la marche en trois semaines avec les réseaux sociaux », se souvient Louise, du collectif des Engraineurs. Elle avait réuni à l’époque près de 1 500 personnes. La recette du succès ? « Je crois que la réussite s’explique par le fait qu’il n’y ait pas de tête au sommet du mouvement et des petites mains en bas », explique Louise. Comme de nombreux militants, elle a frappé à la porte d’associations, de partis politiques, sans y trouver son compte : « Trop hiérarchisés. Pour les nouveaux, il n’y a pas d’autonomie, on est juste bons à coller des affiches et à tracter. » A l’inverse, l’organisation de ces marches contre Monsanto répondent aux principes de l’autogestion : chacun fait soi-même en autonomie mais pas en solitaire. « Chacun peut prendre l’initiative, se lancer, c’est ça qui est formidable », pour Louise.

 

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Marche contre Monsanto à Paris en mai 2013

Valérie vit au Bangladesh. Elle a décidé avec Sarah il y a dix jours de mettre en place une marche dan la capitale, Dhaka. « C’est exaltant de se lancer dans l’organisation de cette marche, à notre échelle, de sentir qu’on fait partie d’un mouvement global. » Après en avoir discuté avec les ONG locales, toutes affirment leur volonté d’y participer. « J’ai alors contacté la plate-forme « March against Monsanto », j’ai discuté avec une personne du réseau qui m’a ensuite envoyé un document pour me donner des repères sur la logistique. » De l’autre côté de l’écran se trouvent des personnes comme Benjamin à Paris.

Pour éviter que des manifestations soient annoncées et non préparées, il pose quelques conditions comme s’identifier et se mettre en relation avec les associations locales. « Le but c’est que tout le monde puisse se saisir du sujet, entrer dans la boucle ; mais pas seul afin d’être efficace et ne pas tourner en rond. »

Côté coordination internationale, il n’y a pas de liens étroits entre États-Unis, Europe ou Amérique latine, pas de réunions trimestrielles avec un ordre du jour. Les liens inter-continentaux se font surtout via les associations. Par exemple, c’est l’association Ingalan qui est à l’initiative de la marche de Rennes. Elle travaille avec les paysans du Burkina Faso, ce qui explique que la mobilisation dans la capitale bretonne s’intitule « Rennes marche pour Ouaga » (voir encadré).

 

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Plantation d’arbres au Burkina Faso dans le cadre de l’association Ingalan
 
Internet et organisations traditionnelles

Cette nouvelle manière de militer, de s’organiser semble être caractéristique des jeunes générations. Emmanuel est enseignant à Rennes, il a plutôt l’habitude de travailler avec les organisations traditionnelles et est réfractaire aux réseaux sociaux. « Il est clair qu’avec internet, l’information circule bien, les gens sont au courant avant que l’on colle des affiches. Mais je crois que les deux systèmes, internet et traditionnel, doivent cohabiter pour toucher un maximum de personnes. »

Benjamin renchérit. Pour lui, il ne s’agit pas d’opposer deux modèles mais bien de travailler ensemble. « Il y a une transmission de savoir-faire, les associations sont habituées aux mobilisations, elles ont des réflexes : déclaration en préfecture, sonorisation, etc. » Louise amène un bémol : « Certains nous rient au nez quand on leur parle des réseaux sociaux, et pourtant ça fonctionne. »

Mais ça ne marche pas pour autant à tous les coups. La mobilisation contre le Tafta à Paris en novembre 2014 n’avait pas été un franc succès. Louise l’explique par l’absence d’une dynamique forte au niveau national et international sur le sujet. Selon elle, la clef c’est l’autogestion, qui permet à chaque individu de prendre l’initiative, et la dynamique générale, qui impulse le mouvement.


A RENNES, LA VILLE MARCHE POUR OUAGADOUGOU
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Le collectif qui organise la marche contre Monsanto à Rennes.

Rennes connaît bien le Burkina Faso, surtout l’association Ingalan qui collabore avec les paysans de ce pays africain pour un partage de savoir sur l’agro-écologie. C’est du fait de l’implication de cette association que la marche de samedi est baptisée « Rennes marche pour Ouaga ».

Monsanto aussi connaît bien le Burkina Faso, il y a implanté son coton OGM, il y a sept ans, avec de belles promesses de rendements. Le succès n’est pas au rendez-vous. A l’image du fiasco en Inde : rendements en berne, endettement des paysans. Le prix des semences conventionnelles est à 814 francs CFA (1,24 €) pour un hectare contre 27 000 francs CFA (41 €) pour le coton transgénique...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 21:00

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Les « faucheurs de chaises » veulent aider l’Etat à lutter contre l’évasion fiscale

20 mai 2015 / Barnabé Binctin (Reporterre)
 


 

Les chaises volées à la HSBC et à la BNP Paribas afin de dénoncer l’évasion fiscale ont été déposées dans un centre des finances publiques à Paris mardi matin.


En plein rebondissement dans l’affaire Kerviel, les fameuses « chaises volées » aux banques continuent leur chemin. Après avoir été la possession de dangereux passeurs comme Edgar Morin ou Txetx Etcheverry, deux d’entre elles ont atterri mardi matin 19 mai dans un centre de finances publiques parisien.

 

 

En février, le collectif Bizi avait publiquement envahi l’agence de Bayonne de la banque HSBC afin de lui subtiliser huit chaises. Idée : "récupérer" une partie de l’argent volé par cette banque aux citoyens français par la fraude fiscale. Quelques jours plus tard, ATTAC menait une action similaire, dans une agence de la BNP Paribas (voir le reportage-vidéo réalisé par Altermondes).

« La BNP Paribas possède 171 filiales dans des paradis fiscaux, dont 6 aux îles Caïmans », dit Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac à Reporterre, dénonçant « l’organisation industrielle de l’évasion fiscale par les banques françaises ».

Il faisait partie de la trentaine de militants d’Attac et des collectifs Bizi et Sauvons les Riches qui ont symboliquement remis deux chaises, hier matin, aux services des finances publiques, devant le centre de la place Saint-Sulpice. « C’est une avance de ce que les banques doivent à l’Etat, expliquait Thomas Coutrot dans son discours de passation. Nous espérons qu’avec ces chaises, vous bénéficierez d’une meilleure assise pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscale. ».

L’action manifestait le soutien de la société civile à l’administration fiscale « qui ne peut plus faire correctement son boulot », nous dit l’un de ceux qui se surnomment désormais « les faucheurs de chaises ». « De 60 à 80 milliards d’euros de manque-à-gagner, c’est ce que représente l’évasion fiscale en France. Soit l’équivalent du déficit public français », rappelle Frédéric Barrois, du syndicat Solidaires-Finances publiques.

Ce chiffre a été établi par un rapport parlementaire publié en 2013 et entériné par le ministre du budget de l’époque, Bernard Cazeneuve. Un chiffre à mettre en regard de la vague de suppression d’emplois que connaissent par ailleurs ces services de l’Etat : « 30 000 emplois ont disparu dans nos services depuis 2002. C’est plus de 20 % des emplois de l’administration fiscale », souligne Gérard Jouve, également membre de Solidaires-Finances publiques.

 

L’argent ainsi volé à l’Etat pourrait avoir d’autres fonctions

 

*Suite  de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 16:21

 

Source : http://www.lejdd.fr

 

 

Eva Joly : "On n’a pas encore fait le procès de la finance folle"

18 mai 2015

 

 

Eva Joly a été candidate à la présidentielle en 2012. (Reuters

 

INTERVIEW - Selon la policière chargée de l’enquête, les dirigeants de la Société générale étaient au courant des agissements de Jérôme Kerviel. La députée européenne Eva Joly (EELV) réagit pour leJDD.fr aux révélations de Mediapart.

 

Comment accueillez-vous les nouvelles révélations de Mediapart dans l'affaire Kerviel?
J’ai toujours pensé que la vérité finirait par sortir. Le témoignage de la policière chargée de l'enquête, Nathalie Le Royn est à prendre au sérieux. Son intégrité et son honnêteté ne peut être mises en doute. Elle a d’abord été convaincue de la version de la Société générale. Mais quand elle a commencé à enquêter sur les dossiers de constitution de partie civile (faux et usage de faux), déposé par l’avocat de Jérôme Kerviel, elle a changé d’opinion. Elle a vu qu’elle rencontrait des obstacles. Par exemple, elle n’a jamais réussi à obtenir les courriels échangés par la direction de la Société Générale. Elle a constaté des graves dysfonctionnements du parquet. Elle a fini par se rendre compte - et cela a dû être très douloureux pour elle - qu’on ne cherchait pas à établir la responsabilité globale dans ce dossier.

