Source : www.marianne.net
Et un partenariat public-privé plombé en plus !
Mardi 17 Février 2015 à 5:00
La ville de Bordeaux avait opté pour un partenariat public-privé (PPP) pour faire sortir de terre sa Cité municipale, inaugurée en septembre dernier. Le tribunal administratif a jugé le contrat illégal. En 2014, deux autres contrats de construction du même type ont déjà été annulés par la justice.
Le mariage risque de tourner court. La ville de Bordeaux et Urbicité, une filiale du géant du BTP Bouygues, pourraient être obligés de se séparer prématurément. La justice a jugé que le contrat passé entre la collectivité et la société pour la construction de la Cité municipale de Bordeaux était illégal et a demandé son annulation, 19 ans avant terme. « Il est enjoint au maire de la commune de Bordeaux de résilier le contrat de partenariat que la commune de Bordeaux a conclu avec la société Urbicité à compter du 1er octobre 2015 », écrit le tribunal administratif dans une décision rendue le 11 février (voir sa décision dans son intégralité ci-dessous).
La municipalité avait opté pour un partenariat public-privé (PPP) pour l’édification de ce bâtiment regroupant 850 de ses agents. Le principe du PPP est simple : avec ce type de contrat, la collectivité ne s’endette apparemment pas. Le partenaire privé prend à sa charge les frais de construction, l’entretien, l’exploitation, le partenaire public lui verse en échange un loyer pendant 15, 20 ou 30 ans.
« Le recours à une telle procédure, dérogatoire du droit commun, est soumis à de strictes conditions par la législation et la directive européenne applicables, notamment celle de la complexité, condition qui n’était pas réunie en l’espèce », estime le Syndicat national du second œuvre (SNSO), qui a saisi la justice pour faire annuler le PPP de la Cité municipale de Bordeaux. Reste qu’en quelques années, le « dérogatoire » est devenu monnaie courante dans les collectivités, qui ont usé et abusé des PPP pour construire écoles, prisons, hôpitaux, équipements sportifs…
La Cour des comptes, dans son dernier rapport annuel, en comptabilise pas moins de 149, pour un montant d’investissement de 4,07 milliards d’euros. Et constate, comme d’autres auparavant, que « sur le long terme, l’équilibre économique du contrat est souvent défavorable aux collectivités territoriales, qui ont rarement la capacité d’en assurer le suivi ».
A deux reprises, l’Ordre des architectes a contesté le bien-fondé de ces contrats et les tribunaux lui ont donné raison« Depuis le premier projet d’ordonnance et l’avènement des PPP en 2004, nous avons toujours analysé, informé et expliqué aux politiques les effets néfastes qu’auraient ces contrats globaux, et nous nous sommes battus dans l’intérêt des usagers et des contribuables contre Bercy et les pouvoirs successifs pour que cela reste des procédures d’exception », explique Denis Dessus, le vice-président de l’Ordre des architectes. « Les architectes n’ont eu de cesse d’indiquer que l’utilisation des PPP se traduirait par une concurrence faussée, un endettement accru, un surcoût des services publics… » A deux reprises, l’Ordre a contesté devant la justice le bien-fondé de ces contrats. Et à deux reprises, les tribunaux lui ont donné raison, annulant d’abord celui relatif à la piscine de Commentry, dans l’Allier, puis celui passé entre le ministère de l’Ecologie et Bouygues pour la construction de 63 centres d’entretien routier (355 millions d’euros).
Des décisions qui obligent les pouvoirs publics à reprendre possession des biens construits des années avant le terme du contrat et à sortir des sommes qu’ils n’ont pas. Le ministère de l’Ecologie a introduit une requête en appel du jugement rendu sur les centres d’entretien routier. La ville de Bordeaux conteste, elle aussi, l’annulation du PPP de sa cité municipale. « Ça veut dire que pour la deuxième fois, le maire écarte les entreprises locales au profit d’un major du bâtiment », déplore Renaud Marquié, du SNSO, qui a sollicité un rendez-vous auprès d’Alain Juppé. Selon lui, « les coûts de la cité municipale de Bordeaux auraient été diminués de 25% en passant par des PME locales plutôt que par un contrat de PPP ».
Le bâtiment bordelais est estimé à 110 millions d’euros, mais les coûts peuvent très vite exploser, comme l’ont démontré nombre de PPP auparavant : la société en charge de la maintenance peut facturer comme elle le veut les moindres travaux, le moindre changement – il n’y a pas de mise en concurrence. L’annulation du PPP devait permettre l’ouverture du marché de l’entretien du bâtiment à des entreprises locales. Et d’alléger la facture de la ville et… du contribuable.
*Pour visualiser le jugement, cliquer ici
Source : www.marianne.net