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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 18:29

 

Source : mediapart.fr

Forages dans le Nord : pourquoi aller plus loin ?

|  Par Jade Lindgaard

 

 

La société Gazonor, propriété d’une filiale du Belge Albert Frère, veut forer le gaz de couche de l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Officiellement, elle exclut le recours à la fracturation hydraulique. Dans les faits, c’est plus compliqué.

Ce devait être une simple formalité administrative : la société Gazonor, exploitant du grisou dans les anciennes mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais depuis 25 ans, demande à l’État la prolongation de ses concessions, qui arrivent à expiration. Ce pompage est nécessaire pour des raisons de sécurité. Pour rallonger un contrat de ce type, une simple enquête publique suffit. Elle s'est terminée vendredi 6 décembre.

 

Coupe schématique d'un forage d'exploitation (Gazonor). 
Coupe schématique d'un forage d'exploitation (Gazonor).



Mais une surprise se loge dans le dossier déposé par l’entreprise : elle ne demande pas seulement à tirer le gaz de mine, dénomination officielle du grisou. Elle veut aussi exploiter le gaz de couche, enfoui bien plus profondément sous la terre. Ce type de gaz est exploité aux États-Unis et en Australie par fracturation hydraulique, une technique interdite en France depuis 2011. Si bien que sur place, des voix s’élèvent contre le projet, et qu’un collectif d’opposants s’est constitué en juin dernier : Houille, ouille, ouille. Ils exigent le rejet de la demande de prolongation, et réclament une étude d’impact sur les conséquences environnementales du forage des gaz de couche. « Si l’on parle de prolongation, ce devrait être la prolongation de la même activité, or le dossier de Gazonor est très clair : ils veulent exploiter le gaz de couche et créer des unités de production d’électricité », explique Christine Poilly, une porte-parole du collectif. Gazonor projette en effet de produire du courant à partir de ce gaz que jusqu’ici il revend sous sa forme initiale à GDF. Le filon est en plein essor : la France oblige désormais EDF à racheter cette électricité, et veut financer ce soutien public par une hausse de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Un tarif d’obligation d’achat est en cours d’élaboration (voir ici).

Dans le dossier de demande adressé par Gazonor aux services de l’État, on lit que « pour développer ses capacités de productions, Gazonor mettra en place de nouveaux sondages d’accès au gisement ou des sondages pour extraire du gaz de couche » et que la société a lancé ces dernières années diverses études pour « quantifier plus précisément » les capacités du gisement en CBM, c’est-à-dire le « Coal bed methane », dénomination internationale du gaz de couche. La profondeur prévisionnelle de ces puits se situe entre 1 500 et 1 600 mètres.

Dans le mémoire technique, on voit encore que Gazonor « a comme objectif de développer ses ressources gazières que ce soit en CMM (le gaz de mine, ndlr) ou en CBM ». Plus précisément, la société indique avoir déposé deux demandes d’ouverture de travaux miniers pour effectuer des sondages d’exploration, dans l’objectif  « de rechercher de nouveaux potentiels d’hydrocarbures gazeux dans des secteurs non exploités (CBM) des faisceaux charbonneux du Westphalien et du Namurien ». À plusieurs reprises, l’exploitant affirme exclure de recourir à la fracturation hydraulique. Mais, indique Christine Poilly, « je ne crois absolument pas qu’ils puissent forer ces gaz sans fracturation hydraulique ».

 

 

Un événement a mis de l’huile sur le feu : en juillet dernier, la direction régionale de l’environnement (Dreal) a publié deux arrêtés d’autorisation de forages, sur les communes d’Avion et de Divion (Nord). Ils correspondent à deux permis de recherche attribués à Gazonor en sus de ses concessions, les permis de Sud-Midi et du Valenciennois, à cheval sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

Premier problème : les arrêtés n’ont pas été rendus publics, malgré les demandes d’associations et d’élus. Le maire adjoint de la commune voisine de l’un des puits, Daniel Ludwikowski, s’est même vu répondre par la préfecture que ces documents administratifs ne pouvaient lui être transmis par manque d’effectifs.

Second problème, plus épineux : en 2009, Gazonor avait déposé une première version de sa demande pour ces permis de recherche. Dans le document concernant le permis « Sud midi », dont Mediapart s’est procuré un extrait, l’exploitant annonce vouloir sonder le sous-sol minier par fracturation hydraulique : « Un niveau de charbon sera sélectionné pour la mise en œuvre de techniques de fracturation hydraulique en fonction de la perméabilité du charbon », peut-on y lire, p. 32 (voir ci-dessous le document).

Extrait de la première demande de permis par Gazonor, en 2009.  
Extrait de la première demande de permis par Gazonor, en 2009.

Après le vote de la loi Jacob interdisant cette technique en 2011, la société a déposé une nouvelle demande de permis, toute référence à la fracturation hydraulique en a cette fois disparu. Or le périmètre de ce permis est limitrophe des concessions dont Gazonor demande la prolongation. Le forage des gaz de couche rouvre-t-il la porte à la fracturation hydraulique ? « Cette technique est interdite en France », rappelle le ministère de l’écologie. Mais rien n’interdit de penser que le gazier pose des pions et parie sur une éventuelle autorisation, à terme, de ce mode opératoire à titre expérimental.

« Un des rares dossiers économiques qu’on a ici »

 

Processus de traitement du gaz de mine (Gazonor). 
Processus de traitement du gaz de mine (Gazonor).

« Il y a une grande confusion entre les gaz de mine, de couche et de schiste », explique Karim Ben Slimane, chef du département de prévention et sécurité minière au bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), chargé de la surveillance du bassin minier nordiste. « D’un point de vue géologique, la différence fondamentale, c’est que le charbon est plus poreux que le schiste. Il est en quelque sorte à la fois la roche mère et le réservoir à gaz. Dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les gisements de gaz de couche sont fracturés par la faille du midi. Il est donc théoriquement possible de produire ces gaz sans fracturation hydraulique. Mais ce n’est qu’une hypothèse. La seule façon de le confirmer, c’est de forer. » D’où les deux permis délivrés l’été dernier.

En Lorraine, la société European Gas Limited (EGL), l’ancien propriétaire de Gazonor, explore déjà le sous-sol en quête de gaz de couche, dans le cadre de permis exclusifs de recherche qu’elle détient en Moselle (Bleue Lorraine, Bleue Lorraine Sud). Mais son forage actuellement en cours à Tritteling-Redlach (Moselle-Est) rencontre des problèmes techniques. Il est à l’arrêt depuis plusieurs jours. L’ONG écologiste France nature environnement (FNE) a déposé deux recours pour l’annulation de ces permis. C’est le même EGL qui doit forer les puits nordistes de Gazonor, racheté en 2011 par Transcor France, une filiale du groupe du milliardaire belge Albert Frère.

Dans le Nord, EGL prévoit de forer « en arête de poisson », selon une courbe parallèle au plan de la couche de charbon, à l’horizontal. Depuis le tube principal, de multiples drains doivent pénétrer dans la couche pour aspirer le gaz qui y repose. Pour Ben Slimane du BRGM, c’est de « la haute technologie » mais avec un appareil de forage classique. Le forage traverse la nappe phréatique, un mode opératoire habituel des forages pétroliers franciliens, ajoute l’expert. Tout cela est très coûteux et l’un des enjeux pour Gazonor sera d’évaluer si la quantité d’hydrocarbures présente dans le charbon situé sous les anciennes mines va suffire à rentabiliser d’onéreuses opérations

 

Sondage de gaz de mine à la station de captage de Divion (Nord). 
Sondage de gaz de mine à la station de captage de Divion (Nord).

« Ils veulent réindustrialiser le Pas-de-Calais en relançant la production charbonnière », analyse Dominique Plancke, conseiller régional EELV, qui pointe la contradiction entre cette quête aux énergies fossiles, émettrices de gaz à effet de serre, et le plan climat régional qui vise 100 % d’énergies renouvelables en 2050 et une baisse de 60 % de la consommation énergétique, sur la base d’un « master plan » développé par l’économiste américain Jeremy Rifkin.

Bertrand Péricaud, conseiller régional PCF, et président d’une mission régionale sur les gaz de couche, ne cache pas son soutien à l’exploitation des gaz de l’ancien bassin minier : « C’est un des rares dossiers économiques qu’on a ici, à deux encablures de Marine Le Pen. On est sur la ligne de front. On est tout seuls. Quel score fera le Front national aux prochaines élections ? Marine Le Pen peut-elle nous prendre la région Nord-Pas-de-Calais ? Je n’ai pas d’industriel qui nous propose de fabriquer chez nous des pales d’éoliennes et de créer 500, 1 000 emplois. Je ne parle pas de plan climat, de théorie. Je parle du concret. »

Quant aux émissions de gaz à effet de serre que dégagerait l’exploitation de ces hydrocarbures gazeux, il considère que « si on produit du gaz de houille dans la logique des circuits courts, pour consommer sur place ou pour alimenter une unité industrielle sur place, le bilan en CO2 sera moins élevé qu’avec du gaz de Sibérie qui s’est tapé des milliers de kilomètres en gazoducs ». Pas d’avenir du nord de la France sans fossile alors ? Pour l’élu communiste, c’est une évidence. « Sinon, il faut m’expliquer pourquoi on est en train de construire un port méthanier à Dunkerque. »

Géologiquement différents, gaz de schiste et de couche participent du même problème politique : tant que l’État et les industriels projetteront leur avenir énergétique dans les hydrocarbures, nous continuerons à rejeter des gaz à effet de serre et à aggraver le dérèglement climatique. Mais tant que la puissance publique échouera à programmer le développement massif de l’efficacité énergique et des sources renouvelables, les élus locaux soutiendront la vieille économie carbonée.

