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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 17:26

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Rue89 - « J’t’emmerde »

 Nolwenn Le Blevennec | Journaliste Rue89
  28/03/2013 à 18h03


François Puyau-Puyalet tricote devant une grande surface d'Argenteuil, le 27 mars 2013 (Audrey Cerdan/Rue89).

Françoise, 69 ans, vend ses tricots devant les Monoprix du coin. Un dimanche matin, le maire excédé lui a dit : « Dégage ». Elle lui a répondu un ton au-dessus.

 

Quand elle parle, c’est Garance des « Enfants du paradis » de Marcel Carné. Ses formules sont poétiques et cela ne s’entend pas à l’écrit, mais elles sont prononcées exactement avec l’accent qu’il faut, gouailleur. De temps en temps, elle peut être grossière aussi, les mots crus ne l’embarrassent pas, et pour cela, le tribunal l’a condamnée.

Françoise Puyau-Puyalet, vieille dame de 69 ans, tricote dans la rue et vend ses ouvrages pour arrondir ses fins de mois. Ce mercredi matin, à Argenteuil (Val-d’Oise), au bistrot Le Brelan, elle aurait aimé boire un bouillon (« Viandox ») pour se réchauffer. Café finalement et elle raconte son accrochage avec le maire UMP de Sannois, Yanick Paternotte.

L’homme est peu connu, deux moments médiatiques seulement et pas de quoi frimer. Il a été président de la commission en charge de régler le différend Copé-Fillon après les élections internes à l’UMP (la Conare). En décembre dernier, il a été reconnu coupable d’abus de faiblesse.

 

« Je t’emmerde, salaud »

 

Décembre 2011. Françoise est installée devant le Monoprix de Sannois, « parce que c’est bien abrité et pour y aller de chez moi, il faut juste traverser le pont ». Comme elle le fait souvent, elle tricote, mendie (avec un petit pot en plastique devant les pieds), et écoute gaiement de la « variétoche ». Le best of de Michèle Torr, peut-être, ou Mike Brant.

Ce matin-là, le maire de Sannois est arrivé d’un coup comme une sonnerie d’école, il lui a dit : « Dégage, tu n’as rien à faire ici. » Elle a répondu : « Je t’emmerde, salaud. »

Le maire a porté plainte pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique » et s’est constitué partie civile. Le procès a eu lieu le 14  mars dernier au tribunal correctionnel de Pontoise. Yanick Paternotte n’était pas présent à l’audience. Françoise Puyau-Puyalet a été condamnée  : 800  euros d’amende avec sursis et 1 euro symbolique de dommages et intérêts (le procureur avait requis trois mois d’emprisonnement avec sursis).

Le tribunal a accordé 500 euros de remboursement de frais d’avocat à Yanick Paternotte, qui en voulait 1 000. A cela s’ajoute, les 90 euros de frais de dossier des condamnés. Françoise Puyau-Puyalet, qui bénéficie de l’aide juridictionnelle, a fait appel le 21 mars parce qu’elle ne peut pas payer cette somme. A la sortie du tribunal, elle a dit :

« On me remet plus bas que terre pour un mot plus haut que l’autre. »

Joint par Rue89, le maire de Sannois n’a pas souhaité réagir, son avocat non plus. Dans Le Parisien, il a quand même dit :

« Il y en a marre de se laisser insulter impunément. On lui avait déjà proposé de régulariser sa situation en intégrant le stand d’une association caritative. Elle avait refusé. »

Françoise Puyau-Puyalet dit que c’est faux et elle assure qu’il a refusé toutes les tentatives de négociation et d’apaisement.

 

« Je me suis dit “c’est qui çui-là” »

 

En appel, sa ligne de défense ne bougera pas. Françoise assure qu’elle ne savait pas qu’il était le maire de la ville quand elle l’a insulté :

« C’était un homme en costume cravate, il ne s’est pas présenté, il m’a tutoyée, il n’avait pas de machin bleu blanc rouge sur la veste, je me suis dit “c’est qui çui-là”. Comment j’aurais pu savoir ? Moi, j’habite Argenteuil, pas Sannois. »

Elle dit aussi qu’il y a tellement de jeunes qui insultent des policiers en uniforme « et qui ne sont condamnés à rien ».


Françoise montre un article de presse sur son histoire (Audrey Cerdan/Rue89)

En attendant le prochain procès, elle se bat comme elle peut. Elle a confectionné des petites pancartes, pêle-mêle de photos et d’articles de presse. Et elle nous reçoit, même si elle n’a aucune idée de ce à quoi peut ressembler un site d’info.

Elle nous explique que si le jugement est confirmé en appel, elle sera obligée de vendre des « meubles sentimentaux ». Elle nous montre une feuille sur laquelle ses revenus et ses charges fixes sont inscrites minutieusement (avec des divisons faites à la main). Selon ces calculs, elle n’a que 94,38 euros pour vivre chaque mois. Et rien de côté.

« Je me nourris des “bonjour” »

 

Comment en est-elle arrivé à tricoter dehors ? Françoise est née en 1944. Son père est mort pendant la guerre d’Indochine. Sa mère s’est remariée et a eu trois autres enfants, qu’elle voit à peine, avec un homme qu’elle appelle « papa ». A 18 ans, elle a eu un accident très violent. Cet événement l’a rendue inapte. Elle ne s’est pas mariée, elle n’a jamais travaillé.

« J’ai fait un mi-temps juste après, mais cela n’a pas tenu. »

Françoise a beaucoup raconté son histoire avant nous. On sent qu’il y a des endroits où elle ne veut pas aller. Mais elle parle beaucoup et avec émotion de sa mère. Quand cette dernière est tombée malade (« Alzheimer » qu’elle prononce « Eyzeimer »), elle s’en est occupée sans s’arrêter, pendant dix ans. « C’était ma mère et mon enfant », dit-elle.

Quand elle est morte en 2010, la vie est devenue compliquée et triste. Moins d’argent (la retraite de sa mère permettait de vivre dignement) et une grande solitude. Le tricot a permis de lutter contre tout ça.

« Je n’ai pas de copine, les copines y en a plein quand ça va bien. Mais je me nourris des “bonjour” et des “bonne journée”. »

Passée à l’émission de Jean-Luc Delarue

 

Philippe Métézeau, centriste, conseiller général du Val-d’Oise en charge de l’action sociale de la ville, a écrit une lettre en sa faveur pour le procès. En 2011, ses services l’ont remise à flot quand elle a eu de graves retards de loyer.

« Je crains qu’avec cette condamnation, elle retombe dans une mauvaise spirale. C’est de l’argent public que nous lui avons donné et j’aimerais que ses bienfaits ne soient pas annulés. »


Françoise à Argenteuil le 28 mars 2013 (Audrey Cerdan/Rue89)

Mais, en même temps, il n’est pas si inquiet. Il trouve Françoise intelligente et culottée.

« C’est quelqu’un qui sait se défendre. »

Elle vend des tricots au noir sous les yeux de tout le monde sans être inquiétée. Elle a régulièrement des articles dans Le Parisien.

Françoise Puyau-Puyalet est également passée à une émission « Spéciale Alzheimer » de Jean-Luc Delarue, en février 2008, dont elle a gardé le DVD. Elle a ému des tas de gens, qui se sont mis à chercher son adresse sur les forums de France 2, pour lui envoyer de l’argent.

Elle est devenue une petite célébrité d’Argenteuil et c’est peut-être la raison pour laquelle elle a répondu sur ce ton.

« “La Vie en rose”, pour vous faire plaisir »

 

Sa tête marche bien aussi très bien quand il s’agit de s’occuper. Françoise nous dit qu’elle passe son temps libre à écrire des poèmes. Elle adore aussi détourner les paroles des chansons (« Prendre un ancien par la main » au lieu de « Prendre un enfant par la main »).

A la fin de l’entrevue, elle dit qu’elle ne mettra plus les pieds à Sannois, elle restera au chaud à Argenteuil, devant le Monoprix de sa commune ou le magasin Babou. Tant que sa santé le lui permet, elle continuera de prendre le bus, avec ses trois sacs en toile cirée, pour aller vendre ses pulls en laine taille enfant (entre 20 et 40 euros).

« Avec les adultes, il y a toujours quelque chose qui ne va pas : ils aiment la forme, mais pas la couleur et ainsi de suite. Je n’en fais que sur commande. »

En nous quittant, pour nous faire plaisir, elle met « La Vie en rose » sur son petit lecteur de disques bleu.

