http://annagaloreleblog.blogs-de-voyage.fr/2013/03/17/les-aficionados-panicos-se-font-virer-par-des-gamins-anticorrida/
Les aficionados, qui n’ont à la bouche que les mots de bravoure et d’honneur, nous ont montré une fois encore que non seulement ils mentent sur quasiment tout mais qu’en plus, au moindre risque de se trouver en mauvaise posture, ces lâches fuient la tête basse et la queue entre les jambes.
C’est ce qui s’est produit hier dans le quartier populaire du Mas de Mingue à Nîmes. Et qui sont les terrifiants adversaires qui les ont mis en déroute et les ont fait déguerpir largement avant l’heure prévue de leur départ ?
Des gamins.
Super nombreux, hein, ils étaient au moins douze. Et puis super impressionnants, vu qu’ils étaient pour la plupart âgés de moins de dix ans, dont pas mal de fillettes. Ah, et aussi, extrêmement menaçants, vu qu’ils se marraient avec nous, et carrément pernicieux puisqu’ils ne s’approchaient même pas des afiocs.
C’est dire s’il régnait une lourde ambiance d’extrême tension.
Les gamins du Mas de Mingue font régner une ambiance tendue à force de rigoler avec Nathalie et Sophie
Nous, nous étions seulement cinq. Aucune raison de venir plus nombreux, le but était uniquement de montrer notre présence aux abords de la séance de propagande organisée par les Aficionados Practicos (ne riez pas, c’est leur vrai nom) pour tenter d’embrigader des enfants. Nous n’avions même pas de banderoles, juste quelques tracts à tout hasard.
Laissez-moi tout vous raconter depuis le début.
Petit rappel, auparavant, pour bien situer les personnages : ces embrigadeurs sont des tueurs en série de la pire espèce. Je laisse la parole à Jean-Pierre Garrigues, vice-président du CRAC Europe, qui les décrivait dans une interview donnée à Charlie Hebdo en septembre 2011 :
« Regarder des tortionnaires professionnels massacrer des taureaux à l’arme blanche, c’est passionnant, mais jouer les apprentis barbares, c’est encore plus excitant! [...] Le maître mot des membres actifs de l’association est : se faire plaisir. Comment ? En torturant des veaux et des vachettes. Les appellations sont nombreuses, et les différentes pratiques subtiles: capeas, tientas, becerradas, acosos y derribo, encuentros, initiation de salon — espagnolades à tous les étages… On y trouve un public supposé averti : des familles, leurs amis, réunis pour une fiesta campera, petite fête champêtre sanguinolente où la souffrance est à l’honneur. [...] Pour quelques centaines d’euros, le petit sadique du dimanche, ou l’aficionado práctico, peut, justement, «se faire plaisir»: on enfonce des banderilles sur des veaux hurlant de douleur qui cherchent à fuir. Ces gens sont des malades, ce sont des pervers, il faut enfin que les choses soient dites clairement. »
Voilà, ce sont ces gens-là qu’on avait face à nous. Et comme tous les tueurs en série, ils ont, pour attirer leurs cibles, un mode opératoire bien précis :
1 – Débarquer un samedi dans un quartier pauvre avec un bus affrété par la mairie et à bord, une dizaine d’enfants préalablement bien conditionnés pour montrer à quel point c’est rigolo de jouer avec des capes comme dans les vraies corridas (sauf que là, le taureau tellement content de jouer avec les enfants, c’est un des adultes qui encadre le groupe, d’ailleurs c’est le chauffeur du bus, et bien sûr qu’il ne va pas se prendre des banderilles dans le dos ou une épée entre les omoplates, qu’est-ce qu’on s’amuse bien),
2 – Attendre que les gamins du quartier s’approchent nombreux, attirés par la curiosité, et leur demandent si eux aussi ils peuvent jouer,
3 – Leur répondre que oui, avec plaisir, qu’ils viennent, ah que c’est cool les corridas, allez on joue tous ensemble,
4 – Repartir au bout de deux heures avec le sentiment du devoir accompli, une fois ces chères têtes blondes (ou brunes) convaincues que vraiment les corridas, c’est trop génial.
Sauf que ça ne marche pas du tout comme ça.
Une foule nombreuse a envahi la place pour assister à cette démonstration passionnante (ici, ça fait une demi-heure que ça a commencé)
Ces pauvres afiocs, tellement sûrs d’être de fins stratèges, n’ont pas tenu compte de trois obstacles mineurs :
1 – Dans les quartiers pauvres, la population est majoritairement pauvre. Donc, elle ne s’intéresse pas aux corridas (c’est cher et les arènes, c’est loin de chez eux).
2 – Dans les quartiers pauvres, la population est largement musulmane. Or, le Coran interdit formellement de torturer des animaux pour le seul plaisir de le faire (oui, je sais que c’est moins rose sur d’autres aspects, mais sur celui-là, on peut s’en réjouir). Dès notre arrivée, on a croisé le recteur de la mosquée toute proche qui nous a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi les afiocs venaient ici parce que, ici, personne n’aimait les corridas. Il a trouvé particulièrement choquant qu’en plus, ces demeurés aient justement choisi le parking près de la mosquée pour expliquer à des gamins musulmans comment torturer des taureaux. Et il a aimablement suggéré aux organisateurs de cette mascarade d’aller eux-mêmes dans l’arène à la place des taureaux avec toute leur famille, si vraiment c’était si bien que ça, les corridas.