Opposés à la fracturation hydraulique, mais pas au principe de l’exploitation des gaz de schiste, le gouvernement et l’Élysée restent englués dans la zone grise de la loi de 2011, qui prohibe une technique mais pas un sujet, celui de l’usage toujours accru d’énergies polluantes. C’est un blocage insurmontable à la mise en œuvre d’une véritable transition écologique. 

 

Lire aussi

 

 

 

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 15:37

 

Source : reporterre.net

 

Gaz de schiste : en Roumanie, la police envahit violemment un camp pacifique

Marie Olteanu

lundi 2 décembre 2013



Ce matin durant la nuit, la police roumaine a envahi un camp d’opposants pacifiques à l’exploitation du gaz de schiste. Cela s’est produit à Pungesti, dans le nord-ouest du pays, où la compagnie Chevron veut réaliser un forage. Reporterre publie le premier témoignage.


Courriel envoyé à Reporterre par Françoise Lienhard, du Collectif Garrigue-Vaunage (Gard) : Je vous fais suivre ce message de Maria Olteanu, militante roumaine contre les gaz de schiste, qui appelle à l’aide et demande un soutien international et une mobilisation des médias. Merci pour tout ce que vous pourrez faire dans ce sens.

- Correspondance, Pungesti (Roumanie)

Alors que les opposants au forage Chevron à Pungesti occupaient pacifiquement un camp pour manifester leur opposition, à 3h40 les choses se mettaient en place, cette nuit, pour une attaque en règle des forces de la police anti-émeute.

"(...) they started at 3.40 from somewhere next to Vaslui, the chef-lieu of Vaslui County, some 40 km away from Pungesti, loading the machinery, They will meet with the riot police on the way. I barely fell asleep that I got the news, people are heading towards there !"

Un message reçu à 4h42 annonçait que l’attaque avait débuté dans une atmosphere incroyable, avec l’utilisation de gaz lacrymogène, y compris contre les personnes âgées et les enfants. A cette heure-ci, la communication passait. Pas de presse internationale, juste des correspondants locaux.

"(...) they entered right now, got a direct call, an unbelievable atmosphere, teargase against old people, kids ! it’s a tragedy.
luckily they left communication ok so far so we could communicate, no international press there, just a local one !"

Maria suggère que nous organisions, avec l’aide des députés européens que nous connaissons, un événement à l’occasion de la journée universelle des Droits de l’Homme, le 10 décembre qui vient.

*******
A 6h59, je reçois un message de D. I. annonçant :

(traduction rapide)

"Arrivée de 45 véhicules, plus de 500 policiers anti émeute, des ambulances, des officiers de police et des gardes privés. Alors que pas plus de cent personnes occupaient le camp de manière pacifique, la police a barricadé la zone malgré les protestations des propriétaires des terrains privés. Les routes sont coupées et la communication bloquée. La loi martiale est appliquée dans le village. Des membres de la presse ont tenté de s’approcher de la zone, mais ils ont été repoussés et renvoyés au centre du village dans un "point presse" où ils ne reçoivent aucune information.

Un homme , le même homme qui avait des problèmes de santé la dernière fois , a été emmené dans une ambulance, après qu’il a été sorti d’une voiture, battu et laissé dans la rue ( M. Spiridon , ancien maire et leader d’opinion dans la communauté ).

D’autres militants , les plus éminents, ont été immédiatement isolés du reste, pris dans des fourgons de police et placés en détention sans aucune justification !
Les autorités locales sont totalement silencieuses, le porte-parole de la police anti-émeutes locales refuse de sortir avec une déclaration publique. La police anti-émeutes utilise une force militaire, ils sont équipés avec des armes, du gaz et applique une logique de guerre.

Il est difficile de croire qu’une telle chose puisse arriver au jour d’aujourd’hui. Les gens sont déterminés à résister et sont en fait plus que jamais déterminé à mettre fin à toute exploitation dans la région. La machinerie lourde se prépare à entrer dans le cas ùa,tenant ceint de barrières .

Voici le journal local où vous pouvez trouver les mises à jour , en auto-traduisant la page

Le camp de la résistance tient bon ​​et se poursuivra, nous avons maintenant la preuve d’un mépris total des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Roumanie. Cela pourrait tout aussi bien être le début de la fin pour le gouvernement .

L’intervention a complètement perturbé la vie de la communauté . Les enfants sont debout dans les rues avec leurs cartables , les gens sont tous nerveux et effrayés, personne ne les a informés de quoi que ce soit et ils ont tous sont alarmés mais pacifique .

Merci pour votre soutien ! "

Texte original du message en bleu ci-dessous

**************************
A 8h 01 , je reçois un nouveau message de Maria Olteanu :

Elle annonce un vrai cauchemar, un état de guerre, "les gens ont été battus sans distinction (des vieillards et des enfants), les ambulances ont emmenés les blessés des gens arrêtés, des voitures et des charettes à chevaux renversées par les forces de la police anti-émeute. la zone est militarisée !"

"Toute cette mobilisation a commencé à trois heures du matin, où plus de 100 policiers ont été mobilisés dans différentes parties du pays. Ce ne sont donc pas des policiers locaux comme le 16 octobre dernier. A presque 9 heures du matin, la situation est toujours en cours."

"Il n’y avait aucun média sur place pour témoigner de ce qui s’est passé, pas d’images, donc. Comme il faisait nuit, impossible de filmer. La police n’a pourtant pas le droit d’intervenir avant 7h."

"Actuellement France TV est sur place, ainsi que d’autres TV, mais la plupart sont à la solde des forces présentes et tentent de convaincre le public que l’intervention des forces de police était justifiée par le fait que les manifestants étaient violents et bloquaient la route (la police elle-même avait bloqué ls côtés de la route dès le tout début), et ils minimisent les chiffres. Une intervention du chef de la ppolice a annoncé que Pungesti était déclarée zone spéciale d’intervention, ce qui explquait que tout cela s’était passé et justifiait l’absence des médias par le fait qu’ils voulaient prévenir la survenance d’accident !"

"Mieux que cela , la police essaie de convaincre que ce projet est bon et qu’il créera des emplois !!"

"Une aide urgente est nécessaire !! Nous avons bsoins d’activistes et de la présence de la presse ! ce n’est plus un jeu, ici nous sommes en guerre ! Des images parviendront bientôt (ce que nous avons pu filmer de nuit). C’était très dur de couvrir l’événement car nous n’avions pas de PC, juste des téléphones portables mais on s’est tout de même débrouillé pour réaliser un couverture télé visible sur un canal en ligne.

"Actuellement, à 8h48, heure roumaine, très peu de gens demeurent au camp, car la plupart d’entre eux ont été emmenés par la police dans leurs camions. La Roumanie est officielement une dicatature. S’il vous plait passez lemot dans le monnde entier. Venez sur place ou envoyez la presse internationale. C’est maintenant la seule chose qui leur fait peur."


Complément d’info : Video en roumain sur les événements de cette nuit :

http://www.youtube.com/watch?v=iP6UG2yqhKc&feature=youtu.be

.

 


Source : Courriel à Reporterre.

Photo : Vremea.

Lire aussi : En Pologne, les opposants au gaz de schiste s’organisent.


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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 15:25

 

Source : informaction.info

 

Etats-Unis : la révolution du gaz de schiste se termine en désastre écologique et social

 

Portrait de Renaud Schira

 

 

Deux récents rapports d’organisations indépendantes tirent  la sirène d’alarme sur les conséquences de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis. L’obsession du gouvernement américain pour devenir un pays énergiquement autosuffisant a provoqué  en effet une catastrophe écologique et sociale qui a particulièrement  touché les Etats de Pennsylvanie, du Texas et de La Louisiane, où se trouvent les plus grandes exploitations de gaz de schiste. 

 

1° Des conséquences écologiques désastreuses

 

Rusia Today fait état d’une étude menée par un  Freelance Bureau of International Investigation  selon laquelle l’extraction du gaz de schiste est en train de transformer des terres agricoles en un désert empoisonné par les produits chimiques utilisés lors de  la production de gaz par la technique de fracturation,  qui a peu évolué depuis son apparition en 1940 et qui a rapidement été appelée «terrorisme vert» en raison de ses effets secondaires catastrophiques, . 

Les habitants des zones occupées par les sociétés d’extraction de schiste ont commencé à souffrir de diverses maladies parce que l’eau potable  est devenue un véritable poison. Les produits chimiques contenus dans  la composition liquide de 20 millions de litres introduits dans les puits , joints au  gaz qui en est extrait, contaminent les eaux souterraines.  

La composition du liquide utilisé est un secret commercial, mais selon un groupe environnemental américain, le fluide de fracturation se compose de plus de 90 substances chimiques différentes

En raison des fuites de gaz des puits défectueux, le niveau de méthane et de métaux lourds a largement dépassé les seuils autorisés pour les eaux souterraines. Ce qui est alarmant, c’est que la quantité de fuites de liquides  toxiques  dans la formation géologique peut dépasser les 70% des volumes injectés.

 

La seule option pour les familles touchées par l’intoxication afin d’améliorer leur état de  santé  et de retourner à une vie paisible est de vendre leurs terres à bas prix et de quitter la région. Pendant ce temps, les sociétés concernées essayent de taire le problème. Ainsi, la famille Hallovich dont les enfants sont constamment malades, s’est vue offrir une compensation de 750.000 dollars pour quitter la zone contaminée sans divulguer d’informations sur les effets du gaz. 