 

 

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 20:26

 

Rue89 - Auprès de mon arbre  

27/03/2013 à 15h07

 

 

La scierie géante, ce sera plus de mille emplois, promettent les élus. Mais dans ce coin sinistré de Bourgogne, on refuse de « laisser les politiciens décider ».

Dans l’hôtel particulier où il a installé son bureau, Pascal Jacob nous reçoit dans une vaste pièce Empire, nous priant de bien vouloir noter quelques « éléments de langage » griffonnés sur une feuille A4 :

« Ce que nous allons faire, c’est un concept global que la filière bois française attend depuis longtemps, et que tous les rapports réclament. Si on ne coupe pas les arbres, ils vont mourir. Et un arbre qui meurt c’est un arbre qui rejette du CO2 ».

Puis, il jette :

« On est une entreprise privée, on n’a de comptes à rendre qu’à nos actionnaires... et à l’Etat pour ce qui est du respect de la réglementation. »

Et tant pis pour les citoyens.

Erscia : du 3 en 1
Erscia est un pôle industriel comprenant : une scierie géante, attenante à une centrale de cogénération et un centre de fabrication de pellets, du combustible issu de la biomasse, en granules.

Cet homme d’affaires, naviguant entre Paris et Nevers, a été choisi par une holding belgo-luxembourgeoise pour monter Energies renouvelables et sciages (Erscia), un pôle industriel de 100 hectares, qui mobilise contre lui un petit bout de cette campagne perdue. Sa « Wood Valley » serait en réalité un concentré de « greenwashing » (écoblanchiment) moderne à la sauce morvandelle.

Qui sont-ils ces autochtones qui ne croient plus aux promesses ? Des « anarchistes, babas cool proches d’Europe écologie - Les Verts ou du Front de Gauche, des groupuscules qui ne comprennent pas qu’il faut exploiter la forêt », selon Pascal Jacob.

Un éleveur d’escargots ? « Pas légitime »

Prenez Jérôme Bognard, le plus bruyant d’entre eux. Il est éleveur d’escargots, un « interlocuteur pas légitime », pour l’homme d’affaires habitué à traiter avec des ingénieurs spécialistes de l’énergie.

Un jour de 2011, il a découvert que l’enquête publique sur l’installation de ce projet géant dans le bois près de chez lui venait de se terminer. Il n’avait pas pris le temps de compulser les cinq tomes, épais comme des dictionnaires, disponibles en mairie.

Depuis, les réglementations d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), les taux de rejet de dioxine, les mégawatts de la cogénération et toutes les subtilités d’un projet particulièrement complexe n’ont plus de secret pour lui. « La principale activité d’Erscia, son Kbis et sa raison d’être, c’est de produire de l’électricité à partir du bois », répète-t-il. En effet, EDF rachète, à un tarif près de trois fois supérieur au prix réglementé, l’électricité issue d’un cogénérateur de biomasse, car il tourne avec une énergie renouvelable, le bois.

Une hérésie dénoncée par nombre d’écologistes et de spécialistes de la filière, comme Philippe Canal, secrétaire départemental du syndicat majoritaire de l’Office national des forêts, le Snupfen :

« Le problème est que pour faire tourner cet énorme cogénérateur, ils vont prélever plus de bois qu’il ne faudrait. Le projet ne part pas de la ressource en bois disponible mais de la nécessité de brûler de la biomasse pour obtenir les subventions. »

Bienvenue à « Notre-Dame-des-Bois »

Le 4 février dernier, quand les bûcherons accompagnés de 80 gendarmes ont débarqué dans le bois de Tronçay pour couper les arbres, Jérôme et sa bande ont compris que les événements basculaient.

Voilà un an et demi que les opposants au projet n’obtenaient que le mépris des politiques et quelques victoires judiciaires. Là, l’emploi de la force leur a rendu un gros service : depuis, l’association Adret Morvan croule sous les dons (200 euros par jour), les adhésions (dix par jour)… et la pétition a déjà reçu plus de 60 000 signatures... alors que le canton de Corbigny compte moins de 5 000 âmes.

Ce dimanche, Jérôme, Muriel, Antonio et les autres le passent sur la ZAD, la « zone à défendre » qu’ils ont créée sur le modèle de celle de Notre-Dame-des-Landes, en bordure du bois de Tronçay, à Sardy-lès-Epiry. Autour d’une tisane bio et d’un far breton, dans cette cabane bien chauffée par un poêle à bois, ils refont le monde et la filière bois en Bourgogne, tout en organisant le grand concert de soutien du 6 avril prochain.

Comme à Notre-Dame-des-Landes, les résistants à un grand projet jugé inutile occupent le terrain physiquement, et sont prêts à s’enchaîner aux arbres le jour où les gendarmes reviendront les couper.

Contrairement à Notre-Dame-des-Landes, ils ne squattent pas un terrain d’où ils risquent d’être expulsés, et ne viennent pas de toute la France, seulement de toute la région.

« Le projet ne pourra pas se faire ici »

Dans les virages incessants de la Nièvre, au volant de sa petite voiture, le président de la communauté de communes du Pays corbigeois, le docteur Jean-Paul Magnon, revient sur l’incident du 4 février.

 

 

Reportage de France 3 Bourgogne

 

Pas un projet d’intérêt public majeur
Défricher le bois du Tronçay, habitat d’espèces protégées, nécessite une autorisation de destruction exceptionnelle et de prendre des mesures compensatoires. Le code de l’environnement dit que cela ne peut se faire que si l’on justifie d’un projet d’intérêt public majeur. Le juge a estimé que ce n’était pas le cas.

Il explique que les services de l’Etat ont préféré « agir vite » face aux opposants : dès que l’arrêté préfectoral autorisant la création d’une zone humide de substitution dans le bois de Tronçay a été publié, il en a décidé l’exécution immédiate.

D’où les gendarmes accompagnant les bûcherons... Et le déclenchement d’une guérilla champêtre simplement parce qu’il fallait créer une mare où seraient déplacées les espèces protégées, que l’usine Erscia va déranger. La justice doit encore se prononcer sur le fond du dossier, mais Jean-Paul Magnon s’avoue « inquiet ». D’autant qu’en face, maître Blanchecotte, l’avocat de l’association Loire vivante, qui a réussi à faire annuler trois arrêtés de suite devant le tribunal administratif de Dijon, l’affirme :

« Le projet ne pourra pas se faire ici, selon moi. On ne comprend pas le forcing des élus pour que le projet n’aille pas ailleurs dans la Nièvre. »

Depuis son bureau de l’Assemblée nationale, Christian Paul, figure du PS local, ancien ministre (de l’Outre-mer) et père de la Wood Valley, s’emporte quand on lui demande pourquoi le projet n’est pas déplacé puisqu’il pose un problème légal de protection de la nature :

« Nier le potentiel de création d’emplois de ce projet c’est vivre hors sol.

Il faut se demander si les installations industrielles doivent exclusivement être positionnées aux abords des grandes agglomérations, ou a-t-on une chance d’en avoir dans les territoires ruraux ? Moi je dis que la réindustrialisation de ce département est d’un intérêt national majeur. »

Les héritiers de Mitterrand tremblent

Cette histoire est en train de prendre des proportions d’« affaire Dreyfus », estime Régis, graphiste à Paris la semaine, Morvandiau le reste du temps. Lui ne met plus les pieds chez les commerçants qui soutiennent le projet Erscia, et ne parle plus à une partie de ses voisins.

Mobilisé contre un projet qu’il juge « symptomatique du mensonge des élus », Régis est écœuré de les voir promettre avec démagogie que l’immobilier va prendre de la valeur, que les classes et des maternités vont rouvrir… pendant que lui se fait traiter de « défenseur des grenouilles ». Il assure que pas mal de gens « sont contre le projet mais n’osent pas le dire », tandis que le maire de Corbigny, Jean-Paul Magnon, jure qu’« une grande majorité est pour ». Pour en convaincre le passant, il a d’ailleurs affiché sur la porte d’entrée de l’hôtel de ville : « Des emplois, vite Erscia. » Car, rappelle-t-il au volant de sa voiture :

« Ce coin de la Nièvre est, en terme de revenu par habitant, plus pauvre que la moyenne de la Bourgogne, elle-même plus pauvre que la moyenne française. »

Daniel, informaticien néorural, s’étonne encore de voir des bleds comme Lormes dotés d’autant de services publics. Ici, les socialistes ont été biberonnés aux méthodes mitterrandiennes, « et dans la galaxie PS, ou au Parc naturel régional du Morvan, ceux qui sont réservés ne le disent pas ».