3 – Faire venir des gamins d’un quartier pour donner la leçon à des gamins d’un autre quartier, c’est méconnaitre les usages les plus élémentaires et récolter l’assurance de se faire très mal recevoir.
Au début de la séance, une dame afioque d’un certain âge s’est approchée du premier noyau de gamins qui s’était formé et restait un peu trop loin à son goût. Elle a commencé à sortir sa propagande sur le mode « venez jouer avec nous ».
Ça ne nous inquiétait pas trop : ils nous avaient déjà dit qu’ils trouvaient ça dégueulasse, la corrida.
On voit bien sur la photo à quel point ils ont l’air intéressés, d’ailleurs. J’étais à quelques mètres et j’ai dit bien fort : « Le Coran interdit la torture des animaux pour le plaisir ». La dame s’est retournée vers moi avec un regard pas très aimable mais avant qu’elle puisse articuler un mot, un des gamins lui a dit : « C’est vrai, ça, madame. C’est mal, ce que vous faites aux taureaux. »
Elle est repartie furieuse.
Presque aussi furieuse que le chauffeur du bus qui a voulu cogner sur l’un de nous quand il a vu que qu’il prenait son bus en photo lorsqu’il est arrivé. Pourtant, c’était juste une photo de bus, sans qu’on distingue qui était dedans. Mais forcément, ça ne lui plaisait pas du tout qu’on s’aperçoive que « ses » gamins, ils n’étaient pas du tout du quartier. Que tout ça, c’était une grosse mise en scène, une manipulation.
Certains des enfants les plus jeunes qui étaient autour de nous nous ont demandé de leur expliquer un peu mieux ce que c’était, la corrida. Nous le leur avons dit et nous leur avons montré nos tracts sur lesquels figurent des photos de taureaux suppliciés, mais aussi de chevaux éventrés puisque les embrigadeurs avaient fait venir un cheval pour leur petit spectacle.
Ils étaient sidérés.
L’un des garçons a pris un tract et est parti le montrer à un groupe de fillettes qui sont ensuite venues vers moi pour essayer de comprendre l’incompréhensible : pourquoi ? Pourquoi des gens faisaient-ils ça à des taureaux et à des chevaux ? J’ai répondu que c’était pour le plaisir et que des gens payaient pour voir ça. Elles n’en revenaient pas.
D’autres ados nous ont rejoints. Les afiocs ont commencé à flipper – alors qu’on était vraiment loin d’eux. Une voiture de la police est arrivée, avec à bord un flic et une fliquette. Visiblement, pas n’importe qui puisque la fliquette a fait la bise aux organisateurs. Après leur avoir parlé un bon moment, elle est venue vers nous.
Elle voulait le nom d’un responsable – Nathalie a donné le sien. Elle voulait qu’on se calme – on était parfaitement calmes, on ne faisait rien du tout, à part se marrer parce que les gamins du quartier étaient du même côté que nous. C’est ce qu’on a fait remarquer à la dame.
Elle nous a dit que ça n’avait rien à voir, que c’était juste une rivalité entre bandes d’un quartier à un autre, qu’ils n’en avaient rien à faire de la corrida. Un gamin derrière elle a dit : « Hé, c’est pas vrai, madame ! Nous, on n’aime pas la corrida ! Alors, eux, il faut qu’ils partent ! »
Les aficionados (à gauche) se sont sentis menacés par l’attitude agressive des militants du CRAC (au centre) et des jeunes du quartier (à droite). Du moins, c’est ce qu’ils vont raconter pour expliquer pourquoi ils ont paniqué.
Son collègue flic, visiblement nerveux, a passé un appel. Une seconde voiture de la police est arrivée deux minutes plus tard. D’autres ados se sont approchés d’une rue adjacente, pas du tout agressifs, juste curieux – ils étaient bien trop loin pour savoir ce qui se passait.
Les afiocs ont paniqué.
Tout-le-monde est remonté très vite dans le bus et ils ont filé, une heure avant la fin prévue de leur cirque.
La fuite précipitée, une heure avant la fin prévue
Voilà, c’est ainsi qu’une bande de gamins a mis en déroute les aficionados panicos, qui ont soudain eu peur de leur propre paranoïa. Ou de leur incapacité à recruter qui que ce soit ?
On était… morts de rire, avouons-le. On a serré la main de tous les gamins qu’on pouvait pour les remercier. Ils étaient ravis et très fiers d’avoir chassé ces pitres rien qu’en montrant qu’ils ne marchaient pas dans leur arnaque et qu’il ne fallait pas les prendre pour des débiles.
Ensuite, le petit groupe de militants du CRAC est aller prendre un café au bistrot du coin, le Diplomate pour les connaisseurs. En partant, Nathalie a fait un grand geste d’au revoir aux gamins qui lui ont tous rendu son salut avec des sourires adorables.
La prochaine séance d’embrigadement est prévue dans quelques semaines, toujours dans un quartier pauvre, bien sûr. Le chauffeur de bus irascible nous a promis que si on venait, lui et ses copains nous feraient repartir à quatre pattes, du moins si on arrivait encore à marcher.
De dos, en blouson marron, une vieille connaissance de Rodilhan
Il faut dire qu’un de ses copains qui était là est l’un des agresseurs identifiés du lynchage de Rodilhan, alors ils savent de quoi ils parlent. Ils sont charmants, ces gens-là, non ?