Poursuivi pour « incitation au sabotage », l’écrivain italien et opposant au projet de ligne TGV Lyon-Turin Erri De Luca a été relaxé, lundi 19 octobre, par un tribunal de Turin.
Le romancier, notamment lauréat du prix Femina étranger 2002 pour Montedidio, était visé par une plainte de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF), la société d’économie mixte en charge du projet controversée et dont l’Etat français est actionnaire à 50 %, pour des propos en septembre 2013 dans la version italienne du Huffington Post. Erri De Luca y revenait sur la lutte, menée depuis 10 ans, par les opposants au projet de TGV-Lyon Turin, écologistes et habitants des régions menacées. « Les sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile », avait déclaré notamment l’écrivain.
A l’ouverture de son procès, début de l’année 2015, Erri De Lucca, qui n’a jamais nié ses propos tout en revendiquant sa « liberté d’expression », avait reçu le soutien de nombreux responsables, artistes et intellectuels. Le parquet, de son côté, avait requis huit mois de prison ferme.
Dans une déclaration lue lundi devant les juges, le romancier a une nouvelle fois assumé sa déclaration. « Je défends l’origine du mot saboter dans son sens le plus efficace et le plus vaste », a-t-il affirmé. « Je suis prêt à subir une condamnation pénale pour son emploi, mais non pas à me laisser censurer ou réduire ma langue italienne. »
L’annonce du verdict a été saluée par les acclamations des nombreux militants venus soutenir dans le tribunal Erri De Luca, comme le montre cette vidéo postée sur Twitter par un journaliste du quotidien italien La Stampa.
Source : http://www.mediapart.fr
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Source: http://www.mediapart.fr
Erri De Luca, l'écrivain italien assigné en justice par les dirigeants de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF) pour avoir déclaré à la presse en 2013 que les « sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile », a été relaxé, lundi 19 octobre. Lors de la précédente audience, le parquet de Turin avait requis huit mois de prison ferme pour « incitation au sabotage ».
Nous republions à cette occasion le Rythm&News n° 5 de La Parisienne libérée, initialement mis en ligne en mars 2015.
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À quoi servent les grands projets inutiles ?
En théorie, les grands travaux doivent, pour mobiliser légitimement de l'argent public, faire la démonstration de leur utilité. En pratique, les procédures de débat public sont des mascarades et il suffit aux promoteurs de trouver des soutiens politiques. Mais même quand ces projets ne servent pas l'amélioration de la vie collective ou quand leur coût est complètement disproportionné au regard du service rendu, il est important de comprendre que ces grands travaux imposés ne sont pas « inutiles » pour tout le monde…
Ils profitent évidemment à des entreprises privées comme Vinci à Notre-Dame-des-Landes, ou à des sociétés d'économie mixte telles que la Société des coteaux de Gascogne à Sivens. Les contrats de travaux publics offrent l'immense avantage de se chiffrer en centaines de milliers, en millions, en milliards d'euros pour les plus gros chantiers. Cela en fait un secteur attractif, au point que pour profiter de la manne, des sociétés directement liées à la mafia ont pu s'infiltrer sur le projet du Lyon-Turin.
Ensuite, les projets inutiles profitent à des élus et à des fonctionnaires dont la mission serait théoriquement de faire prévaloir l'intérêt général, mais qui n'en font pas un principe d'action (pour dire cela gentiment). Quand on voit l'acharnement de certains d'entre eux à mener à bien des ouvrages infondés, on ne peut pas exclure l'hypothèse qu'ils tirent des bénéfices directs et privés de ces contrats publics, que ce soit pour eux-mêmes et/ou pour leurs partis. Ces corruptions directes sont difficiles à mettre en évidence – cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas, ni qu'elles ne seront jamais découvertes.
Il peut aussi arriver que certaines personnes chargées d'une mission publique réorientent favorablement leur carrière en décrochant un poste à responsabilité dans un des grands groupes privés qu'ils ont favorisés dans le cadre de leur charge publique. Rendez-nous service, on vous revaudra ça.
Enfin, de façon apparemment plus anodine, la confiscation de l'intérêt public peut se faire sur un mode électoraliste. « Voyez le bel équipement que je m'en vais vous construire. Demain, ce sera le retour de la croissance et après-demain, celui du plein emploi. Votez pour moi ! » Cela n'est pas condamnable, à condition que l'ouvrage en question soit effectivement bénéfique pour la collectivité, ce qui est loin d'être toujours le cas.