Pourtant, les potentats locaux commencent à trembler et si la région est acquise à la gauche, il est arrivé, lors de la dernière législative, « ce qui n’arrive jamais : Christian Paul a eu besoin d’un deuxième tour pour être élu ».

Daniel est entré en opposition contre cette classe politique pour laquelle il ne votera plus et estime qu’en rejoignant le combat d’Adret Morvan, il dit :

« Il n’est plus possible de laisser les politiciens décider pour nous. »

Elements de langage, face A et face B

Alors que le soir tombe sur la ZAD, qu’on entend au fond du pré la cabane « boîte de nuit » faire vibrer ses enceintes, Jérôme l’éleveur d’escargots, sort lui aussi ses éléments de langage. Sur une feuille, il fait une colonne « déclare » et une autre « écrit », et commence à pointer les « mensonges » des autorités et des entreprises, mises dans le même sac :

  • « Le rapport d’enquête publique dit que 27 camions passent chaque jour en provenance de la carrière d’à côté, en fait c’est entre 75 et 100. Ils veulent en ajouter 200 de plus chaque jour, ça fera un toutes les trois minutes. »
  • « L’incinérateur est autorisé à brûler 75% de bois “non assimilable à la biomasse”, soit des bois contenant des colles, vernis, peintures, donc des déchets ménagers. »
  • « Quand ils sont venus couper les arbres le 4 février, la préfecture a déclaré qu’ils n’en avait coupés que huit, en fait ils ne comptaient que les gros, mais 80 à 100 sont par terre. »
  • « Erscia dit qu’elle prendra des arbres à 300 km alentour, mais c’est juste pour nous calmer car il aura tout intérêt à se servir dans le Morvan. »
  • « Jacob annonce 5% de subventions mais avec les financements européens, il pourrait aller jusqu’à 15%. »
  • « Les scieries industrielles alentour seront menacées à terme parce que la ressource manquera, ce sera donc autant d’emplois détruits. »
  • « Le cogénérateur n’alimentera pas 24 500 foyers mais 14 000 maximum. »

De son côté, l’industriel estime que les arguments des opposants témoignent qu’ils « vivent dans une bulle », et Pascal Jacob jure :

  • « que la centrale ne brûlera pas de déchets, toxiques, mais des résidus forestiers et des bois en fin de vie collectés en déchetterie, qu’il ne faut pas appeler déchets ;
  • que les filtres à particules existeront à la sortie de l’incinérateur et que la réglementation sera respectée ;
  • qu’il utilisera le train à 30% ;
  • qu’il créera 617 emplois directs et 1 050 au total ;
  • que la ressource en bois est largement disponible et qu’il ne prélèvera que 60 000 m3 par an en Morvan, alors que les trois principales scieries y prélèvent déjà 660 000 m3 ;
  • que l’actionnaire ayant déjà dépensé près de 3 millions d’euros, il ne compte pas se retirer même s’il en reste 113 à trouver auprès des banques (37 étant apportés par les actionnaires et 5 acquis en subventions). »

Du « mieux », plutôt que du « toujours plus »

Dans cette atmosphère technique et délétère, il faut revenir au sujet principal, le bois du Morvan. Et comprendre de quoi est composée cette forêt :

  • une moitié de feuillus, surtout du chêne, du hêtre qui met plus de temps à pousser. On en fait du bois de chauffage et des palettes ;
  • une moitié de résineux, épicéa, douglas, pins sylvestre et maritime.

Cette dernière catégorie est issue de plantations réalisées entre l’après-guerre et les années 70. Ce sont les sapins, qui commencent à arriver à maturité, mais peuvent vivre jusqu’à 100 ans et qu’il n’est donc pas urgent de couper. C’est ce que demande le marché, et ils sont taillés de plus en plus jeunes, pour le satisfaire.

Or, explique Philippe Canal, l’employé de l’Office national des forêts (ONF), à l’heure où les forêts françaises sont en train d’être vues comme des usines dotées d’un combustible, on ne va pas pouvoir tout demander à la forêt.

« Les services rendus par la forêt sont aussi l’eau, la fertilité des sols, la biodiversité, tout cela n’est pas compatible avec une vision industrielle de la forêt. Un douglas puise dans le sol pendant 60 ans, puis l’enrichit, si on coupe à 45 ans, il l’aura appauvri. »

Il fait valoir que 600 hectares (l’équivalent d’un terrain de foot) sont coupés par an en Bourgogne, et que si Erscia se fait, il lui en faudra 2 500 à 3 000... « On aura donc un problème dans dix ans. »

Pascal, éleveur de vaches charolaises (en bio) se demande si les élus ne veulent pas « une ruralité sans nous, avec seulement des agrimanagers, comme ils ont fait avec l’agriculture ».

Finalement, se dit Philippe Canal, derrière la défense affective de la forêt et des paysages du Morvan, il y a peut-être aussi « les idées de la décroissance qui gagnent les esprits : les gens ne veulent pas de toujours plus, mais du mieux ».

 

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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 22:21

 

 

Médiapart - Blog

 

 

Hier les déboulonneurs ont été une nouvelle fois relaxés par le tribunal de Paris pour leurs barbouillages de panneaux publicitaires. Le tribunal justifie leur action de désobéissance civile par le danger que représente la publicité pour la société, et cite l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen sur la liberté d'expression.

 

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La justification par « l'état de nécessité »

Les déboulonneurs se saisissent des procès que leur fait JCDecaux pour fair le procès public de la publicité. Ce type de défense offensive détourne la force de l'attaquant contre lui-même, mais en plus il s'appuie sur le droit pour légitimer son action "illégale". Lorsqu'une personne se trouve dans un danger tel qu'il n'a pas d'autre moyen d'y répondre qu'en enfreignant la loi, les tribunaux justifient son acte : typiquement une personne démunie qui vole ou squatte par nécessité est relaxée même si le délit est constaté. Les désobéissants agissent pour que les tribunaux reconnaissent que les dangers environnementaux (OGM, nucléaire) ou sociaux (publicité, etc.) les mettent face à un « état de nécessité ».

Toute l'affaire consiste à convaincre le juge « que celui qui a enfreint la loi l’a fait pour répondre à un danger actuel ou imminent, menaçant lui-même ou autrui, et qu’il a utilisé des moyens proportionnés à l’intérêt à défendre »1. Pour le démontrer les Déboulonneurs convoquent différents témoins : d'une part des scientifiques qui attestent des manipulations psychologiques et neurologiques des publicités, et des graves dommages qu'elles produisent au niveau sanitaire ; et d'autre part des élus qui témoignent du puissant lobbying des publicitaires sur les élus, et des énormes difficultés à faire appliquer (sinon à renforcer) les réglementations existantes en matière d'affichage publicitaire.


Le tribunal de Paris reconnaît le danger publicitaire

Il y a un an le tribunal de Paris n'avait pas osé reconnaître explicitement ces dangers, mais, sensible à la gravité de la situation, il avait trouvé un autre moyen de relaxer les Déboulonneurs : la liberté d'expression face à l'imposition de la publicité dans l'espace public. La Cour d'appel était revenue sur cette décision innovante, et les avait condamnés à 200 €.

Cette fois le tribunal va plus loin : il ré-insiste sur la liberté d'expression mais surtout il reconnaît l'état de nécessite dans lequel se trouvent les citoyens anti-pub. Il affirme par là que le danger sanitaire que fait peser la publicité sur la société est immédiat et important, mais aussi qu'il y a un dysfonctionnement dans notre démocratie et que les méthodes classiques d'interpellation des pouvoirs politiques sont inopérantes. Pour cette raison il relaxe les accusés et déboute le publicitaire JC Decaux de sa demande de dommages et intérêts.


Les désobéissants, défenseurs des « intérêts moraux supérieurs » de la société

Il arrive de temps à autres que les tribunaux de première instance reconnaissent l'état de nécessité où se trouvent des personnes démunies ou des activistes dénonçant un danger social. Ainsi le tribunal correctionnel d’Orléans avait relaxé 49 Faucheurs Volontaires en 2005. Les Cours d'appel, qui ont souvent une vision plus conservative du droit, tendent à revenir sur ces jurisprudences progressistes. Jusqu'à ce que l'une d'entre elle avance et « consacre une jurisprudence », comme la Cour d'appel de Colmar lorsqu'elle reconnût en 1957 qu'on ne saurait limiter l'application de l'état de nécessité « à la défense d’intérêts matériels fussent-ils vitaux; qu’on doit l’étendre à la protection des intérêts moraux supérieurs ».