 

Selon Iris Marie Bloom, directrice de la fondation Protecting our waters  , basée à Philadelphie, des nombreux cas d’intoxication par l’eau ont été recensés. «Nous savons aussi que les victimes sont menacées pour qu’elles gardent le silence. Les producteurs présentent le gaz de schiste comme combustible propre, mais en réalité  il pollue l’environnement à tous les niveaux de sa production. »

Cet été, des chercheurs de  l’Université Duke   ont par ailleurs analysé 141 échantillons d’eau potable provenant de puits privés dans le nord de Pennsylvanie à proximité des zones d’extraction de gaz de schiste. Les résultats ont alarmé les experts: la concentration de méthane dépasse  six fois le niveau autorisé aux Etats-Unis et celui de l’éthane, 23 fois. La situation dans la région s’est détériorée à un point tel que cela pourrait enflammer l’eau qui sort du robinet.

 

Il existe aussi le risque de tomber sur du méthane qui cherche naturellement un accès vers la surface. Un fermier de Pennsylvanie, qui essayait de forer sur son propre terrain, a provoqué ainsi une fuite de 84.000 mètres cubes de méthane pendant trois jours d’affilée. 

Par ailleurs, le rapport de l’Institut de la Terre de  l’Université Columbia   révèle que la technologie de  fracturation hydraulique provoque des tremblements de terre suite à une étude a menée dans l’État de l’Ohio, l’un des principaux sites de production de gaz de schiste. Pendant l’observation de la région depuis plus d’un an, les spécialistes ont enregistré 109 tremblements de terre, d’une magnitude maximale de 3,9. 

 

 

2° Les conséquences sociales  du fracking en Pennsylvanie

 

Il convient de mentionner également le rapport  de l’Organisation Food and Water Watch  de septembre 2013 qui porte sur les conséquences sociales du fracking à partir de l’étude du cas de la Pennsylvanie, épicentre du boom de la fracturation hydraulique, avec près de 5000 puits de gaz de schiste forés entre 2005 et 2011.

Pour réaliser cette étude, FWW a entre autres, comparé des données entre les 12 comtés restés vierges de toute exploitation de gaz de schiste (« unfracked ») et les 23 comtés qui procèdent à la fracturation hydraulique (« fracked»).

Selon ce rapport, la situation qu’ont connue certaines régions de l’Etat de Pennsylvanie  considérées jusqu’alors comme bucoliques est  similaire à celle qui a eu lieu en 1850 en Californie avec la ruée vers l’or.

L’arrivée massive de nombreux travailleurs n’a pas été sans conséquences dans de nombreux domaines.

Dans le domaine de la santé, Food and Water Watch fait état de l »augmentation importantes des MST en raison de l’arrivée massive de la prostitution . Le nombre annuel moyen de cas de chlamydia et de  gonorrhée en Pennsylvanie a augmenté de 32,4% entre 2005 et 2010, tandis que dans  les comtés sans fracturation l’augmentation  n’a été que de  20,1%. Une fois démarrées les opérations de fracturation, le nombre de cas de MST a augmenté en moyenne de 8% par an dans les comtés fortement « fracked» et seulement 3,8% dans les comtés « unfracked. »

Sur le plan de la circulation, le nombre s’accidents impliquant des poids lourds est deux fois supérieur dans les zones de fracking et a augmenté de en moyenne de 7% chaque année depuis l’apparition de la fracturation alors qu’il a baissé de 12% dans les comtés   »unfracked ».

L’arrivée massive de travailleurs a crée également des bouleversements sociaux dans les comtés ruraux avec un forte augmentation de l’alcoolisme et de la délinquance. Les capacités d’accueil et d’hébergement insuffisantes ont provoqué la hausse des loyers ainsi que l’apparition de sites-vie dont les conditions d’hygiène et de salubrité ne sont pas souvent conformes.

Il convient également d’évoquer ici  l’étude de Thomas Porcher sur les créations d’emplois résultant de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis.

Entre 2005 et 2012, le nombre de puits aux Etats-Unis est passé de 14 000 à plus de 500 000, et cela  n’a créé  qu’un peu plus d’un emploi par puits. Ce qui n’est guère surprenant car la production de gaz, comme toutes les industries extractives, ne nécessite que peu de main d’oeuvre.

L’université de Cleveland est arrivée  aux mêmes conclusions. Dans les comtés d’Ohio au cœur du boom du gaz de schiste, l’emploi a augmenté de 1,4% entre 2011 et 2012 alors que les autres comtés d’Ohio (sans schiste) ont gagné 1,3% sur la même période. En cause, la destruction des emplois dans le tourisme et dans l’agriculture qu’entraîne l’exploitation du gaz de schiste.(Regards ). (Voir l’article consacré au livre de Thomas Porcher, Le mirage du gaz de schiste, de Thomas Porcher, éditions Max Milo ici ).

 

Pour finir, Freelance Bureau of International Investigation  pose la question de savoir pourquoi le gouvernement  Obama  ne tient-il pas compte de cette situation catastrophique? La réponse est selon elle en fait assez simple: Obama ne fait que tenir ses promesses électorales selon lesquelles sous son gouvernement, interviendrait une révolution du gaz de schiste qui ferait des Etats-Unis  un pays auto-suffisant en gaz naturel pendant 100 ans.

Selon Freelance Bureau of International Investigation, ces promesses ne deviendront  jamais réalité: le président des  USA a oublié de dire qu’il est techniquement impossible d’extraire la majeure partie du schiste, car cela s’avérerait extrêmement coûteux. 

D’après l’expert américain dans le domaine de la production de pétrole et de gaz, David Hughes, pour maintenir le niveau actuel de production annuelle,  il faudrait forer jusqu’à 7 000 m, ce qui coûterait 42 milliards $ USD. Or la valeur de tout le gaz de schiste produite par les États-Unis l’an dernier a totalisé 32,5 millions de dollars. « Donc, la rhétorique de l’indépendance énergétique des Etats-Unis dans l’état actuel de la technologie n’est qu »un mensonge » a-t-il  déclaré.

Dés lors, en comptant le volume qui peut être extrait à un prix  rationnel et compte tenu du rythme actuel de la consommation américaine, les réserves américaines seront suffisantes  pour environ onze ans. Et si la consommation de gaz augmente, les ressources seront épuisées beaucoup plus tôt.

D’ailleurs, signe de la fin d’un mirage, les exploitants de gaz de schiste ont commencé depuis cet été à liquider leurs actifs dans l’exploitation du  gaz de schiste.

C’était bien la peine…

 

Sources: Freelance Bureau of International Investigation  via Rusia Today  Food and Water Watch  via Green Report.it 

Lien: Le rapport de Food and Water Watch , en américain

 

Aller plus loin:

THE SKY IS PINK, l’enquête de Josh FOX, auteur de GASLAND. Version sous titrée en français  sur le gaz de schiste dans l’Etat de New York avec la mise en lumière de documents internes aux entreprises de forage accablants.

Source: 
Blogapares.com
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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 18:25

 

Source : reporterre.net

 

 

Philippe Martin refuse de signer la mutation des sept permis de pétrole de schiste en Ile-de-France

Hervé Kempf (Reporterre)

jeudi 28 novembre 2013

 

 

 


Le ministre de l’Ecologie, Philippe Martin, a indiqué tôt ce matin jeudi 28 novembre à Reporterre qu’il avait décidé "de refuser de signer la mutation à Hess Oil des sept permis d’Ile-de-France". Cette décision est détaillée dans un entretien avec le journal Le Parisien paraissant ce jour.

Début novembre, le ministre laissait entendre qu’il était obligé par la justice d’accorder des demandes d’explorer le pétrole de schiste en Seine-et-Marne. Les documents qu’avait alors publié Reporterre montraient qu’il n’en était rien. Des membres de son cabinet recevaient ensuite des opposants à cette exploration, dont le député Jacques Krabal ; ils leur avaient indiqué que ces arguments seraient "examinés sans délai". Parole tenue, donc.


Source : Hervé Kempf pour Reporterre.

Photo : Liberation.


Pour une information libre sur l’écologie, soutenez Reporterre :

 

 

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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 14:59

 

 

Source : stopgazdeschiste.org

 

Travaux miniers, le gouvernement veut encore faire des cadeaux aux pétroliers !

Publié: 15 novembre 2013 dans énergie climat, forage d'hydrocarbures, gaz de schiste

  

Communiqué Vendredi 15 novembre 2013

logo_SHGDS_RRA 

LE MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE A RÉCEMMENT MIS EN LIGNE UNE CONSULTATION DU PUBLIC RELATIVE AU "PROJET DE DÉCRET MODIFIANT LE DÉCRET N°2006-649 DU 2 JUIN 2006 RELATIF AUX TRAVAUX MINIERS, AUX TRAVAUX DE STOCKAGE SOUTERRAIN ET A LA POLICE DES MINES ET DES STOCKAGES SOUTERRAINS[1]". CETTE CONSULTATION SE DÉROULE DU 4 AU 26 NOVEMBRE 2013.

 LE PRINCIPE DE DISPOSITION TRANSITOIRE ENCORE UN CADEAU AUX PÉTROLIERS ?

Les collectifs rejettent le principe de « dispositions transitoires » prévu dans l’article 4 du projet de décret[2]  et demandent l’abrogation pure et simple de cette partie du décret qui offrirait un nouveau délai injustifié, véritable cadeau aux pétroliers qui pourront profiter de ce nouveau laps de temps pour exécuter des forages. Offrir un nouveau délai après l’injonction du Conseil d’État est quand même un peu fort !

ÉLARGISSEMENT DU CHAMP D’APPLICATION DU DÉCRET A LA SISMIQUE EN MER

Les collectifs demandent que les travaux de sismique en mer soient également soumis à autorisation puisqu’il est maintenant avéré que la mise en œuvre de ces techniques a un impact sur les cétacés et autres faunes extrêmement menacées[3].

