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24 septembre 2013 2 24 /09 /septembre /2013 16:26

 

Le Monde.fr

 

Nouvelles émeutes des ouvriers du textile au Bangladesh

Le Monde.fr | 24.09.2013 à 11h59 • Mis à jour le 24.09.2013 à 12h20

 

 

 

 

 

Des milliers d'employés de l'industrie textile au Bangladesh ont manifesté lundi 23 septembre afin de réclamer un salaire mensuel minimal de 100 dollars, obligeant une centaine d'usines à interrompre leurs activités. Il s'agit de la troisième journée de suite de protestation des employés du textile, dont certains ont bloqué des rues et s'en sont pris à des véhicules dans les quartiers industriels de Gazipur et Savar, en périphérie de la capitale, Dacca.

A l'heure actuelle, le salaire minimum moyen au Bangladesh est de 38 dollars, la moitié de celui pratiqué au Cambodge, et le gouvernement mène actuellement des négociations avec les syndicats et les organisations patronales sur une éventuelle revalorisation.

En avril, l'effondrement d'un bâtiment qui abritait des ateliers de confection avait provoqué la mort de 1 130 personnes et avait mis en lumière les conditions d'exploitation de la main d'œuvre du pays. Des graves émeutes avaient eu lieu.

Le Monde.fr

 


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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 16:08

 

 

blogs.mediapart.fr

 

Lettre à un camarade socialiste encore au PS

Il existe un peuple de gauche. Ce sont ces femmes et ces hommes qui partagent une même aspiration : une authentique démocratie, une vraie justice sociale et, de plus en plus souvent, l’exigence écologique. Ce peuple de gauche apporte ses suffrages à diverses organisations politiques, le PS, EELV, les partis du Front de Gauche, le NPA, Lutte Ouvrière.  J’ai la chance d’avoir des copains dans ces différentes formations et parfois, les discussions sont assez vives. Il y a quelques semaines, un d’entre eux a quitté le PS pour rejoindre le Parti de Gauche.  Il vient de rédiger une lettre à ses anciens camarades qu’il souhaite partager largement. La voici.

A toi, camarade socialiste encore au PS,

Je m’adresse à toi qui partages avec moi des années de fidélité au PS et des années d'espérances. Parce que comme moi, tu veux un monde où la démocratie et la justice sociale ne sont pas de vains mots et parce que tu crois, toi aussi, comme l’affirmait le grand Jaurès, que « la République politique doit aboutir à la République sociale. »

Déjà, en 2002, quand Jospin fut battu, lui qui avait davantage privatisé que les gouvernements Balladur et Juppé réunis, lui qui avait affirmé que son programme n’était pas socialiste, nous étions désemparés.

Nous avons payé très cher les dérives néo-libérales de la gauche plurielle. Il nous a fallu subir dix ans d’une droite qui a véhiculé, chaque jour un peu plus, le discours de la haine et qui s’est employée à démanteler, l’une après l’autre, les réalisations nées du programme du Conseil National de la Résistance.

Comme toi, j'ai attendu avec impatience le départ de Sarkozy. Dix ans d'une droite qui flirte avec l'extrême-droite ont rendu notre France de Montesquieu, de Jaurès et de Camus irrespirable. 

Comme toi, j’ai vibré aux propos généreux, authentiquement socialistes, tenus au Bourget.

Comme toi, j’ai été emballé lorsque notre candidat a affirmé sa différence avec son prédécesseur, à la télévision « moi, président,…. »

Mais là, seize mois après l’arrivée du deuxième président de la Ve République issu des rangs du PS, quelle déception ! A leurs débuts, Mitterrand avec les nationalisations et la retraite à 60 ans, puis Jospin avec les 35 heures et le rejet de l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI), avaient au moins pris des mesures fortes qui répondaient à nos attentes. Même si, par la suite, avec des Delors et des DSK, l’adhésion à l’idéologie du marché l’avait emporté. Mais cette fois, dès les premiers jours du quinquennat, les choix sont d’une clarté stupéfiante : ils continuent Sarkozy.

 Comme toi, j’ai été abasourdi que notre gouvernement ratifie, sans en changer une virgule, le pacte budgétaire Merkozy qui met fin à notre souveraineté dans l’élaboration du budget, l’instrument essentiel pour définir des orientations politiques.

Comme toi, je n’ai pas compris ce pacte de croissance, formidable cadeau de 20 milliards aux entreprises, sans la moindre contrepartie, sans la moindre condition et sans le moindre contrôle. La proposition de Louis Gallois, pourtant modeste (si on compare avec l’Allemagne,) d’introduire quatre représentants des salariés dans les entreprises de plus de 5000 salariés n’a même pas été retenue.

Comme toi, j’ai vu avec douleur, un gouvernement PS accorder l’ANI au patronat, une agression contre le droit du travail qu’aucun gouvernement n’avait concédée depuis les années 80 quand le CNPF la réclama pour la première fois. Malgré les démonstrations pertinentes de notre camarade Filoche prouvant l’agression, le gouvernement PS-EELV a refusé de modifier ce texte conforme aux attentes du MEDEF et soutenu par la direction du PS.

Comme toi, j’ai vu à quel point le propos du candidat Hollande au Bourget sur la finance (« mon véritable adversaire, il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne se présentera jamais comme candidat, il ne sera pas élu, mais pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance ») ont été démentis par les décisions du Président Hollande. Chaque fois que le gouvernement doit choisir, il choisit en faveur des banques et des assurances. Rien n’a changé. C’est la finance qui gouverne à travers Moscovici et Hollande. On l’a vu avec la loi de séparation  bancaire qui ne concerne que 2% des activités bancaires ; on l’a vu avec l’ANI et le formidable cadeau aux assurances que représente l’extension à tous les salariés de l’obligation de prendre une assurance complémentaire santé ; on l’a vu avec la baisse du taux du Livret A ; on l’a vu… mais à quoi bon continuer tant la liste est déjà longue. C’est presque chaque jour que ce gouvernement PS-EELV fait un cadeau au monde de la finance.

Comme toi, j’ai été déçu de constater que, les trois principales mesures promises solennellement par le Président Hollande lors du scandale Cahuzac, pour renforcer l'indépendance de la justice et garantir la transparence de la vie publique, n’ont pas été intégrées dans la loi de moralisation de la vie politique.

Comme toi, je n’ai pas compris que, malgré les promesses faites, les syndicalistes qui se battent pour sauver l’emploi avec les moyens dont ils disposent n’aient pas bénéficiés d’une loi d’amnistie.

Comme toi, j’ai été choqué par les propos et les décisions du Ministre PS de l’Intérieur, en particulier s’agissant des Roms. Comme toi, j’ai eu mal quand la France a interdit de séjour dans tout l’espace Schengen l’intellectuelle et ancienne Ministre de la Culture du Mali Aminata Traoré, quand la France a interdit le survol de son territoire à l’avion du Président de la République de Bolivie, quand la France est allée apporter son soutien à un gouvernement grec qui ferme les yeux devant les bandes nazies qui terrorisent la population et qui applique avec zèle les politiques austéritaires de la troïka.

Comme toi, je vois que le PS et son gouvernement adhèrent pleinement à l’Union européenne telle qu’elle s’organise : concurrence libre et non faussée, démantèlement des services publics, dictature des marchés. Le PS soutenait le traité constitutionnel européen. Il a soutenu sa version à peine modifiée qu’est le traité de Lisbonne. Il soutient aujourd’hui, avec son allié EELV, l’ouverture de négociations pour un grand marché unique UE-USA.

Comme toi, je vois que l’appel des 5000 socialistes pour dénoncer le projet gouvernemental sur les retraites, un appel qui affirme « pas un trimestre de plus, pas un euro de moins » n’est entendu ni par la direction du PS, ni par le gouvernement.

Enfin, comme toi, pendant tant d’années depuis le sinistre tournant de la rigueur de 1983, j’ai espéré qu’il serait possible de ramener le parti socialiste à gauche, une attente qui, pour surprenante qu’elle puisse paraître, ne va pas de soi. Force m’est de déchanter. Et après tant d’années de vains combats, d’en tirer les conséquences.

Le socialisme, c’est la priorité donnée à celles et ceux qui ne vivent que de leur travail, aux plus faibles qui n’ont pas de travail et aux déshérités de la vie. Le socialisme, c’est, par des réformes successives, tendre vers toujours plus d’égalité et une émancipation toujours plus grande. Le socialisme, c’est garantir l’accès de tous à la santé, à l’éducation, à la culture, au travail, à l’eau, à l’énergie, aux transports. Le socialisme, c’est résister aux attentes du patronat et de la droite qui les relaie parce que ces attentes n’ont qu’un but : le profit d’un petit nombre, l’intérêt particulier au mépris de l’intérêt général. Je ne retrouve plus le socialisme dans l’action du PS. Il nous faut faire ce constat douloureux : le PS a renoncé au socialisme.

Si, comme moi, tu partages ce constat, ne laisse pas tomber les bras. On peut encore se battre pour le socialisme. Mais plus au PS. On peut encore se battre pour la justice sociale. Mais plus au PS. On peut encore se battre pour l’accès de tous à des droits fondamentaux. Mais plus au PS.

Aujourd’hui, le flambeau du socialisme, il est porté par le Front de Gauche. L’union de la gauche, qui ne brade pas les exigences du socialisme, ce n’est plus le PS qui la réalise, c’est le Front de Gauche qui rassemble aujourd’hui 9 formations politiques qui veulent à la fois protéger les humains, mais aussi la planète, des ravages du capitalisme.

Au Parti de Gauche, nous portons un projet éco-socialiste où nous voulons que le progrès social se fasse dans le respect d’un cadre de vie qui doit être protégé pour garantir notre survie. Nous portons aussi le projet d’une autre France dans une autre Europe. Car la démocratie, la justice sociale et le respect des écosystèmes sont des exigences à la fois nationales, mais aussi européennes. En France, nous voulons que soit convoquée une assemblée constituante pour fonder une VIe République, démocratique, sociale, écologique et laïque. Nous adhérons sans réserve au projet d’une union des peuples d’Europe, mais sur des bases radicalement différentes de celles de l’Union européenne.

Alors si, comme j’en suis convaincu, tu partages mes déceptions et mes attentes, rejoins-nous. J’ai franchi le pas. J’ai quitté ce parti qui ne mérite plus d’être qualifié de socialiste ; qui a abandonné tous les idéaux de Jaurès ; qui sert le patronat. Et j’ai repris le combat, dans cette atmosphère fraternelle qui rassemble celles et ceux qui ne se battent pas pour eux, pour leur carrière, mais pour un idéal. Un parti n’est qu’un outil au service d’une cause. S’il ne la sert plus, il faut en changer. 

Pour rester de gauche, quitter le PS, c’est maintenant .

Gérard

 

 

 

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 13:00

 

forez-info.com

 

Une dizaine de personnes auront participé à cette oeuvre amusante et revendicative de détournement publicitaire. Elles étaient réunies dans un collectif stéphanois baptisé "The Caca-Collage Company". Enregistrant actuellement plusieurs départs, il n'est pas certain que celui-ci puisse poursuivre ses activités (NDFI).

La Company par elle-même

Ce collectif aux allitérations en [k] a failli s'appeler La Coloc, toujours avec la même allitération. En effet, en 2011 naissait à Saint-Etienne une ambiance artistique dans une colocation multiculturelle et cosmopolite. Le terme de « colocataire » prenait chaque fois un sens toujours un peu plus élargi, au gré des participations de chacun aux multiples activités de ladite coloc.

La Coloc aurait été un nom un peu trop usurpateur : tout le monde qui a participé n'aurait pas pu se sentir autant reconnu dans la paternité des oeuvres. Et pourtant, La Coloc s'appelle toujours ainsi dans le langage courant : les proches disent qu'ils vont « faire des affiches à la coloc. » Il fallait trouver un nom, un nom qui comprît aussi ces participants d'un soir, un nom paradoxalement à la fois subversif et fédérateur.
Le choix du nom

Quelle marque est la plus connue au monde ? Eh bien, peut-être la marque au soda. Tout le monde sait ce qu'est un coca. Le Petit Robert signale que c'est vers 1945 que l'usage courant a fait un nom commun à partir de la marque bien connue (marque créée en 1886). Tout le monde connaît ? Tout le monde ? Non, selon un film humoristique qui a fait grand bruit : Les dieux sont tombés sur la tête (The Gods Must Be Crazy pour le titre original), du réalisateur Jamie Uys (1980). Le collectif s'est vite rendu compte que leur humour facile était un peu facilement scatologique. Le « Caca » est donc venu naturellement (signe de bonne santé, diront les gastro-entérologues !). Le « Collage » est venu de ce que les ciseaux et la colle sont les amis du collectif : à aucun moment, il n'est fait usage de l'informatique dans la conception des affiches. C'est à l'ancienne que sont réalisés les « trucages », les détournements publicitaires. La « Company » rappelle avec ironie l'aspect collectif du travail mené par ce collectif (sic) ; ironie, car c'est dans une logique anti-commerciale que le collectif pense son art et c'est ainsi aussi que l'art a souvent été pensé.

« Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. » (Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1.)

Le détournement publicitaire

En décembre 2012, le collectif commençait ses activités de détournement publicitaire. Le collectif n'est cependant pas le premier à faire cela. Le détournement publicitaire est en fait, dans l'optique du collectif, un détournement du mobilier urbain publicitaire. Comme le dit un artiste parisien sur un 4x3m, "un espace pour la création vaut mieux qu'une pub à la con !" Le constat de départ est que la pollution visuelle des publicités est bien maigre par rapport à la pollution mentale qu'elle laisse insidieusement : ce que nos yeux voient ne sont donc que la partie visible de l'iceberg et nos esprits sont la partie cachée de l'iceberg. Le mobilier urbain est dans l'espace public : c'est dans la droite ligne de l'art urbain que s'inscrit le détournement publicitaire. Ainsi, dans l'espace public, la réappropriation d'une hygiène mentale se fera avec humour et création populaire. Oui, la publicité est une activité bigrement créative. Mais oui aussi, elle veut enfermer les esprits. Fort conscient de ce paradoxe, le collectif fait de son activité de détournement publicitaire une résistance récréative et re-créatrice. Le détournement est pleinement utilisé dès les années 1960 par les situationnistes (l'Internationale Situationniste, Guy Debord, etc.). Le collectif croit à la force du détournement dans un processus de libération mentale et de recul critique nécessaire face à la publicité. Les affiches (même les inchangées) ont d'ailleurs toutes un titre donné par le collectif : ainsi, le collectif ne partage pas le dessein des publicitaires.

Adbusters : les penseurs

Le mot Adbusters est anglo-saxon : il est composé de « ad », abréviation anglaise courante pour « advertising » (publicité) et « buster », mot polysémantique mais ici donné dans le sens de « destructeur, casseur, éliminateur ». En français de France le terme « casseurs de pub » est une traduction correcte.

La lutte contre les effets négatifs de la pub est menée par les Adbusters aux Etats-Unis. Adbusters (fondé en 1989) est à la fois un magazine (Adbusters magazine) et une fondation (Adbusters Media Foundation). La philosophie de ce mouvement est anti-consumériste. En France, le mouvement s'est organisé dans les années 90. Casseurs de Pub est une association à but non lucratif qui publie annuellement son magazine éponyme (et donc sans pub !) : une de ses revendications est la « Rentrée sans marques », par exemple. « Résistance à l'Agression publicitaire » (R.A.P.) est une association de loi 1901 et compte parmi ses fondateurs le professeur et écrivain François Brune, ancien diplômé de HEC. Des publications plus régulières s'inscrivent aussi dans la lutte contre la publicité, parmi lesquelles Le Publiphobe (mensuel) et La Décroissance (mensuel).

Source : Wikipédia (articles : « antipub », « adbusters », « Résistance à l'Agression Publicitaire », « Casseurs de Pub »)

Adbusting : les acteurs dans l'espace public

Les mouvements qui organisent une pensée pour se libérer des fers de la publicité ne doivent pas occulter les mouvements qui agissent dans la cité (au sens historico-politique du terme). En effet, l'action peut être très artistique ou très militante, entraîner la dégradation du mobilier ou bien être non dégradante pour ce mobilier. Les pratiques diffèrent donc. Un site internet recense toutes les actions, et met au courant des évolutions législatives ainsi que des décisions judiciaires en la matière : c'est le site de la Brigade Anti-Pub.

L'association « Paysages de France » agit sur un plan juridique afin de faire respecter les lois en termes de respect du paysage. Les Reposeurs ont agi fin 2012 sur Paris à grande échelle : ils collaient des papillons adhésifs (pour ne pas faire de pub à cette marque aux papiers jaunes que l'on colle en pense-bête) ou des grandes bandes de papier marron (pour ne pas faire de pub à une autre marque) sur lesquels ils écrivaient des slogans appelant au repos vis-à-vis de la publicité. Les Déboulonneurs agissent différemment, parfois en barbouillant ou en cassant les supports publicitaires, et des procès ont régulièrement lieu ; dernièrement (mars 2013), le tribunal de Paris en a relaxé six d'entre eux en leur reconnaissant l'état de nécessité (en citant l'article 11 de la DDHC) :

« Article 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
(Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.)

Sources : DDHC, site internet de Brigade Anti-Pub.

La cible : le mobilier urbain dans l'espace public

Malgré l'exposition prolongée à la publicité que subissent les usagers des médias (internet, télévision, presse gratuite, voire presse payante telle que les magazines), les mouvements antipub ne ciblent pas forcément tous ces médias dans leurs agissements. C'est aussi le choix du collectif (dont tous les membres vivent pourtant sans télé) : la voix est à reconquérir dans l'espace public car c'est là que l'invasion publicitaire n'a vraiment pas d'arguments pour elle. Elle s'impose au passant qui ne choisit pas de passer devant, mais qui y passe de fait (alors que l'on peut choisir, parfois pour son plus grand bien, d'éteindre un écran). Qui attend à un feu rouge se fait agresser visuellement (et surtout mentalement) par un 4x3m lui disant que la voiture vantée par la publicité est celle d'un gagnant, insinuant que la sienne est mauvaise. La publicité crée de la frustration: dans l'espace public, le collectif The Caca-Collage Company ne peut pas l'accepter. C'est pourquoi, après avoir retravaillé les affiches, il s'efforce de les reposer sur les supports publicitaires où elles ont été momentanément empruntées: la vitre de la « sucette » publicitaire est soulevée et l'affiche modifiée y est remise.

La destinée des affiches dans l'espace public

Une fois sous la vitre d'une sucette publicitaire, une oeuvre de détournement a une espérance de vie incertaine : en effet, c'est un peu le jeu du chat et de la souris, l'intérêt de la société publicitaire étant de remplacer au plus vite les productions des artistes. Le collectif The Caca-Collage Company récupère de temps à autre ses productions après une ou plusieurs journées passées sous vitrine, dans l'espace public. D'autres fois, les affiches du collectif sont retirées par la société publicitaire en moins de vingt-quatre heures.


Soyez « in » avec mon slip.
Déchirage-collage et écriture au marqueur, à partir d'un slip déchiré et d'une affiche au format « raisin » vantant la « une » d'un tabloïd, décembre 2012.


Le Petit Prince prend un malin plaisir à prendre son temps.
Découpage et collage de lettres, à partir d'une affiche publicitaire et d'une bande rose annonçant les soldes, décembre 2012.


Charlotte a fait caca.
Découpage et collage, à partir de deux affiches identiques, janvier 2013.


Le diesel, ça pue (ou l'affiche qui fait mouche), découpage et collage, à partir de deux affiches identiques, février 2013.



Nucléaire : unlimited
Collaboration Ladamenrouge + The Caca-Collage Company, découpage et collage, à partir de deux affiches identiques,  avril 2013



Le casse-couille est mauvais pour votre santé.

Les égéries, de nos jours, ne savent plus se tenir. Découpage et collage à partir de deux affiches de deux produits différents, février 2013.

Impératif : consomme ! Découpage et collage, à partir de deux affiches identiques, février 2013.

Mythique DTC. Découpage et collage, à partir d'une affiche et d'une feuille A4 de papier blanc, février 2013.

 

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 13:56

 

marianne.net

 

Les Pinçon-Charlot contre-attaquent
Dimanche 15 Septembre 2013 à 10:00

 

Bertrand Rothé

 

Le nouveau livre du couple de sociologues, "la Violence des riches", pointe une fois encore le cynisme des élites françaises et s'en prend à la délinquance fiscale, véritable sport de classe.

 

Les Pinçon-Charlot contre-attaquent

Loin des conflits entre Taubira et Valls et autres vaudevilles politiques qui tentent de nous faire oublier la hausse du chômage et la montée des inégalités, les Pinçon-Charlot réfléchissent aux violences que nous font subir les riches. Les décisions de cette petite élite peuvent jeter des milliers de familles dans la misère. Il suffit de se promener dans les Ardennes. Les friches industrielles y succèdent aux usines murées. Les délocalisations, les fonds spéculatifs et autres inventions financières ont fait des ravages. Bien davantage que les vols d'autoradios et de portables.

Les escroqueries à la Sécurité sociale ou au fisc coûtent, elles, des dizaines de milliards à la collectivité nationale. Car la fraude fiscale est un sport de classe que l'on pratique plus à Neuilly-sur-Seine qu'à La Courneuve et à Sarcelles. C'est finalement Valls qui ferait bien de mettre la pression sur Mme Taubira ! Car l'ordre républicain est ici bafoué tous les jours par des juges plus laxistes qu'en banlieue. «En moyenne, six mois avec sursis et quelques millions d'euros d'amendes pour des fraudes avoisinant le milliard d'euros», écrivent les Pinçon-Charlot. N'en déplaise à François Hollande, ces délinquants ont un prénom et un visage : ils s'appellent Laurence, Bernard... Qu'ils soient héritiers, financiers ou gestionnaires de fonds, en cas de récidive, aucune peine plancher n'est prévue pour eux. Au contraire. Ils gagnent à tous les coups. Le soutien du Medef leur est acquis, et en prime ils peuvent devenir conseillers du gouvernement socialiste.

"L'argent, c'est la liberté"

Tout le monde en prend pour son grade avec les Pinçon. Les hommes politiques, évidemment. L'UMP trouvera d'ailleurs ici tout prêt un «inventaire» saisissant de la politique de Sarkozy. Pour un complément d'information, Copé et son équipe pourront aussi puiser allégrement dans un précédent livre du couple : le Président des riches (La Découverte, 2011). Notre gouvernement n'est pas pour autant oublié. L'hommage rendu aux socialistes par Bernard Arnault, la première fortune de France, dans un entretien au Monde de 2013 est un vrai coup de griffe du rapace. «Quand Pierre Bérégovoy était ministre de l'Economie de François Mitterrand, l'entrepreneur était considéré comme un héros national», et les salariés, eux, commençaient à être vus comme une charge. Si les réseaux de Hollande sont décrits un peu trop vite ; dans un chapitre sur PSA, les deux auteurs s'interrogent avec ironie sur cette «deuxième droite». «Comment Pierre Moscovici a-t-il pu déclarer au Monde le 17 juillet 2012 : "Comme tout le monde, j'ai ressenti un choc à l'annonce du plan de PSA. Et c'est d'abord aux salariés et à leurs familles que je pense." Mais pouvait-il être dans l'ignorance des difficultés de cette société en tant que vice-président du Cercle de l'industrie, dont Philippe Varin [le président du directoire de PSA] est le président ?»

Les petits soldats du journalisme ne sont pas oubliés. Il suffit d'allumer sa radio pour entendre un auditeur nous rappeler que les riches font vivre le commerce : «L'argent, c'est la liberté, et je regrette qu'en France on soit envieux vers le haut et que l'on tire notre pays vers le bas.» Le Meccano de la domination se voit encore une fois ici démonté.

La Violence des riches, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, 256 p., 17 €. A paraître le 12 septembre.

 

 

 

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 16:09

 

 

liberation.fr

 

AFP 14 septembre 2013 à 18:28

 

 

Manifestation contre l'université du Front national, le 14 septembre 2013 à Marseille.Manifestation contre l'université du Front national, le 14 septembre 2013 à Marseille. (Photo Olivier Monge. Myop.)

 

«On n’oublie rien du FN, parti des assassins, on ne pardonne pas», scandaient les manifestants dont certains brandissaient des portraits de Clément Méric.

 

 

Dix-mille personnes, selon les organisateurs, 1 200 à 1 300, selon la police, ont manifesté samedi à Marseille contre la tenue de l’université d’été du FN ce week-end dans la cité phocéenne, à l’appel de mouvements associatifs et de partis de gauche. Le cortège de manifestants, venus de toute la région à l’appel du collectif Marseille contre l’extrême droite, qui regroupe une quarantaine d’associations, a défilé dans le calme entre le Vieux port et la place Castellane, a constaté une journaliste de l’AFP.

«On n’oublie rien du FN, parti des assassins, on ne pardonne pas», scandaient les manifestants dont certains brandissaient des portraits de Clément Méric, tué lors d’une rixe avec un militant d’extrême droite le 5 juin à Paris. «Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans les quartiers», pouvait-on notamment lire sur les banderoles. Le parti communiste, le NPA étaient présents ainsi que la CGT et des mouvements de lutte contre l’homophobie.