Il ne reste qu'à reconnaître que ces désobéissants sont les défenseurs des « intérêts moraux supérieurs » de la société...


Le refus de prélèvement ADN pour barbouillage justifié

Une autre avancée : la police avait voulu soumettre les déboulonneurs à un prélèvement ADN pour leur acte de "barbouillage". 252810-gf.jpg         Ils s'y étaient refusés comme de nombreux activistes qui dénoncent ce fichage social. Ils encouraient une condamnation « pour refus de prélèvement ADN ». Mais le procureur lui-même, ayant requalifié le barbouillage en dégradation légère, reconnaissait que ce prélèvement quasi-automatique par les policiers n'avait aucune raison d'être. Le tribunal l'a suivi et a relaxé les déboulonneurs de cet autre chef d'accusation.


Une perche tendue au gouvernement par les déboulonneurs et le tribunal

Les déboulonneurs annoncent dans leur communiqué de presse : "Cet état de fait nous autorise à exiger un rendez-vous d’urgence avec le gouvernement. Mme Batho, ministre de l’Écologie, qui déclarait récemment que le Grenelle de l’Environnement n’avait été qu’une opération de communication n’a d’autre choix que de rouvrir ce dossier extrêmement mis à mal par ses prédécesseurs sous la pression des afficheurs. Elle montrera ainsi que le changement des pratiques politiques est à l’œuvre."2

 

1 Cf. art. 122-7 du code pénal. « Aujourd’hui, le droit définit l’état de nécessité comme un « fait justificatif » d’une infraction pénale et considère que celui qui a enfreint la loi pour défendre un intérêt social supérieur, sans aucun intérêt pour lui-même, ne saurait être sanctionné » explique Me François Roux, l'avocat de nombreux désobéissants. F. Roux, « De l’état de nécessité à la désobéissance civile », Libération, 3/07/2006

2http://www.deboulonneurs.org/article652.html

 

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Vous pouvez retrouver les articles de la Rotative et ses recherches sur les stratégies judiciaires et le Jujitsu politique sur son site : larotative.org


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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 19:54

 

 

 

Le Forum social mondial de Tunis qui s’ouvre, mardi 26 mars, à Tunis parviendra-t-il à imposer ses thématiques et ses revendications, sans tomber rapidement dans l’oubli, comme les FSM de 2009 à Belém, de 2007 à Nairobi ou de 2006, éclaté en trois sites à Caracas, Karachi et Bamako ?

Douze ans après la tenue du premier FSM à Porto Alegre, et bientôt 20 ans après l’insurrection zapatiste, point de départ de l’altermondialisme, le processus des forums sociaux mondiaux peut donner l’impression d’être une simple survivance de la formule lancée en 2001 à Porto Alegre, pour contrer le forum de Davos. Pourtant, l’altermondialisme, en dépit de son hétérogénéité et de ses difficultés à peser politiquement, a permis à certaines idées innovantes de passer dans la culture commune.

« Pour une dynamique qui n’a qu’un peu plus d’une dizaine d’années, les FSM et l’altermondialisme sont parvenus à attaquer l’hégémonie néolibérale, juge ainsi Nicolas Haeringer, membre dAttac. Le forum a contribué à installer l’idée qu’un autre monde était possible et à diffuser certaines pratiques. »

Quant à Gus Massiah, ancien président du Crid (Centre de recherche et d’information pour le développement) et membre du Conseil international du Forum social mondial, il reconnaît que « le FSM est aujourd’hui obligé d’aller plus loin. Je considère qu’il a gagné sur le plan culturel en démontrant que le néolibéralisme n’était pas acceptable, mais il n’a pas été capable d’imposer des changements ».


 

Victoire culturelle mais défaite politique ? Il est tentant de résumer ainsi une quinzaine d’années passées à contester la marchandisation et la financiarisation du monde, tant il ne s’est pas constitué d’internationale des mouvements alter, et tant les organisations françaises emblématiques, telles qu'Attac, paraissent aujourd’hui peu audibles.

Dans le cas d'Attac, organisation emblématique de l’altermondialisme, l’épisode de fraude électorale, qui a vu partir des instances dirigeantes certains fondateurs très critiqués pour leurs méthodes et leurs programmes inspirés des anciens pays de l’Est, a bien sûr joué. Mais, reconnaît Nicolas Haeringer : « On ne peut pas tout mettre sur le dos de cette crise interne. L’altermondialisme est parvenu à définir un horizon d’opposition commun, mais au fur et à mesure qu’on explorait ces espaces de rencontre, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de communauté d’intérêt évidente entre une ouvrière de Lejaby et un petit paysan malien, par exemple. »


 

Pour Isabelle Sommier, professeur de science politique à l’Université Paris I et co-directrice d’un ouvrage intitulé L'Altermondialisme en France. La longue histoire d'une nouvelle cause, paru voilà quelques années aux éditions Flammarion, il est cependant nécessaire de nuancer : « Je n’irais pas jusqu’à parler de victoire culturelle. Il y a eu une reprise de certains slogans et de considérations, mais surtout de ce qui ne faisait pas vraiment clivage, comme la dénonciation des inégalités Nord / Sud. Cela ressemble au traitement de l’écologie, comme lorsque Jacques Chirac expliquait que la maison commune était en train de brûler, mais sans traduction politique concrète. »

Pourtant, même des gouvernements de droite, comme à l’époque de Jacques Chirac avec la taxe sur les billets d’avion, ou comme sous Nicolas Sarkozy avec le projet d’une taxe sur les transactions financières, ont repris certaines revendications emblématiques du mouvement alter. « La bataille des idées est importante, explique Christophe Aguiton, l’un des animateurs de la commission internationale d’Attac-France. Mais il y a un retour de bâton, parce qu’il y a aussi beaucoup d’édulcoration. »

Comme le remarque Gus Massiah, « de nombreuses propositions immédiates ont été avancées dans le forum depuis dix ans. Par exemple, la suppression des paradis fiscaux et juridiques, la taxe sur les transactions financières, la séparation des banques de dépôts et d’affaires, l’interdiction des marchés dérivés, la protection sociale universelle… Mais ces propositions ne sont pas révolutionnaires en elles-mêmes. Elles sont reprises aujourd’hui par des économistes de l’establishment, et même par certains gouvernements. Mais ces déclarations ne sont pas suivies d’effets car elles nécessitent une rupture avec le dogme néolibéral et la dictature des marchés financiers. Et ce sont toujours ces forces qui sont dominantes et qui n’accepteront pas, sans affrontements, de renoncer à leurs gigantesques privilèges. »

La crise déclenchée en 2008, qui a rendu flagrants les écueils de la financiarisation de l’économie, a d’ailleurs eu, sur l’altermondialisme, « un effet à double tranchant, explique Nicolas Haeringer. Elle a, à la fois, validé les hypothèses alter, mais les a banalisées. La partie consensuelle des propositions a été reprise, sans vraiment être traduite en politique. Je me souviens d’un moment étrange, à l’Université d’Attac qui s’est tenue en 2008, juste au moment de l’explosion des subprimes. Alors que cela aurait pu être un moment exalté, l’impression était plutôt qu’on venait de nous couper l’herbe sous le pied, car nous n’avions pas les moyens de faire pression politiquement, ni assez de propositions concrètes pour un contre-agenda, au moment même où ce que nous portions, parfois dans le désert, devenait une évidence. Le passage d'une position complètement minoritaire et contestée dans les médias à une position dont la pertinence est avérée demande du temps, alors que la crise des subprimes a opéré un basculement brutal ».

Pour Gus Massiah, il est donc désormais temps de « mettre l’accent sur une perspective plus radicale de transition écologique, sociale et économique. Nous pouvons trouver désormais des alliés auprès d’économistes comme Paul Krugman, Amartya Sen ou Joseph Stiglitz, mais il faut aller plus loin ».


 

Une autre difficulté pour le mouvement alter est que la crise économique n’a pas affecté avec la même vigueur les pays émergents et les pays occidentaux. Les effets de la mondialisation ne sont donc pas vécus de la même façon au Nord et au Sud, notamment au Brésil, berceau de l’altermondialisme. Cette « dérive des continents modifie les conditions de la convergence des mouvements telle qu’elle s’était construite dans le processus des forums sociaux mondiaux », estime Gus Massiah.

Pour Isabelle Sommier, dans les pays latino-américains, la question est d’ailleurs « moins celle de l’échec ou du succès du mouvement altermondialiste que celle de la prise du pouvoir et des liens entre les mouvements et les gouvernements qui en émanent. Avec des tensions à la fois à l’intérieur des espaces nationaux et entre, par exemple, le Brésil de Lula et les pays de la révolution bolivarienne emmenés par le Venezuela ».