 

Pourquoi très douloureux?
C’est une femme très dévouée dans son travail. Se rendre compte qu’on a été manipulé n’est jamais agréable.

 

Appelez-vous à une révision du procès?
La justice ne doit pas s’arrêter là et il faut maintenant aller au bout du chemin. La justice s’honorerait si le procureur général ou la ministre de la Justice saisissait la commission de révision. Cela serait une occasion de montrer que la justice est indépendante.

 

Selon vous, la justice a complètement failli dans cette affaire?
La justice a été borgne. Elle a vu la responsabilité, qui n’est pas contestée, de Jérôme Kerviel mais elle a refusé de voir qu’il n’était pas seul. On ne peut pas se contenter des affirmations de la banque concernant ses pertes. Je déplore qu’il n’y ait toujours pas eu d’expertise indépendante dans ce dossier. 

 

Jean-Luc Mélenchon demande l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire. Vous en pensez quoi?
Cela serait tout à fait utile. Même si ce qui doit primer, c’est la révision du procès Kerviel.

 

Cela vous étonne de voir des gens aussi différents que Georges Fenech (UMP), Jean-Luc Mélenchon (FDG) ou vous-même se battre pour la révision du procès Kerviel?
Peu importe qui le demande. En tout cas, pour moi c’est une évidence depuis que je me suis plongé dans le dossier l’année dernière. J’ai regardé les comptes de la Société générale et je me suis rendu compte que la banque avait dégagé 7 milliards d’euros l’année de la catastrophe bancaire grâce aux produits dérivés. Il fallait voir ce qu’il s’était passé dans le dossier Kerviel, cela m’a paru comme une évidence. On n’a pas encore fait le procès de la finance folle.

 

 

Source : http://www.lejdd.fr

 

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 15:25

 

Source : http://www.reporterre.net

 

A Naples, des citoyens veulent sortir les déchets du jeu des politiques et de la mafia

19 mai 2015 / Audrey Chabal et Rémy Demichelis (Reporterre)
 


 

La Méditerranée caresse des bris de verre et des bouts de plastique dans la splendide baie de Naples avec un fatalisme que tente de rompre l’association CleaNap. Il y a une semaine, ses bénévoles participaient à une action de nettoyage international. Objectif : vider la mer de ses déchets et s’approprier un enjeu politique.


- Naples, reportage

« Ce n’est pas à vous de faire ça, je paie des taxes pour que ce soit fait par la mairie ! » Depuis le trottoir où s’entassent à la chaîne les sacs-poubelle, un septuagénaire à la peau momifiée par le soleil enguirlande un petit groupe de volontaires qui s’échine à nettoyer la plage. « On bosse, ensuite on parle », lui rétorque Cristiano May. L’énergique brun à la barbe fournie transvase un tas de planches du sable à la rue quelques mètres plus haut.

Réappropriation du territoire

Comme une vingtaine de personnes, il arpente la plage de Mergellina, à Naples, jonchée de bouteilles en verre ou en plastique, et ce malgré une chaleur accablante. Tous participent à l’opération « Let’s do it Mediterranean », un mouvement dont l’objectif est de vider la mer de ses déchets. Ces 9 et 10 mai, vingt-deux pays ont voulu montrer que la Méditerranée pouvait redevenir Mare Nostrum. En Italie, 350 événements de ce type avaient lieu ce week-end, mais à Naples où la population suffoque régulièrement sous l’amoncellement de détritus, sa symbolique était peut-être encore plus puissante.

 

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Cristiano May, de CleaNap

« En Italie nous avons l’habitude de râler et de ne rien faire, aujourd’hui nous montrons qu’en se donnant un peu de mal, nous pouvons nous réapproprier le territoire », confie Emiliana Mellone, droite dans ses godasses. Avec Cristiano et d’autres jeunes Napolitains, elle a fondé l’association CleaNap qui s’acharne depuis 2011 à nettoyer Naples. Il était donc évident que les deux mouvements, Let’s do it et CleaNap, collaborent pour passer la plage de Mergellina au peigne fin. Au sens propre : avec des épuisettes pour filtrer le sable.

Malgré les déchets, la baie de Naples insuffle dans ses courbes des promesses de baignades et de farniente marin. Des cascades d’immeubles semblent s’échouer dans la mer pour mieux rejaillir en face, sur les pentes éclaboussées de bâtisses du Vésuve caché dans la brume. A flanc de barques sur la plage de Mergellina, des bidons de peintures s’écaillent lentement au soleil. Des chats pelés cherchent des proies et des bambins font des pâtés de sable et de mégots en barbotant entre les bateaux de plaisance et de pêcheurs.

 

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Enrico D’Amato, habitant de Naples

Pietro Ramaglia et Enrico D’Amato regardent depuis le trottoir le petit groupe de bénévoles offrir une seconde vie à leur plage. Ces deux Napolitains aux polos bleus presque identiques et aux cheveux taillés à raz possèdent une barque dans cette portion de port. « C’est super de les voir nettoyer, mais demain, qui va le faire ? »

D’après ces deux amoureux de la mer et du quartier, le problème est double : « Le courant ramène beaucoup de déchets et il y a un manque d’éducation civique », indique Enrico en se postant à côté d’une poubelle vide. « Les gens sont là, boivent leur bière et la jettent... sur la plage. » Selon Pietro, le second problème est que ce coin de Naples « est délaissé par la commune ». Le pêcheur martèle que la ville ne passe pas ramasser les déchets, et qu’elle reste sourde aux appels répétés de Napolitains désabusés.

Ces propos font naître un sourire amer chez Cristiano May, de CleaNap : « La ville ne fait pas grand-chose, mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’eux non plus. Ils disent que c’est la mer qui ramène les déchets, c’est vrai ! Mais le pot de peinture de la même couleur que la barque, c’est une vague qui l’a posé là ? »

 

Situation opaque

A l’écart, un peu plus âgée, Maria Vittoria Cubellis a endossé sa marinière pour prêter main-forte à l’association. Pour elle, Naples se résume ainsi : « Les déchets sont utilisés comme une arme politique. » Un thème de campagne pour chaque élection, mais une « arme » que les bénévoles s’approprient aujourd’hui...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 21:20

 

Source : http://www.lesinrocks.com

 

 

Affaire Kerviel : “Le témoignage de l’enquêtrice constitue une véritable bombe”
18/05/2015 | 17h54
 
Eva Joly le 18 avril 2012 (Charles Platiau/Reuters)

Le témoignage de Nathalie Le Roy, chargée de l’enquête sur l’affaire Kerviel, redistribue les cartes alors que le trader a été condamné à trois ans de prison ferme et 4,9 milliards d’euros d’amende. L’ex-juge d’instruction et ex-candidate à la présidentielle Eva Joly demande la révision du procès. Entretien.

 

Nathalie Le Roy, l’enquêtrice de brigade financière, a la certitude, au terme de son enquête, que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer ses activités. Tout n’a donc pas été fait, manifestement, pour estimer le degré de connaissance de la Société générale. Comment recevez-vous cette nouvelle ?

Eva Joly – Le témoignage de Nathalie Le Roy est capital. Il constitue peut être un véritable tournant dans un dossier qui constitue à bien des égards une véritable bombe. Ce que nous pensions se confirme. En me plongeant dans ce dossier, j’ai eu le sentiment d’une erreur savamment entretenue. Tout a été fait pour brouiller les pistes afin certainement de masquer les responsabilités. Pourquoi ? A qui profite cette stratégie de la confusion entretenue ? A ce stade, je n’accuse pas. Mais les questions que j’ai soulevées, avec d’autres, il y a plus d’un an demeurent entières. Comment croire que personne n’ait rien vu au sein de la banque alors que les résultats exorbitants de Jérôme Kerviel, chaque année, devenaient ses objectifs pour l’année suivante ? Il y a lieu de demander à la Société générale de donner à la justice les documents de travail de ses commissaires aux comptes où tout doit figurer, y compris les opérations prises par Jérôme Kerviel. Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ? Pour quelle raison les boîtes mail de la hiérarchie de Jérôme Kerviel n’ont jamais été saisies ? Autant de questions qui méritent des réponses précises.

 

Vous avez travaillé avec Nathalie Le Roy dans de nombreuses enquêtes. Quel est le poids de son témoignage ?