Selon un sondage paru dans Le Journal du Dimanche du 8 septembre, le FN, qui tient son université d’été samedi et dimanche à Marseille, recueillerait 25% des voix au premier tour, derrière une liste UMP à 34% conduite par le sortant UMP Jean-Claude Gaudin et devant une liste PS (21%).

«Colloques en vase clos ou manifestations "années 80"»

La présidente du FN, Marine Le Pen doit clôturer l’Université d’été dimanche par un discours marqué par la «confiance» et «les perspectives françaises». Dans le même temps, les députés Sandrine Mazetier, Malek Boutih et Patrick Mennucci, candidat à la primaire PS pour les municipales à Marseille, organisent un colloque sur le thème : «Ne laissons pas Marseille au FN». Face au FN, «certains proposent des colloques en vase clos ou des manifestations "années 80"», a réagi dans un communiqué Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée à la Lutte contre l’exclusion, également candidate à la primaire PS.

Or, selon elle, le «front républicain ne peut plus avoir la même efficacité dès lors que l’UMP a cassé la digue qui la séparait nettement du FN. La seule voie possible, plus exigeante, plus étroite, est celle du débat démocratique. La gauche doit faire l’effort d’aller sur le terrain, partout où les situations sociales charrient le désespoir, et d’argumenter face au FN comme elle le fait face à l’UMP», écrit Marie-Arlette Carlotti qui s’est rendue samedi dans les quartiers nord de Marseille.

«Se battre contre le FN c’est ni stigmatiser son électorat, ni le banaliser», a-t-elle déclaré samedi à l’AFP. Interrogée sur les propos de François Fillon sur le Front national, la ministre a estimé que cela allait «jeter un grand trouble dans la droite traditionnelle». «J’attends leurs réactions, en particulier celle du maire de Marseille», Jean-Claude Gaudin, qui avait cogéré le conseil régional Provence-Côte d’Azur avec le FN en 1986, a dit la ministre.

AFP

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 17:39

 

 

-Gabarit-UNE_09.jpg

 

Avec pas moins de six audiences prévues pour le seul mois de septembre, les élus CGT de Goodyear procèdent à un véritable mitraillage du projet de fermeture de leur usine d'Amiens nord, lancé le 31 janvier dernier. Ces dernières semaines, une salve d'assignations est partie du CHSCT de l'usine et du CCE du groupe où siège le syndicat, afin de faire barrage aux licenciements.



«Je n'ai jamais vu ça. Nous sommes assignés une dizaine de fois», peste Joël Grangé devant la juge de la Cour d'appel de Versailles.

L'avocat de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF) pourrait bientôt perdre ses nerfs. Rien que durant le mois de septembre, il devra répondre au moins six fois aux assignations en justice des salariés de l'usine d'Amiens nord, représentés tantôt par leur Comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT) tantôt par leur Comité central d'entreprise (CCE).

Presque huit mois après l'annonce par Goodyear de son projet de fermer complètement le site d'Amiens, les salariés n'ont toujours pas été licenciés. Et pour cause, puisque les élus du personnel font feu de tout bois pour enrayer l'avancée du projet de fermeture de l'usine annoncée le 31 janvier dernier (voir notre article).

 

Le CHSCT s’attelle à ralentir l'avancée de la procédure

Si elle veut fermer l'usine la direction de Goodyear-Dunlop doit mettre en place une procédure d'information et de consultation de son CCE où siègent notamment les élus CGT. Une série de réunions qui a occupé les élus pendant tout le premier semestre 2013.

Pour retarder l'avancée de cette procédure, les élus ont demandé, c'est leur droit, l'avis d'un autre comité où siègent également les élus CGT de Goodyear: le CHSCT. «Acculé, le CCE nous a dit qu'il lui manquait l'avis du CHSCT», retraçait l'avocat Joël Grangé, mardi à Versailles.

Cet avis, les élus du personnel n'ont pas été pressés de le donner. Ils ont refusé de se prononcer pendant plusieurs semaines. Avant l'échéance des délais légaux, les élus du CHSCT ont finalement demandé l'aide d'un expert pour éclairer leur avis, c'est aussi leur droit.

«Nous n'étions pas contre, explique Joël Grangé. Mais cet expert est rentré dans leur manœuvre et n'envoyait pas de lettre de mission». Les délais légaux arrivant à leur terme, l'avocat du pneumaticien a dû exiger devant le tribunal de Lyon que l'expert envoie une lettre de mission et s’attelle à la rédaction de son rapport.

Pour rallonger encore une fois la procédure, le CHSCT a ensuite assigné Goodyear au TGI d'Amiens le 5 septembre dernier (délibéré attendu le 20 septembre prochain), l'accusant de ne pas fournir à l'expert les éléments qu'il demandait. «L'expert nous demande la lune», s'insurge Joël Grangé. L'avocat sera également assigné à Montluçon le 18 septembre pour défendre son client des mêmes griefs.

Ce n'est pas tout. Le 21 août, l'inspection du travail a visité les locaux de l'usine d'Amiens nord. Elle y aurait établi la présence de souffrance au travail (voir notre article). «Elle a constaté de graves violations du code du travail, relate la CGT sur son blogNotamment le fait que la direction ne respecte pas ses obligations légales en matière d'obligations à fournir du travail, de respect des contrats de travail et du respect de l'obligation légale à garantir l'intégrité physique et ou mentale des salariés.»

Le constat de l'inspection du travail a permis aux élus du personnel d'assigner Goodyear une nouvelle fois au tribunal d'Amiens le 25 septembre prochain. Voilà qui devrait retarder l'avancée du projet de fermeture de l'usine pour quelques semaines encore.

Le CCE essaie de faire suspendre le plan social

Mais la CGT ne s'arrête pas là. Ce qu'elle souhaite avant tout, c'est que la justice suspende le PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi), comme elle l'avait déjà fait en 2009 et en 2011. Et elle s'y attelle par des assignations en justice émanant cette fois du CCE.

Depuis janvier, trois procédures ont été lancées par les élus devant le TGI de Nanterre. Toutes ont été menées en référé judiciaire. Il s'agit d'une procédure rapide dont les jugements sont provisoires mais à effets immédiats.

La première attaque a été lancée le 3 juin dernier, en première instance et s'est soldée par une défaite des salariés, qui ont immédiatement fait appel de la décision devant la Cour d'appel de Versailles. Ils ont été reçus ce mardi pour cette deuxième instance (délibéré attendu pour le 27 septembre prochain).

La deuxième attaque n'est, elle, qu'en première instance. L'audience a eu lieu vendredi dernier au TGI de Nanterre (délibéré le 24 septembre prochain). Et quel que soit le jugement prononcé, il y a fort à parier que la partie déboutée fera appel.


Les salariés à la sortie de la Cour d'appel de Versailles, ce mardi.


Si elles se déroulent dans les mêmes enceintes, les deux assignations n'ont pas le même objet. La première attaque porte sur la validité de la procédure d'information et de consultation qui précède le PSE et que l'avocat des salariés de Goodyear, Fiodor Rilov, estime incomplète et malhonnête. La deuxième porte sur la validité du PSE lui-même que l'avocat juge insuffisant et sujet à manipulations.

Pour Joël Grangé, l'avocat des salariés instrumentalise la justice. «Il se dit qu'à chaque fois qu'il tente, il a une chance supplémentaire». Il a d'ailleurs rappelé la Cour de Versailles à son «obligation de concentration des moyens».

Et si cela ne suffisait pas, la CGT a annoncé que les deux parties s'affronteront à nouveau le 20 septembre prochain au TGI de Nanterre pour une accusation de «transfert illégal des activités d'Amiens nord vers des sites dans le groupe Goodyear» émanant du CCE.

Et ce n'est pas tout: «J'ai reçu une nouvelle assignation ce matin, devant le tribunal de commerce pour nommer un administrateur provisoire», expliquait l'avocat de Goodyear, vendredi dernier.

Des audiences pour comprendre

Sur le fond, les deux dernières audiences parisiennes ont permis d'en savoir plus sur les causes de la baisse soudaine de production dont a été victime l'usine d'Amiens nord: une chute de 2,5 millions de pneus tourisme entre 2008 et 2011, qui ramène sa production à un peu plus d'un million aujourd'hui.

Pour la direction de Goodyear Dunlop Tires France, «c'est un problème de technologie, pas une délocalisation». Les baisses de production seraient surtout dues à la vieillesse des pneus produits à Amiens, elle-même due à l'absence d'investissement sur le site, lui même causé par le refus des salariés de passer aux 4x8 en 2008. «Dire que l'on a abandonné volontairement le site ne tient pas debout».

Pour Fiodor Rilov, la baisse de production vient d'une délocalisation programmée avant 2008 vers d'autres usines du groupe et cachée aux salariés.

Durant l'audience, les deux avocats se sont accordés à dire que la production de près de 800 000 pneus de référence GT3 avait été bien délocalisée dans l'usine Goodyear de Debica en Pologne entre 2009 et 2010. «L'équivalent de la production actuelle de l'usine», notait Fiodor Rilov.

«Ça n'a jamais été caché, a répondu Joël Grangé. Et ces références ne pèsent que 20% de la baisse de production.» La direction soutient par ailleurs que toutes les autres références de pneus, dont la production a été arrêtée à Amiens nord, l'ont été par manque de clients, et non pas par délocalisation dans d'autres groupes. «Pour 80% , il s'agit de références qui ne sont simplement plus produites.»

Ce n'est pas l'avis de Fiodor Rilov qui a tenté de montrer que des moules servant à produire d'autres types de pneus que les GT3 auraient été transférés dans d'autres usines du groupe, et que ces pneus sont encore aujourd'hui proposés dans le catalogue de Goodyear. Autrement dit: que ces pneus sont maintenant produits ailleurs qu'à Amiens nord.

Pour la direction, ces pneus présents en catalogue seraient issus des stocks du groupe. «C'était l'un des problèmes à Amiens nord. Il y avait des stocks considérables, à la fois chez nous et chez les distributeurs», a répondu Joël Grangé. Qui croire?

Rappel: la loi sur les licenciements dits boursiers sera débattue à l'Assemblée nationale à partir de mercredi. (le détail)

 

 


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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 15:25

 

reporterre.net

 

Hervé Kempf (Reporterre)

jeudi 12 septembre 2013

 

 

 

Dans la Somme, le projet de "Ferme des mille vaches" veut créer une usine animale à grands coups de subventions publiques. Polluant et destructeur des petites installations paysannes, le chantier a été investi dans la nuit de mercredi à jeudi par des membres de la Confédération paysanne. Jeudi matin, le siège social de l’entreprise Ramery a été occupé par des manifestants.


On pensait les actions spectaculaires contre les plus grands pollueurs une spécialité de Greenpeace. Eh bien cette nuit, c’est la Confédération paysanne qui a réalisé un coup d’éclat pour tourner le projecteur vers ce qui est sans doute le projet agro-industriel le plus choquant du moment : le chantier de construction de la « Ferme des mille vaches », à cheval sur deux communes, Buigny-Saint- Maclou et Drucat-le-Plessiel, dans la Somme, près d’Abbeville. Une vingtaine de membres du syndicat paysan l’ont investi, pour y peindre 250 mètres de long le slogan « Non aux mille vaches », et pour y démonter des pièces des bulldozers autres engins de travaux publics : dégonflage de pneus et démontage de vérins.


Le site vu du ciel, après peinture du slogan (lettres rouges)

Des pneus d’engins de chantier ont été dégonflés, des capots relevés, des trappes à carburant ouvertes, a indiqué la gendarmerie de la Somme citée par l’Agence France Presse.

Joint au téléphone, Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, explique à Reporterre : « Ce projet est incompatible avec la politique que prétend mener le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll : agro-écologie, agriculture à taille humaine, multifonctionnalité. Comme il n’a pas stoppé ce projet, comme l’Etat ne prend pas ses responsabilités, nous avons pris les nôtres. Nous avons agi à visage découvert, afin que l’on arrête ce projet et que l’on en discute ».

"Il semble bien qu’on se moque de nous..."

Dans un communiqué publié dans la matinée, la Confédération paysanne précise : "Ce projet ne peut se faire qu’avec l’appui des autorités. La signature du préfet sur le permis d’exploiter, c’est la signature de l’Etat. L’Etat qui accepte donc que des milliers d’hectares de terres agricoles ne servent qu’à enrichir qu’un seul homme alors tant de futurs paysans cherchent à s’installer. L’Etat qui regarde faire sans réagir celui qui veut brader son lait, et qui regardera crever ceux qui en vivent. L’Etat et ses grands discours sur l’agroécologie, sur le développement rural, qui fait l’autruche quand il faut prendre ses responsabilités. En cette période de négociations sur la Politique agricole commune, et bientôt sur la Loi d’avenir agricole, il semble bien qu’on se moque de nous..."