LA CONFIANCE ENTRE LES POUVOIRS PUBLICS ET LES CITOYENS RUDEMENT MISE A L’ÉPREUVE

Si le principe de la consultation publique est plutôt une bonne nouvelle, la confiance entre les pouvoir publics et les citoyens est rudement mise à l’épreuve ; Récemment, malgré les déclarations du Président de la République et des Ministres de l’Écologie successifs contre les projets de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures conventionnels, le gouvernement est resté les bras croisés alors que l’entreprise Hess Oil attaquait au tribunal administratif le silence de l’État face à des demandes de mutation de permis[4] . L’inaction de l’État qui ne s’est même pas défendu et les déclarations du Ministre Philippe Martin qui indique avoir les mains liées[5]  démontrent une nouvelle fois le double discours et la faiblesse du politique face à une partie de l’administration qui agit dans l’intérêt des compagnies pétro-gazières.

RÉSEAU RHONALPIN DES COLLECTIFS OPPOSES À L’EXPLOITATION DES GAZ ET HUILES DE SCHISTE


[1] http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-modifiant-le-a176.html
[2] « Les dispositions du présent décret s’appliquent aux projets de travaux miniers dont le dossier de déclaration ou de demande d’autorisation est déposé auprès de l’autorité administrative compétente pour prendre la décision à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication du présent décret au Journal officiel de la République française »
[3] 2010  http://www.actualites-news-environnement.com/23646-etude-sismique-baleines-grises-UICN.html 2013 http://www.romandie.com/news/n/_Un_echouage_massif_de_dauphins_d_Electre_lie_a_l_utilisation_de_sonar_par_ExxonMobil91260920132321.asp
[4] http://tinyurl.com/cpnord12112013
[5] http://www.terraeco.net/Hydrocarbures-de-schiste-Monsieur,51963.html

 

LES COLLECTIFS RHONALPINS OPPOSES À L’EXPLOITATION DES GAZ ET HUILE DE SCHISTE

Les "Stop aux gaz et huile de schiste" se composent essentiellement des nombreux collectifs citoyens locaux qui se sont organisés pour lutter contre cette menace, mais aussi d’associations, d’organisations syndicales, de collectivités locales et d’organisations politiques.

Créés à partir de janvier 2011, ils veulent affirmer leur refus de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huile de schiste, qu’elles soient expérimentales ou industrielles. Ils dénoncent :

  •  Les conséquences environnementales désastreuses (pollution des réserves d’eau potable, du
  • sol et des sous-sols) et la destruction des paysages
  •  Les ravages socio-économiques (agriculture, tourisme,…),
  •  Les atteintes irréversibles à la santé (produits mutagènes, reprotoxiques ou cancérigènes).
  •  L’aberration énergétique et la fuite en avant que ce choix représente à l’heure de la lutte
  • contre le changement climatique,

Les gaz et huile de Schiste, c’est ni ici ni ailleurs, ni aujourd’hui ni demain !

réseau rhonalpin stop au gaz et pétrole de schiste

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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 16:20

 

Source : reporterre.net

 

Pétrole de schiste : le ministre Martin est-il menteur ou idiot ?

Hervé Kempf (Reporterre)

lundi 18 novembre 2013

 

 

 

 

Philippe Martin, le ministre de l’Ecologie, laisse entendre qu’il est obligé par la justice d’accorder des demandes d’explorer le pétrole de schiste en Seine-et-Marne. Les documents que publie Reporterre montrent qu’il n’en est rien.

 


 

Ce lundi 18 novembre, des membres du cabinet du ministre de l’Ecologie, Philippe Martin, doivent rencontrer des représentants des collectifs opposés au pétrole de schiste en Seine-et-Marne et dans l’Aisne, accompagnés de Jacques Krabal, député-maire (PRG) de Château-Thierry.

Il s’agit de discuter de l’intention annoncée par le ministre, dans un communiqué du 8 novembre, de signer des arrêtés de "mutation des permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures".

De quoi s’agit-il ? Vers 2009-2010, la société Toréador, qui avait obtenu ces permis de recherche en Seine-et-Marne et dans l’Aisne, les a vendus à la société Hess Oil. En application du Code minier, cette "mutation" doit être validée par le gouvernement. Elle avait été refusée par la ministre de l’Ecologie Delphine Batho. Mais la société Hess a attaqué ce refus devant le tribunal administratif.

Celui-ci a condamné une première fois le 25 avril 2013 l’Etat à ré-examiner les permis. De manière étonnante, l’administration n’a rien fait à ce propos et n’a pas envoyé à la justice les éléments justifiant son refus. Si bien que l’Etat a été condamné de nouveau en septembre par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Mais à quoi a-t-il été condamné, exactement ? A "donner droit à la demande de mutation" comme le prétend le ministre, qui explique ensuite que "le code minier actuel ne permet pas de refuser ces mutations" ?

Que nenni ! Le tribunal de Cergy-Pontoise n’a pas ordonné le 26 septembre à l’Etat de répondre à la demande de mutation, mais de prononcer des "injonctions de réexamen", ce qui n’est pas du tout la même chose.

 

 

PDF - 92.4 koTélécharger ici le jugement intégral : ici

.

Si M. Martin est donc animé par une "farouche opposition" à la fracturation hydraulique, comme il l’affirme, il doit donc refuser d’autoriser la mutation des permis et procéder d’urgence à un re-examen de ces dossiers, comme lui enjoint le tribunal.

D’autant plus qu’il apparait que, alors que la société Hess prétend qu’il s’agit de rechercher du "pétrole conventionnel", de nombreux documents attestent que les pétroliers impliqués sont intéressés depuis le début par le pétrole de schiste présent dans la région, pétrole de schiste qu’il est impossible d’exploiter aujourd’hui autrement que par fracturation hydraulique.

En voici une preuve parmi de nombreuses autres disponibles et recueillies par les collectifs locaux. Dans le dossier de demande de permis déposé en avril 2010 par la société Toréador pour la zone de Chateau-Thierry, il est clairement indiqué qu’il s’agit de "shale oil wells", c’est-à-dire de puits de pétrole de schiste :

 

- Ecrit en petit sous la phrase soulignée au-dessus du schéma -


PDF - 285.7 koTélécharger le document pour plus de lisibilité : ici

Récapitulons :
- par une étrange passivité, l’Etat ne s’est pas défendu à la suite d’un premier jugement le condamnant en avril 2013 ;
- cependant, le jugement de septembre dernier ne lui ordonne pas de délivrer les permis discutés, mais de procéder à leur ré-examen ;
- enfin, il est clair que ces permis ne visent pas une exploitation de pétrole "conventionnel", mais de pétrole de schiste ; il est alors nécessaire de recourir à la fracturation hydraulique, auquel le gouvernement s’est toujours déclaré opposé.

Conclusion ; le ministre Philippe Martin doit refuser la demande de mutation de permis. Nous pourrons alors changer le titre de notre article en : "Philippe Martin, franc et intelligent".


Source : Hervé Kempf pour Reporterre.

Photo : 20minutes.fr.

Lire aussi : A Jouarre, des activistes ont investi la tour de forage du pétrole de schiste.


 

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 17:41

 

Source : reporterre.net

 

En Pologne, les opposants au gaz de schiste s’organisent

Sylvain Lapoix (Reporterre)

samedi 16 novembre 2013

 

 

 

 

Troisième volet de notre reportage en Pologne sur les gaz de schiste. Où notre reporter a rencontré les militants porteurs de la contestation au gaz de schiste en Pologne. Le mouvement a du mal à se faire entendre, noyé dans la propagande pro gaz de schiste, et composé par des groupes d’horizons très différents.

 


 

- Reportage, Pologne

« Notre seule victoire ici, c’est d’avoir forcé la compagnie de gaz à acheter son eau plutôt que de pomper dans nos propres puits. En dehors de ça, nous prêchons dans le désert. » Dans les forêts de Cachoubie, en Poméranie, Hieronim, opposant aux forages, se sent bien seul face aux compagnies qui viennent explorer les schistes polonais en quête de gaz. Pauvres en moyens, dispersés à travers le pays, ignorés par des médias prêchant en faveur de cette énergie, le mouvement anti-gaz de schiste tente désespérément de faire émerger un débat démocratique.

 


- Îlot de résistance au coeur de la Cachoubie, le village d’Ogonki affiche sur un mur de ferme son opposition aux gaz de schiste.

 

Traduction à la chaîne pour paysans révoltés

Pour trouver une poche de résistance active, il faut traverser tout le pays. De la capitale de la Poméranie à Zurawlow, où un village de paysans fait front contre la compagnie Chevron, comptez près de 400 kilomètres, soit une dizaine d’heures de train suivi d’une longue balade en voiture. Le reste des permis se situe dans le sud-ouest du pays. Cent dix concessions au total, qui couvrent un tiers de la superficie de la Pologne, et que les militants tentent d’informer de leurs faibles voix.

Aneta Wadoswka n’a jamais milité nulle part. Cette étudiante de 24 ans n’a entendu parler de la fracturation hydraulique que par une amie, tandis que des sociétés frackent à quelques kilomètres de sa fac, à Gdansk. « Elle m’a passé un article de l’édition polonaise du Monde Diplomatique : je n’avais rien lu ni entendu quoique ce soit sur les risques environnementaux dans les médias polonais !", avoue-t-elle. "Depuis, je suis le réalisateur Lech Kowalski sur Facebook, c’est le seul endroit où l’info circule efficacement. »

Aneta n’est pas entrée dans le mouvement anti-gaz de schiste par une manifestation. En juin dernier, à l’invitation des réseaux citoyens, elle part pour le site de Occupy Chevron à Zurawlow, à la frontière ukrainienne. Anglophone, elle est chargée de traduire à la chaîne des articles sur les gaz de schiste piochés sur des sites militants américains... et de faire la vaisselle pour le campement !