Qu'il s'agisse d'une corruption de type économique, carriériste, politique, le résultat est le même : prise dans un processus de corruption, l'utilité publique de l'ouvrage est littéralement capturée pour générer des bénéfices privés. L'ouvrage en question passe alors au second plan par rapport à sa réalisation, ce qui conduit à négliger l'étude des solutions alternatives, même si celles-ci sont plus économiques pour la collectivité et éventuellement meilleures en termes de service public rendu.
Il existe déjà un direct Lyon-Turin, qui n'est pas saturé. La ligne vient d'ailleurs d'être refaite.
En troisième lieu, les grands projets inutiles servent les exigences sans cesse plus importantes de notre ancienne ennemie : « la finance ». Dans ce processus de capture, non seulement les citoyens sont amenés à enrichir le secteur privé sans en tirer les bénéfices escomptés en termes de service public, mais en plus on les contraint à le faire avec de l'argent… qu'ils n'ont pas ! En complément des PPP, l'Europe a inventé à cette fin une astuce : le project bond ou obligation de projet, parfois évoqué sous le nom de plan Junker.
Le principe est simple. Les États sont encouragés à lancer de grands projets, et donc à signer de grands contrats avec de grandes sociétés privées. Mais, comme dirait l'autre, les caisses sont vides. Cela tombe bien, il y a tout l'argent nécessaire. Où cela ? Mais sur les marchés financiers, pardi ! Ah évidemment, les marchés ne prêtent pas volontiers à des États en faillite. Mais la finance prête sans hésiter à la finance, surtout quand il y a des garanties publiques. Avec ce nouveau produit financier, appelé « project bond » ou « obligation de projet », c'est donc une société privée qui fera les investissements nécessaires en empruntant de l'argent sur les marchés financiers. À elle, les marchés prêteront. D'autant plus que l'Europe garantira ces obligations via la Banque européenne d'investissement, ce qui en « rehaussera » la valeur financière. Et en cas de fiasco, les États payeront.
Cela n'a pas loupé : première expérience, premier fiasco. Dans le cadre d'un grand projet gazier, les contribuables espagnols ont gagné 500 tremblements de terre sur leurs côtes et perdu trente années d'indemnisation en faveur de l'entreprise privée, l'ouvrage ayant été abandonné. Quelle réussite ! Puisque tout fonctionne comme prévu, réessayons. C'est justement ce qui est envisagé avec le Lyon-Turin.
Initialement chiffré à 3 milliards, il est aujourd'hui évalué à près de 30 milliards, sans compter les inévitables surprises de chantier, et prévoit la construction d'un nouveau tunnel de 57 kilomètres sous les Alpes. Le plus long jamais construit, grâce auquel les villes de Moscou et de New York ne seront plus qu'à quelques jours de train l'une de l'autre ! Mais si, je vous assure. C'est le chaînon manquant pour pouvoir aller rapidement d'un point à un autre n'importe où sur le globe. C'est en tout cas l'opinion de ses sponsors, en toute objectivité.
Et lorsque François Hollande a annoncé le 26 février 2015 que l'ouvrage coûterait 3 milliards, il n'a pas du tout menti. Il a simplement oublié de préciser que cela ne concernait qu'une toute petite tranche des travaux. La Cour des comptes elle-même a d'ailleurs évalué l'ouvrage à 26 milliards d'euros en 2012 et a clairement donné un avis défavorable : le projet est ruineux. Mais ses promoteurs, réunis au sein du comité La Transalpine (présidé par Franck Riboud, ex-PDG de Danone) sont tout à fait favorables à l'utilisation de project bonds. Ces outils financiers constituent, selon eux, « une hirondelle dans l'hiver de l'investissement ». Poètes, avec ça.
Enfin, dernier aspect essentiel : les grands projets inutiles servent à imposer une conception militarisée de l'ordre social. Ils sont l'occasion de réprimer violemment et publiquement les opposants, de les mutiler ou même de les tuer sans qu'aucune protestation massive n'ait lieu. Ne faites pas attention, ce sont des écologistes. Des black blocs. Des radicaux. Des grands-mères. Des chômeurs. Des paumés. Des antifascistes. Des babas cools. Des néoruraux. Des anciens révolutionnaires. De nouveaux anarchistes. Bref, des gens qui n'ont pas compris l'importance de ce barrage. De cet aéroport. De cette autoroute. De cette ferme à mille vaches. De ce Center parcs. De ce chemin de fer.