Laurent Pinatel

Une manifestation s’est ensuite déroulé jeudi matin à Erquinghem, siège du groupe Ramery. Environ 300 personnes sont entrées dans le hall du siège social, situé près de Lille, rapporte l’AFP. Les militants étaient accompagnés de deux veaux et ont brandi une grande bâche proclamant "Non aux 1000 vaches". Une dizaine de gendarmes étaient présents mais ils sont restés à l’écart.

Rappelons l’histoire. On apprend à l’été 2011 qu’une grande entreprise du Nord Pas-de-Calais, le groupe Ramery, veut installer la plus grande ferme-usine de France : un élevage laitier géant, associé à un méthaniseur de puissance industrielle. Le projet soulève rapidement une opposition croissante autour de l’association Novissen (acronyme de « NOs VIllages Se Soucient de leur Environnement », prononcez « nos vies saines »).

Quel est le projet ? Rassembler dans un bâtiment de plus de deux cent mètres de long mille vaches (qui ne verraient jamais la lumière du jour et ne connaitraient jamais le goût de l’herbe des prés). Elles produiraient du lait à un prix cassé, et leur déjections iraient servir de carburant dans un énorme méthaniseur le transformant en gaz. L’excès de lisier serait répandu sur près de trois mille hectares de terres alentour.

La ténacité de Novissen a permis de gagner un point : ramener l’autorisation admistrative de mille vaches à cinq cents. De plus, le maire et le conseil municipal de Drucat, sur lequel serait installé le méthaniseur, sont opposés au projet. Mais la machine avance continument, et le chantier se prépare. Le maire de Buigy, Éric Mouton, est architecte et constructeur de l’étable, qui s’étendrait sur 234 m de long. Le permis de construire a été accordé le 7 mars dernier.


Le site en juillet 2013

Opacité

Connaitre les détails de ce dossier étrange est difficile. En effet, la transparence s’arrête aux portes de ce projet qui se présente comme agricole et écologique pour transformer les subventions et aides publiques en profits sonnants et trébuchants. Voici ainsi ce qu’écrivait en avril la préfecture au Mouvement national de lutte pour l’environnement (MNLE) :

« La réglementation propre aux activités d’élevage relevant des installations classées n’impose pas la mise à disposition du public des informations à caractère économique relevant des mesures spécifiques de renforcement de la transparence des entreprises. (...) Aussi, les éléments qui ne sont pas utiles à la bonne compréhension du public ou encore susceptibles de porter préjudice à l’exploitant (divulgation d’informations pouvant être utilisées par la concurrence) peuvent être disjoints du dossier de demande d’autorisation d’exploiter » (lettre du secrétaire général de la préfecture de la Somme au président du MNLE, 10 avril 2013).

Cependant, les investigations de Novissen, de la Confédération paysanne et de leurs avocats ont permis de démonter le système mis en place pour faire de la Ferme des mille vaches une bonne opération financière.

Elle sera exploitée par la Société civile d’exploitation agricole Côte de la Justice SCEA. Le gérant en est Michel Ramery. Celui-ci dirige le Groupe Ramery.


Siège du Groupe Ramery

Un groupe prospère : Michel Ramery est la 349e fortune de France, selon le classement du magazine Challenges.


Michel Ramery

Les activités du groupe Ramery ont plusieurs volets : travaux publics, bâtiment, et environnement. L’entreprise, qui pèse plus de 500 millions d’euros de chiffres d’affaires, s’est développé régulièirement depuis plusieurs décennies. Un de ses talents est sa capacité à remporter les marchés publics de la région.

Elle a par ailleurs été évoquée dans l’affaire du financement occulte autour de la maire de Hénin-Beaumon et du financement du parti socialiste, comme l’ont rapporté les journalistes Benoit Colombat et David Serveray : « ...Aidée par la justice du grand-duché, la juge a même trouvé sur un des comptes de Guy Mollet un chèque de 210 000 euros. Il est daté du 31 août 2007 et signé par l’entreprise de bâtiment Ramery. Avec ses 2 700 salariés, Ramery est un poids lourd du BTP dans la région. Le groupe s’articule en trois pôles, travaux publics, bâtiment et environnement, tous susceptibles de travailler avec les collectivités locales ou la mairie d’Hénin- Beaumont. Une piste que les enquêteurs n’ont pas creusée, afin de “boucler leur dossier dans les meilleurs délais”, précise le parquet de Béthune » (Article de Benoit Colombat et David Servenay).

Vaches enfermées, paysans disparus

Le montage économique derrière le projet de la Ferme des mille vaches est talentueux. Son promoteur a besoin de terres pour cultiver les céréales nourrissant les vaches et épandre le lisier en excès. Il s’associe, contre finances, avec des exploitants des alentours : sont constituées des SCEA dans lesquelles on peut transférer les "droits à produire" du lait détenus par ces exploitants. Les "droits à produire" ont mis en place par la politique agricole commune, qui a posé des quotas laitiers aux exploitants (ce système de quotas devrait disparaitre en 2015). La Ferme des mille vaches disposera ainsi du droit de produire beaucoup de lait. Pour l’instant, des agriculteurs exploitant plus de mille hectares sont ainsi associés à Michel Ramery, qui vise rassembler trois mille hectares.

Ce système, explique la Confédération paysanne, fait pression sur les terres alentour : les perspectives financières offertes par Ramery gèle le marché foncier et empêche les installations de jeunes agriculteurs.

Les autres motifs de s’opposer à la Ferme de mille vaches sont nombreux :

- le lait produit est annoncé à 270 € la tonne, alors que le prix actuel est de l’ordre de 350 € et que les exploitants laitiers sont dans une situation très difficile. Ce nouveau prix accroîtrait encore la pression économique et ferait disparaitre de nombreuses exploitations qui ne pourront pas résister à cette concurrence ;

- l’effet négatif sur l’emploi sera négatif : une dizaine seulement seront créés pour gérer les animaux et la traite du lait, alors que les exploitations agricoles que le projet fera disparaitre comptent plus de quarante emplois ;

- le digestat liquide répandu sur les champs alentour pourrait être entrainé vers la mer par le ruissellement, et atteindre notamment la Baie de Somme, un espace naturel encore indemne et qui abrite la belle réserve de Marquenterre ;

- le bien-être des vaches sera un voeu pieux. Pour éviter les épidémies dans un troupeau aussi concentré, il faudra user largement d’antibiotiques et d’autres médicaments. Et à trois traites par jour, les animaux ne feront pas de vieux ans, étant transformés dès leur quatrième année en steack hachés.

Tout le projet est d’autant plus discutable que son rentabilité dépend largement d’aides publiques :

- prix subventionné du rachat du biogaz produit par le méthaniseur ;
- aides à l’investissement de construction du méthaniseur ;
- primes agricoles dans le cadre de la PAC ;
- attribution de marchés publics de collecte des déchets verts.

De son côté, le groupe Ramery a publié un communiqué, envoyé par courriel, et dont voici le texte :

« Michel Ramery, issu du milieu agricole se sent concerné par l’optimisation de la compétitivité de la filière laitière.

Son objectif, avec ses 5 associés, n’est pas de construire une ferme usine mais un élevage laitier de grande taille. Toutes les conditions d’élevage sont comparables aux fermes de plus de 100 Vaches laitières déjà existantes en France, y compris leur propre exploitation, qui regroupe aujourd’hui 330 vaches laitières.

De plus le projet créera et maintiendra des emplois directs et indirects de la filière laitière dans une région où l’abandon des petites exploitations augmente chaque jour.

Un projet réfléchi et viable qui suit son cours.

Chaque étape administrative a été scrupuleusement respectée dans le cadre légal. En effet, le préfet de la Somme a donné son accord en juin dernier pour l’exploitation de 500 vaches et la méthanisation, prouvant ainsi que ce projet respecte en tout point la santé, la sécurité animale et humaine dans le respect de l’environnement.

Un projet ancré dans la problématique énergétique actuelle.

Il suit, en tout point, le plan de soutien EMAA (Energie Méthanisation Autonomie Azote) des Ministères de l’écologie, du développement durable, de l’énergie et de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt : dont l’objectif est de soutenir la filière de méthanisation agricole française.

Le but est de produire de l’énergie issue notamment, de la valorisation des lisiers mais également d’aboutir à la production de digestats normés qui remplaceront les engrais chimiques. »


Source : Hervé Kempf pour Reporterre

Première mise en ligne à 8h45. Mises à jour à 9h30, à 10h53, et à 12h09. A 16h40 pour la photo de la peinture vue du ciel.

Photos :
- Peinture vue du ciel : Confédération paysanne sur Twitter
- Siège de Ramery à Eckinghem occupé : #1000vaches Twitter
- Laurent Pinatel : Wikipedia
- Vaches en concentration : Ca branle dans le manche
- Site en juillet 2013 : FR3 Picardie
- Michel Ramery : La Voix du Nord
- Siège du groupe Ramery : Ramery

Lire aussi : Un village picard résiste à l’usine à vaches

 

 


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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 15:21

 

 

marianne.net

Mercredi 11 Septembre 2013 à 05:00

 

Grand reporter au journal Marianne En savoir plus sur cet auteur

 

 

Manifestations à Paris - Michel Euler/AP/SIPA
Manifestations à Paris - Michel Euler/AP/SIPA

« Où est passé la gauche sociale ? » indiquait au départ du cortège parisien un affiche brandie par un géant portant un masque d’Anonymous. « La retraite à 60 ans ! scandaient derrière des centaines de manifestants, Plutôt que de t’occuper du patronat, Hollande occupe toi de ton électorat ! »

Lancée hier par la CGT, Force Ouvrière, la FSU, Solidaires, et soutenue par les jeunes étudiants de l’UNEF et lycéens la Fidl, les manifestations contre le projet de réforme des retraites ont rassemblé, selon Thierry Lepaon, le secrétaire général de la CGT entre 300 000 et 500 000 manifestants dans toute la France. « Ce n’est pas une déferlante, mais une bonne mobilisation appréciait à ses côtés, le leader de Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly. « Si les lycéens ne sont pas encore là en masse c’est parce qu’ils viennent de rentrer ssurait Maximilien Raguet, président de la FIDL. Mais les jeunes sont révoltés qu’un Président qui se vantait de leur inventer un avenir, veuille leur faire racheter, à prix d’or, des trimestres de cotisations pour pouvoir bénéficier d’une retraite. Alors que cette contrainte aggravera les inégalités entre étudiants issus des milieux aisés dont les familles pourront financer cet investissement, et les jeunes des classes populaires qui n’auront pas assez d’argent pour espérer une pension décente !»
 
Conforté par ce premier rendez-vous, les syndicats se retrouveront donc dès la semaine prochaine pour organiser la poursuite de leur mouvement. Leur objectif prioritaire : empêcher le gouvernement d’allonger la durée de cotisations ouvrant droit à une pension complète puisque déjà en 2013, la moitié des salariés ne sont plus en activité lorsqu’ils partent en retraite. Or le projet de loi qui sera examiné, en urgence, par le parlement en octobre, porte à 43 annuités, le seuil permettant en 2035 d’échapper à toute décote. « Pourtant ce statut quo, le PS l’a lui-même voté en juillet dernier ! » tempêtait mardi dans la rue Gérard Filoche, membre du Conseil national du PS, venu défendre aux côtés des syndicats, la position « officielle » de son parti.
 
Mais ce n’est pas tout. Dans les cortèges, salariés et les retraités de tous âges dénonçaient également une autre iniquité de la réforme des retraites. A savoir, la promesse faite au Medef, par Pierre Moscovici le ministre de l’économie et des finances, de compenser intégralement les hausses de cotisations des employeurs et même de baisser globalement leurs charges sociales en 2014. Quand les particuliers devront eux, supporter des hausses de cotisations et même des retards de revalorisation de leurs petites pensions. « S’il pense pouvoir obtenir du patronat, des embauches contre une baisse généralisée du coût du travail, François Hollande s’engage dans une impasse, estimait en aparté Bernard Thibault, l’ancien secrétaire de la CGT, chaleureusement accueilli par ses camarades. Face à des grands groupes mondialisés, seuls le rapport de force et la négociation de contreparties peuvent être efficaces. » Une stratégie pourtant que l’Elysée se refuse obstinément à déployer…

 

 

 

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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 14:35

 

fakirpresse.info

 

L’air du soupçon

Par François Ruffin, 10/09/2013

Le journal Fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !

Pierre Carles, Frédéric Lordon, Hervé Kempf, Alain Gresh, Étienne Chouard, Jean Bricmont… tous fachos ? Les accusations pleuvent sur les sites des « antifas ».
Et Fakir n’échappe pas à cette suspicion : des « nationaux-staliniens moisis », qui entretiendraient des liens obscurs avec des gens pas clairs.
Alors, amis lecteurs, êtes-vous, sur le site d’un journal d’une officine du Front National ? Marcherez-vous bientôt au pas de l’oie à nos côtés ?

Cet été, à peine le numéro sorti, j’ai reçu ce courriel de Sarah :

De : sarah@mac.com
À : francois@fakirpresse.info

Objet : Explication

Cher François, 
J’imagine que tu es déjà au feu de la nouvelle polémique qui vous secoue sur le réseau : affiliation véritable avec ce cher Chouard ? 
Je sais ton ignorance des réseaux sociaux, mais j’espère que tu nous feras l’honneur d’une explication de tout ceci. 
Je t’embrasse

Non, je n’étais pas au courant de la « nouvelle polémique » ni de cette « affiliation » avec Étienne Chouard. J’ai donc à mon tour demandé des explications.

De : sarah@mac.com
À : francois@fakirpresse.info

Objet : Ce qui fait débat

Antifa 75 dit :

5 juillet 2013 à 15:35
De pire en pire Pierre Carles salit la mémoire de Clément Méric. Mais ce n’est pas une première : son film récent « DSK, Hollande, etc. » a été réalisé avec une proche du dieudonniste Olivier Mukuna, la colloniste Aurore Van Opstal (1). On peut y visionner une séquence dans laquelle François Ruffin du journal Fakir fait l’apologie de Cheminade et Dupont-Aignan (2). Rien de surprenant donc à ce que Carles salisse aujourd’hui la mémoire de Clément.
À propos de Ruffin, avez-vous lu le dernier Fakir ? Il y est fait l’apologie de Chouard (dont Ruffin, tout comme Lordon, est un ami) (3) et de la nation et Ruffin y rend hommage à « l’hyper-efficacité » du FN (4) dans une interview assez hallucinante d’Emmanuel Todd. A noter que dans ce journal une rubrique est tenue par les souverainistes de Bastille-République-Nations qui compte parmi ses membres le négationniste Bruno Drewski et le cadre de l’UPR Laurent Dauré (5), ceci sans compter les nombreux autres dérapages passés de Fakir (apologie des « matons humanistes » de la prison d’Amiens (6), des super flics que sont les douaniers (7) ou interview de l’économiste larouchiste Maurice Allais (8). Mais comme dirait Bricmont, c’est sûrement de la « culpabilité par association »… En tout cas tous ces nationaux-staliniens moisis n’ont vraiment aucune leçon d’antifascisme à donner !
Apparemment, ce gloubi-boulga circulait sur Facebook et trois lecteurs m’ont, à leur tour, réclamé des « explications ». Cette salade, touillée par une passionaria de l’antifascisme, Ornella Guyet, m’a paru grotesque. Mais tellement symptomatique, en même temps, d’une littérature qui pollue le Net, qui assimile, en vrac, Frédéric Lordon, Alain Gresh, Étienne Chouard, Jean Bricmont, Hervé Kempf, maintenant Pierre Carles, et j’en passe, à du « rouge-brun ». Du coup, je me suis dit : « Tiens, on va s’arrêter sur ces quelques lignes, on va faire une mise au point », non pas pour Fakir, mais parce que ces petits procureurs qui confondent leur écran avec des miradors, qui flinguent toute idée qui dépasse, non seulement salissent des hommes, mais pourrissent le débat démocratique de leur suspicion généralisée. Et si l’ « antifascisme » c’est ça, cette police de la pensée, ma foi, c’est une publicité vivante pour leurs adversaires.
Je vais donc étudier ce texte, phrase par phrase, comme un cas d’école, pour trier le grain de l’ivraie.

(1) Pierre Carles

Le réalisateur de Pas vu, pas pris a publié, dans Siné Mensuel, une tribune autour de l’affaire Méric : « Méric et ses amis n’ont-ils pas été victimes d’un certain complexe de supériorité sociale ? Ne faut-il pas percevoir dans ce drame l’incapacité de certains membres de la petite bourgeoisie intellectuelle à percevoir à quel point un fils d’immigré espagnol Esteban Murillo peut se sentir profondément humilié par des jeunes perçus comme des nantis ? »
Pierre Carles avait, au préalable, adressé son article à Fakir. Mais Siné l’a accepté avant que nous n’ayons eu le temps de le refuser. Car nous l’aurions refusé : l’enquête nous apparaissait insuffisante, les faits trop maigres pour soutenir sa thèse. N’empêche, dans le martyrologue consacré à ce drame, ça tranchait, ça apportait un autre regard.
Mais il ne suffisait pas, alors, à nos « antifas » de contester ce papier, d’argumenter contre cette lecture de classe d’un fait divers, il fallait encore montrer que cette prise de position n’avait « rien de surprenant » : car Pierre Carles serait, sinon « facho », du moins pas très clair. Et comment le prouver ?

Par une espèce de contagion du soupçon.
Le site La Horde« portail méchamment antifasciste » – a ainsi dégotté une photo de Pierre Carles aux côtés de l’écrivain Marc-Édouard Nabe, et une autre photo de l’écrivain Marc-Édouard Nabe aux côtés de Dieudonné. Pierre Carles était ainsi assimilé à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
La bloggeuse « Antifa 75 » procède de même : Pierre Carles a co-réalisé un documentaire avec une jeune journaliste, Aurore Van Opstal, dont jamais une prise de position n’est citée. Mais elle-même serait proche d’un dénommé Olivier Mukuna, qui lui-même a écrit un livre sur Dieudonné, et voilà Pierre Carles ramené à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
C’est mathématique, non ?
À ce tarif-là, les suspects seront nombreux.

 

(2) Ma pomme

 

Circonstance aggravante pour Pierre Carles : il m’a filmé.
J’ai la mémoire courte, parfois : je ne me souvenais pas avoir fait une « apologie de Cheminade et Dupont-Aignan » – moi qui me considère plutôt, en gros, comme un compagnon de route du Front de Gauche.
J’ai donc re-visionné « DSK, Hollande et Cie ».
Durant la dernière campagne présidentielle, sur Canal +, Jacques Cheminade était qualifié de « candidat inutile » par Jean-Michel Apathie. Et Nicolas Dupont-Aignan était traité avec la même condescendance par Michel Denisot, toujours sur Canal + : « Si vous promettez le retour au franc, moi je promets le retour de la télé en noir et blanc ».
Interrogé sur ces séquences, je réagissais comme suit : « Quand on dit “Cheminade est un candidat inutile”, certes, il ne sera pas président de la République, mais est-ce qu’il n’a pas des idées sur la finance, par exemple, qui peuvent être utiles ? De la même manière pour Nathalie Artaud de Lutte Ouvrière. C’est, au contraire, les candidatures les plus utiles sur le terrain démocratique, parce qu’elles portent des idées, qui peuvent être des idées loufoques, mais qui peuvent être aussi des idées de rupture intéressantes. On voit bien le mépris pour Nicolas Dupont-Aignan parce qu’il envisage de rompre avec l’euro, qui est quand même une question qui peut se poser légitimement quand on a 80% des ouvriers qui y sont favorables. Donc ça n’est pas une question qui peut se traiter avec mépris, dédain, arrogance. »
Qui lira dans ces lignes une « apologie » ? Il est évident que je ne partage pas les idées de Cheminade, par exemple, sur la colonisation de la planète Mars, ni davantage celles de Dupont-Aignan sur l’immigration. Mais réclamer que, pour une fois qu’ils passent à la télé, on les écoute sans morgue, on les laisse s’exprimer, cela dépasse-t-il, déjà, le seuil de tolérance de nos « antifas » ?

(3) Étienne Chouard

Suite à ces alertes, j’ai cherché, dans le dernier numéro, une « apologie d’Étienne Chouard ». Je n’ai rien trouvé.
Je l’ai re-parcouru.
Ah, ça y est.
C’était dans l’agenda, page 2, en tout petit : « À Avignon, ne manquez pas “ la dette expliquée à mon banquier ! ”, une pièce d’Étienne Chouard. » Et c’était tout. Un peu court, comme « apologie ». Mais bon, cette pub m’avait échappé, sans doute rajoutée en dernière minute par Eric, notre Monsieur Commerce, ou par Mathilde, notre metteuse en page. Pas trop au courant des controverses gauchistes, eux ignoraient que, depuis quelques semaines, Étienne Chouard était devenu « facho ». Ils avaient manqué un épisode. On m’avait prévenu, moi, que le héraut du « non » en 2005 était passé chez les méchants.

Puisqu’on proclame, comme ça, qu’Étienne Chouard serait mon « ami », je voudrais décrire nos maigres liens – non pas pour prendre mes distances, mais parce que c’est tout simplement la vérité. J’ai rencontré Étienne Chouard une fois, chez lui, à côté de Marseille, en 2009, avant le passage de Fakir en national. Une heure ensemble, une seule : avouez que ça fait un peu court pour des « amis ».
À moins que ce ne soit un coup de foudre. Ce ne le fut pas. Pourquoi ? Mon impression est confuse, mais j’avais le sentiment qu’il raisonnait trop en juriste, prenant les mots – la Constitution, sa marotte – pour les choses, ne partant pas assez du réel, des conditions effectives d’existence. Que du coup, ses propositions, le tirage au sort des élus, par exemple, intéressantes en soi, rouvrant l’imaginaire démocratique, me paraissaient plaquées, utopie voulant recréer un monde idéal en dehors du monde – alors que, à l’inverse, je pars de la gadoue où nous traînons, et de la boue dont nous sommes faits. Et puis, intervenant dans mes débats, ou aux Rencontres Déconnomiques d’Aix-en-Provence, il m’a gentiment gonflé, ramenant tout - le protectionnisme, la crise économique, la guerre des classes - à ses lubies, « tirage au sort… tirage au sort… tirage au sort… », comme une espèce de Géo Trouvetout qui aurait découvert la pierre angulaire.
Pour toutes ces raisons, embrouillées, intuitives, je n’ai pas accroché à sa pensée. Et en quatre années de Fakir, malgré son aura dans les milieux militants, et des réclamations de nos lecteurs, jamais nous n’avons réalisé une interview d’Étienne Chouard.
Voilà pour notre « amitié ».

Malgré ces réserves, je l’ai toujours considéré, de loin, comme un homme sincère, un profond démocrate. Alors, quand Fabien – un copain de Lyon – m’a prévenu par courriel : « J’ai rencontré Chouard, et quand un mec te dit (ce qu’il m’a dit à moi, en face) que « quand même on peut pas nier que Soral est un patriote et qu’il est tout sauf d’extrême droite », ça a de quoi te scotcher », quand Sarah et Arthur m’ont raconté le même genre d’anecdotes, ça m’a troublé.
Parce que, pour moi, on ne blague pas avec Alain Soral : c’est un mec d’autant plus dangereux que talentueux. Son site, Égalité et Réconciliation, fait un carton. Son influence dans les quartiers populaires est réelle. Et j’entends combien, jusque dans mon entourage, des jeunes se politisent par Soral, adoptent son discours.
Et quel discours ?
« Quand avec un Français, Juif sioniste, déclare Alain Soral, en 2004, sur France 2, tu commences à dire “y a peut-être des problèmes qui viennent de chez vous. Vous avez peut-être fait quelques erreurs. Ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds.” Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire, tu vois. Ça fait quand même 2 500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort, sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à hurler, à devenir dingue, tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C’est-à-dire, je pense, c’est qu’il y a une psychopathologie, tu vois, du judaïsme sionisme qui confine à la maladie mentale. » Bref, la Shoah, c’est quand même un peu parce qu’ils l’ont cherchée.
Son chemin le conduit, naturellement, au Front National : « Le Pen méritait la France mais je ne suis pas sûr que la France méritait Le Pen », déclare-t-il au lendemain de la présidentielle 2007. Il est alors nommé, à l’automne, au Comité central du FN. Un parti qu’il quitte, deux années plus tard – mais non pas pour des divergences idéologiques : parce qu’il n’obtient pas la tête de liste FN en Île-de-France.
Profondément dandy, avant tout opportuniste, en quête de renommée, Alain Soral avait démarré bien à gauche, au Parti communiste, avant de basculer à l’extrême-droite. Il se prétend aujourd’hui « transcourants », réconciliant « la gauche du travail et de la droite des valeurs », affiche Hugo Chavez en une de son site – mais tout en rejoignant Dieudonné sur « l’antisionisme et le lobby juif ».