« Quand le mouvement a débuté, les journalistes étrangers ont afflué là-bas, il fallait aider les gens du coin à s’informer", résume Aneta. "Presque personne n’y parle anglais, alors j’ai fait l’interprète pour les interviews. » Malgré la présence de groupes anti-gaz de schiste dans le nord, l’ouest et sur la frontière est, Zurawlow reste la seule partie visible du mouvement pour les médias et donc le principal levier des militants se faire entendre hors de Pologne.

Des mouvements venus des OGM ou des squats

Après Zurawlow, Aneta a embarqué pour Łódź, dans le sud-ouest du pays, afin d’y suivre une formation militante. Le premier objectif fut d’unifier l’action autour d’un document formulant des revendications communes sur le dossier des gaz de schiste. Venus des quatre coins du pays, les participants ont baptisé leur réseau Złupieni, jeu de mot entre le verbe « voler-arracher » et « łupkowy » signifiant schiste en polonais. Derrière cette bannière demandant entre autres un moratoire sur les gaz de schiste et des investissements dans les énergies renouvelables, se serrent toute une ribambelles de groupes militants souvent étrangers aux questions énergétiques.

Basé à Łódź, le collectif OKO (initial de « les citoyens vigilants ») initiateur de ces réunions verse au mouvement anti-gaz de schiste des troupes initialement réunies autour de la question des OGM et du nucléaire. Venus de Varsovie, les jeunes militants de Syrena sont pour leur part plus coutumiers des questions de logement, politique de la ville et migrants dans la capitale polonaise. Leurs principales actions consistaient jusqu’ici à organiser des squats pour y loger des clandestins en difficulté.

 


- Dans un squat de Syrena : ce collectif politique de Varsovie aidant à abriter les migrants en difficulté fait partie de la multitude de mouvements unis contre les gaz de schiste.


« Les ONG qui nous financent ne veulent pas être associées au mouvement »

« La question des gaz de schiste attire des militants de tous les horizons, assure Ewa Sufin des Verts polonais. Mais le problème est surtout de les former : les billets de train, le logement, le téléphone... tout ça coûte de l’argent et les associations ne reçoivent aucune subvention ici ! » Selon cette responsable du parti écologiste, un fonds suisse sur le modèle de la fondation Soros subventionne des actions démocratiques dans les pays d’Europe centrale. L’organisme en question exige des militants une certaine rigueur formelle : chaque action doit ainsi être soumise à validation sous forme d’un « projet ». Un prérequis qui a le mérite de cadrer d’emblée toute initiative et d’éviter de se disperser.

En dehors de la logistique liée aux formations et aux actions à travers le pays, les frais d’avocats s’ajoutent à la facture. Pour contrer le mouvement d’opposition sur son site de Zurawlow, la compagnie Chevron a ainsi engagé une action en justice pour gène aux travaux. Pour les défendre, des avocats ont été engagés par Złupieni. « Ce sont des ONG polonaises qui prennent en charge les frais de justice des militants de Zurawlow, explique un membre du collectif Syrena préférant demeurer anonyme. Mais elles ont peur d’avoir des ennuis si elles sont citées : elles ne veulent pas être associées au mouvement ! »

Deux problèmes expliquent la discrétion de ces donateurs. D’une part, de nombreuses associations et mouvements écologistes polonais ne s’opposent pas aux gaz de schiste : au regard des 55% d’électricité produits par des centrales au charbon, toutes les alternatives sont les bienvenues pour faire baisser les émissions de CO2 du pays. D’autre part, les opposants trop frontaux craignent les représailles du gouvernement.

Camaïeu idéologique

A l’occasion de l’initiative européenne « Ensemble autour des gaz de schiste », les gouvernements régionaux ont voulu réunir partisans et opposants pour des débats publics. « Une arnaque, tranche une militante du Nord. Złupieni n’est convoqué que comme alibi pour pouvoir montrer à l’UE que le gouvernement a consulté la population ». Financés par les institutions européennes, le programme exige en effet un rapport des autorités locales sur la consultation. D’autres opposants, plus pragmatiquement, considèrent que c’est la seule tribune publique qui leur sera offerte.

La mosaïque d’organisations est aussi un camaïeu idéologique. Au sein de Złupieni se croisent socialistes, membres du parti vert, militants d’extrême gauche et anarchistes. Lesquels tiennent des positions parfois inconciliables, ne serait-ce qu’en terme de communication : les Verts peinent à trouver des portes-paroles au mouvement tandis que les anarchistes refusent catégoriquement d’avancer à visage découvert.

Faute d’une présence claire sur le terrain, d’autres mouvances s’approprient le sujet : « quand nous avons organisé une projection du film de Lech Kowalski à Varsovie pour le Global Frackdown, des militants d’extrême droite se sont avancés pour nous dire qu’ils voulaient se joindre à nos revendications, se souvient un militant de Syrena souhaitant demeurer anonyme. Pour eux, les gaz de schiste étaient un complot des Russes et des Allemands... ils faisaient de cette lutte un enjeu nationaliste ! »


Source et photos de l’article : Sylvain Lapoix pour Reporterre

Photo de une : No Fracking France

Lire aussi :
- 1e volet : La Pologne compte sur le gaz de schiste pour payer ses retraites.
- 2e volet : La Pologne a bafoué la loi européenne pour promouvoir le gaz de schiste.


 

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 14:53

 

 

 

GAZ DE SCHISTE encore et toujours... TRES TRES URGENT « Monsieur le ministre, ne signez pas ! »

 
 

Philippe Martin, Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a reçu, le 8 novembre 2013, une délégation composée de parlementaires, de représentants des collectivités locales, du Conseil régional d’Ile-de-France, des Conseils généraux de Seine-et-Marne et de l’Aisne, de collectifs anti gaz et huiles de schiste, au sujet de la mutation des permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures au bénéfice de Hess Oil.

Par un communiqué de presse, le Ministère affirme être contraint [1] par une décision de justice d’accorder dans les prochains jours sept permis (Aufferville, Courtenay, Nogent-sur-Seine, Leudon-en-Brie, Nemours, Château-Thierry, Rignon-le-Ferron) à la société Hess Oil pour rechercher un gisement de pétrole de schiste en Seine-et-Marne et dans l’Aisne. Pour Arnaud Gossement et Olivier Meyer, avocats engagés contre des projets de forage, c’est faux. Et ça l’est, effectivement.

L’ordonnance - rendue le 26 septembre 2013 par le Tribunal Administratif de Cergy Pontoise - enjoignait seulement au Ministère de l’écologie le RÉEXAMEN – sous astreinte - de la demande de mutation ; c'est-à-dire le transfert de propriété de Toreador à Hess Oil.

Devant le Tribunal Administratif, la défense s’organise par échange de mémoire. Or, le juge des référés indique que le Ministère de l’écologie n’a pas déposé de mémoire en défense, alors « même que la situation d’urgence était caractérisée » et a, alors, demandé que des mesures d’exécution soient prises, compte tenu de l’inaction prolongée et injustifiée du ministre.

Si le ministère de l’Ecologie devait autoriser la mutation de sept permis à la société Hess Oil, cette décision représenterait un point de bascule dans le dossier des gaz et huiles de schiste, selon Arnaud Gossement et Olivier Meyer, avocats engagés contre des projets de forage. Ils appelent Philippe Martin, ministre de l’Ecologie, à refuser de signer les arrêtés qui permettraient d’accorder à la société Hess Oil le bénéfice de sept permis exclusifs de recherches et lui demandent, en cohérence avec son engagement et celui du président de la République, de revenir sur les termes du communiqué de presse du 8 novembre et de refuser la délivrance et la mutation de tout permis de recherches à la société Hess Oil.

Soutenons-les par cette pétition pour demander au Ministre de « ne pas signer » les demandes de mutation.

Danièle Favari, juriste de l’environnement et droit européen de l’environnement, veille juridique "actée" des Collectifs anti-gaz-de-schite depuis le 14 mai 2011, Invitée comme expert du Parlement européen de Bruxelles à l’Atelier sur « l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans l’Union européenne et ses impacts sur l’environnement et la politique énergétique, auteure de « Les Vrais dangers du gaz de schiste » aux éditions Le Sang de la terre.

[1] car, selon le Ministère, "le code minier actuel ne permet pas de refuser ces mutations, sauf à exposer le Ministère à un nouveau contentieux"

  
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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 16:32

 

 

 

 

SEREZ-VOUS LA PROCHAINE VICTIME DU GAZ DE SCHISTE ?

 

Réflexion sur la valeur d’une maison sans eau

 

 

Lisez cette histoire qui peut bientôt devenir la vôtre. Vous n’êtes pas un agriculteur qui s’est laissé embobiner par la propagande du gouvernement polonais vénal. Vous n’avez pas signé un contrat de location de votre sol avec une petite société qui peut à tout moment faire faillite, mais qui sert d’écran à une puissante multinationale.

 

Vous êtes simplement propriétaire d’une résidence principale ou secondaire, avec un

modeste verger, située dans un endroit bucolique, et vous vous sentez à l’abri de tout aléa de l’industrie des gaz et pétrole de schiste.

 

Pourtant tout peut basculer, comme le montre cette histoire est arrivée à Ugoszcz, un petit village de Mazovie a quatre-vingt-dix kilomètres de Varsovie.