 

 

Les héritiers de l'altermondialisme

 

Puerta del Sol, à Madrid 
Puerta del Sol, à Madrid© Ludovic Lamant

 

Difficile de savoir si, sans la crise de 2008, la dénonciation de la mondialisation ultralibérale et de la financiarisation de l’économie, se serait vraiment répandue. Posée autrement, cette question interroge la descendance de l’altermondialisme. Les « économistes atterrés », les indignados espagnols ou les mouvements Occupy de New York ou Londres sont-ils les héritiers de ce qui s’est noué autour des premiers contre-sommets à Seattle ou à Gênes ?

Pour Christophe Aguiton, en ce qui concerne le repositionnement de nombreux économistes, « il y a une filiation directe. Des gens comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman étaient des béats de la mondialisation qui ont complètement modifié leurs discours, notamment à cause de celui porté par l’altermondialisme ».

Dans le champ français, juge Nicolas Haeringer, « même si un économiste comme Philippe Askenazy ne se définira sans doute pas comme héritier de l’altermondialisme, on peut penser que les économistes atterrés n’auraient pas eu une telle répercussion sans le mouvement alter, même s’ils ont su en élargir l’audience. Le conseil scientifique d’Attac, notamment, a permis à des économistes hétérodoxes d’être entendus, et de montrer que tous les économistes n’étaient pas sur la ligne d’Olivier Pastré ».

En ce qui concerne les mouvements apparus depuis quelques années à Madrid ou à New York, lors de la conférence de presse organisée à Paris, à une semaine de l’ouverture du FSM, Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale du CRID, estimait que la relation « était spontanée et naturelle. Au FSM de Dakar, en 2011, la liaison a été faite avec les Y’en a marre ! Et, à Monastir, quand nous préparions le FSM de Tunis, au printemps dernier, de nombreux représentants des indignés et des Occupy étaient présents, dont on peut dire qu’ils s’inspirent de la charte du FSM ».


Affiche d'Occupy Wall Street pour le 1er mai 2012 (DR) 
Affiche d'Occupy Wall Street pour le 1er mai 2012 (DR)

 

Toutefois, précise Christophe Aguiton, « la filiation me semble moins évidente que pour les économistes hétérodoxes. Des mouvements comme Occupy ou les indignés ont certes récupéré une culture politique altermondialiste, en la radicalisant, notamment l’horizontalité et l’autogestion. Mais dans le mouvement alter, l’horizontalisation est une horizontalisation des organisations, et non des individus, ce qui change beaucoup de choses, parce que l’altermondialisme n’est pas réticent au principe de délégation et de représentation, contrairement aux mouvements apparus récemment ».

Pour Nicolas Haeringer, cette donnée modifie le processus de décision : « Comme le consensus altermondialiste se fait entre organisations, il est possible de donner un poids relatif, en fonction de son importance symbolique ou financière, à telle ou telle organisation. Une campagne sur la souveraineté alimentaire accordera sans doute plus d’importance à Via Campesina qu’à Utopia, et une centrée sur la citoyenneté universelle sera plus à l’écoute d’Utopia que de la CGT. »

En outre, précise-t-il, une caractéristique des mouvements comme Occupy ou des indignés est « une rupture avec le nomadisme du FSM, qui est un processus quasiment déterritorialisé. Tandis que l’occupation d’une place est un processus sédentaire, qui revendique un lieu. C’est notamment pour cela que, dans les FSM, l’important est d’abord la discussion, tandis que les indignés ou les membres d’Occupy accordent plus de place et d’importance à l’expérimentation des manières de vivre », ou à ce que la sociologie américaine a nommé les « politiques de préfiguration », fondées sur l’idée que si l’activisme est déjà démocratique, pacifique, égalitaire et créatif, alors, dans un petit coin du monde, ces éléments recherchés ont déjà triomphé.

Pour Nicolas Haeringer, s’il existe donc des similitudes, il est « important d’insister sur les différences, moins pour réfléchir en termes de généalogie et de transmission, que pour voir comment le mouvement alter peut rejoindre, aujourd’hui, certaines des exigences et des revendications soulevées par le mouvement Occupy ».

Alors qu’il n’a pas essaimé de manière suffisamment flagrante pour se renouveler ou se métamorphoser, l’altermondialisme pèse-t-il encore quelque chose, et le processus des FSM n’est-il pas définitivement « routinisé » ? Pour Christophe Aguiton, il faut revenir à la création du mouvement, à la fin des années 1990. « Il se produit dans un contexte où, à la fois, la pensée dominante est celle de la mondialisation heureuse et où, du côté des ONG, on croit pouvoir régler les grandes questions mondiales grâce à des grandes conférences multilatérales sur les femmes, la dette, le logement social ou l’environnement. L’altermondialisme apparaît alors comme une aile radicale qui cible les institutions internationales, menant le jeu de la mondialisation ultralibérale en s’appuyant sur deux réalités : le processus de mondialisation qui oblige les mouvements à se coordonner à l’échelle internationale et la possibilité d’identifier ses ennemis. »

La situation est moins lisible aujourd’hui, alors que l’unilatéralisme américain post-11 Septembre a pris un coup avec la montée en puissance des pays émergents et que les « ennemis » ont, comme l’altermondialisme, été affectés par des phénomènes de vieillissement et de fracturation.

« Le paradoxe, poursuit Christophe Aguiton, est que la mondialisation libérale se poursuit, mais sans leadership identifiable. La Banque mondiale ne fait plus rien, l’OMC est paralysée, le FMI ne s’occupe plus que de l’Europe. » Cet état de fait complique la stratégie des mouvements altermondialistes, comme l’explique Gus Massiah, pour lequel il était possible, dans les années 1990, « d’attaquer le système économique international à travers ses institutions, alors qu’elles sont aujourd’hui dépassées par le marché mondial des capitaux ».

Le Forum social mondial ne peut plus se présenter simplement comme le pendant de Davos, et ne se tient d’ailleurs plus début janvier, à l’instar de son homologue suisse. Isabelle Sommier, qui a mené plusieurs enquêtes sur le public des FSM, jusqu’à celui de Dakar en 2011, explique ainsi qu’on « perçoit une évolution de ses participants vers la professionnalisation et le plaidoyer. Les FSM ressemblent de plus en plus à des rencontres entre des ONG de droits de l’homme ou des organisations humanitaires, avec un déclin de la revendication politique ».

 

« Le temps des révolutions est un temps long et n’est pas linéaire »

 

 

Le fait que le FSM pose aujourd’hui ses bagages dans la Tunisie révolutionnaire peut-elle redonner à l’altermondialisme une dimension subversive qu’il a du mal à imposer ?

Le précédent forum s’est tenu en 2011 à Dakar, entre la chute de Ben Ali et celle de Moubarak, dont le départ a été annoncé pendant la cérémonie de clôture. Sa localisation, deux ans plus tard, dans le monde arabe libéré des dictatures, porte donc en soi une nouvelle dynamique, veut croire Gus Massiah pour qui « les insurrections méditerranéennes portent une espérance révolutionnaire », même si « le temps des révolutions est un temps long et n’est pas linéaire ».

À l’origine, il était prévu que le FSM de 2013 se déroule au Caire et non à Tunis. Mais pour qu’il puisse se tenir, il faut une rencontre entre des organisations locales et les structures internationales, dont les conditions n’étaient pas réunies dans le contexte égyptien. « Le fait qu’il s’installe à Tunis, et non au Caire, comme initialement envisagé, le francophonise et le provincialise », estime Nicolas Haeringer.

Pour redonner des couleurs à l’altermondialisme, le FSM de Tunis devra donc dépasser certaines tensions inhérentes à sa localisation dans cette région du monde, notamment les divergences de vues sur le Sahara occidental, les tensions entre des mouvements maliens favorables à l’intervention française et opposés aux revendications arabo-touaregs soutenues par certaines organisations de la région présentes au FSM, mais aussi les désaccords sur la situation syrienne, puisqu’il demeure, au sein de la gauche maghrébine, un vieux fond de nationalisme arabe sécularisé, pour lequel le régime d’Assad demeure un rempart contre l’impérialisme et l’extrémisme religieux.