De voir que, en effet, Étienne Chouard donne des entretiens à Égalité et Réconciliation, participe à des débats publics avec les membres de ce groupe, et défend Alain Soral - « un type bien » - au nom de la liberté d’expression, voilà une ambiguïté qui, pour moi, devenait rédhibitoire.
Il fallait rendre cette position publique.
Sans pour autant blesser un homme isolé, et déjà largement attaqué.

Mardi 23 juillet, Trets.

Au milieu de ces réflexions, je voyageais justement dans le Sud, pour le « Fakir Provença Tour ». J’ai envoyé un SMS à Étienne Chouard, l’avertissant que je souhaitais l’interroger sur « les antifascistes », et je me suis pointé chez lui, en plein cagnard, entre la piscine et la table de jardin.

Sur Soral

Étienne Chouard : Je ne supporte pas quand il parle des féministes et des “pédés”. Ça me hérisse. Mais il m’a rendu sensible à un point qui, pour moi, n’existait pas auparavant : c’est le sionisme, le poids du sionisme au niveau mondial.
Fakir : Mais tu pouvais y parvenir par Mermet, par Gresh, par des lectures beaucoup plus nettes, sans trace d’antisémitisme !
Étienne Chouard : C’est vrai. Mais je suis rentré par là.
Fakir : Et quand il parle du « lobby juif »
Étienne Chouard : Il évoque davantage les sionistes. Mais si certains Juifs disent : « Nous, on est élus, et on va dominer le monde », c’est grave. C’est grave aussi quand ce sont des musulmans ou des chrétiens.

Sur les complots

Fakir : Tu crois qu’il y a un complot, alors, pour dominer le monde ?
Étienne Chouard : Mais il y en a plein, des complots. C’est normal. Les gens conspirent, ils complotent pour maintenir leur pouvoir.
Fakir : Mais par exemple, le MEDEF : est-ce qu’il s’organise ou est-ce qu’il complote ?
Étienne Chouard : Bien sûr qu’ils se réunissent en secret…
Fakir : Quand j’entends Pierre Gattaz à la radio, à peine élu à la tête du Medef, et qu’il assène ses objectifs avec clarté, j’ai pas tellement l’impression qu’il garde ses buts secrets… Pour moi, toutes les forces sociales s’organisent pour défendre leurs intérêts – et avec, à l’intérieur de cette organisation, une part de secret, mais qui est une part minoritaire.

Sur le FN

Fakir : Et que Soral ait appartenu au FN, qu’il ait déclaré que « la France ne méritait pas Jean-Marie Le Pen » ?
Étienne Chouard : Mais alors, on va faire quoi ? On va trier selon les appartenances politiques : « Toi tu votes mal, je ne discute pas avec toi », ça n’est pas ça la démocratie. Quand tu dis à un raciste, « t’es un sale raciste », il va rester raciste. Mais si tu parles avec lui, il peut évoluer.
Fakir : Qu’on cherche à convaincre les électeurs du Front National, qu’on change les conditions économiques et sociales qui produisent ce vote, c’est une priorité politique. Mais là, il ne s’agit pas du mécontent de base, mais bien d’un idéologue, d’un cadre du FN.
Étienne Chouard : Moi, je suis le défenseur de toutes les paroles. Il faut débattre avec tout le monde, là où le régime des partis nous enferme dans une guerre électorale.
Fakir : Je ne suis pas d’accord. Je suis partisan d’un cordon sanitaire autour du FN.
Étienne Chouard : Et qu’est-ce que je devrais faire, alors ? Insulter leurs dirigeants ?
Fakir : Je ne te demande pas d’insulter quiconque, juste de ne plus te répandre dans leurs médias, ne plus te compromettre dans des débats avec eux. Et, éventuellement, une fois que tu l’aurais mûrie, de rédiger un texte qui explique ta nouvelle position.

J’étais pressé.
J’ai dû partir à la va-vite pour un débat à Aubagne. En roulant, j’ai réfléchi à cet échange, et mon intuition se confirmait : Étienne Chouard est un homme de bonne foi. Mais en même temps, sa construction idéologique me paraissait bien récente, bien fragile, bien confuse : avant 2005, la politique ne l’intéressait pas trop, et d’un coup, voilà que le référendum sur le TCE l’a porté au pinacle, mis sous le feu des projecteurs, transformé lui-même en modeste guide. Et c’est ensuite, seulement après, qu’il s’est formé politiquement. En accéléré. De bric et de broc, comme tout le monde. Sauf que chacune de ses réflexions, chacun de ses errements, sont publics, consultés par vingt mille lecteurs, twittés et facebookés. Alors que ce mûrissement aurait réclamé, peut-être, un temps de retrait, de silence et de solitude.

Mercredi 24 mars, Marseille.

Étienne Chouard m’a adressé un long texte, déjà préparé d’avance, pour répondre aux détracteurs qui lui reprochent ses « mauvaises fréquentations ». Je le lis, et bien des choses m’horripilent. Cette opposition, déjà, entre un « faux suffrage universel » et une « vraie démocratie » :

« La scène politique actuelle est, de mon point de vue un théâtre trompeur qui permet de tout décider sans nous. Et ce n’est pas nouveau, c’est structurel : depuis deux cents ans, on nous donne le spectacle (et on nous invite à lutter dans) une fausse confrontation, un jeu de dupes… Je rappelle que nous ne pouvons rien gagner politiquement dans la cage du faux « suffrage universel »… Si on en cherche la cause des causes, c’est l’élection de maîtres parmi des candidats, le faux « suffrage universel »…

Ensuite, ce consensus nécessaire à la rédaction d’un nouveau contrat social :

« Mais pour arriver à un tel résultat (notre mutation en très grand nombre en citoyens constituants), il faut que je touche tout le monde, de gauche à droite et même les abstentionnistes (qui se méfient souvent de tous les partis), et pas seulement « le peuple de gauche » ! Je ne peux évidemment pas dire, même diplomatiquement : « non, pas vous : vous êtes « fascistes », ni vous car vous êtes nationalistes, ou racistes, ou machistes, ou nucléophiles, ou bourgeois, ou banquiers, ou publicitaires, etc. donc on ne vous parle pas »… Impossible de faire société en tenant à l’écart de l’écriture du contrat social des pans entiers de la société. Ces gens dont tu hais l’idéal de société (je le redoute moi aussi), ce sont bien des êtres humains, n’est-ce pas, on ne va pas les tuer ? Alors ? On va bien (être obligés de) vivre ensemble dans le même pays avec le même contrat social, non ? »

Et plein d’autres désaccords.
Du coup, je reprends rendez-vous avec Étienne, à Marseille cette fois, l’après-midi, accompagné de mon copain Kamel, un gars de la cité, camionneur et intello.
Et cette fois, j’ai décidé de mettre la gomme – quitte à démarrer mollo :

Sur la démocratie

Fakir : Tu essentialises le suffrage universel, comme s’il n’était, pour toujours et depuis toujours, qu’une gigantesque tromperie, comme s’il n’y avait pas des étapes. Comme si, surtout, toutes les conquêtes sociales du XXème siècle n’étaient pas liées, pour partie, à ce suffrage universel, avec des élus qui même à droite ne doivent pas complètement se brouiller avec le peuple.
Étienne Chouard : C’est possible. Mais tu considères que, aujourd’hui, on vit dans une vraie démocratie ? Étymologiquement, « le pouvoir au peuple » ?
Fakir : Mais cette expression de « vraie démocratie », moi, je ne peux pas l’endosser. Je considère qu’on est dans un système imparfait mais que, de toute façon, on sera toujours dans un système imparfait, que l’imperfection de l’homme, de la société, ça fait partie du monde, qu’on est juste dans des dégradés de gris. Et qu’à défaut d’un idéal, je me bagarre juste pour que ce soit un peu mieux ou un peu moins pire. Donc la « vraie démocratie », la république pure et parfaite, je n’y crois pas, moi, ni hier à Athènes ni demain en France.
Et le risque, c’est que tu invites à balayer la « fausse démocratie » – dans laquelle, tout de même, et je ne le compte pas pour rien, nous pouvons exprimer nos opinions – et ton message contre cette « fausse démocratie » est entendue, répandue, même à l’extrême-droite, mais qui garantit que, derrière, nous n’aurons pas une vraie tyrannie ?
Étienne Chouard : Mais parce qu’il y a tout le travail des citoyens constituants, avec l’instauration du tirage au sort. Je parie sur une prise de conscience, sur une contagion.

Sur le contrat social

Fakir : Tu écris, par ailleurs, qu’il faut discuter avec le Front National – et y compris, semble-t-il, avec leurs dirigeants – parce que, pour rédiger le nouveau contrat social, il faudrait que tout le monde, le peuple entier, soit d’accord…
Étienne Chouard : C’est bien ça.
Fakir : Mais quand est-ce que ça a fonctionné avec cet unanimisme ? Le contrat de 1789 se fait très largement contre l’aristocratie, contre le clergé, et contre des fractions importantes des classes populaires qui se solidarisent avec leurs anciens maîtres. En 1944, le Conseil National de la Résistance n’a pas demandé l’avis des collabos – et encore moins de Pétain et de ses ministres – pour rédiger son programme !
Étienne Chouard : Mais s’il n’y a pas un consensus, allez, des 99 % contre les 1 %, ça signifie que, derrière, il y aura des violences.
Fakir : D’abord, je ne suis pas d’accord du tout sur cette structure de classes : 99% contre 1%. Ça serait trop facile pour nous. Et ensuite, si tu souhaites vraiment une redistribution des cartes – des richesses, des statuts, des lois –, ça se fera de toute façon avec une immense tension. D’autant plus si, d’après toi, ça ne peut pas passer par les élections.

Sur Soral (fin)

Fakir : Vas-y, Kamel, raconte-lui ta rencontre avec Alain Soral.
Kamel : L’an dernier, tu sais, Soral est venu à Marseille. Comme il attire vachement de jeunes dans les quartiers, comme mon petit frère était sous son charme, je suis allé l’écouter. Y avait plein de mecs avec des djellabas, des barbes, les filles avec le voile, et là Soral leur dit en gros : « Si vous êtes dans la merde, c’est à cause d’un banquier sioniste à New-York. » Moi j’ai pris la parole, après, et je lui ai demandé pourquoi il indique « sioniste » ? pourquoi il dit pas un « capitaliste », un « oligarque » ? Et là, il m’a répondu qu’il fallait appeler un chat un chat.
Étienne Chouard : C’est pas raciste. Il ne dit pas « Juif », il dit « sioniste ».
Fakir : Est-ce qu’il a précisé, dans son exposé, qu’il ne fallait surtout surtout surtout pas confondre « juif » et « sioniste » ?
Kamel : Non, il n’a rien précisé.
Fakir : Mais Étienne, comment tu penses que c’est reçu, dans la salle ? Tu penses qu’ils donnent dans la nuance, les mecs ? Moi, pendant que je faisais mon bouquin Quartier nord, à Amiens, y a plein de gars qui me prenaient pour un juif à cause de mon gros pif, et c’était pas amical crois-moi.
Étienne Chouard se tait, frappé.
Kamel : C’est dangereux ce jeu-là. Là, pour moi, Soral déplace la question de la lutte des classes à la lutte des races.

Sur l’adolescence

Fakir : Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent en politique. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance.
Moi, avant de lancer Fakir, je me suis tapé une traversée du désert : durant sept années, j’ai écrit écrit écrit, sans que rien ne soit publié. « Malheureusement », je pensais à l’époque. « Heureusement », je me dis aujourd’hui. Parce que c’était complètement immature : en gros, il fallait flinguer l’humanité (à commencer par les présentateurs du jité).
Tu es loin de ces sommets du ridicule, mais je vois là un danger, avec des prises de position un peu sur tout. D’autant plus que tu aimes flirter avec la ligne jaune.

Ça tournait à la leçon.
Et je devais filer à mon débat.
Il m’a remercié.
J’ai reçu un SMS, encore : « Je te remercie pour ta gentillesse et ta patience. » Et c’est là que Chouard est un mec pas banal. Parce que c’est lui, l’aîné, vingt ans de plus que moi, c’est lui le prof, c’est lui la star, « Don Quichotte du non », etc., et moi un gamin m’aurait avoiné comme ça, je n’aurais pas apprécié. Mais lui, plus tu lui rentres dans la gueule, plus il te remercie ! C’est soit un masochiste, soit un démocrate !

On a repassé une heure, ensemble, le jeudi, à Aix cette fois.
Et j’ignore ce que va donner, politiquement, tout ce baratin, s’il va rompre avec ces machins de Soral et de complots. Je crains que non. Je sais, en revanche, qu’au fil de ces trois jours, j’ai mesuré le fossé qui, politiquement, nous sépare. Mais aussi que, personnellement, je me sens davantage son « ami », un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges.