Ce sont des gens qui auraient manifesté contre l'invention de la roue, vous comprenez ! Inutile de vous montrer solidaire, ne vous fatiguez pas. De toute façon nous sommes les plus forts, regardez.
C'est ainsi que les grands projets installent peu à peu dans le paysage une violence qui n'est pas seulement policière : une violence d'État, de région, de conseil général. Une violence politique.
En Italie, la vallée de la Suse vit donc sous occupation militaire pour permettre les fameux « sondages » censés préparer les travaux. Près de 150 années de peines de prison ont été prononcées fin janvier 2015 contre une cinquantaine de personnes, qui s'étaient opposées au Lyon-Turin en 2011. Soit une moyenne de trois ans par personne ! Les mobilisations de terrain sont réprimées de façon particulièrement sévère et l'écrivain Erri de Luca risque lui aussi cinq ans de prison pour avoir publiquement soutenu les opposants (lire à ce sujet l'entretien publié par Mediapart).
Ainsi, notre droit collectif de protester et d'émettre des critiques à l'égard des grands projets est directement menacé par les plaintes d'une société privée domiciliée en France, la Lyon-Turin Ferroviaire (récemment métamorphosée en Tunnel Euralpin Lyon Turin), qui ont été validées par le parquet de Turin. Une société de droit privé s'associant à un procureur de la République pour réprimer une contestation sociale : au fond, n'est-ce pas l'aboutissement rêvé d'une politique de partenariats public-privé ?
Pendant ce temps, on nous explique qu'il faudrait supprimer 22 000 postes dans les hôpitaux publics. Par mesure d'économie, bien entendu.
Contre ces politiques criminelles, faisons du bruit avec nos sabots !
SOMMAIRE
Édito : À quoi servent les grands projets inutiles ?
Lyon-Turin : un train sans frein
Resistenza ! Résister, c'est exister deux fois
La TAV non si farà : chanson transfrontalière
Le Lyon-Turin, train sans frein (duo)
Le 24 février 2015, lors d'une conférence de presse aux côtés de Matteo Renzi, François Hollande a fièrement annoncé : « Nous pouvons maintenant dire que le Lyon-Turin est non seulement acté, mais lancé. » Cherchant une tournure originale et frappante, il a cru bon d'ajouter : « Il n'y a plus aujourd'hui aucun frein pour aller vers la réalisation de cet ouvrage. »
Malgré un coût prévisionnel de 30 milliards et sa vocation à traverser les Alpes, le Lyon-Turin serait donc livré sans frein ? Chanson à deux voix, aux côtés d'un président en roue libre.
Cette chanson a été traduite en italien par un de nos lecteurs, que nous remercions.
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LE LYON-TURIN, TRAIN SANS FREIN
Paroles et musique : la Parisienne Libérée
François Hollande 24.02.2015
« Nous pouvons maintenant dire que le Lyon-Turin est non seulement acté, mais lancé […]. Il n'y a plus aujourd'hui aucun frein pour aller vers la réalisation de cet ouvrage. »
Vers un déficit
Qui se creuse en milliards
De plus en plus vite
Et dans le brouillard
Tout droit vers l’abîme
Depuis plus de vingt ans
Une vieille transalpine
Cherche son élan
F. Hollande
« Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin ! »
L’ouvrage ambitieux
Doit ramener la joie
Un avenir radieux
Et le plein emploi
Oui mais pour l'instant
Il y a surtout des poids lourds
Qui couvrent de polluants
Les vallées alentour
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin !
Pour la bagatelle
D’à peine trente milliards
L’avenir vous appelle
Attention au départ
La France et l'Italie
Avancent en binôme
Enfin réunies
Dans un même train fantôme
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin !
Tout le monde en veut
C'est la fête en backstage
Pour le nouveau jeu
Du « project bondage »
On emprunte tout
L’État est garant
Certains gagnent un trou
D'autres, plein d’argent
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin !
De Lyon à Turin
Il y a déjà un chemin de fer
Personne ne s’en plaint
Personne ne s’en sert
La saturation
Est aussi dramatique
Que celle des avions
À Nantes Atlantique
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin !
Et même s’il déraille
Ah quel beau projet
Ça fait de la ferraille
Pour les financiers
Notre président
Mieux que pour le chômage
Inversera sûrement
La courbe des alpages
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Aucun frein, aucun frein
Il n’y a plus aujourd'hui aucun frein
Au Lyon-Turin, au Lyon-Turin !
Resistenza ! Erri esistenza...
Un des traits de caractère frappants d'Erri de Luca, c'est qu'il fait preuve d'une grande cohérence, d'une profonde constance dans ses propos. Même à plusieurs années d'intervalle, il reste fidèle à sa pensée. On sait où le trouver. Oui, il soutient les opposants au Lyon-Turin. Non, il ne fera pas appel d'une éventuelle condamnation. Oui, son corps est d'accord. Il faut résister, la résistance est une ré-existence. Résister, c'est exister deux fois.
Cette vidéo, où Erri de Luca s'exprime en italien, est sous-titrée en français. Pour faire apparaitre la traduction, cliquez sur la deuxième icône en bas à droite de la vidéo (petit rectangle avec deux traits dedans, entre l'horloge et la roue crantée).
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RESISTENZA ! ERRI DE LUCA
Montaggio e musica : la Parisienne Libérée
Resistenza è ri-esistenza. È esistere due volte
Erri de Luca - La epoca dei feudatari e finita I sudditi non esistono più, qui ci sono cittadini (…) E questo è il motivo ché me fa dire ché qui, non passeranno !
Giornaliste - Sua frase « la TAV va sabotata » (…) « la TAV va sabotata, le cesoie sono utili perché servono a tagliare gli retti »
Resistenza ! Resistenza e ri-esistenza, e esistere due volte
Io penso ché quella opera cadrà, non si farà. Quella cantiere Chiomonte verrà chiuso.
Questa battaglia nasce localizzata in qual posto, in quella val di Susa dove una procura della repubblica ha voluto, ha intesa la sua funzione comò repressione di movimento di massa (…) Gli ultimi due anni quella procura della repubblica ha procurato circa une migliaio di incriminazioni dunque c’è una volontà di repressione di movimento di massa
Resistenza e ri-esistenza, e esistere due volte
Giornalista - Avete detto ché la TAV Torino-Lione andrebbe sabotata
Erri de Luca - Va sabotata
Giornalista - Va sabotata. Perché va sabotata ?
Resistenza !
Erri de Luca - Si sa già ché la TAV non si farà ma intanto cercano di cavare da quel buco il massimo de profitto possibile, comò e successo per une mucchio, centinaia, di grandi opere pubblici ché sono rimaste così, a meta…
Quella cantiere Chiomonte verrà chiuso
La TAV non si farà, e lo sappiamo tutti, lo sanno tutti, lo sanno anche quelli ché estendo continuando a scavare il buco ma cercano di la fare quando più possibile.
Io penso che quella opera cadrà
Siamo il paese ché a il più alto grado di corruzione in Europa e la minora libertà di stampa. Voglio dire ché la nostra libertà di stampa dipende dal fatto ché oggi I giornalisti non sono dei professionisti della informazione, ma sono per la grand parte degli impiegati de un’azienda. Per me in somma si tratta de una stampa « embedded », c’è al seguito delle truppe. Siamo intoppata dentro della versione officiale.
Resistenza e ri-esistanza, e esistere due volte
Giornaliste - Tu en un intervista del Huffington Post a detto : «La TAV va sabotata. Ecco perché servono le cesoie : sono utili a tagliare le reti. »
La TAV va sabotata
Erri de Luca - Quando esiste una prepotenza di Stato, esiste anche una resistenza, un dritto di resistenza de una comunità.
Resistenza
Incriminarmi per la parola ché io ho detto sabota il mio dritto de parola contraria.
È ri-esistenza
Non intendo fare appello per quello ché si queste mio parole sono considerato un crimine continuerò a commetterlo e dunque sono un reo confesso.
E esistere due volte
Giornaliste - Continuare a dire ché la TAV va sabotata ?
Erri de Luca - Si si, possono imprigionare il mio corpo ma certa non possono mettere le manette, non possono imprigionare quelle parole ché sono quelle ché appartengono a una comunità in lotta.
Resistenza
Anche perché io penso ché quella opera cadrà, non si farà, quella cantiere Chiomonte vera chiuso.
Resistenza
Qui, non passeranno !