Pour ce que j’ai eu à en connaître, Nathalie Le Roy est une professionnelle de grande valeur à l’éthique irréprochable. C’est d’ailleurs certainement son sens du devoir qui la pousse à rompre le silence. A sa manière, elle vient de rejoindre les rangs des lanceurs d’alerte. Chacun doit bien comprendre que son geste est courageux. Ce courage nous oblige. Nous ne pouvons laisser l’affaire dite Kerviel en l’état. Il est de notre devoir de tout faire pour permettre à la vérité de se manifester. Je dis merci à Nathalie Le Roy pour sa parole salutaire. C’est grâce à des femmes comme elle que le respect de nos institutions peut conserver un sens. La question n’est pas de dédouaner Jérôme Kerviel, qui d’ailleurs assume ses actes passés, mais bel et bien de chercher à comprendre ce qui s’est passé, et quelle est la part de responsabilité de la banque, qui se présente depuis le début comme une simple victime d’agissements indélicats dont elle n’aurait pas eu connaissance.

La justice peut-elle décider de ne pas réviser le procès après ces révélations ?

La révision du procès me semble être l’issue la plus conforme à l’idée de justice et au respect des droits élémentaires de Jérôme Kerviel. Tout doute doit être levé. Et la demande de révision ne devrait pas venir de Jérôme Kerviel, mais bel et bien du ministère de la Justice, qui sur la base des dernières révélations a motif à agir pour faire en sorte qu’un nouveau procès, équitable cette fois puisse se dérouler. L’affaire Kerviel nous concerne tous. Lorsque la puissance publique verse 1 700 millions de recettes fiscales pour dédommager une banque, qui, dit-elle, aurait été victime d’une fraude, il faut examiner les faits avec rigueur. La révision permettrait d’envisager la réponse aux interrogations multiples sous un jour nouveau.

 

Propos recueillis par Mathieu Dejean

 

 

Source : http://www.lesinrocks.com

 

 

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 15:54

 

Source : http://www.bastamag.net

 

Santé publique

Intoxication aux pesticides : l’interminable combat des ex-salariés d’un géant français de l’agroalimentaire

 

par

 

 

 

 

Depuis cinq ans, des anciens salariés de la coopérative agricole bretonne Triskalia mènent un combat sans relâche. Travaillant dans le silo d’une filiale, ils ont été intoxiqués par les pesticides épandus sur les céréales dans l’attente que les cours remontent. Ils ont été licenciés et se battent depuis devant les tribunaux pour faire reconnaître leur préjudice et obtenir réparation. Cette affaire met en lumière les difficultés pour les travailleurs de l’agroalimentaire de faire reconnaître les activités à risque et les méfaits des pesticides dans les tâches quotidiennes. Des pesticides qui se transmettent ensuite à toute la chaîne alimentaire.

« Le cours des céréales ayant chuté, la coopérative Eolys avait décidé d’en stocker dans ses silos à grains des dizaines de milliers de tonnes et de couper les systèmes de ventilation pour économiser de l’argent sur l’énergie », raconte Laurent Guillou. un ancien salarié de la coopérative, désormais intégrée dans Nutréa, filiale du géant breton de l’agroalimentaire, Triskalia. Triskalia, ce sont 4800 salariés, plus de deux milliards d’euros de chiffres d’affaires, dont plus de la moitié dans la production et la nutrition animale, et une participation dans des marques comme Socopa (viande), Paysan breton (produits laitiers), Gelagri (avec Bonduelle), Mamie Nova, Prince de Bretagne...

 

Pesticide interdit

Dans les silos de Plouisy (Côtes d’Armor), les céréales n’étant plus ventilées, elles se mettent à fermenter et sont envahies de charançons. Nous sommes alors fin 2009. Pour arrêter leur pourrissement, l’entreprise décide de traiter les stocks de céréales en déversant des milliers de litres de pesticides. Parmi eux, le Nuvan Total, un neurotoxique cancérigène bourré de composants hautement toxiques utilisé pour la conservation des céréales. « Des bidons non utilisés étaient entreposés sur le site depuis une dizaine d’année. Le Nuvan Total est un pesticide interdit à la vente, au stockage et à la distribution depuis 2007. Selon la réglementation, le produit aurait dû être détruit », témoigne Laurent Guillou. L’entreprise utilise un autre pesticide, le Kobiol, pas interdit celui-là, mais à des doses dix fois supérieures aux limites autorisées.

Laurent Guillou et Stéphane Rouxel sont à ce moment employés au déchargement des céréales. En avril 2009 et mai 2010, ils sont victimes d’accidents du travail. Après le déchargement de camions, ils ressentent des brûlures au visage et aux yeux, des problèmes respiratoires ainsi que des maux de têtes. Ils sont atteints de vomissements et de crachats sanguins. À de nombreuses reprises, les salariés sont placés en arrêt maladie. Un médecin diagnostique une intoxication pulmonaire sanguine liée à l’inhalation des deux pesticides (lire notre article à l’époque).

 

Absence d’équipements de protection

Les salariés, qui n’ont pas été prévenus de la dangerosité de ces produits, ne sont pas équipés de vêtements de protection et ne portent pas de masques lors des manipulations qui les exposent aux poussières toxiques. Dès avril 2009, informé de ces évènements, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT [1]) convoque une réunion extraordinaire et des mesures concrètes visant à protéger les salariés sont arrêtées. Mais c’est sans compter sur l’absence de scrupules d’Eolys, propriétaire du stock de céréales, qui continue selon le même mode opératoire pour spéculer en attendant une hausse des cours. C’est le début d’un combat qui va durer plus de cinq ans.

 

 

Entre février et mai 2010, l’Inspection du travail établit un lien direct entre l’apparition des signes d’intoxication et la livraison des lots de céréales, ainsi que le défaut d’information et de formation des salariés. Autour du site de Plouisy, les membres de l’Office national de forêts constatent que les oiseaux et les rongeurs meurent. Les tonnes de céréales sont ensuite vendues aux agriculteurs et contaminent la chaîne alimentaire animale avant de finir dans l’assiette des consommateurs. Selon les ex-salariés, cette nourriture empoisonnée aura de graves conséquences sur les bêtes : surmortalité, avortement, cas de cannibalisme, baisse de la ponte (Triskalia commercialise environ un milliard d’œufs chaque année en France, les céréales stockées par Nutréa servant à nourrir les poules [2].

Chez les agriculteurs c’est le silence, aucun ne veut témoigner et encore moins porter plainte. On ne s’attaque pas facilement au groupe Nutréa-Triskalia, dont 18 000 agriculteurs sont adhérents, l’un des géants européens de la nourriture animale et de l’agriculture intensive. Outre les nombreuses marques qu’il fournit, le groupe coopératif possède les magasins de jardin et animalerie connus sous les enseignes Magasin Vert, Point Vert et Gamm Vert.

 

Spéculation sur fond de fusion-absorption

Au moment où Laurent Guillou et Stéphane Rouxel sont intoxiqués, le groupe est en pleine restructuration pour former le géant Triskalia. Les activités d’Eolys sont transférées dans la filiale Nutréa [3]. Daniel Riou, délégué syndical central de la CFDT, syndicat majoritaire dans l’entreprise Nutréa, qui compte neuf sites en Bretagne, voit dans l’attitude d’Eolys des pratiques inacceptables. Il estime que les risques professionnels sont aujourd’hui mieux pris en compte : « Au moment des accidents, les CHSCT étaient éclatés, ce qui n’est plus le cas maintenant. Depuis ces évènements, pour être plus efficaces dans nos missions nous avons mis en place un CHSCT unique dans lequel tous les sites sont représentés. Nous avons obtenu entre autres que les fosses de réception et les trémies de chargement vrac soient équipées de systèmes d’aspiration des poussières. Désormais, il existe des fiches d’exposition au poste de travail. C’est une première en nutrition animale. »

Le délégué syndical, qui dans la vie est aussi apiculteur et secrétaire de leur syndicat dans le Morbihan, est très sensible à la question des pesticides : « La France est classée au premier rang européen et au troisième rang mondial pour leur utilisation. Il n’y a pas de quoi pavoiser. Les firmes chimiques ne sont pas disposées à lâcher la pression sur le marché français dont la rentabilité est sure. »

Hypersensibilité aux produits chimiques multiples

Les deux salariés contaminés finissent par développer une hypersensibilité aux produits chimiques multiples. La « multiple chemical sensitivity » (MCS) est reconnu en tant qu’affectation invalidante en Allemagne, aux États-Unis et au Canada. Elle est reconnue par l’OMS dans la classification internationale des maladies [4]. En juin 2011, Laurent et Stéphane sont licenciés pour inaptitude à leur poste de travail. Commence alors pour eux une longue bataille judiciaire pour faire reconnaitre leur préjudice et dénoncer l’intoxication dont ils ont été victimes. Depuis le début, ils sont aidés par le syndicat Solidaires de Bretagne.