(4) Le Front National

Dans le dernier numéro de Fakir, Emmanuel Todd déclarait : « Au Front de Gauche, sur le protectionnisme, ça avance, mais avec quel retard sur les classes populaires ! »
J’ajoutais : « Et quel retard sur le Front National, aussi, qui est devenu hyper-efficace sur ces questions. Vous voyez le FN comme le parti des dominés, le refuge pour le refus du libre-échange, pour le refus de l’euro…
- Le parti des dominés, il n’y a qu’à regarder les statistiques, il n’y a qu’à regarder les cartes. Le vote FN se déplace des marges anti-maghrébines, situées à l’est, pour aller se loger dans le vieil espace révolutionnaire égalitaire français. »

Je ne rends pas hommage, ni ici ni dans mon esprit, à l’efficacité du FN : elle m’inquiète. Le virage idéologique pris avec Marine Le Pen – fût-il superficiel, traversé par des contradictions –, le tranchant des prises de position – notamment par la voix du vice-président à la stratégie, Florian Philippot – marquent des points, je le crains, j’en ai l’impression quand je bois un coup au bistro. Ce que vérifient les législatives partielles.
Je ne m’en réjouis pas, bien au contraire. Mais jamais je ne méprise l’adversaire – qu’il soit patronal, eurocrate, libéral, président de la Banque centrale européenne, ou en l’occurrence d’extrême-droite : oui, il peut être « hyper-efficace » et « talentueux ». Non, nous ne sommes pas forcément les plus intelligents, complexe de supériorité culturelle qui habite, bien souvent, une gauche truffée d’étudiants, d’universitaires, de surdiplômés. Oui, « l’ennemi de classe » est parfois plus stratège, plus organisé, plus malin que nous ne le sommes. Sans quoi, nous n’en serions pas là.

(5) BRN

Il y a deux ans, déjà, en juin 2011, Ornella Guyet nous sommait de « supprimer le partenariat qui vous lie à BRN ». Et pour quelles raisons, déjà ?

« Dans son comité de rédaction figure Laurent Dauré, membre de l’UPR - un groupuscule souverainiste situé très à droite sur l’échiquier politique. Vous ne pouvez donc pas, en toute décence, travailler en confiance avec une revue animée par un tel personnage.
Par ailleurs, je vous signale qu’on trouve aussi dans l’équipe de cette revue Bruno Drewsky, un ami du négationniste Claude Karnoouh, qu’il publie régulièrement dans sa revue La Pensée libre (la plus récente remonte à janvier 2011) : http://lapenseelibre.fr/contenudesnumeros.aspx
Le même Drewsky a donné en 2009 une interview à Rebellion, organe d’un groupuscule d’extrême droite toulousain qui est une émanation du Parti national-bolchevique russe en France et est distribué par la maison d’édition d’Alain Soral : http://rebellion.hautetfort.com/archive/2009/10/28/entretien-avec-bruno-drweski.html
Je demande donc à ce qu’une mesure de rétorsion immédiate soit prise par Fakir à l’encontre de BRN et le partenariat qui vous lie à cette revue supprimé.
O. »

Nous avions repoussé cette mise à l’index :

« Chère Ornella,
La citation est notre arme préférée, à Fakir - comme dans bien d’autres publications de médias-critique et de critiques des médias qui nous ont précédés.
Pour me convaincre de ne pas publier quelques brèves de BRN, un argument primera donc : qu’à partir de citations, tu démontres leur appartenance ou leur proximité avec l’extrême droite. Pour l’instant, sans adhérer à tout leur contenu, ce qui m’intéresse dans BRN – et ce qui, je pense, peut intéresser les lecteurs de Fakir – ce sont leurs citations, justement, des commissaires européens, des parlementaires, de Business Europe, etc.
Pour me convaincre, là, tu me dis que Bruno Drewski (que je n’ai jamais rencontré) collabore à BRN – ce qui suffirait à disqualifier la revue. Mais qu’a donc dit ou écrit Bruno Drewski de si scandaleux ? Tu ne m’apportes, sur ce point, aucune citation. A la place, tu me dis qu’il a accordé une interviou à Rebellion (que je ne connais pas). J’ai lu l’interview : sans être, encore une fois, en accord avec tout, je ne vois absolument pas dans ses propos de quoi discréditer un homme. Ça me paraît même de plutôt bonne tenue. Tout comme son Que sais-je, sur la Biélorussie (que j’ai lu).
Pour me convaincre encore, tu me dis que Bruno Drewski publie avec le négationniste Claude Karnouh sur le site La Pensée libre. J’ai circulé sur ce site et, à première vue, très rapidement, je n’ai rien aperçu de cette nature. Bien que, en toute sincérité, ce compagnonnage me trouble.
De même, pour dénoncer l’UPR et François Asselineau (mouvement que je méconnais : je ne suis franchement pas un spécialiste de toute cette mouvance), dans ton article, tu ne fais pas une seule citation, démontrant qu’ils seraient bel et bien « ultra-nationalistes », « fascistes », etc.
Pour me convaincre, et pour convaincre tous les hommes de bonne volonté (qui existent), mieux vaudrait, à mon sens, en revenir à cette arme majeure : la citation. L’analyse. Les preuves, comme disait Jaurès.
Quant à un futur éventuel oukase sur Fakir, j’aimerais qu’il s’établisse sur des bases claires : qu’avons-nous publié qui le mérite ? »

Cette réponse, je l’avais également transmise à Pierre Lévy, le directeur de BRN. Pour l’avertir que, bien sûr, nous romprions notre partenariat au moindre propos en faveur, par exemple, du Front National. Mais notre vigilante « antifasciste » ne nous a, en retour, pas adressés la moindre citation – et n’en continue pas moins de récidiver, usant sans la moindre preuve de l’accusation – extrêmement grave – de « négationniste ».

(6) Le maton sympa

Dans un dossier consacré à la maison d’arrêt d’Amiens, en 2003, nous avons, en effet, consacré un portrait à Luc Rody, gardien de prison, habitant juste derrière, et délégué CGT : « À la réunion d’arrivants, témoignait-il, on leur raconte des histoires : “ Avec la Mission locale, on va vous aider à trouver du boulot, un logement, une formation… ”, mais c’est faux. On promet, on promet énormément, mais on ne fait rien. Alors, le gars a la haine. La nuit, j’en surprends beaucoup qui pleurent, même si ça joue aux hommes…
- La prison compte combien de travailleurs sociaux ?
- Six. Six pour plus de six cents prisonniers. Comment ils peuvent faire ? comment ils régleraient des difficultés de santé, de famille ? Certains détenus, ils ne les voient qu’une fois en deux ans ! Pour la sortie, ils ne peuvent même plus payer un billet de train, même pas donner un ticket repas, on grignote sur tous les budgets. Alors, dehors, les gars retournent à la rue, limite clochards… J’en croise, souvent : “Alors, tu as décroché un job ? – Non. – Qu’est-ce que tu vas faire ? – Je vais remonter bientôt.” La vérité, c’est qu’on fait de la répression, mais à côté, rien n’existe. Le vide. On n’a même pas le plaisir de se dire ‘on fait un métier utile’, même pas, parce que derrière, la réinsertion, c’est du bidon… »

Voilà qui, apparemment, ne mérite pas d’être entendu. Et constitue un grave « dérapage », une « apologie des matons humanistes ».

(7) Les douaniers

Notre antifasciste qualifie de « dérapage », à nouveau, notre « apologie » des « superflics que sont les douaniers ». C’est en-deçà de la vérité, pour une fois : car c’est avec constance que nous dérapons !
« Vive les douaniers ! » proclamions-nous en Une de notre numéro 57. Un titre que je reprenais pour un chapitre de mon ouvrage, Leur grande Trouille. Et la même déclaration nous sert encore, cet été, pour notre T’chio Rouge et Vert : « Contre le libre-échange, vive les douaniers ! »
Réclamer une transformation de la douane, exiger qu’elle s’occupe moins des clandestins – à vrai dire plus du tout – mais davantage d’entraver la circulation des capitaux et des marchandises, voilà qui, bizarrement, est douteux. Tend vers le fascisme.

(8) Maurice Allais

Depuis son virage protectionniste, au début des années 90, Maurice Allais était privé de médias. Au printemps 2009, Fakir sera le seul journal à avoir publié un entretien avec le seul prix Nobel d’Économie – ou plus exactement : le prix de la banque de Suède d’économie. Doit-on tenir cela, franchement, pour une honte ?
Et pourquoi le qualifier de « larouchiste » ? Parce que, après la chute de Lehman Brother, Maurice Allais a signé une lettre soutenant l’appel de Lyndon Larouche – le Cheminade américain – pour le « sauvetage de l’économie mondiale ».
Mais signer une lettre, une fois, sur un thème précis, suffit-il à faire de vous un « larouchiste » dans l’âme ? Et à discréditer tout propos qui sort de votre bouche, ou de votre plume ? Fût-il de bon sens : « L’histoire n’est pas écrite, concluait pour nous Maurice Allais, et je ne vois dans ce processus mondialiste aucune fatalité. C’est en fait de l’évolution des opinions publiques, c’est du poids relatif des forces politiques, que dépendent les changements de politique réalistes qui nous sauveront du désastre et détermineront notre avenir.
Et si j’insiste sur le “-isme”, c’est que je dresse un parallèle. Les perversions du socialisme ont entraîné l’effondrement des sociétés de l’Est. Mais les perversions laissez-fairistes mènent à l’effondrement des sociétés occidentales.
En réalité, l’économie mondialiste qu’on nous présente comme une panacée ne connaît qu’un seul critère, “l’argent”. Elle n’a qu’un seul culte, “l’argent”. Dépourvue de toute considération éthique, elle ne peut que se détruire elle-même. »

Mise au point : Pour un cordon sanitaire

Je le disais à Étienne Chouard, je le répète ici : je suis partisan d’un cordon sanitaire avec l’extrême-droite. On ne joue pas avec le feu, on ne fait pas mumuse avec les héritiers de Doriot et Déat, même relookés et souriants.
C’est d’autant plus impératif pour Fakir – et pour d’autres intellectuels de gauche, Lordon, Todd, Sapir, etc. – que, avouons-le, nous partageons des analyses avec le Front National : sur l’Europe et la mondialisation.
Circonstance aggravante, nous sommes prêts à recourir à quelques outils communs : protectionnisme, sortie de l’euro, cadre national.
Raison de plus, alors, pour ne pas se mélanger, et pour rappeler que les fins poursuivies sont aux antipodes : à nous l’émancipation sociale (avec, notamment, une réduction et un partage du temps de travail), la justice fiscale (relèvement des impôts sur les sociétés, ainsi que des taxes sur les hauts revenus), la transformation environnementale (tout est à revoir, ici, des transports à la production). Autant de thématiques qui ne figurent pas dans le fonds de commerce des Le Pen and co.

Le combat contre le FN n’est clairement pas la raison d’être de Fakir.
Ou alors, indirectement.
Notre ADN, depuis la naissance du journal en 1999, c’est une attention portée aux classes populaires, à leurs conditions d’existence, et en particulier à ce fléau qui les lamine depuis trois décennies : le chômage. Rédigeant ce journal depuis Amiens, nous avons assisté à des délocalisations en série, des lave-linge (Whirlpool), des canapés (Parisot), des pneus (Goodyear), et même des chips (Flodor) ! Voilà le meilleur carburant pour un vote de désespoir – et nous voyons lentement la Picardie, « première région ouvrière de France » (d’après le Figaro), terre jacobine durant la Révolution, à la tradition rouge dans bien des coins, nous la voyons glisser lentement au Front National. Alors, rouvrir l’espoir, rassurer un peu sur l’avenir, nous paraît plus utile que de dessiner des moustaches d’Hitler à la Marine, que de crier « F comme fasciste, N comme nazi ». L’un, il est vrai, n’empêchant pas l’autre.

Mais comme nous y sommes peu attentifs, justement, nous avons besoin de vigies. Des guetteurs, qui examinent la nouvelle rhétorique du FN, qui veillent sur ses clubs de pensée, qui informent sur ses stratégies de récupération. Et qui nous avertissent, à l’occasion : « Attention, là, faites gaffe ! Terrain miné ! »
Les antifascistes que nous citons ici, largement repris sur le web, qui nous fustigent, ne remplissent pas ce rôle.
Ou fort mal.
Ils s’avèrent même, de notre point de vue, contre-productifs.

