Michel Mercier est content. Le garde des sceaux a trouvé « l’ébauche d’un commencement de compliment » dans le discours traditionnellement sévère du président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), vendredi 15 octobre, lors du 37e congrès du syndicat à Paris, intitulé « désespoir, des espoirs ». Ce n’est pas faux, et la rondeur bonhomme du ministre a mis un peu de pommade sur les plaies des magistrats, après une année marquée par la mobilisation historique du monde judiciaire lors du drame de Pornic en janvier et les attaques répétées du chef de l’Etat.
Christophe Régnard a consenti au ministre « des efforts encourageants qui mériteraient d’être amplifiés » avant de démolir point par point la politique du gouvernement et d’éreinter Philippe Courroye, le procureur de Nanterre.
Le président de l’USM a fait part au ministre de son « agacement » à le voir « sans cesse présenter le budget de la justice en hausse alors qu’il stagne ou même diminue ». Pour l’USM, la baisse en autorisation d’engagement de « la justice judiciaire » est de 600 millions d’euros en 2012, soit 15%, le budget de fonctionnement des services civils est amputé de 20%, celui des services pénaux de 23%, même l’aide aux victimes, « que sur les ondes, on continue à nous dire prioritaire » est de en baisse de 2,74%. « En mettant tous les moyens sur les établissements pénitentiaires, on oriente toute la politique pénale sur l’enfermement et non sur la préparation de la sortie et au suivi en milieu ouvert », a regretté Christophe Régnard.
Les réquisitions au procès Chirac
Il a aussi fait part de son « inquiétude » sur les réformes mal préparées de la garde à vue et de l’hospitalisation sans consentement, de son « incompréhension » sur celle des jurés populaires, « une folie qui va considérablement allonger les temps d’audience » et de « la honte » à voir comment sont gérées les affaires sensibles. A Paris d’abord, où les réquisitions du parquet au procès Chirac, « pour le moins surprenantes, dont toute la presse s’est gaussée », à Nanterre surtout, où l’USM défend Isabelle Prévost-Desprez, « une femme courageuse, à l’indépendance chevillée au corps », en guerre ouverte avec son procureur, Philippe Courroye.
« A-t-on jamais vu un procureur adresser à un président de juridiction un courrier fondé sur des rumeurs de couloir pour demander l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre un magistrat du siège, comme on l’a vu en décembre 2009 ? s’est inquiété Christophe Régnard. A-t-on jamais vu un procureur faire vérifier, malgré la loi sur le secret des sources, les fadettes de journalistes dans le seul objectif de démontrer l’existence de communication entre la juge en question et un journaliste ? A-t-on jamais vu un procureur, cité dans des enregistrements (de l’affaire Bettencourt) conserver le contrôle de l’enquête, sans que ni lui, ni sa hiérarchie s’en émeuvent ? A-t-on jamais lu qu’un ancien conseiller du ministre de la justice explique que le procureur n’en faisait qu’à sa tête, préférant transmettre les informations directement à l’Elysée ? A-t-on jamais pu imaginer qu’un témoin essentiel (Claire Thibout, la comptable de Mme Bettencourt) relaterait qu’avant toute signature, les procès-verbaux de ses déclarations étaient transmises par fax, notamment au parquet, et que celui rappelait pour faire changer tel ou tel mot ? »
Le président de l’USM a en tous cas chaudement remercié Philippe Courroye d’avoir aussi bien montré la nécessité de ne pas supprimer les juges d’instruction sans avoir réformé le statut du parquet. « Quand je vois, dans cet état, la justice de mon pays, j’ai honte, a conclu Christophe Régnard, ces dérives détruisent notre crédibilité et nous ridiculisent à l’étranger ».
Le discours de Christophe Régnard.
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Le ministre de la justice se mouille pour deux procureurs
Le garde des Sceaux veut imposer son directeur de cabinet au poste de procureur de Paris, et prend la défense du procureur de Nanterre Philippe Courroye. Les syndicats sont vent debout.
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