« L’entreprise reconnait l’accident mais n’en assume pas les conséquences. Elle n’a fait aucun effort pour les reclasser et encore moins pour les indemniser », dénonce Serge Le Quéau de Solidaires. De son côté, la MSA (la sécurité sociale des salariés et exploitants agricoles) a reconnu le caractère professionnel de leurs accidents du travail mais elle refuse obstinément d’admettre les effets invalidant de l’hypersensibilité aux produits chimiques.

Les maux dont souffrent les ex-salariés intoxiqués ont été décrits par l’Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse : « Les premières manifestations consistent en l’apparition d’une intolérance à certaines odeurs, sous la forme de nausées, maux de tête, douleurs nasales et/ou oculaires, avec sécheresse conjonctivale ou à l’inverse, larmoiements déclenchés à chaque fois que le sujet est exposé à un ou plusieurs produits chimiques. » Les victimes se plaignent aussi de ne pas supporter les parfums, les produits de nettoyage, les désinfectants ménagers… En dépit de ces affections, la Mutualité sociale agricole (MSA) essaie par tous les moyens de minimiser leur maladie : « Dans son rapport médical, le médecin de la MSA a noté que j’étais fumeur alors que je ne n’ai jamais fumé de ma vie », s’insurge Laurent Guillou.

La faute inexcusable de l’employeur enfin reconnue

Le 11 septembre 2014, les ex-salariés obtiennent une première victoire, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc reconnait la faute inexcusable de Nutréa-NA et fixe le taux de majoration de la rente à son maximum (l’entreprise n’a pas fait appel). Le surlendemain, quelques jours avant l’ouverture du Salon international des productions animales de Rennes, le quotidien Ouest-France publie un encart publicitaire vantant les mérites de l’entreprise bretonne : « Proximité, Réactivité, Confiance. Ne laissez rien au hasard, choisissez Nutréa ». Une publicité qui sonne comme une provocation, comparée au parcours du combattant mené depuis 5 ans par les deux ex-salariés pour obtenir justice et réparation.

C’est l’avocat qui a fait condamner Monsanto à Lyon, Maître François Lafforgue, qui se tient aux côtés des ex-salariés. Son cabinet s’est spécialisé dans les actions de groupe ainsi que l’indemnisation des victimes de catastrophes industrielles, sanitaires et environnementales. En 2010, après leur deuxième accident du travail et une nouvelle intoxication, les deux salariés ont porté plainte au pénal pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui. « L’enquête a eu lieu en septembre 2012 et, depuis, plus rien. Les victimes ont alors saisi la doyenne des juges du tribunal de grande instance de Saint Brieuc qui, comme le parquet, n’a pas pris position », s’étonne Serge Le Quéau.

Marathon judiciaire et minimas sociaux

Fin 2013, les ex-salariés saisissent également le conseil des prud’hommes de Lorient pour licenciement abusif, du fait notamment de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur. L’affaire, qui a été plusieurs fois renvoyée, sera plaidée le 22 mai prochain. Ils ont été rejoints dans leur combat par deux ex-salariés licenciés pour inaptitude en 2013 qui travaillaient comme eux sur le site de Plouisy. Comme leurs anciens collègues, Pascal Brigant et Claude Le Guyader, dénoncent une intoxication aux pesticides. Ils sont également atteints de MCS, mais celle-ci n’ayant pas été reconnue en tant que maladie professionnelle, ils ont obtenu début avril 2015 de la cour d’appel de Rennes qu’une nouvelle expertise médicale (délocalisée à Paris) soit pratiquée. Une nouvelle audience de jugement est prévue le 1er septembre devant la cour d’appel.

Le marathon judiciaire de ces ex-salariés de Nutréa-Triskalia est loin d’être fini. Pendant ce temps aucun d’eux n’a retrouvé de travail. Ils doivent survivre désormais avec les minima sociaux. Un paradoxe pour des salariés qui ont aussi permis de lancer l’alerte sur des pratiques qui ont des conséquences sur l’ensemble de la chaîne que suivent les aliments, jusqu’aux assiettes des consommateurs. Un Comité de soutien composé de dix-sept organisations s’est créé [5] et un peu partout en Bretagne des collectifs locaux voient le jour (Morlaix, Redon, Rennes, Saint-Brieuc). Un livre et un film sont également en préparation (par Eric Guéret, le réalisateur du film documentaire « La mort est dans le pré »).

Fin avril, devant le Club de la Presse de Rennes, René Louail, conseiller régional EELV et chef de file des Verts en Bretagne a annoncé que son parti en lien avec le groupe européen des Verts, allait demander la création d’une « commission d’enquête nationale et européenne » sur Triskalia. Pour cet ancien responsable de la Confédération paysanne, le statut coopératif de l’entreprise et son appartenance au réseau de l’économie sociale et solidaire ne sont pas compatibles avec des pratiques de « voyous ».

François Belloir [6]

Photos : Silos à grains / CC Brent Emery - Intérieur d’un entrepôt de céréales au Danemark / CC Neil Hester

- Retrouvez l’ensemble de nos articles sur le problème des pesticides

Notes

[1Le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail.

[2Voir l’audition de M. Dominique Bricard, directeur général de Nutréa, de M. Michel Le Friant, responsable des métiers du grain (Caliance), et de M. Joël Pennaneac’h, coordinateur du pôle sécurité (Triskalia), par la mission parlementaire sur les pesticides en 2012.

[3En 2009, Nutréa, UCA, groupe Unicopa ont été reprises par Coopagri, actionnaire majoritaire. En 2010, Eolys, Coopagri et CAM 56 ont fusionné pour devenir Triskalia.

[4Selon deux organisations indépendantes de recherche sur le cancer, Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (ARTAC), European Cancer and Environment Research Institute (ECERI), « le diagnostic de MCS repose sur l’existence d’épisodes aigus ou subaigus d’inflammation des voies aérodigestives supérieures, manifestés par la survenue de sinusites à répétition, de dysesthésies buccopharyngolaryngées, de brûlures œsophagiennes, et/ou des voies respiratoires avec alors la possibilité de bronchospasmes, qui peuvent alors évoquer une crise d’asthme. »

[5Phyto-Victimes, Générations Futures, SOS-MCS, l’Union syndicale Solidaires, la Confédération Paysanne, Attac, la LDH, Eaux et Rivières de Bretagne, Bretagne Vivante, EELV, Union Démocratique Bretonne, Ensemble, le PG, le NPA, AE2D, Sauvegarde du Trégor, Sauvegarde du Penthièvre.

[6Une version de l’article a initialement été publié par la revue Golias.

 

 

 

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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 22:59

 

Source : https://www.objectifgard.com

 

FÉRIA D’ALÈS La manifestation couleur sang des anti-corrida

16 mai 2015 à 19:00

 

 

C'est une mise en scène choc que les militants anti-corrida ont choisi de faire cet après-midi. EB/OG

C'est une mise en scène choc que les militants anti-corrida ont choisi de faire cet après-midi. EB/OG

 

Deux heures avant la première corrida de la Féria d'Alès, environ 500 manifestants se sont rassemblés cet après-midi devant la clinique Bonnefon autour d'un "happening sanguinolent".

15 heures. L'avenue Carnot, entre le pont neuf et le rond point de la route d'Uzès, est encerclée par les policiers. Les anti-corridas, munis de leurs banderoles, pancartes et sifflets arrivent par groupe. Jean-Pierre Garrigues, président du Comité radicalement anti-corrida (Crac), concocte un mélange aux allures de sauce tomate dans une bétonnière. Sur le passage piéton, une bâche a été installée pour y déverser la préparation, dans laquelle les manifestantes s'allongeront un peu plus tard. "Nous voulons symboliser la mort des taureaux à travers cette mise en scène", exlique Roger Lahana, vice président du Crac.

 

Environ 500 manifestants ont répondu présents. EB/OG

Environ 500 manifestants ont répondu présents. EB/OG

 

15h30. Environ 500 militants sont réunis et hurlent à tue-tête "Basta, corrida ! Basta, corrida !" Du haut d'un petit échafaudage monté pour l'occasion, Jean-Pierre Garrigues prend la parole : "Merci à tous d'être venus. Aujourd'hui, nous nous sommes rassemblés de manière différente par rapport à l'année dernière car nous voulons marquer les esprits. Nous essayons sans cesse de nous renouveler pour ne pas faire partie du paysage de la Féria. Je comprends que certains puissent être agacés car les choses ne vont pas assez vite. Cette lutte est extrêmement dure et plus nous multiplieront les actions, plus nous aurons de chances d'atteindre notre objectif : abolir cette pourriture de corrida !"