Mais le forum de Tunis, en plus de devoir affronter son rapport à l’islam politique en particulier et à la religion en général (que nous aborderons dans un second article), se trouve surtout face à trois défis que Gus Massiah résume par trois questions : « Quelle traduction politique ? Quelles mutations des formes ? Quelles stratégies internationales ? »

Trois interrogations qui traversent l’altermondialisme depuis sa naissance, mais que l’hétérogénéité croissante, à la fois géographique et politique, des organisations qui se rendent au FSM ou des mouvements locaux dont l’altermondialisme estime qu’ils s’inscrivent dans sa logique, rend encore plus difficile à résoudre.

« Si on considère que la fonction du forum, explique Nicolas Haeringer, est de mettre en tension et en contact des formes opposées, par exemple des partis hiérarchisés avec des groupes affinitaires ; mais aussi différentes approches du changement avec des mouvements anti-hégémoniques et d’autres qui construisent plutôt une approche virale en termes de préfiguration ; et également des groupes ayant des positions très diverses sur le rapport à l’État ou le souverainisme, on peut ressentir un côté éreintant, à la longue, dans le fait d’exalter la diversité sur le mode de la célébration. Après dix ans, je pense donc que le FSM engendre autant de frustrations que d’espoir, mais c’est lié à sa nature. »


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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 19:19

 

Le Monde.fr avec AFP | 26.03.2013 à 17h26


 

 
Le procureur spécial Olafur Thor Hauksson (à droite) va lancer les poursuites le 24 avril contre Heidar Mar Sigurdsson et huit autres anciens responsables de la banque - ici, en 2008.

Le travail de la justice poursuit son cours. L'Islande a annoncé mardi 26 mars qu'elle allait inculper plusieurs anciens cadres et dirigeants, dont le patron, de son ex-plus grande banque, Kaupthing, pour des fraudes qui ont dissimulé la mauvaise santé de l'établissement avant sa faillite en 2008.

Chargé depuis janvier 2009 de chercher et de traduire en justice ceux qui ont joué un rôle dans l'effondrement économique du pays, le procureur spécial Olafur Thor Hauksson va lancer les poursuites le 24 avril contre Heidar Mar Sigurdsson et huit autres anciens responsables de la banque. Leur procès, s'il a lieu, pourrait durer "jusqu'à un an", a-t-il précisé.

 

325 MILLIONS DE COURONNES

M. Sigurdsson sera accusé d'avoir acheté des actions de Kaupthing grâce à un prêt de la banque, qu'il avait fait ensuite acheter par sa propre holding pour 572 millions de couronnes (3,6 millions d'euros actuellement), faisant grimper artificiellement le cours de Bourse. Grâce à cette transaction réalisée deux mois avant la faillite de Kaupthing, il aurait gagné 325 millions de couronnes, selon l'accusation.

Selon des médias islandais, six anciens dirigeants et cadres de la deuxième banque islandaise, Landsbanki, dont son ancien directeur général, Sigurjon Arnason, doivent également être poursuivis pour avoir eux aussi maintenu le cours de l'action de leur banque à des niveaux artificiellement élevés par diverses manipulations.

Ces deux banques et la troisième du pays, Glitnir, s'étaient effondrées à l'automne 2008, après des années passées à accumuler les actifs douteux lors d'une expansion internationale effrénée. Reykjavik avait choisi de les démanteler, prenant des mesures radicales plutôt que de tenter un long et coûteux sauvetage qui dépassait les capacités financières de l'Etat.

 

Lire : Comment l'Islande traque ses 'néo-Vikings' de la finance, responsables de la crise


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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 18:09

 

 

Olivier Besancenot répond à l’appel de Tunis

 

 

Photo Nicolas Fauqué

 

En marge du Forum social mondial (FSM) qui s'est ouvert mardi 26 mars à Tunis par  une assemblée des femmes, une manifestation a réuni des syndicalistes français de Solidaires, de la CGT, et des salariés tunisiens de la société Téléperformance en grève depuis le 26 février pour réclamer des augmentations de salaire en fonction de leur ancienneté et de meilleures conditions de travail.

Au milieu de la foule massée devant le siège de la filiale tunisienne du leader mondial des centres d'appel, qui scandait sur un petit air de manifestation française "Tous ensemble! Tous ensemble!", Olivier Besancenot est venu apporter son soutien. "J'avais déjà été les voir en France, à Boulogne, ces sociétés déshumanisées sont des zones de non-droit", harangue l'ancien porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

 

Des dizaines de milliers d'altermondialistes, associatifs et syndicaux à Tunis

"Ben Ali avait laissé la porte ouverte à ces entreprises délocalisées en leur offrant une exonération d'impôt pendant les dix premières années, ensuite elles ont changé de statut en se transformant en sociétés off-shore pour bénéficier d'une deuxième grâce et en se contentant de transférer les salariés", souligne Taha Laabidi, syndicalistes chez Téléperformance. "Nous voulons obtenir, comme cela avait été convenu dans l'accord de 2010 qui n'est pas respecté, la classification du personnel selon l'ancienneté et les compétences", ajoute-t-il. Téléperformance emploie plus de 5 000 salariés dans six centres d'appel en Tunisie.

Tarek Abidi, titulaire d'une maîtrise en marketing, à l'image du niveau de diplômes de 80 % des salariés du secteur en Tunisie, dit percevoir 225 euros par mois après douze ans d'ancienneté. "Depuis 2001, soupire-t-il, je suis technicien opérateur à raison de 50 à 60 appels par jour..."

Des dizaines de milliers d'altermondialistes, associatifs et syndicaux ont convergé à Tunis pour le premier FSM en terre arabe. Human Rights Watch a dénoncé dans un communiqué, mardi, le blocage d'une délégation de syndicalistes et de militants des droits de l'homme algériens, empêchée par les autorités algériennes de se rendre à Tunis.

 

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 19:54

 

 

Médiapart

                                                                                                                                                                                                                           Lire aussi

Selon ses proches, la « semaine noire » qui vient de s'écouler (Tapie, Cahuzac, Sarkozy, et l'altercation entre l'ancien chef de l'État et le juge Gentil à l'issue de l'audition) aura convaincu l'ancienne candidate écologiste à la présidentielle, médiatiquement discrète depuis plusieurs mois, de prendre la parole. Et les mots sont forts, le ton solennel : « Je demande un plan d’urgence contre les affaires, une opération mains propres à la française », a déclaré Eva Joly samedi devant le conseil fédéral d'Europe Écologie-Les Verts.

S'adressant directement au chef de l'État, qui s'exprimera jeudi à la télévision, Eva Joly lui reproche de ne pas avoir engagé « avec assez de vigueur » « le chantier de la république exemplaire ». « Une bataille à mort s’est engagée que nous n’avons pas le droit de perdre entre l’idée républicaine et la confiscation de la démocratie par ceux qui en détournent les règles à l’usage de leur profit exclusif », affirme Eva Joly.

« Qu’on regarde déjà  avec quelle arrogance incroyable les archers de l’UMP font feu de tout bois pour décrédibiliser à l’avance le travail des juges. » « Notre ennemi n’a pas de visage, il en a mille. Il n’a pas de parti, il les menace tous. Il n’a même pas de programme juste des intérêts : cet ennemi, c’est la corruption, les affaires, l’impunité... », poursuit l'ancienne juge de l'affaire Elf.

Samedi, en marge du conseil fédéral des Verts, le secrétaire général d'EELV, Pascal Durand, en a lui aussi appelé à François Hollande, demandant un alignement du statut pénal du chef de l'État sur celui de n'importe quel fonctionnaire. « Dans quel pays vivons-nous pour que des anciens présidents de la République soient systématiquement mis en examen ? » Revenant sur la démission de Jérôme Cahuzac, Durand a salué le travail « des journalistes ». « Et on voudrait nous faire croire que c'est à cause d'eux que la démocratie recule ! » a-t-il lancé.

Discours d'Eva Joly devant le conseil fédéral d'EELV, samedi 23 mars :

« Nous venons de vivre une semaine noire pour la démocratie.  En trois jours, Jérôme Cahuzac a été forcé à la démission après qu’on eut appris que l’enregistrement révélé par Mediapart concernant la possession d’un compte en Suisse était bien celui de sa voix ; l’appartement parisien de la présidente du FMI était perquisitionné dans le cadre de l’enquête sur les arbitrages Tapie, et Nicolas Sarkozy était mis en examen, notamment pour abus de faiblesses dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Qui peut croire que cette cascade d’affaires déversant leur trop-plein de boue sur notre vie politique restera sans conséquences ?
 
La crise politique ne se présente pas comme une explosion subite, mais comme le long pourrissement en continu de nos mœurs démocratiques. Seuls ceux qui y ont intérêt pour conserver une rente de position, font semblant de considérer que les choses peuvent continuer comme avant. En réalité la marche à la crise n’est plus une marche, mais une course à l’abîme.
 