Resistenza
Non si farà
Cadrà
Vera Chiuso
È ri-esistanza, e esistere due volte
Giornalista - La TAV andrebbe sabotata ?
Erri de Luca - Va sabotata.
Resistenza !
Resistenza !
Resistenza e ri-esistenza : esistere due volte
RÉSISTANCE ! ERRI DE LUCA
Montage et musique : la Parisienne Libérée
La résistance, c’est une ré-existence. C’est exister deux fois.
Erri de Luca – L’époque féodale est terminée, il n'y a plus de sujets ici, mais des citoyens. […] C’est ce qui me fait dire qu'ici, ils [les promoteurs du Lyon-Turin] ne passeront pas !
Journaliste – Sa phrase « il faut saboter le Lyon-Turin » […] « Il faut saboter le Lyon-Turin. Les cisailles sont utiles car elles permettent de couper les lignes. »
La résistance, c’est une ré-existence. C’est exister deux fois.
Je pense que ce projet va échouer. Il ne se fera pas. Le chantier de Chiomonte finira par fermer.
Cette bataille a commencé de façon localisée, dans cette vallée de la Suse où un parquet a décidé d’envisager sa fonction comme la répression d’un mouvement de masse. […] Au cours des deux dernières années, ce parquet a poursuivi près d’un millier de personnes, donc il y a bien une volonté de réprimer un mouvement de masse.
La résistance, c’est une ré-existence. C’est exister deux fois.
Journaliste – Vous avez dit : le Lyon-Turin devrait être saboté…
Erri de Luca – Doit être saboté.
Journaliste – Doit être saboté. Pourquoi doit-il être saboté ?
Résistance !
Erri de Luca – On sait déjà que le Lyon-Turin ne se fera pas mais entretemps, on essaye d’arracher grâce à ce trou le maximum de profits possible, comme cela est déjà arrivé pour un tas de projets, des centaines de grands travaux publics sont restés comme ça, à demi réalisés…
Ce chantier de Chiomonte finira par être fermé.
Le Lyon-Turin ne se fera pas, et ça nous le savons tous, ils le savent tous, même ceux qui continuent à creuser le trou, mais ils cherchent à aller le plus loin possible.
Je pense que ce projet va échouer.
Nous sommes le pays qui a le plus haut niveau de corruption en Europe et où la presse a le moins de liberté. Je veux dire que notre liberté de la presse dépend du fait qu’aujourd’hui les journalistes ne sont pas des professionnels de l’information, mais pour la plupart d’entre eux, des employés d’usine. Pour moi, en somme, il s’agit d’une presse « embarquée », c’est-à-dire qui suit les troupes. Nous sommes embrigadés dans la version officielle.
La résistance, c’est une ré-existence. C’est exister deux fois.
Journaliste – Dans un entretien avec le Huffington Post, vous avez dit : « Il faut saboter le Lyon-Turin. C’est à cela que servent les cisailles : elles sont utiles pour couper les lignes. »
Il faut saboter le Lyon-Turin.
Erri de Luca – Quand il existe une arrogance de l’État, il existe aussi une résistance, un droit de résistance collective.
La résistance.
Me faire un procès pour les mots que j’ai prononcés sabote mon droit à la parole.
C’est une ré-existence.
Je n’ai pas l’intention de faire appel car si mes paroles sont considérées comme un crime, je continuerai à le commettre et je suis donc effectivement coupable.
C’est exister deux fois.
Journaliste – Vous continuerez à dire qu’il faut saboter le Lyon-Turin ?
Erri de Luca – Oui, oui, ils peuvent mettre mon corps en prison mais certainement pas mettre des menottes ou emprisonner ces paroles, qui appartiennent à une collectivité en lutte.
Résistance
Et aussi, parce que je pense que ce projet va échouer, qu’il ne se fera pas, ce chantier de Chiomonte finira par être fermé.
Résistance
Ici, ils ne passeront pas !
Résistance
Il ne se fera pas
Il échouera
Il finira par être fermé
C’est une ré-existence : c’est exister deux fois.
Journaliste – Le Lyon-Turin devrait être saboté ?
Erri de Luca – Doit être saboté.
Résistance !
Résistance !
La résistance, c’est une ré-existence. C’est exister deux fois.