 

La manifestation a duré plus de deux heures. EB/OG

La manifestation a duré plus de deux heures. EB/OG

 

16h. Alors que les premières interventions d'associations de défense d'animaux commencent, un couple d'aficionados tente de franchir les barrières de sécurité en bousculant les militants. Ces derniers ne se laissent pas faire et une brève échauffourée éclate. Les deux personnes sont rapidement maîtrisées par les forces de l'ordre et écartées de la manifestation. C'est un Jean-Pierre Garrigues furibond qui reprend le micro. Il ne mâche pas ses mots : "Un couple d'enfoirés s'est permis de passer par là. Le type, c'est un abruti. Il a cogné un policier", scande t-il. L'incident clos, les prises de paroles reprennent.

 

"Basta, corrida !" crient les militantes. EB/OG

"Basta, corrida !" crient les militantes. EB/OG

 

16h55. La grande corrida démarre dans cinq minutes aux arènes du Tempéras. C'est le moment de marquer les esprits. Une vingtaine de femmes vêtues de noir s'allongent sur la bâche recouverte du mélange couleur sang. Avec des cornes en plastique sur leur tête et une pique sous le bras, elles symbolisent "les taureaux qui sont massacrés pendant les corridas". Les militants se taisent et observent. Caméras et appareils photos immortalisent la scène choc. Puis, des faux billets de 20 euros avec la photo de Max Roustan sont jetés sur elles, en référence à l'indemnisation financière de 15 000 € versée par la ville à l'association Toros Alès Cévennes pour compenser le manque à gagner dû à l'action des anti-corrida en 2014. Au même moment, un taureau devait faire son entrée dans les arènes du Tempéras.

 

Des faux billets de 20 euros avec une photo de Max Roustan ont été jetées sur elles. EB/OG

Des faux billets de 20 euros avec une photo de Max Roustan ont été jetées sur elles. EB/OG

 

Une vingtaine de femmes se sont allongées sur la bâche recouverte de sang pendant plusieurs minutes. EB/OG

Une vingtaine de femmes se sont allongées sur la bâche recouverte de sang pendant plusieurs minutes. EB/OG

Elodie Boschet

 

 

Source : https://www.objectifgard.com

 

 

 

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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 21:03

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Pour la révision du procès Kerviel

|  Par Edwy Plenel

 

 

Le trader n’a été que l’alibi de sa banque. Tel est le sens de nos nouvelles révélations sur l’affaire Jérôme Kerviel, mettant en évidence l’instrumentalisation de l’enquête judiciaire par la Société générale, afin d’échapper à ses propres responsabilités. Ces éléments nouveaux, qui s’ajoutent à d’autres, légitiment la révision d’un procès dont la vérité a été la première victime.

De mémoire de chroniqueur des affaires judiciaires et policières, c’est un événement sans précédent. Voici donc un officier de police judiciaire, toujours en fonction au sein de la police nationale, qui affirme avoir été manipulé, au détriment de la vérité, dans une enquête particulièrement sensible. Il ne s’agit pas d’une confidence volée mais d’une déposition sur procès-verbal, faite dans le cabinet d’un juge d’instruction. Et loin d’être vague et incertain, ce témoignage est ferme et précis, accompagné d’informations vérifiables (lire ici les révélations de Martine Orange).

Chargée de l’enquête au tout début de l’affaire, en 2008, la commandante de police Nathalie Le Roy donne aujourd’hui raison à la version de Jérôme Kerviel, dès sa garde à vue, dont il n’a pas varié depuis. En substance, il reconnaît avoir commis les actes qu’on lui reproche mais dans le cadre d’un système pousse-au-crime, celui de sa banque, et d’une culture incitant au risque, celle de la spéculation. Il n’a pas, il n’a pu engager seul, tel un desperado de la finance, cinquante milliards d’euros – soit plus que les fonds propres de la Société générale !

Ce qu’affirme la policière, ce n’est pas seulement qu’un coupable manque à l’appel – la banque elle-même. C’est aussi que son éventuelle culpabilité pourrait innocenter le seul coupable désigné depuis le premier jour à l’opinion et à la justice par la Société générale, Jérôme Kerviel, que le PDG d’alors n’avait pas hésité à qualifier de « terroriste ». La force de ce témoignage est qu’il émane précisément de celle qui, dans un premier temps, accabla le trader et qui, depuis 2012, s’est mise à douter, puis à revisiter et, enfin, à remettre en cause ses propres conclusion initiales.

De plus, il rejoint d’autres faits ignorés par une justice trop empressée à faire droit au seul point de vue de la banque. Toute enquête est en effet un puzzle, dont les pièces font collectivement sens, se tiennent et s’ajustent. Or, devenue vérité judiciaire avec la condamnation de Jérôme Kerviel à trois ans de prison ferme et 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts, la version officielle de la Société générale est une pièce isolée qui ne se raccorde pas aux autres éléments connus. Bref, qui ne colle pas, comme n’a cessé de le démontrer, depuis deux ans, Martine Orange, égrenant ces vérités ignorées ou délaissées, voire cachées (lire son appel, il y a déjà un an : En défense de Jérôme Kerviel).

Ce fut d’abord (ici) la révélation que les enregistrements des conversations entre Jérôme Kerviel et plusieurs responsables de la banque avaient été non seulement sélectionnés de façon partiale mais de plus tronqués, avec des « blancs » mystérieux. Ce fut ensuite (), documents à l’appui, la démonstration que les alertes sur les risques pris par le trader avaient été ignorées par la banque. Puis ce fut la révélation (ici) des accords transactionnels passés avec les salariés liés à l’affaire Kerviel afin d’acheter à prix fort leur silence. Ce fut enfin la publication () du récit très informé d’un employé du service informatique de la société de courtage de la Société générale, témoin que la justice refusa d’entendre.

Dans la banque, dans la justice, dans la police, d’autres témoins existent que Martine Orange a rencontrés et qu’évoque, dans sa déposition, Nathalie Le Roy. Ils craignent de parler à visage découvert tant les pressions sont fortes. Mais leurs récits vont tous dans la même direction : celle d’une banque dont les dirigeants ont organisé l’innocence, avec tout le poids d’une telle institution auprès des pouvoirs publics. Tout semble s’être passé comme si le sort d’un homme seul était devenu quantité négligeable face à l’avenir d’une banque importante.

Tout comme les zélotes du secret des affaires imitent les intégristes du secret défense, il y a dans le mécanisme de l’affaire Kerviel un ressort semblable à celui de la raison d’État et des injustices que, trop souvent, elle justifie. Que le trader ne puisse être seul coupable est une vérité qui doit être étouffée, au nom d’une raison supérieure à la justice : sauver la banque, sa réputation, ses dirigeants. La culpabilité solitaire du trader doit être proclamée pour sauver l’honneur collectif de la place financière. Or c’est avec de tels raisonnements que se commettent des erreurs judiciaires mettant en jeu l’honneur d’un pays, de sa démocratie et de sa justice.

L’autorité de la chose jugée n’est pas forcément la vérité de la justice véritable. L’erreur judiciaire est inhérente à la fonction de juger, et elle n’est pas obligatoirement fautive : tout jugement n’est que le résultat des éléments fournis à l’appréciation des magistrats, au moment du procès. S’il existe une procédure de révision, récemment renforcée et facilitée (voir ici), c’est pour permettre ce retour en arrière où la justice se grandit, suscitant de la confiance par la reconnaissance de ses tâtonnements et de ses imperfections. Et quel argument plus légitime pour prendre ce chemin de rédemption que le surgissement de faits nouveaux, au cœur de l’enquête elle-même ?

Cette révision et ce réexamen d’une décision pénale définitive peuvent d’abord être demandés par le ministre de la justice, chargé du bon fonctionnement de ce que notre Constitution (voir ici) nomme « l’autorité judiciaire » et qu’elle définit, tout simplement, comme la « gardienne de la liberté individuelle ». Une bonne justice est d’abord une justice qui protège le plus grand nombre, et non pas au service des intérêts d’un petit monde. Cette protection, les pouvoirs publics, et au premier chef la garde des Sceaux, la doivent à celle qui, désormais, a pris un risque immense, en faisant preuve d’un courage qui n’est pas moins grand.