Le chantier de la république exemplaire n’a pas été engagé avec assez de vigueur par François Hollande, et nous voilà rattrapés par la question de la collusion entre les milieux d’affaires et la classe politique engoncée jusqu’au cou dans l’eau saumâtre des affaires.
 
Comme dans le même temps on demande au peuple de se serrer la ceinture, et que ce sont les mêmes qui font assaut d’orthodoxie budgétaire et se retrouvent pris la main dans le pot de confiture, comment s’étonner que les Françaises et les Français n’accordent plus aucune confiance, ni aucun crédit à la parole des politiques ?
 
Le moment est venu de hausser le ton contre un système qui broie la confiance et détruit le lien démocratique. Pour résumer les choses, ce sera eux ou nous. Les cyniques ou les sincères. Les partisans de l’impunité ou les promoteurs de l’exemplarité de nos dirigeants. Les ventres repus de l’abus de pouvoir ou les crève-la-faim de la démocratie.
 
Eux ou nous, vous dis-je. Une bataille à mort s’est engagée que nous n’avons pas le droit de perdre entre l’idée républicaine et la confiscation de la démocratie par ceux qui en détournent les règles à l’usage de leur profit exclusif.
 
Si nous refusons le combat frontal, si nous tergiversons, si nous faiblissons, alors le pire est à prévoir. Qu’on regarde déjà avec quelle arrogance incroyable les archers de l’UMP font feu de tout bois pour décrédibiliser à l’avance le travail des juges. Ils mentent avec hargne et mordent avec férocité. Dans leur collimateur, derrière les juges, c’est l’État de droit qui est visé, l’idée selon laquelle on pourrait traiter tous les justiciables de la même manière, la lutte contre l’impunité qu’on veut abattre.
 
Alors je veux vous convaincre que nous devons hausser le ton et ne pas nous laisser enfumer par les pseudo-arguments sur la présomption d’innocence. Lorsqu’ils se drapent dans la présomption d’innocence, ils la souillent, la maculent de la tache indélébile du mensonge.
 
J’appelle nos amis socialistes puisque nous gouvernons ensemble à ne pas, par leurs silences gênés, laisser supposer qu’ils auraient la moindre pusillanimité dans la conduite du combat contre la gangrène des affaires. Les affaires, même lorsqu’elles touchent un des nôtres, surtout quand elles touchent un des nôtres, doivent être combattues sans relâche.
 
Pendant la campagne présidentielle, je n’ai pas été entendue. Mais cette fois-ci je ne demande aucun suffrage, juste un sursaut, une révolte, une insurrection contre la fatalité des affaires.
 
J’en appelle aux grandes consciences du pays, aux intellectuels, aux artistes, aux gens de toute profession, comme à ceux qui n'ont pas d'emploi, aux simples citoyens, à tous ceux qui ont foi dans la République. Je les engage à soutenir notre combat : c’est le leur. Tous ensemble nous devons dire ça suffit. Notre ennemi n’a pas de visage, il en a mille. Il n’a pas de parti, il les menace tous. Il n’a même pas de programme juste des intérêts : cet  ennemi, c’est la corruption, les affaires, l’impunité.
 
Chers amis, notre combat ne fait que commencer : mais que tout le monde se le tienne pour dit, que chacun soit prévenu, cette fois nous ne céderons pas.
 
J’en appelle donc solennellement au Président de la République. Je demande un plan d’urgence contre les affaires, une opération mains propres à la française. Nous devons de toute urgence renforcer les règles éthiques qui régissent notre vie publique, renforcer les moyens consacrés à la traque de l’évasion fiscale et de la corruption, protéger de manière accrue l’indépendance de la presse et de la justice.

Monsieur le Président de la République, faites face à vos responsabilités. Vous avez le pouvoir d’agir, et en conséquence le devoir de sauver une certaine idée de la République. »

 


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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 18:03

 

Médiapart

 

 

Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour abus de faiblesse dans l'affaire Bettencourt, a annoncé jeudi soir son avocat Thierry Herzog, cité par l'AFP. L'ex-président de la République a quitté le palais de justice de Bordeaux dans la soirée, après plusieurs heures d'audition par le juge Jean-Michel Gentil, qui l'a confronté à au moins quatre anciens membres du personnel de Liliane Bettencourt, l'héritière de L'Oréal.

L'avocat de l'ancien président a dénoncé une décision « incohérente sur le plan juridique et injuste », et annoncé vouloir « former immédiatement un recours ». Un communiqué du parquet de Bordeaux précise que cette mise en examen pour abus de faiblesse concerne non seulement un rendez-vous de février 2007, mais l'ensemble de cette année d'élection présidentielle. Il a été établi que Liliane Bettencourt n'a plus toutes ses facultés depuis septembre 2006.

L'ancien président a notamment été confronté à Pascal Bonnefoy, l'ex-majordome de Liliane Bettencourt et auteur des enregistrements pirates à l'origine du scandale, révélé en juin 2010 par Mediapart. La confrontation, organisée par le juge d'instruction Jean-Michel Gentil à Bordeaux, devait permettre à la justice de vérifier combien de fois Nicolas Sarkozy s'est rendu chez l'héritière du groupe L'Oréal pendant la campagne présidentielle de 2007. Il s'agissait ensuite d'établir s'il l'avait rencontrée et si des remises d'argent liquide ont été effectuées lors de ces rendez-vous.

 

 
© Reuters

Déjà convoqué, puis placé sous le statut de témoin assisté le 22 novembre 2012, à l'issue de douze heures d'audition, Nicolas Sarkozy n'avait reconnu s'être rendu qu'une seule et unique fois pendant la campagne, le 24 février 2007, au domicile des Bettencourt, où il aurait rencontré rapidement André Bettencourt, aujourd'hui décédé.

Or les enquêteurs s'intéressent à un possible autre rendez-vous, évoqué dans le journal intime de François-Marie Banier, confident de Liliane Bettencourt. À la date du 26 avril 2007, celui-ci rapportait des propos tenus devant lui par la milliardaire : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent. J’ai dit oui. » Mais, toujours selon l'AFP, le juge a depuis multiplié les auditions avec le personnel de la milliardaire, dont plusieurs membres ont déclaré avoir vu Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises pendant cette période, et qu'à ces occasions, il avait rencontré Liliane Bettencourt.

Patrice de Maistre, l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, est de fait au cœur des investigations. Mis en examen dans le dossier, il est aujourd'hui soupçonné d’avoir été la cheville ouvrière, pour le compte des Bettencourt, d’un « système de “mise à disposition d’espèces par compensation” du 5 février 2007 au 7 décembre 2009 pour des montants considérables de 4 millions d’euros », selon une ordonnance du 22 mars 2012 signée par le juge Gentil. 

Les résultats d’une commission rogatoire internationale ont permis d'établir que deux retraits d’espèces de 400 000 euros chacun ont eu lieu en 2007, en pleine campagne présidentielle, à des dates tout sauf anodines au regard des indices déjà récoltés par la justice. Ainsi, un premier retrait a eu lieu le 5 février 2007, deux jours avant un rendez-vous entre Patrice de Maistre et un autre mis en examen du dossier, Éric Woerth, ancien trésorier de la campagne présidentielle de M. Sarkozy.

Les investigations bancaires en Suisse ont montré qu’un deuxième retrait y avait été effectué le 26 avril 2007, soit la date figurant dans le journal intime de Banier. L'écrivain avait expliqué il y a un peu plus d'un an aux policiers de la Brigade financière, qui avaient saisi son journal intime lors d’une perquisition, que ces écrits constituaient des « observations de vies minuscules et de vice majuscule ». « Cela correspond aussi à ma réalité vécue », avait-il ajouté, tout en essayant de minimiser, sans convaincre, l’importance de ses notes sur Nicolas Sarkozy. Le juge Gentil, de son côté, n'exclut plus l'hypothèse d' « une remise (d'argent  ndlr) à titre personnel en faveur de M. Sarkozy », comme le montrent certains procès-verbaux d'audition. 


Claire Thibout 
Claire Thibout© Reuters

 

Ces découvertes suisses viennent s’ajouter aux faits compromettants déjà accumulés par la justice en France. Et tout particulièrement aux révélations de l’ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, confortées depuis par plusieurs éléments matériels (voir notre article ici)

Devant plusieurs magistrats et plusieurs policiers, qui se sont succédé pendant des mois pour l’entendre, la ré-entendre, lui faire préciser ceci, lui faire éventuellement retirer cela, Claire Thibout a raconté, sans varier, la même histoire : elle a été sollicitée début 2007 par le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt pour une mission un peu particulière.

