On l’a vu tempêter et manifester au printemps contre la loi El Khomri. Gérard Filoche est candidat aux « primaires citoyennes de l’unité » qui désigneront le candidat du PS les 22 et 29 janvier – les candidatures sont à déposer avant le 15 décembre et il n'a toujours pas le nombre de parrainages requis pour se présenter.
Au PS, qu'il a rejoint en 1994, cette ancienne figure de la Ligue communiste révolutionnaire se veut la voix infatigable des salariés, des acquis sociaux, de la défense du code du travail et de l'unité de la gauche. Dans la campagne des primaires, il entend « faire du Sanders ou du Corbyn » en mobilisant tous ceux qui ont protesté contre la loi El Khomri. Il appelle d'ores et déjà à l'unité pour que la « gauche socialiste batt[e] la droite socialiste dans les primaires ». Une victoire qui, dit-il, rebattrait les cartes de l'élection présidentielle. « Je n’imagine pas une campagne électorale sans une coalition, sans dynamique unitaire », dit-il à l'intention de Jean-Luc Mélenchon. « Passer par-dessus, c’est la défaite, c’est le désastre. Tout le monde pleurera le 23 avril à 20 heures quand on n’aura plus que le choix entre LR et le Front national, et quand il ne nous restera plus que 25 députés à l’Assemblée. »
Manuel Valls et François Hollande se livrent à une guerre ouverte au sommet de l’État en vue de la primaire citoyenne du PS des 22 et 29 janvier prochain. Cela vous étonne-t-il ?
Gérard Filoche : Les fins de règne sont toujours dramatiques. Quand il y a un échec total comme c’est le cas de ce quinquennat, ça finit par exploser. Macron candidat, Valls et Hollande qui se déchirent : le trio infernal qui a imposé la loi El Khomri se désintègre. Je me demande ce que les historiens retiendront de tout ça…
Vous considérez depuis longtemps que François Hollande ne peut pas être candidat à sa succession.
Hollande, j’ai fait des communiqués avec lui pour défendre le code du travail ! J’ai manifesté coude-à-coude avec lui en 2006 contre le CPE, et il dit maintenant qu’il était pour. Ça va bien ! Limite à l’hypocrisie, limite à la trahison politique, limite à la manipulation ! Il ne devrait pas se présenter. C’est le dernier service qu’il peut rendre à la gauche. Faut bien qu’il paie le prix ! Son horizon est bouché. Même ses amis le lâchent. Son bilan est catastrophique : 1,3 million de chômeurs de plus, 41 milliards d’euros [de crédit impôt-compétitivité distribué aux entreprises – ndlr] de gaspillés. 41 milliards, c’était des centaines de milliers de fonctionnaires, des infirmières dans les hôpitaux, des éducateurs pour lutter contre les décrocheurs à l’école, des enquêteurs contre le terrorisme au lieu de balancer des bombes en Syrie. Ça, c’est la gauche ! Sous la gauche au pouvoir, il y a toujours quelque chose qui a été gagné : les 40 heures, les 39 heures, les 35 heures, le remboursement de l’avortement, les congés payés. C’est la première fois en cent ans que la gauche au pouvoir fait reculer la gauche. Hollande est une tragédie dans l’histoire de la gauche, comme les Valls et les Macron qui vont avec lui. Il y a beaucoup de raisons d’être pessimiste pour l’an prochain, les nuages sont si sombres. Mais je suis persuadé qu’aujourd’hui, un Sanders ou un Corbyn pourrait gagner en France. Ce dont ce pays a besoin, ce n’est pas d’autorité mais de démocratie et de redistribution des richesses ! Ce n’est pas avec une République identitaire qu’on va résoudre le chômage. Que Hollande ou Valls soient candidats, j’aurai une très grande joie à débattre contre eux…
Depuis la victoire de François Fillon et sa ligne libérale-conservatrice dure à la primaire de la droite, les appels à une grande primaire de la gauche de Mélenchon à Macron ressortent.
Ça a été mon cheval de bataille pendant des mois. C’était la meilleure façon de résoudre nos problèmes, de battre Hollande et Valls, d’avoir un candidat unique, de sauver la gauche. On était sûr de gagner ! Si tout le monde était dans cette primaire, cinq millions de personnes venaient voter, et je vous jure que Hollande et Valls étaient battus…
Il est trop tard désormais ?
Il faut dire à tout le monde de venir voter les 22 et 29 janvier. J’exclus Macron, car il n’est pas de gauche. J’ai lancé des appels à Marie-Noëlle Lienemann, à Benoît Hamon, à Arnaud Montebourg. Nous devons montrer que nous additionnerons nos voix, que la gauche socialiste battra la droite socialiste dans les primaires. Alors avec 1,5 million d’électeurs, et peut-être plus, il y aura un choc, la gauche liquidera le quinquennat, on donnera un nouveau visage à la gauche, on revigorera le parti, on aura un candidat charismatique, on aura une chance de gagner. Je suis plus que jamais optimiste.
Êtes-vous surpris par la victoire de François Fillon ?
Je pensais que Sarkozy gagnerait. Fillon, c’est la vraie droite catholique conservatrice, il ne répond pas à la société française, celle qui descend à 4 millions dans la rue en disant « je suis Charlie », celle qui manifeste contre la loi El Khomri. La société française est plus libertaire, plus athée que cette vieille tradition catho de paroisse. Les gens vont avoir le temps de le découvrir. À mon sens, sa victoire est un argument supplémentaire pour dire que la gauche peut gagner. Face à une droite bien à droite, il faut une gauche bien à gauche.