Le témoignage de Nathalie Le Roy ne peut être laissé dans l’isolement d’un cabinet d’instruction. À tous les échelons d’une institution judiciaire encore entravée par l’absence d’indépendance statutaire du parquet, il doit provoquer une remise à plat de l’ensemble du dossier judiciaire. Lanceuse d’alerte de fait, puisque mettant en cause une décision de justice dont sa propre enquête fut le point de départ, la policière doit se sentir confortée afin que son témoignage soit non seulement pris au sérieux mais en libère d’autres, dont nous savons qu’ils sont disponibles, jusqu’au sein du parquet financier de Paris.

C’est enfin la liberté d’un individu, Jérôme Kerviel, qui est ici en jeu. Et la France sait, depuis l’affaire Dreyfus qui l’a grandie à la face du monde, que, parfois, du sort d’un seul, dépendent les droits de tous. Mais c’est aussi notre liberté collective qui se joue face à un univers de puissance et d’arrogance dont nous savons tous, d’expérience vécue, combien il est responsable des désordres et des malheurs du monde actuel. Car nous voulons croire que l’argent n’a pas définitivement détrôné l’homme, et que la France n'est pas encore devenue une banque.

C’est pourquoi l’affaire de la Société générale appelle ce sursaut, au plus haut niveau de l’État : la révision, pour servir la justice, respecter la vérité et honorer la République.

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 20:54

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

Le témoignage d'une commandante de police fait exploser le dossier Kerviel

|  Par martine orange

 

 

 

C’est une déposition sans précédent, qui transforme le dossier Kerviel en un scandale Société générale. La commandante de police chargée de piloter cette affaire à la brigade financière a raconté au juge d’instruction Roger Le Loire les dysfonctionnements rencontrés lors de ses enquêtes, menées entre 2008 et 2012. Son témoignage fait basculer le dossier et ne peut que forcer la justice à rouvrir l’enquête.

 

C’est une déposition sans précédent dans l’histoire judiciaire. Elle met à bas tout le dossier Kerviel et pourrait contraindre la justice à rouvrir l’enquête et à réviser ses jugements. Elle pose aussi la question du rôle du parquet qui, dans cette affaire, semble avoir oublié la notion de justice équitable, en soutenant sans réserve et sans distance la position de la Société générale.

 

Le 9 avril, selon nos informations, le dossier de l’affaire Kerviel a explosé dans les bureaux du juge d’instruction Roger Le Loire. Ce jour-là, le vice-président du tribunal de grande instance de Paris a auditionné un témoin hors norme dans le cadre d’une plainte contre X pour escroquerie au jugement déposée par Jérôme Kerviel : la commandante de police de la brigade financière chargée de l’affaire Kerviel. Celle qui a mené deux fois l’enquête, une première fois en 2008, une seconde en 2012.

 

Daniel Bouton révélant les pertes de la Société générale, le 24 janvier 2008.Daniel Bouton révélant les pertes de la Société générale, le 24 janvier 2008. © Reuters
 

Faisant preuve d'un courage exceptionnel et d’une rare intégrité intellectuelle, Nathalie Le Roy, qui a depuis changé d’affectation, avoue devant le juge les doutes qu’elle nourrit sur son enquête de 2008. Cette enquête qui a amené à la condamnation de Jérôme Kerviel à trois ans de prison ferme et 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts en appel (le montant des dommages et intérêts est en cours de révision à la cour d’appel de Versailles, après l’arrêt de la Cour de cassation annulant le jugement de la partie civile). L'enquêtrice explique devant le juge avoir complètement changé d'avis sur le dossier.

 

Alors qu’elle était convaincue de la culpabilité de Jérôme Kerviel en 2008, Nathalie Le Roy a commencé à avoir des interrogations, puis des certitudes, quand elle a repris l’enquête en 2012. « À l’occasion des différentes auditions et des différents documents que j’ai pu avoir entre les mains, j’ai eu le sentiment puis la certitude que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer les positions prises par ce dernier », assure-t-elle devant le juge.

 

Elle détaille les faits troublants et les dysfonctionnements qu’elle a eu à connaître dans le cadre de cette enquête et qui donnent une tout autre dimension à l’affaire. Son récit est stupéfiant et bouscule tout ce qui a été dit jusqu’ici sur ce dossier. À l’issue de cette audition, le juge Le Loire a, semble-t-il, été ébranlé. Car le dossier a basculé. La justice ne peut plus fermer les yeux sur ses errements : ce n’est plus de l’affaire Kerviel qu’il s’agit, mais bien d’une affaire Société générale.

 

Jamais jusqu’alors, cette commandante de police n’avait raconté cette enquête et exprimé ses doutes sur son déroulé. Ce n’est que parce qu’elle a eu à répondre à la convocation du juge Roger Le Loire qu’elle a accepté de briser le silence. Elle s’en explique devant le juge. « Je ne me suis jamais manifestée pour ne pas interférer dans le cours de la justice, mais j’avoue que ma convocation aujourd’hui m’apporte un soulagement. Je me suis très longtemps remise en question », confie-t-elle lors de son audition.

 

Face au juge Le Loire, elle revient en détail sur les différentes procédures qu’elle a eu à mener de 2008 à 2012. Elle raconte une enquête complètement prise en main par la Société générale. La banque impose sa version, choisit les interlocuteurs mais fait aussi pression sur les témoins, refuse de répondre aux réquisitions quand elles dérangent. L'enquêtrice parle aussi de l’étrange attitude du parquet. Malgré les doutes dont elle avait fait part, malgré les témoignages qu’elle avait recueillis, malgré les demandes d’expertise qu’elle avait formulées après avoir repris l’enquête en 2012, le parquet préfère enterrer le dossier et s’en tenir au récit largement développé par la banque, sans aller chercher plus loin.

 

Dès la révélation de l’affaire aux premières heures du 24 janvier 2008, la Société générale a imposé sa version des faits : la banque était victime d’un trader fou, travaillant en solitaire, jouant des milliards à l’insu de sa hiérarchie, de tous les contrôles. Ses positions extravagantes avaient coûté 4,9 milliards d’euros de pertes à la banque, avait alors affirmé son PDG, Daniel Bouton, alors même que toutes les opérations n’étaient pas débouclées, comme l'indique le rapport de la Commission bancaire. Depuis, la Société générale n’a jamais varié ni dans son récit ni sur le montant de ses pertes. Par deux fois, la justice a confirmé la version de la banque et a condamné Jérôme Kerviel pour abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse dans les systèmes informatiques.

 

Tous les témoins qui ont essayé à un moment ou à un autre de contester la ligne de défense de la Société générale, d’expliquer le fonctionnement des marchés et du monde bancaire, de démontrer qu’il était impossible que la banque ignore tout, de suggérer des pistes d’enquête, ont été ignorés, parfois dénigrés. Certains salariés de la Société générale, comme Philippe Houbé, qui travaillait chez Fimat, filiale de la banque chargée des opérations de compensation, ont été licenciés pour avoir osé contredire « l’histoire officielle ».

 

Cette fois, la Société générale et la justice vont-elles pouvoir balayer d’un revers de la main ce nouveau témoin ? Nathalie Le Roy est un personnage respecté à la brigade financière et dans le monde judiciaire. Connue pour sa rigueur et son expertise, elle s’est vu confier des dossiers très lourds et est très appréciée par les juges d’instruction. 

 

Quand Eva Joly a commencé à s’intéresser – très tardivement, a-t-elle regretté – à l’affaire Kerviel, elle a écouté longuement ses proches, notamment Julien Bayou, des connaisseurs du dossier, l’avocat de Jérôme Kerviel, David Koubbi, lui expliquer l’affaire. Si les arguments des uns et des autres l’ont convaincue, un détail à chaque fois la choquait : l’enquête avait été menée par Nathalie Le Roy. « J’ai eu à travailler avec elle dans de nombreuses enquêtes. Je connais son professionnalisme et sa rigueur », objectait Eva Joly. Pour l’ancienne juge d’instruction, l’enquête ne pouvait avoir été bâclée. Bâclée ? Elle ne l'a certes pas été. Mais orientée, cadrée, détournée de certains sujets qu’il ne fallait pas approcher ? Peut-être.

« J'ai eu le sentiment d'avoir été instrumentalisée »

 

© Reuters
 

Avec le recul, c’est ce doute qu’exprime Nathalie Le Roy lors de son audition, en revenant sur ses premiers moments à la banque. « J’ai eu le sentiment d’avoir été instrumentalisée par la Société générale », confie-t-elle au juge. Une instrumentalisation facilitée par le fait que l’enquêtrice débarque dans un monde financier totalement inconnu. « J’ai été saisie de l’affaire le 24 janvier 2008. Ce dossier m’a été attribué alors que je n’avais aucune connaissance boursière », déclare-t-elle.