La TAV non si farà (chanson transfrontalière)
Les mots qui entrent par l'oreille restent gravés dans la mémoire de façon surprenante. Avant d'entendre Erri de Luca, j'aurais été incapable d'écrire un texte en italien. Mais en l'écoutant attentivement, j'ai eu envie d'essayer de restituer en chanson ce qu'il explique à longueur d'interview : le Lyon-Turin ne se fera pas. Les violences policières, les relais médiatiques n'y suffiront pas. La corruption est trop évidente, le projet trop mauvais, trop cher, trop dangereux. Les gens y sont opposés et ils ont raison. N'insistez pas, ne détruisez pas des vies, des montagnes, n’asséchez pas des sources de façon irréversible, ne libérez pas l'amiante, ne ruinez pas les États, regardez la réalité en face, arrêtez de creuser ce trou absurde. Le Lyon-Turin ne verra jamais le bout du tunnel.
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LA TAV NON SI FARÀ
Parole e musica : la Parigina Liberata
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
C’e militarizzazione
E prepotenza
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
C’è alta pressione
E Resistenza !
Contro la demolizione
De l’ambiente montano
E la grave corruzione
Dello stato
Opera Strategica*
O buco dell'assurdità ?
La TAV va sabotata
Non si farà !
Tra Torino e Lione
C’è già una linea
E nessuna vera ragione
Per costruir'ne un’altra
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
C’è molta speculazione
Per poca libertà
Con trenta miliardi di euro
Proteggiamo la montagna
E lasciamo l'amianto
In pace, dové si trova
Opera Strategica
O buco dell'assurdità ?
La TAV va sabotata
Non si farà !
Non si farà !
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
C’è la disinformazione
Della « embedded » stampa
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
Si mente alla Televisione
Per screditare la lotta
Per screditare la lotta
Ma dal suo elicottero
Questa politica che governa
Con el gas lacrimogeno
Non ha più legittimità
Opera Strategica
O buco dell'assurdità ?
La TAV va sabotata
Non si farà !
Non si farà !
Tra Torino e Lione
In Val di Susa
C’è una giusta ribellione
Da vent’anni già
Contro l'autorità
Nociva e imposta
La Tav va sabotata
Non si farà...
Non si farà...
Mai.
LE LYON-TURIN NE SE FERA PAS
Paroles et musique : la Parisienne Libérée
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
Il y a de la militarisation
Et de l'intimidation
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
Il y a une forte pression
Et de la résistance
Contre la démolition
De l'environnement de montagne
Et la grave corruption
De l’État
Ouvrage stratégique*
Ou cavité de l'absurdité ?
Il faut saboter le Lyon-Turin
Le Lyon-Turin ne se fera pas !
Entre Turin et Lyon
Il y a déjà une ligne
Et aucune véritable raison
Pour en construire une autre
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
Il y a beaucoup de spéculation
Pour peu de liberté
Avec trente milliards d'euros
Protégeons la montagne
Et laissons l'amiante
En paix, là où elle se trouve
Ouvrage stratégique
Ou cavité de l'absurdité
Il faut saboter le Lyon-Turin
Le Lyon-Turin ne se fera pas !
Le Lyon-Turin ne se fera pas !
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
Il y a la désinformation
De la presse « embedded »
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
On ment à la télévision
Pour discréditer la lutte
Pour discréditer la lutte
Mais depuis son hélicoptère
Cette politique qui gouverne
Avec du gaz lacrymogène
N'a plus de légitimité
Ouvrage stratégique
Ou cavité de l'absurdité ?
Il faut saboter le Lyon-Turin
Le Lyon-Turin ne se fera pas !
Le Lyon-Turin ne se fera pas !
Entre Turin et Lyon
Dans le Val de Suse
Il y a une juste rébellion
Depuis ving ans déjà
Contre l'autorité
Nocive et imposée
Il faut saboter le Lyon-Turin
Le Lyon-Turin ne se fera pas
Le Lyon-Turin ne se fera...
Jamais.
*Les ouvrages stratégiques sont une catégorie de travaux prioritaires en Italie.
L’ensemble des contenus de la rubrique « Rythm&News » sont placés sous licence creative commons pour les usages non commerciaux. En cas de problème technique lié à la lecture des fichiers, vous pouvez essayer de les lire directement sur soundcloud (audio). Un grand merci à Mimoso qui m'a aidée à documenter les sujets abordés dans cette chronique. Les sources, crédits et liens de documentation sont disponibles sous l'onglet Prolonger.
Source: http://www.mediapart.fr