 

 

TEMOIGNAGE

 

Je suis propriétaire d’une chalet dans la forêt au bord de la rivière Bug. En 2011 déjà, je m’étais aperçu que, chaque fois que je m’absentais quelques semaines, l’eau qui s’écoulait du robinet était brunâtre et grasse durant une demi-heure. Ensuite la cuisine sentait longtemps le gaz. Tout d’abord, j’ai pense que ma bouteille de gaz n’était plus étanche. Mais comme on pouvait sentir la même odeur à différents endroits dans la forêt alentour, j’ai commence a penser au gaz de schiste et j’ai cherché des renseignements.

 

Au printemps 2012, lorsque j’ai mis en marche la pompe qui puisait l’eau à dix-huit

mètres de profondeur, une détonation s’est produite, déchirant le tuyau en caoutchouc armé. On sentait le gaz partout. J’ai décidé d’acheter une nouvelle installation.

 

En été de la même année, j’ai assisté à un autre phénomène étrange. J’étais à l’intérieur, assis sur un escabeau lorsqu’une secousse s’est produite, suffisamment forte pour me faire tomber par terre. Ma maison est construite en bois, donc elle a résisté ; une construction en dur se serait certainement fissurée. A partir de ce moment le filet d’eau n’a cessé de s’amenuiser pour disparaître complètement au printemps 2013. Mon installation ne fonctionnait plus. Visiblement la nappe souterraine dont je puisais l’eau depuis quinze ans à la profondeur de dix-huit mètres a cessé d’exister. Plus tard j’ai appris que les entreprises effectuant l’exploration du gaz de schiste utilisent des explosifs à une grande profondeur.

 

Depuis des années j’avais le projet de emménager définitivement dans ma maison

d’Ugoszcz. Mais, n’ayant plus d’accès à l’eau, je suis obligé de demander un

branchement sur le réseau de distribution du village. Comme mon terrain est assez

éloigné du centre du village, cela va être très coûteux. La mairie a refusé toute participation aux frais de ce branchement.

 

Il y a quelques années, dans le ruisseau à proximité on avait introduit plusieurs familles de castors, qui ont tous disparu l’été dernier, tout comme les poissons et les écrevisses. J’observe aussi la disparition des abeilles - mes arbres n’ont pas donné de fruits cette année : pas une seule prune, pas une seule pomme dans le verger. Jamais encore une telle chose ne s’était produite.

 

Le puits de forage se trouve à quelques 4 kilomètres de ma maison et il n’est plus en action. Il est situé en pleine forêt, dans le triangle formé par les villages de Treblinka – Maliszewa – Lipki. Les chemins forestiers y sont défoncés par les passages de lourds engins et on avait déversé des centaines de tonnes de boue parmi les arbres. Je ne pouvais pas pénétrer sur le terrain : les roues de ma moto s’y enfonçaient jusqu’aux essieux. Et il y a peu de temps cet endroit était si beau et si propre…

 

J’ai découvert aussi un deuxième puits, pas loin du lieu-dit Zlotki Kolonia. Des engins

foraient le sol en rejetant une boue sale qui coulait sur le sentier dans la forêt.

Il y a trois ans, les agriculteurs du lieu ont essayé de chasser l’équipe dont les gros

camions se déplaçaient lentement près du village en émettant de puissantes vibrations vers le sol.

 

Je me demande aussi comment cet empoisonnement influe sur les animaux des fermes. Les vaches pour la plupart boivent l’eau du ruisseau Ugoszczanka, et les cochons sont abreuvés avec l’eau des puits, et non celle du réseau commun.

 

Enfin, je ne comprends pas pourquoi le pouvoir autorise une destruction aussi barbare de l’environnement et des gens. L’appât du gain les aurait-il rendus complètement aveugles ?

 

Z.S.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

 

La situation décrite met en exergue tous les signes d’une catastrophe écologique à une échelle encore non estimée. Ni l’eau des puits, ni celle du réseau, n’a été analysée. Ceci illustre bien comment les entreprises négligent les régulations en place.

 

De très importants dédommagements auraient dû être versés à l’auteur de ce

témoignage, comme aux agriculteurs des environs de Zamosc, privés depuis 2 ans d’eau potable... Comme à de très nombreuses autres personnes, victimes de forages

d’exploration, sans même parler d’exploitation ! Il semble acquis que ce sont les Polonais qui paieront les frais de cette catastrophe, et non les multinationales coupables qui ont obtenu la bénédiction du gouvernement de M.Tusk et de la Diète.

 

Les concessions pour les forages gazier dans le shale ont été attribuées sans aucune procédure, sans appel d’offre. Les bénéficiaires en sont non pas des multinationales connues, mais de petites sociétés-écrans, enregistrées en Pologne pour la circonstance : elles ont toutes un nom à rallonge (avec celui de la multinationale disparaissant au milieu) et un capital social réduit au minimum, ceci pour ne pas avoir à répondre aux demandes de dédommagements.

 

C’est une nouvelle colonisation du pays, encore une, après l’industrie et le système

bancaire. La plus dangereuse pourtant, puisqu’elle détruit l’essence même du pays : son environnement, son eau potable, la santé de ses habitants.

 

Inutile d’ajouter qu’AUCUNE compagnie d’assurances ne consentira à prendre en charge vos risques liés aux forages, tout comme ceux liés à l’énergie nucléaire.

 

Teresa Jakubowska

 

 

Octobre 2013

 

 

 

 

                                                      ***********************************

 

 

 

A écouter :

 

Dernière émission du "Carrefour des Résistances" sur  Radiosystème avec Alain Roubinot du collectif Garrigue Vaunage contre le gaz de schiste c'était Mercredi. Intervention remarquable où Alain démontre l'implication du traité europe états unis dans la guerre contre l'exploitation du gaz de schiste. C'est très mal barré aussi pour la France!
https://soundcloud.com/radio-systeme/carrefour-des-r-sistances-6


 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 16:52

 

 

rue89.com

 

Témoignage 03/11/2013 à 16h41
Voyage au cœur des lobbies du gaz de schiste et du nucléaire
François Damerval | Assistant parlementaire Corinne Lepage

 

L’assistant parlementaire de Corinne Lepage a participé à un voyage « d’information » aux Etats-Unis proposé par les industriels du nucléaire et du gaz de schiste. Il raconte le lobbying ordinaire de l’intérieur.


Puit de forage à Mansfield, en octobre 2013 (François Damerval)

Au nom de Corinne Lepage

C’est évidemment avec non seulement mon plein accord, mais mon soutien que ce voyage est entrepris. Après discussion avec François Damerval, nous avons décidé qu’il ne serait pas compris que je m’y rende personnellement. En revanche, il nous semblait intéressant que les méthodes de lobbying, qui sont en train de saper la démocratie européenne, puissent être approchées au plus près.

 

François a accepté de participer à ce déplacement, en appliquant nos règles de déontologie – nous n’acceptons aucun cadeau et nous rencontrons toutes les parties prenantes – pour décrire ce qu’il verrait. Pour moi, un député doit rendre compte à ses électeurs et au-delà de l’exercice de son mandat.

 

Ce déplacement au pays des promoteurs du gaz de schiste, dont nous ne voulons pas, et du nucléaire, que beaucoup ne veulent plus dans l’avenir, participe pleinement de cet exercice. Corinne Lepage, députée européenne, blogueuse à Rue89

 

L’invitation du Forum européen de l’énergie pour une visite à Washington est arrivée dans la boîte mail de ma députée, comme tant d’autres auxquelles nous ne prêtons guère attention, et pourtant, celle-ci a attiré mon attention à plusieurs titres…

D’abord parce qu’elle est intervenue dans une période particulière : nous étions en train de travailler sur la directive agrocarburants avec des lobbyistes (l’industrie des agrodiesels, agroéthanols et des agrocarburants avancés), mais aussi les ONG de développement et de protection de l’environnement. On sait aussi compter sur la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) ou la Commission européenne pour avoir des positions institutionnelles marquées.

Je connaissais aussi les différentes positions des Etats membres, et on savait où insister sur les points importants pour chacun d’eux.

Cette invitation nous a remis en mémoire un autre genre de sollicitation, émanant de la Malaisie pour un « voyage découverte et d’information sur l’huile de palme ».

Pour chacune de ces invitations, depuis le début du mandat de Corinne Lepage, nous y avons fait une fin de non recevoir. Le voyage de ceux qui s’y seront rendus fera quelques vagues : les ONG de développement et d’environnement critiqueront un programme trop pro-huile de palme et une rencontre de 30 minutes sera organisée en Malaisie avec ces ONG. Néanmoins, les participants reviendront de ce voyage comme les plus grands défenseurs de l’huile de palme et torpilleront le texte.

Tout cela m’a fait penser au débat sur la « taxe Nutella » à l’Assemblée nationale, la même entreprise, soutenue par la Ligue du Nord en Italie, avait torpillé une partie de la législation sur l’information des consommateurs.

La belle mécanique de la globalisation

La période où nous avons reçu l’invitation correspondait aussi à une période importante de la législation. En effet, les négociations sur le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) sont en cours. Les grands points d’achoppement de la législation vont probablement porter sur l’énergie.

Le secteur de l’énergie fait partie des plus grosses batailles réglementaires – même si régulièrement, les médias se focalisent sur des points dont la compétence n’est pas de l’Union. Si le secteur des activités culturelles était une raison de blocage pour la France, si le précédent sur l’accord de libre échange avec le Canada avait clairement marqué l’opposition aux bœufs aux hormones ou aux OGM, la question de l’énergie devrait être clairement posée.

Le fait que les Etats-Unis refusent de payer les coûts des externalités sur les questions climatiques devrait forcément questionner les négociateurs européens, de la même façon que l’action monétaire étatsunienne, la non reconnaissance des droits syndicaux ou les règles de responsabilités juridiques (class action). Nous avons fait l’erreur de faire l’élargissement avant de faire l’approfondissement en Europe, allons nous faire la même erreur avec des accords de libre échange ?