 

La Société générale pourvoit à tout, et prend les inspecteurs de la brigade financière en main, les guide dans la jungle de la finance.  « J’ai tout d’abord entendu madame Dumas [adjointe au responsable des opérations à GEDS, le département où travaille Jérôme Kerviel – ndlr], alors que dans un même temps se déroulaient les perquisitions au siège de la Société générale par les collègues de service. L’ordinateur de Jérôme Kerviel était déjà mis à l’écart (…). Il avait peut-être été étudié, mais ça je ne le sais pas. (…) L’ensemble des documents qui ont été requis dans cette enquête auprès de la Société générale nous ont été fournis par cette dernière, car nous n’avions pas le matériel informatique pour l’exploitation. (…) C’est la Société générale elle-même qui m’adresse les personnes qu’elle juge bon d’être entendues. Je n’ai jamais demandé : “Je souhaiterais entendre telle ou telle personne.” C’est la Société générale qui m’a dirigé tous les témoins », raconte-t-elle. « C’était une position assez confortable », reconnaît-elle devant le juge, avec regret semble-t-il.

 

« Consignes générales : restituer les faits négatifs en recherchant leur portée, en les remettant dans leur contexte, en les noyant dans les faits positifs, en utilisant la complexité technique », recommandait la Société générale à ses salariés dans un autre dossier, celui du Sentier. Ce procédé est largement utilisé dans l’enquête sur Kerviel. Les témoignages sont noyés dans la technique et le jargon. Les personnes interrogées y parlent beaucoup de positions « short » et « long », de « put » et de « call », de warrants et d’opérations pending, de système Eliot et d’opérations sur Click options. Mais elles se gardent bien d’indiquer les carrefours importants des opérations financières, d’évoquer les appels de marge ou les effets des positions sur la trésorerie quotidienne, de faire allusion au système Zantaz logé aux États-Unis qui conserve tous les mails, ou même de la chambre de compensation Eurex. Bref, de tout ce qui  peut permettre de retracer les mouvements et les contreparties des opérations réalisées par Jérôme Kerviel.

 

Tous les témoins entendus par la brigade financière accréditent alors la thèse d'un Jérôme Kerviel, trader solitaire, pouvant engager 50 milliards d’euros – plus que les fonds propres de la banque – dans des opérations spéculatives, à l’insu de tous. Ce que conteste Jérôme Kerviel dès sa première audition. « J’ai entendu Jérôme Kerviel qui s’était présenté spontanément pendant 48 heures dans le cadre de sa garde à vue. Déjà à l’époque, il développait la théorie selon laquelle il avait effectivement pris les positions qui lui étaient reprochées, ce en pleine connaissance de la hiérarchie, ce qu’il a toujours maintenu », se rappelle Nathalie Le Roy devant le juge.

 

L’enquête se poursuit dans le cadre de l'information judiciaire confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset le 28 janvier 2008. Il faut boucler très vite, d’autant que la commission bancaire et surtout le rapport de l’inspection des finances, commandé par la ministre Christine Lagarde, ont déjà tranché le sujet dès mars 2008 : la Société générale est totalement victime des agissements de son trader.

 

En octobre 2008, l’enquête de la justice est à son tour achevée. « Sur la masse de scellés que nous avions réalisés, vu l’urgence, compte tenu du peu d’effectifs dans le groupe et de la masse de travail qu’il y avait à effectuer, certains n’ont pas été exploités », reconnaît l’ancienne enquêtrice de la brigade financière. D’autant qu’il faut parfois des équipements spéciaux pour pouvoir les exploiter. Alors, les enquêteurs s’en tiennent à ce que la Société générale leur fournit. « À titre d’exemple, le fameux entretien qui a eu lieu entre Jérôme Kerviel et ses supérieurs hiérarchiques à la découverte des faits, ça devait être les 20 et 21 janvier 2008 de mémoire, tous les enregistrements qui ont été faits dans cette salle nous ont été transcrits de manière manuscrite par la Société générale », précise-t-elle.

 

Le juge Van Ruymbeke puis le président du tribunal correctionnel, Dominique Pauthe, ont refusé à plusieurs reprises à la défense de Jérôme Kerviel, alors représentée par l’avocat Olivier Metzner, d’avoir accès à ces scellés. Ce n’est que quelques semaines avant le procès en appel que la présidente, Mireille Filippini, a accepté que la défense puisse y accéder. Trop tard pour pouvoir les exploiter à temps pour le procès.

 

David Koubbi, le nouvel avocat de Jérôme Kerviel, découvrira plus tard que certains scellés, dont l’ordinateur de Jérôme Kerviel ou des contenus de boîtes mails, n’ont jamais été ouverts. Il mettra aussi la main sur ces fameuses bandes – 45 au total – ayant enregistré les conversations entre Jérôme Kerviel et ses supérieurs. La défense découvrira les propos de Jean-Pierre Mustier, alors numéro deux de la Société générale, reconnaissant avoir perdu un milliard d’euros dans les subprimes. Et elle découvrira surtout des blancs, d’énormes blancs dans les enregistrements, blancs qui ne sont pas signalés dans la transcription manuscrite. Plus de deux heures et quarante-cinq minutes de conversations ont ainsi disparu (lire notre enquête : Les silences des bandes de la Société générale) !

Un mail à tête de mort

« L’enquête étant clôturée, j’ai fait mon rapport de synthèse à charge contre Jérôme Kerviel, tout en mettant en avant les manquements et les dysfonctionnements au sein de la Société générale. Nous sommes en 2008. Je suis convaincue de la culpabilité de Jérôme Kerviel et de la véracité des témoignages recueillis », déclare l’ancienne enquêtrice de la brigade financière au juge. Ce dossier l’a passionné, reconnaît l’enquêtrice. Elle se souvient avoir suivi toutes les audiences du procès. D’autant que, à la suite de cette première affaire, elle s’est formée dans les affaires boursières et on lui confie nombre d’enquêtes dans ce domaine, à la brigade financière.

 

Les premiers doutes viendront plus tard, en 2012, quand Jérôme Kerviel dépose deux plaintes, pour faux et usages de faux et escroquerie au jugement. Elle est à nouveau chargée de l’enquête préliminaire. Elle raconte que David Koubbi, l’avocat de Jérôme Kerviel, lui demande alors si elle est prête à recevoir des documents et des témoins, même si ceux-ci peuvent contredire ses conclusions initiales. « Je ferai mon devoir et entendrai tous les témoins qu’il est nécessaire d’entendre », assure avoir répondu Nathalie Le Roy.

 

Des témoignages, l’avocat de Jérôme Kerviel en a reçu de multiples. Car le procès en première instance puis le procès en appel ont réveillé des consciences, suscité des indignations. Des connaisseurs du monde financier, d’anciens traders ou banquiers, même s’ils n’ont aucun lien avec la Société générale, se sont manifestés pour expliquer que la thèse soutenue par la banque était tout simplement impossible. Les uns et les autres ont fait œuvre de pédagogie pour expliquer le fonctionnement des marchés, les points de contrôle, les contreparties extérieures. Tous aboutissaient aux mêmes conclusions : la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer les positions considérables qu’il avait prises. « C’était visiblement connu sur le marché puisqu’il était surnommé par certains traders “le gros” », raconte Nathalie Le Roy.

 

Jean Veil, avocat de la Société générale, après le verdict de la cour d'appel.
Jean Veil, avocat de la Société générale, après le verdict de la cour d'appel. © Reuters
 

Des salariés ou d’anciens salariés de la Société générale sont aussi intervenus, expliquant que tout le monde connaissait les pratiques de Jérôme Kerviel (lire Les confessions d’un ancien trader). « Certains ont accepté de témoigner sous leur nom, d’autres sous couvert d’anonymat », relève l’ancienne enquêtrice.

 

Celle-ci a en particulier détaillé devant le juge le témoignage de Florent Gras, un ancien salarié de la Société générale. « Il m’a tout de suite dit que l’activité de Jérôme Kerviel était connue, qu’il avait lui-même alerté madame Claire Dumas, qui était dans sa ligne hiérarchique. Il m’a dit avoir envoyé à cette dernière et à d’autres un mail avec une tête de mort pour attirer leur attention », déclare-t-elle. L’avertissement aurait été lancé en avril 2007, soit plus de neuf mois avant le scandale.