Patrice de Maistre lui aurait réclamé 150 000 euros en espèces pour les remettre à Éric Woerth, afin d’abonder secrètement la cagnotte présidentielle du candidat de l’UMP. Sur ces 150 000 euros, 50 000 provenaient, d’après l’ex-comptable, d’un compte parisien (à la BNP Paribas) de l’héritière L’Oréal, et 100 000 avaient été acheminés de Suisse.

 

« En quoi cela me concerne ? »

Le 16 juillet 2010, dans le cabinet d’une juge de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, qui s’est occupée (brièvement) d’une partie de l’affaire Bettencourt, Claire Thibout avait notamment présenté à la magistrate son agenda de 2007, dans lequel il était justement indiqué à la date du 18 janvier « Rendez-vous de Mme Bettencourt pour donner enveloppe qui donnera à Patrice. » Or l’enquête judiciaire a pu établir que dès le lendemain de ce rendez-vous, le 19 janvier 2007, MM. Woerth et de Maistre se sont rencontrés pour un café, à côté du siège de campagne de Nicolas Sarkozy.

 

L. Bettencourt 
L. Bettencourt© Reuters

Les “carnets de caisse” de la comptable, récupérés par les enquêteurs, montrent par ailleurs que fin 2006/début 2007 de nombreuses sorties d’argent en espèces inexpliquées étaient demandées par les Bettencourt à Claire Thibout. « Liliane Bettencourt laissait parfois échapper de petites choses sur les destinataires de ces enveloppes », a expliqué Mme Thibout à la justice.

Dans son « ordonnance » du 22 mars 2012, le juge Gentil précise encore que plusieurs « témoins attestent d’une visite du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy au domicile des Bettencourt pendant la campagne électorale des 2007 ». Le magistrat affirme que des « investigations sont donc nécessaires s’agissant de ces premières remises de 2007 », qui visent ouvertement la campagne présidentielle de 2007 de l'ancien président. 

Deux employés de la maison Bettencourt, un ancien majordome et une secrétaire particulière, avaient évoqué devant les policiers l’existence d’un ballet d’enveloppes remplies d’espèces pour des hommes politiques. Selon l’un de ces témoins, Chantal Trovel, les destinataires des enveloppes étaient essentiellement « des candidats qui cherchaient à financer leur campagne ».

Question des policiers : « Sous quelle forme se présentaient ces aides ? »

Réponse « Il s’agissait d’argent liquide. »

Le maître d’hôtel, Pascal Bonnefoy, l’auteur des enregistrements clandestins qui lanceront l’affaire, a quant à lui assuré aux enquêteurs : « Ces enveloppes, elles existent, j’en ai d’ailleurs vu une. »

Ironie, alors que l'enquête porte sur un abus de faiblesse de Liliane Bettencourt, lors de son audition en novembre, Nicolas Sarkozy s'était retranché derrière ce même état de la milliardaire pour mettre en doute le rendez-vous du 26 avril 2007 « Ces propos supposés sont du 26 avril 2007 ? Or, aux dires des cinq experts que vous avez désignés, l'état de grande confusion de Liliane Bettencourt remonte à 2006. À supposer qu'elle les ait tenus, ils ne peuvent être retenus contre moi de la part d'une personne qui n'a pas toute sa tête. »

« Que Liliane Bettencourt ait parlé d'argent avec Patrice de Maistre ou qu'elle ait fait venir de l'argent de Suisse, en quoi cela me concerne ? » avait ajouté Nicolas Sarkozy.

 

 

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 17:52

 


Images : Reuters - vendredi 22 mars 2013
Des salariés travaillant pour les deux plus grandes banques de l'île ont manifesté vendredi devant le Parlement chypriote. Aux cris de "voleurs", ils ont tenté de forcé la barricade installée devant le bâtiment, attestant de la tension grandissante dans le pays alors que la troïka des bailleurs de fonds (UE-FMI-BCE) négocie avec le gouvernement pour éviter une faillite du secteur bancaire et de l'économie de l'île. Il y a deux jours, le Parlement rejetait le plan de sauvetage proposé par Bruxelles, qui proposait notamment une taxe sans précédent sur les dépôts bancaires.

Images : Reuters - vendredi 22 mars 2013
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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 18:53

 

Le Monde.fr avec AFP | 21.03.2013 à 19h25


 

Helen Hunt et John Hawkes dans le film américain de Ben Lewin, "The Sessions".

 

Le département de l'Essonne a lancé un pavé dans la mare en relançant une proposition très controversée : la mise en place d'un statut "d'assistant sexuel" pour les personnes handicapées, un projet décrié par les féministes, qui redoutent une nouvelle forme de prostitution.

Le conseil général de l'Essonne a annoncé, jeudi 21 mars, qu'il allait engager une réflexion "sur la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap", dont une des pistes serait la création d'un statut "d'assistant sexuel". Si le service voyait le jour, il s'agirait d'une première en France. "On s'occupe de l'accès aux transports, du droit au logement, mais cet accès à la sexualité est un impensé total", a déclaré Jérôme Guedj, le président (PS) du département.

UNE "FORME DE PROSTITUTION"

La proposition a aussitôt fait réagir la députée PS de l'Essonne Maud Olivier, qui y voit une "forme de prostitution". "C'est une mauvaise solution qui enfermerait les personnes handicapées dans un ghetto sexuel, en évacuant les questions véritablement posées : le regard de la société, l'accessibilité, le respect de la vie intime et privée des personnes handicapées qui vivent en institution", écrit-elle dans un communiqué.  "Plus que la satisfaction d'une 'pulsion', les personnes souffrant d'un handicap ont, au même titre que toute personne valide ou non, un besoin beaucoup plus large d'une vie sexuelle découlant d'une relation affective", considère-t-elle.

Le lancement de cette réflexion engagée par le département doit être entériné lundi à l'occasion de l'adoption par la collectivité du schéma départemental en faveur des personnes handicapées. Ce schéma prévoit aussi d'étendre la formation et l'information sur la vie affective et sexuelle des personnes handicapées.

VOYAGES D'ÉTUDE

Au début d'avril, un groupe de travail réunissant des associations et des juristes devrait être constitué, et des voyages d'étude, notamment en Suisse et en Belgique, où l'aide sexuelle est légale, sont prévus. Les conclusions de cette réflexion ne devraient toutefois pas être connues avant la fin de l'année.
 

"Il s'agit d'une initiative citoyenne, qui brave les interdits et les tabous", s'est réjouie Pascale Ribes, vice-présidente de l'Association des paralysés de France (APF), qui souhaite désormais "l'ouverture d'un débat public sur le sujet". "Il s'agit du dernier droit à conquérir pour les personnes en situation de handicap", a-t-elle souligné.
 

"UNE FEMME N'EST PAS LE MÉDICAMENT D'UN HOMME"

Certaines féministes, elles, sont "vent debout" contre cette idée et n'ont pas tardé à dénoncer une forme de prostitution. "Aujourd'hui, c'est pour les handicapés, demain ce sera pour les personnes âgées ?", s'est ainsi insurgée Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d'Osez le féminisme. "Une femme n'est pas le médicament d'un homme", a-t-elle poursuivi, rappelant que la proposition était en l'état "illégale".

En France, servir d'intermédiaire entre une personne qui se prostitue et une autre qui a recours à ses services, relève du proxénétisme. Les associations favorables à l'assistance sexuelle aux handicapés souhaiteraient une exception à la loi pénale pour l'autorisation de ces services.

 AVIS DÉFAVORABLE DU COMITÉ CONSULTATIF D'ÉTHIQUE

Le débat a déjà rebondi en France. En 2011, le député UMP Jean-François Chossy avait proposé de légaliser le statut d'assistant sexuel. Dans un avis rendu public le 12 mars, le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) a émis un avis défavorable aux assistants sexuels pour les personnes handicapées, relevant des risques importants de dérives. Le comité préconise toutefois une formation des personnels soignants et éducatifs à la sexualité des patients.

Lire : Le Comité d'éthique contre la reconnaissance de l'aide sexuelle

Un film américain, sorti récemment en France, aborde ce sujet délicat : dans The Sessions, inspiré d'une histoire vraie, Mark, 38 ans lourdement handicapé après une attaque de poliomyélite, décide de recourir à une assistance sexuelle pour perdre sa virginité.

Blog : Assistance sexuelle et prostitution

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