Cela a l’air d’en prendre le chemin mais pour cela, il faut être sûr qu’aucun grain de sable ne vienne enrayer la belle mécanique de la globalisation et ce voyage doit faire partie de l’esprit de conviction que cet accord aille dans le bon sens.

51 députés « épaulés » par les energéticiens

La puissance invitante européenne est le Forum européen de l’énergie avec les membres associés Foratom, Westinghouse et Shell, qu’il n’est pas besoin de présenter. Attardons-nous sur le Forum européen de l’énergie.

Il était l’organisateur du déplacement à Singapour et en Malaisie en partenariat avec Neste Oil et auparavant sur les sables bitumineux au Canada, pendant la négociation sur l’accord de libre échange.

Il regroupe 51 députés du Parlement européen qui siègent au sein des commissions Envi et Itre principalement. Il travaille sur toutes les questions énergétiques mais est trusté par les énergéticiens.

Quelques députés travaillent sur les renouvelables, Corinne Lepage en fait partie aux côtés de Fiona Hall (GB) et Jo Leinen (DE). Néanmoins, le nucléaire, et notamment les acteurs américains, sont très influents au sein de ce club et insistent régulièrement sur une relance du nucléaire, en Europe et dans le monde.

Ne pas laisser le champ libre à cette initiative

Alors cette invitation a fini dans le parapheur avec une mention « programme intéressant mais inenvisageable ». Le parapheur est resté deux jours sur le bureau et au moment de faire le tour de l’agenda, nous avons pris le temps de parler.

Voir le document

(Fichier PDF)

Ainsi, le programme prévisionnel prévoit la visite d’un site d’exploitation de gaz de schiste par Shell à Wiliamsport, la visite d’une centrale nucléaire à Charlotte, une rencontre avec les membres du Congres et un briefing à la Maison Blanche, du 27 au 31 octobre 2013.

Le traumatisme malaisien était toujours là et nous sommes en pleine négociation sur l’accord de libre échange. Il ne faut pas laisser le champ libre à ce type d’initiative car il suffit d’un député par groupe faisant le travail et des majorités se font et se défont au Parlement européen.

Nous avons donc décidé que le bureau serait représenté si et seulement si les organisateurs acceptent la place pour un assistant parlementaire, que l’intégralité des frais (hôtels et transports) ne soit pas couverte par les entreprises invitantes en dehors des considérations logistiques sur place (correspondances,…) ET que le récit de ce déplacement fasse l’objet d’une communication (ce qui est chose faite avec ce texte).

John, ex-militant anti-gaz de schiste

Rendez-vous est donné à Mansfield dimanche à 16 heures. J’atterris le samedi après-midi à Washington et loue une voiture pour rejoindre Williamsport. Il fait beau temps à Washington, les arbres sont en train de roussir, je traverse le Maryland qui est absolument magnifique. Les routes sont boisées, bien entretenues…

110 kilomètres plus loin, le panneau Pennsylvanie s’affiche et là, le cadre change du tout au tout.


Le site de Mansfield, Pennsylvanie (François Damerval)

Ma route croise des villes tristes et nombre de panneau « à vendre » ou « à louer » fleurissent au bord de la route. La Pennsylvanie, dont la capitale est Harrisburg (ancienne ville industrielle à quelques kilomètres de Three Miles Island), est partagée à l’ouest par Philadelphie (en quasi état de faillite) et à l’est par Pittsburg (qui a perdu la moitié de sa population en 50 ans) et traversée par un massif montagneux, les Appalaches .

Avant de rejoindre les personnes du Forum européen de l’énergie, j’ai rendez-vous avec John D., qui a milité contre les gaz de schiste en 2006 car il ne voulait pas voir sa région défigurée. Mais entre la crise et les retombées économiques des forages aujourd’hui, il est entré dans le rang.

Ils ne sont pas nombreux les propriétaires qui disent non à Shell. Selon le lobbyiste de Shell, moins de 2% se rebellent quand 80% acceptent tout de suite les 10% des retombées économiques.

Mansfield est au milieu du bassin Marcellus (jonché sur les Etats de Pennsylvanie – principalement –, la Virginie de l’Ouest, l’Etat de New-York et l’Ohio). C’est devenu une sorte de capitale des gaz de schistes. Alors que la crise économique se fait ressentir dans le pays, Mansfield a ouvert trois hôtels qui abritent les ouvriers de Shell et ses nombreux sous-traitants. C’est pour cela que nous sommes là et c’est une vitrine pour l’industrie au même titre que Pittsburg est son centre névralgique.

Les industriels se sont regroupés ensemble sur Marcellus : Chevron, Exxon, Shell et leurs sous-traitants Haliburton ou Talisman.

Le chômage et la pauvreté auraient disparu

Cette ville de 3 625 habitants comptait 26% de sa population sous le seuil de pauvreté. Selon le représentant local, le chômage et la pauvreté ont disparu. John D., qui travaille dans l’immobilier, me confirme que le marché se porte bien en ce moment.


Les quatre comtés de Nord-Pennsylvanie qui forent (Pennsylvania Department of Environmental Protection)

Chacun des puits de Marcellus représente un investissement estimé de 4 à 5 millions de dollars et le nombre de puits de forage de schiste s’est multiplié. Le responsable local du comté de Tioga pour le développement (County commissionner) présent souligne pendant le dîner qu’ils font cela pour les générations futures, pour payer leurs écoles et leurs universités.

La responsable locale de Shell ajoute que quand Shell est arrivée, l’entreprise a fait un don à une association culturelle de 50 000 dollars et offert ensuite un hôpital. Le county commissionner ajoute à cela :

« Nous sommes d’ici, nous vivons ici, nous prenons soin d’ici. »

Shell explique comment s’y prendre

C’était en 2006. Devant l’absence de législation, un débat public de dix-huit mois commencera en 2008 et la responsable de Shell explique que pour faire une législation rapide, ils ont pris de la place dans les parties prenantes. En gros, les ONG et représentants locaux n’ont pas été trop gênants et Shell a répondu en mettant en place un système de management de l’eau.


La rivière Susquehanna (François Damerval)

La Pennsylvanie a une ressource en eau abondante, de très bonne qualité, en est exportatrice et a une eau sédimentée favorable pour les cultures. La rivière Susquehanna a un système de management inter-Etat et a octroyé 10 millions de gallons par jour à Shell pour les forages (blague de l’ingénieur des eaux : « On est très loin des prélèvements de Three Miles Island un peu plus bas »).

Mais pour se faire, il a fallu une adaptation de la législation. Et c’est bien la législation sur l’énergie qui va dominer les autres législations, comme le Clean Air Act ou le Clean Water Protection Act. Il y aura par la suite six autres législations qui seront modifiées pour permettre une « administration simplifiée » ! Coïncidence ou pas, le nombre de violations de la législation est passé de 1282 en 2010 à 714 en 2012.

Des zones fumeurs et téléphones portables

La journée du lundi commence par un briefing de sécurité à 7 heures. Ce briefing est complet et il insiste clairement sur les règles de sécurité. L’équipe que nous allons rencontrer a plus de 400 jours sans accidents déclarables et en est très fière.

Alors sur place, une zone fumeurs est prévue, une zone téléphones portables, la prise de photo est contrôlée par le responsable de la sécurité qui fera la visite (mais attention, il est interdit de prendre des photos des propriétés et des employés d’Haliburton).

Nous sommes équipés d’une tenue de protection, d’un casque, de lunettes, de bouchons d’oreille et de chaussures de sécurité. Le site est un site classique viabilisé et terrassé qui accueille des tonnes de matériels. Le bruit est très important et les vapeurs du diesel sont impressionnantes et étouffantes. La ferme est à 100 m du puits et les vaches paissent dans les environs.


Une ferme près du puits de forage à Mansfield, Pennsylvanie (François Damerval)

On ne saura jamais qui est réellement propriétaire du terrain : si ce sont les fermiers voisins ou un propriétaire qui, normalement, les leur loue. Pour pouvoir exploiter les gaz de schiste, il a fallu créer tout un réseau de gazoducs dans la montagne et un réseau en PVC d’évacuation des eaux usées qui rejoint un centre de traitement que nous visiterons dans l’après-midi.

Interrogeant un équipier sur le travail, le responsable de Shell indique que 25 personnes sont présentes sur le site et se relayent toutes les douze heures. Elles sont remplacées tous les quatorze jours. Le site de production ne s’arrête donc jamais.

Dans la cabane de forage, c’est un panneau de réglementation du travail de l’Utah qui est affiché. Je lui demande pourquoi l’Utah, il me répond qu’avec son équipe, ils viennent de l’Utah et du Colorado, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils font le cycle de quatorze jours. On est donc très loin du local dont se targuait le responsable local vu la veille au soir.

Pas de questions qui fâchent

La visite est orchestrée et millimétrée, un garde est d’ailleurs présent pour surveiller (nous ou le site, on ne sait pas). A aucun moment nous ne rencontrerons la population locale, si ce n’est à l’hôtel, ni les représentants des collectivités et les employés de Shell et de ses sous-traitants, ni même des ONG (malgré le programme initial).

Le responsable de Shell, lors du briefing matinal, exclut directement les questions qui fâchent. La radioactivité n’existe pas, les produits chimiques sont de simples détergents classiques. Pour l’eau, il y a un système de management, les fuites dans l’air n’existent pas chez eux et le problème, c’est uniquement quand ce sont des PME qui frackent et non des majors. La messe est dite et nous en resterons là, pas une question sur ce sujet de la part des députés.