À force de crier « au loup », qui croira qu’il existe encore un loup ? Comment puis-je lire avec sérieux, maintenant, un auteur qui trace un trait d’union entre Pierre Carles et Dieudonné ? des sites qui font un petit paquet avec Frédéric Lordon, Hervé Kempf ou moi-même, et vous classent tout ça allègrement dans le « rouge-vert-brun » ? Et pourtant, en ces temps politiquement troublés, brouillés, ce serait une nécessité : des lanceurs d’alerte en qui, sur ce terrain, nous ayons confiance. Mais il y a, chez ces « antifas », une telle joie de la calomnie, un tel bonheur d’avoir découvert une tâche – quitte à l’inventer, avec malhonnêteté.
À la moindre incartade, avérée ou fantasmée, les voilà qui traitent des camarades d’hier en quasi-ennemis. Un vague courriel privé fut-il, par exemple, adressé à Hervé Kempf, avant que ne soit publiquement pointé le « confusionnisme » de son site Reporterre, parce que le communiqué d’un « micro-parti fascisant » - la Dissidence française - se serait égaré dessus ?

Le risque, aussi, c’est de créer des Dieudonné en série. Car qu’était cet humoriste ? Une outre politiquement vide et qui, prétendant s’engager, pouvait se remplir de n’importe quoi. Je me souviens de son passage, au journal télévisé de France 2 en 1997, alors qu’il se présentait aux élections législatives à Dreux. C’était gentiment démago de gauche, il se voulait l’héritier de Coluche, il rouvrirait les casernes pour les SDF. Et puis il y eut ce sketch chez Fogiel, pas drôle, mais non, pas antisémite, et le lendemain, le voilà lapidé en place publique, banni des peoples, et sans grand monde pour le défendre, sans personne pour lui ouvrir une porte de sortie. Il est resté avec ceux qui lui restaient, les pires. Et empirant chaque jour avec eux.
Voilà ce que produisent des mises à l’index hâtives.

J’ai gardé le plus grave pour la fin : la paresse de ces raisonnements, qui prolifèrent désormais à gauche. Il n’y a plus à argumenter et contre argumenter, à comprendre les forces à l’œuvre dans le peuple, à imaginer les chemins tortueux de la transformation, non : il suffit de vous amalgamer à des noms propres, supposés sales, « dieudonniste », « colloniste », « larouchiste », « Dupont-Aignan », « Cheminade », pour que la vilénie vous couvre à votre tour. Il suffit d’annoncer qu’Untel a débattu avec Machin qui a publié une préface pour Truc qui connaît bien Bidule, lui-même proche de l’extrême droite, pour qu’Untel soit compromis. Et il devient dès lors inutile d’écouter ses propos, de contester son point de vue avec des chiffres, des concepts, des comparaisons historiques.
C’est à un terrorisme de la pensée – et des fréquentations – qu’aspirent ces inquisiteurs : songer à un nouveau rôle pour les douaniers, réfléchir au cadre national, et même discuter avec un surveillant de prison, voilà qui relève de l’interdit. Et vous vaut, sans débat, d’ajouter votre patronyme à une liste noire, publiquement tenue.

Pareille malhonnêteté intellectuelle, même juste 10 %, vous vaudrait, à la fac, dans un parti, même dans la presse, un discrédit immédiat. Sauf qu’Internet bénéficie, en la matière, d’un régime d’exception.

Mais regardons ces anathèmes comme un signe, aussi.
Presque encourageant.
Pourquoi ces salves d’injures qui s’intensifient, sur Lordon, Todd, Sapir, etc., voire Mélenchon ? C’est qu’une controverse s’ouvre, à gauche, comme un clivage. Il a vécu, le consensus altermondialiste, ou alter-européiste, le temps où l’on se laissait bercer par un internationalisme angélique et impuissant. Face à la débâcle de l’Euro, aux dommages du libre-échange, l’offensive est lancée, et nous en sommes des artilleurs : « frontières », « souveraineté », ces mots ne nous sont plus tabous. Une réponse politique, concrète, réaliste, de masse, ne pourra plus demain, pensons-nous, se priver d’eux, s’interdire de les prononcer et de les repenser.
Cette bataille des idées, interne à notre camp, peut être, doit être menée en douceur, autant que possible, sans désir de heurter, de déchirer, de perdre des camarades en route : à quoi bon se brouiller, quand on se retrouvera côte à côte dans les grèves et les manifs ? Mais on comprend que ces avancées – de notre point de vue, ces reculades du leur – hérissent le poil de militants, libertaires par exemple, que ces vocables à eux seuls font gerber, et qu’ils nous renvoient, comme par réflexe, sans trop s’embarrasser de fioritures, à la guerre de 14 ou au fascisme.

No pasaran !
Nous ne cèderons pas à ces autoproclamés « antifas », sectaires, paranos, minoritaires, qui dénaturent l’antifascisme, le trahissent, qui en font la chose d’un clan, recroquevillé sur lui-même, excluant les hérétiques, gardiens d’une nouvelle pensée unique. Quand le véritable antifascisme, historique, généreux, né en 1934 avec les syndicats ouvriers et les partis de gauche, existant toujours mais avec moins de tumultes, doit retrouver les profondeurs du pays et embrasser tout le mouvement social.
Dont nous sommes.

PS : Fakir est si manifestement fasciste que, dans le dernier numéro en kiosques, nous consacrons quatre pages à une usine tunisienne (contre une relocalisation en France !), autant à un portrait de Kamel, deux pages et un livre au Résistant – et antifasciste de la première heure – Maurice Kriegel-Valrimont.

 

 

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10 septembre 2013 2 10 /09 /septembre /2013 20:46

 

 

 

Marie Astier (Reporterre)

mardi 10 septembre 2013

 

 

Depuis seize ans, les habitants de Rosia Montana luttent contre un projet de mine d’or qui ravagerait leur village. De plus en plus nombreux sont les Roumains qui partagent leur combat, et le gouvernement a dû reculer lundi 9 septembre. Reporterre était avec les manifestants qui, à Paris aussi, ont marqué leur refus d’un nouveau désastre écologique.


En Roumanie, les manifestations contre le projet de mine d’or à Rosia Montana durent depuis bientôt deux semaines. Lundi 9 septembre, elles ont convaincu le gouvernement de retirer son projet de "loi exceptionnelle". Cette loi aurait permis à la compagnie minière Gabriel Resources d’exproprier les derniers habitants de Rosia Montana, un village agricole et touristique, niché dans les montagnes de Transylvanie au nord-ouest du pays, assis sur ce qui est peut-être le plus gros filon d’or en Europe.


Le village de Rosia Montana

Presque chaque jour depuis début septembre, des milliers de personnes ont défilé dans la capitale Bucarest et les grandes villes du pays. Les manifestations ont essaimé jusqu’en France avec un rassemblement vendredi 6 septembre à Paris, dont Reporterre était témoin.

Partout, des banderoles proclamant "Non au cyanure". Car si la compagnie canadienne Gabriel Ressources réussit à lancer son projet de mine d’or à Rosia Montana, 12.000 tonnes de cyanure seraient utilisées chaque année pour extraire l’or. Soit douze fois plus que la quantité de cyanure actuellement utilisée par an dans toute l’Europe.

En Roumanie, la mobilisation de dimanche a été massive. Au point que le Premier Ministre Victor Ponta a annoncé lundi 9 septembre qu’il renonçait à son projet de loi exceptionnelle.


La manifestation de dimanche à Bucarest

C’est ce texte, proposé par le gouvernement fin août, qui a ravivé l’opposition au projet de mine d’or. S’il était passé, il aurait signifié le feu vert à l’expropriation des derniers habitants de Rosia Montana et à l’exploitation du filon. Mais la bataille n’est pas pour autant gagnée, car c’est désormais au ministère de l’environnement de se prononcer. Son avis pourrait bloquer, ou au contraire approuver le projet minier.

Un patrimoine roumain, voire mondial

Cela fait seize ans ans que Gabriel Resources lorgne sur ce filon d’or, et presque aussi longtemps que les opposants résistent au projet. Il s’agirait du plus gros gisement d’or en Europe et le troisième au monde, selon la compagnie. 300 tonnes d’or et 1.600 tonnes d’argent qui pourraient rapporter plusieurs milliards. Un pactole qui augmente au même rythme que le cours de l’or (plus de 33.000 euros le kilo aujourd’hui, contre 10.000 euros en 2005).

Plusieurs milliards, mais avec quelles conséquences ? La mine serait aussi la plus grande exploitation à ciel ouvert du continent : elle détruirait quatre montagnes et une partie du village de Rosia Montana. Dans le lot, plusieurs bâtiments historiques seraient rasés, notamment des églises et surtout des vestiges de l’époque romaine. Dans le pays, l’Ordre des architectes de Roumanie ou encore l’association Architecture, Restauration, Archéologie (ARA : Arhitectura. Restaurare. Arheologie) demandent le classement du village au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais le ministère de la culture refuse d’inscrire le site sur la liste des sites candidats.

C’est pour cela qu’à Paris, la manifestation de soutien des opposants au projet s’est déroulée devant l’UNESCO vendredi. Quelques dizaines de personnes ont répondu à l’appel des associations roumaines OVR Solidarités, Pro Patrimonio France, Rencontre du patrimoine Europe-Roumanie.

Nicolas Teculescu y était. Il adhère à La Maison Roumaine. La cinquantaine, il se rappelle encore avoir visité Rosia Montana lors d’un voyage de classe : "Tous les élèves de Roumanie allaient visiter ce village, a-t-il expliqué à Reporterre. Il est peuplé depuis la préhistoire. Le gisement d’or a été exploité par les Daces puis par les Romains. On peut encore visiter les galeries aujourd’hui. Rosia Montana fait partie du patrimoine roumain". "C’est le plus ancien lieu de peuplement en Roumanie", ajoute Sorana Ciura, une jeune fille arrivée en France récemment.

Un lac de cyanure

Mais surtout, Nicolas et Sorana s’inquiètent du cyanure. Dans les mines, il est utilisé pour dissoudre l’or et le séparer du reste du minerai. "Ils vont créer un lac de retenue, explique Nicolas. Il sera rempli d’eau chargée de cyanure". Le projet lui rappelle un mauvais souvenir, la catastrophe de Baia Mare : "C’est la deuxième catastrophe technologique la plus importante après Tchernobyl", affirme-t-il. En 2000, la digue d’un bassin de déchets miniers située à Baia Mare avait cédé. L’eau concentrée en cyanure avait empoisonné les rivières alentours, la faune et la flore ont été détruites sur 600 km.

Sorana est mobilisée depuis longtemps contre le projet, car une partie de sa famille vit à Rosia Montana. "Là bas, la compagnie fait pression sur les habitants pour qu’ils partent. Elle a pris le contrôle de l’administration grâce à la corruption. Elle a obtenu un décret qui déclare la zone ’mono-industrielle’, cela veut dire que toutes les activités économiques, à part la mine, sont interdites. Cela permet d’étouffer la région et de dire aux habitants qu’il n’y a pas d’autre alternative à la mine."

Avant de travailler en France, Sorana a étudié au Canada et déjà milité contre le projet. Elle connaît les méthodes des compagnies minières canadiennes : "Gabriel Ressources est une compagnie qui a été créée spécialement pour le projet Rosia Montana. Son but est d’obtenir la concession, d’augmenter sa valeur en bourse, pour ensuite pouvoir la revendre à une plus grosse compagnie minière. C’est pour cela que par exemple elle a intérêt à dire qu’il y a beaucoup d’or dans le gisement."

En face, Gabriel Ressources affirme que les concentrations en cyanure ne dépasseront pas les normes autorisées par l’Union Européenne. La compagnie brandit aussi la promesse de 2.300 emplois pendant la phase de construction, puis 900 emplois pendant la phase d’exploitation.

A l’annonce du rejet de la loi, l’action en bourse de Gabriel Ressources a perdu plus de 50% de sa valeur=ASC]. Mais la compagnie a immédiatement répondu par un communiqué : "Si le projet de loi est rejeté, la compagnie évaluera toutes les voies de recours possibles, [...] y compris des poursuites pour violations multiples des traités internationaux d’investissement."


Compléments d’information :

- L’association Alburnus Maior, créée par les habitants de Rosia Montana ;
- L’appel à manifester à Paris avec une explication plus détaillée du contenu de la loi : Café des Roumains ;
- Les manifestations vues de Bucarest, par Le petit journal


Source : Marie Astier pour Reporterre

Photos :
- le village de Rosia Montana : association Alburnus Maior
- manifestation à Bucarest : association Alburnus Maior
- manifestation à Paris (dans le chapô) : photo de Nicoleta Marin.

Ecouter aussi : Pourquoi vous opposez-vous au projet minier de Rosia Montana, en Roumanie ?

 

 


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