 

« J’avais demandé à la Société générale l’extraction des mails de Florent Gras et le mail en question n’y figurait pas. D’où la réquisition judiciaire du 10 octobre 2012 adressée à M. Oudea (PDG de la Société générale) pour obtenir l’extraction de la messagerie de madame Dumas, ciblée avec ses échanges avec Florent Gras et qui est restée lettre morte », poursuit-elle.

La Société générale n’a pas répondu à cette réquisition de la brigade financière. Comme elle n’a pas répondu à la réquisition pour obtenir les boîtes mails de certains supérieurs hiérarchiques, comme elle n’a pas répondu à d’autres demandes. La banque n’a aucune envie en 2012 de rouvrir une enquête, alors que sa position de victime a été reconnue par la justice en première instance et qu’un procès en appel est encore en cours.

 

Mais il n’y a pas que la Société générale qui refuse de revenir sur le dossier Kerviel. Le parquet de Paris a également tout fait pour enterrer définitivement l’affaire. Alors que les éléments et les témoignages s’accumulent, laissant penser que la Société générale n’est peut-être pas qu’une simple victime, l’enquêtrice, déclare-t-elle au juge Le Loire, s’est ouverte de ses doutes et de ses questionnements à sa hiérarchie. Celle-ci tente de la rassurer en disant qu’elle avait mené son enquête « en fonction des éléments qui lui avaient été communiqués ». Elle a également alerté le parquet, insistant sur les zones obscures qui ne cessaient d’apparaître dans ce dossier. Pour permettre d’y voir plus clair, elle demande d’engager de nouveaux actes et de nouvelles expertises portant à la fois sur les bandes et sur la saisie des mails stockés aux États-Unis.

 

Mais tout cela reste aussi lettre morte. Le parquet oppose un refus à tout et décide de classer les deux plaintes sans suite, avant même que l’enquêtrice ait rédigé un rapport de synthèse. « Les deux enquêtes (…) ont fait l’objet d’un retour en l’état à la demande du parquet, deux jours avant l’audience [qui devait prononcer le jugement de la cour d’appel – ndlr], sans synthèse de ma part. J’ai appris le lendemain, soit la veille de l’audience, que les plaintes étaient classées sans suite dans le cadre d’un non-lieu ab initio », dit-elle.

 

« Vous souvenez-vous de la date ? » demande le juge Roger Le Loire. « Il me semble que l’audience avait lieu le 24 octobre 2012 et que j’ai renvoyé le dossier sans synthèse le 22 », déclare-t-elle. Le parquet estimait manifestement qu’il y avait urgence à clore l’enquête, à fermer toutes les portes, avant le verdict de la cour d’appel condamnant définitivement Jérôme Kerviel comme seul responsable des pertes de la Société générale. Pourquoi ? Sur ordre de qui ? Faut-il croire que les intérêts du monde bancaire sont désormais supérieurs à ceux de la justice ?

 

« Cadres séquestrés »

 

Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale
Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale © Reuters
 

Ce classement sans suite ordonné par le parquet perturbe d’autant plus l’enquêtrice qu’à l’occasion de ce procès en appel, auquel elle assistait, elle a rencontré de nombreux traders, outrés par le sort réservé à Jérôme Kerviel.  Un témoignage dans l’assistance l’a alors particulièrement frappée, dit-elle.

 

« Lors du délibéré, dans les couloirs, j’ai assisté à une conversation d’une dame qui se présentait comme étant aux ressources humaines de la Société générale encore actuellement, qui ne pouvait donc se manifester et qui disait qu’elle était ulcérée que Jérôme Kerviel serve de fusible. Ne sachant comment comprendre ses propos, je me suis présentée à elle en tant que commandant de police à la brigade financière. Elle m’a dit se nommer G. C.. (…) Tout en connaissant ma qualité, elle a surenchéri en m’expliquant qu’en janvier 2008, après la découverte des faits, Frédéric Oudéa, à l’époque directeur financier, avait “séquestré” un certain nombre de cadres afin de leur faire signer un engagement de confidentialité de tout ce qu’ils avaient pu apprendre et qu’ils s’engageaient même à ne pas en parler à leur propre conjoint. De ce qu’elle me disait, la plupart des personnes ont signé cet engagement », rapporte Nathalie Le Roy sur le procès-verbal d’audition. Selon nos informations, des témoins extérieurs ont également assisté à cet échange.

 

Après cette conversation, Nathalie Le Roy lui a laissé son numéro de téléphone. « Elle m’a appelée. Nous nous sommes rencontrées et elle m’a dit être dans la réflexion de savoir si elle était disposée à témoigner mais de manière anonyme. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles », dit-elle. La peur, sans aucun doute, l’a dissuadée d’aller au-delà.

 

Ainsi, Frédéric Oudéa, actuel PDG de la Société générale, aurait pu faire pression pour empêcher que certains salariés témoignent devant la justice. Le soupçon avait déjà émergé lors du procès en appel (lire notre article Affaire Kerviel: le prix du silence). Un des responsables hiérarchiques de Jérôme Kerviel, Martial Rouyère, était appelé à témoigner devant le tribunal. Il avait été licencié à la suite du scandale mais en bénéficiant d’une prime de sept années de salaire. Du jamais vu dans l’histoire des prud’hommes.

 

« Est-ce le prix du silence ? » avait alors demandé la présidente du tribunal, Mireille Filippini. « Le fait de signer un accord comme celui-là ne vous lie que si vous ne voulez pas subir les conséquences… », répondit alors Martial Rouyère. « Qu’est-ce qui se passe si vous parlez ? » demanda l’avocat de Jérôme Kerviel. « Je dois rendre l’argent », répliqua Martial Rouyère. La déclaration ne fit même pas sursauter les juges. Plutôt que de pousser plus loin son questionnement, la présidente préféra clore l’audition, sans demander d'autres éclaircissements. Le pouvoir de l’argent peut beaucoup, même faire oublier à la justice quelques principes fondamentaux.

 

Mais pourquoi ces accords de confidentialité, ces compensations hors norme et peut-être ces pressions sur témoins ? Pourquoi la banque refuse-t-elle de délivrer des documents demandés par les enquêteurs, après leur en avoir obligeamment sélectionné d’autres ?  La Société générale aurait-elle quelque chose à cacher ?

 

« Dans le cadre du fonctionnement procédural de cette enquête, je me suis étonnée qu’il n'ait jamais été possible d’obtenir une expertise sur le montant des pertes déclarées par la Société générale », soulève Nathalie Le Roy durant son audition. C’est un des points clés de ce dossier hors norme. Les pertes de la Société générale, reconnues par la justice, l’ont été aux seuls dires de la banque. Même si le montant peut être révisé par la cour d’appel de Versailles, Jérôme Kerviel a tout de même été condamné par deux fois à verser 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts sur la seule parole de son ancien employeur.

 

« Il faudrait solliciter une expertise afin de s’assurer que les pertes annoncées sont bien en totalité liées aux opération de Jérôme Kerviel, chercher à savoir quelles sont les contreparties des opérations de débouclage. Car si la Société générale a perdu les 4,9 milliards, il y a forcément quelqu’un qui en a bénéficié », remarque, en guise de conclusion, l’ancienne enquêtrice de la brigade financière. Une suggestion qui pourrait être retenue par le juge d’instruction Roger Le Loire.

 

Jusqu’à présent, ce mystère reste entier. Officiellement, personne n’a gagné face à la Société générale. Aucun intervenant financier, en tout cas, ne s’est vanté d’avoir réalisé de gains substantiels dans ces opérations. Les 4,9 milliards d’euros perdus par la Société générale se sont évanouis dans la nature.

 

Et encore la banque n'a-t-elle, in fine, pas tout perdu. Car dès mars 2008, sans attendre les décisions de la justice, Bercy, s’appuyant sur le rapport de l’inspection des finances, accordait un avoir fiscal de 1,7 milliard d’euros à la banque, du fait de ses pertes, inclus dans ses comptes 2007, alors que tout s’était passé en 2008. Ce cadeau fiscal a vite servi. Dans l’année, la direction de la SG – banque pourtant très touchée par la crise des subprimes – décidait de verser 420 millions d’euros, soit 45 % de son bénéfice, de dividendes à ses actionnaires et de racheter pour 1,2 milliard d’euros d’actions. À quelques millions près, c’est la somme dont lui ont fait cadeau les contribuables.

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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 17:02

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/marielle-billy

 

 

Fralib-Gémenos : la lutte créatrice

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