Dans la délégation, une sainte horreur du vert

Dans la délégation du Parlement, il y a trois membres et quatre assistants (deux S&D, Mme Herczog et M. Goebbels, et un ECR, M. Helmer, quatre assistants – Mme Herczog et M Helmer – Mme Romana Jordan (PPE) et moi). Ils sont tous de la commission Itre (Industrie, recherche et énergie) et ont en commun une sainte horreur du vert !

S’ils étaient députés français, ils se battraient pour être à l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) et feraient passer le député Bataille pour un khmer vert. Roger Helmer se vante d’ailleurs d’être un climato-sceptique (je le soupçonne d’être le fils caché de Mariton et Allègre).


Un réservoir qui stocke les eaux contaminées (François Damerval)

Lors du dîner du dimanche soir, Mme Herczog donne le LA de ce qu’il va se passer durant le déplacement. Ils ne sont pas là pour voir et questionner : ils sont là pour préparer des arguments en vue d’une future législation. La longue litanie commence sur les freins en Europe au développement des technologies, avec au passage une attaque en règle du principe de précaution. Et d’enchaîner avec la compétitivité et des prix de l’énergie qui sont trop hauts.

Mme Herczog se référe toujours au progrès et à la science, mais elle a probablement oublié les mathématiques. Une facture, cela reste tout de même un prix unitaire multiplié par un volume. Si Mme Herczog veut bien agir sur le premier, elle nie les différences entre les volumes de chaque côté du continent.

La liste des arguments des pro

Nos interlocuteurs ne se font pas prier pour dévoiler tous les arguments possibles. Je connais donc ceux qui vont revenir au cours de la procédure législative européenne sur la question :

  • « Les Etats-Unis utilisent la fracturation hydraulique depuis 60 ans » : c’est vrai, quelques forages conventionnels ont utilisé la fracturation hydraulique, notamment en Californie sans les déclarer, mais le développement de ce type de fracturation arrive réellement en 2008. A titre d’illustration, il y avait huit puits en 2005 et un paroxysme de 1 972 en 2011 (1 363 en 2012) ;

 

  • « Grâce aux gaz de schiste, les émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis ont baissé » : c’est vrai sur le papier quand on parle des sites de fabrication de l’électricité, car le méthane émet moins de gaz à effet de serre que le charbon, mais cela reste encore à prouver et le rapport de l’EPA (Environmental Protection Agency) est prévu pour 2014. L’ingénieur qui nous a accompagné pendant la visite a confirmé les fuites de méthane avant d’être repris par le responsable de Shell qui veillait au grain : « Les fuites, c’est uniquement pour les PME et les entreprises qui n’ont pas de système de management d’eau obligatoire depuis 2012 » ;

 

  • « L’Allemagne, avec le renouvelable et l’arrêt du nucléaire, émet plus de gaz à effet de serre cette année que l’année précédente » : c’est vrai, mais pas pour les raisons invoquées. En effet, le plus gros problème est le transfert de la combustion de gaz vers la combustion de charbon. Le prix s’est effondré lors du transfert du charbon vers le gaz aux Etats-Unis. Déjà, les Etats-Unis devraient déclarer à la conférence de Varsovie sur le changement climatique tendre à aller vers les objectifs de Kyoto avec une baisse d’émission et ne devrait pas manquer de pointer du doigt l’Allemagne qui les tance sur l’espionnage ;

 

  • « Pour les gaz de schistes, nous devons appliquer le principe de subsidiarité, il ne faut pas de législations européennes, comme le font ici les Etats » : mais si les Etats font cela ici, c’est parce que l’Energy Policy Act permet de détourner le Clean Air Act et le Clean Water Protection Act, qui sont nos équivalents des directives eau et air ;

 

  • « Il y a eu un million d’emplois créés et peut-être même cinq millions » : avec 400 milliards d’investissements sur cinq ans, c’est un minimum ! Mais en même temps, la filière gaz liquide et charbon détruit des emplois (non décomptés dans les création de poste) et une centrale nucléaire est au bord de la fermeture faute de clients et de repreneur ;

 

  • « Ceux qui peuvent se permettent de ne pas exploiter les gaz de schistes, ce sont les urbains et les peoples de New York ! » C’est vrai que la ville de New York a voté plus massivement pour le moratoire que le reste de l’Etat, mais les mobilisations sont aussi importantes à la frontière avec la Pennsylvanie et sur le gisement Marcellus.

Un compresseur sur le site de Mansfield, Pennsylvanie (François Damerval)

« Changer notre style de vie ? No way ! »

Le lundi midi à table et le lundi soir, j’ai osé poser la question suivante :

« Mais vous n’avez jamais pensé à investir le même montant dans l’efficacité énergétique ? »

La réponse fut laconique :

« Et changer notre style de vie ? Hors de question ! »

Car pour les défenseurs du fracking (fracturation hydraulique), la pire horreur qui puisse exister, ce sont les New Yorkais et leur choix de ne pas exploiter une ressource présente. Ils ne comprennent pas cela.

Je m’attendais à voir Shell venir vendre les gaz de schiste, je ne m’attendais pas à ce que ce que les députés viennent chercher des argumentaires.

Maintenant, ils en ont : entre la note briefing de Shell, le document du DEP, le document management de la rivière Susquehanna, le dossier presse du Centre pour le développement des schistes durable et une interview de Joseph B. Lassiter (Harvard Business School) sur le combat contre le changement climatique grâce à la fracturation et au nucléaire.

Le « copier-coller » devrait bien fonctionner pour la prochaine législation...

A 50 km de Mansfield, en passant la frontière de l’Etat, il y a l’université de Cornell à Ithaca. Le professeur Anthony R. Ingraffea est un spécialiste de la question et de nombreuses associations se sont constituées dans l’Etat de New York. Pourtant, nous ne les rencontrerons pas. Je le ferai mardi 5 prochain !

Les personnes rencontrées étaient absolument charmantes et accueillantes, mais elles venaient avec des réponses toutes faites. A une nuance près : le lobbyiste de Shell Europe, qui sait bien que les stratégies européennes du groupe et les stratégies américaines sont différentes. Il est très intelligent et je pense que certains messages qu’il a fait passer étaient à ma destination, dans la mesure où il connaît les positions défendues en commission Envi.

Nucléaire : un député bulgare à la manœuvre

La délégation ne semble pas dupe quant à ma présence, mais le cadre du forum reste la liberté de débattre et pour cela, il faut aussi savoir opposer les points de vue.

Le mardi matin, nous partons pour cinq heures de route vers Washington. Nous allons être rejoints par Vladimir Urutchev, député bulgare PPE. M. Urutchev était ingénieur à la centrale de Kozloduy, fermée lors de l’élargissement de l’Union européenne comme de nombreuses centrales nucléaires des pays de l’Est. M. Urutchev n’a pas obtenu de pouvoir faire de rapport sur la mandature, mais il en a rédigé un comme « shadow ». Il s’appelle « Rapport sur la proposition de règlement du Conseil relatif à un concours financier communautaire concernant le démantèlement des réacteurs 1 à 4 de la centrale nucléaire de Kozloduy en Bulgarie, “Programme Kozloduy” ».

Inutile de faire un dessin !

Il a été « shadow » (fantôme) sur deux avis :

  • « Avis sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes et abrogeant la décision n°1364/2006/CE » ;
  • « Avis sur l’efficience et l’efficacité du financement européen dans le domaine du démantèlement des centrales nucléaires dans les nouveaux Etats membres ».

Trois rapports sur le nucléaire vont arriver avant la fin de mandat. Nul doute qu’il sera candidat pour suivre le sujet pour son groupe.

Et une rivale slovène : offensive de l’Est

Il aura de la concurrence avec madame Romana Jordan, dont les statistiques d’activité au Parlement européen sont nettement plus flatteuses, mais dont l’activité principale est de défendre le nucléaire et d’attaquer les énergies renouvelables. Madame Romana Jordan vient de Slovénie où elle exerce le métier de chercheuse en physique au département d’ingénierie nucléaire. Pardon Madame : j’aurai du dire docteure en ingénierie nucléaire de l’université de Ljubljana.

Ils ont en commun d’être des nouveaux arrivants dans les derniers élargissements de l’Union européenne. C’est l’une des conséquences, aussi, de l’élargissement : le Parlement est beaucoup plus pro-nucléaire qu’il ne l’était.

Mais pas que pro-nucléaire, les Etats de l’Est ont toujours peur d’une coupure de gaz russe et le gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne sans transiter par la Pologne n’est pas de nature à les rassurer. Ils ont des porte-paroles pour se faire entendre au sein du Parlement européen, notamment Edit Herczog, députée hongroise, qui ne jure que par la production et donc l’exploitation des gaz de schiste et du nucléaire, qui doivent protéger l’UE de sa dépendance à la Russie.

Edit Herczog déteste un pays en particulier : l’Autriche, qui ose bloquer les révisions du traité Euratom. Vu d’Autriche, on dirait aussi cela de la France ou de la Grande-Bretagne par hasard.

Charge contre le lobby vert

Robert Goebbels est ancien ministre de l’Energie du Luxembourg, il défend une ressource abondante et peu chère, il fait partie des rares députés n’ayant pas voté la résolution du Parlement européen pour Copenhague – comme quatre de ses collègues luxembourgeois, seul Claude Turmes ayant voté pour cette résolution dans les députés luxembourgeois –, il est surtout un fervent opposant des subventions mais uniquement quand elles vont pour le renouvelable.

A Washington, nous sommes accueillis au Capitole par la fondation pour les études nucléaires. C’est l’inénarrable Edit Herczog qui introduit le propos avec une charge en règle contre le lobby vert, les énergies renouvelables, ceux qui font un moratoire sur les gaz de schiste et l’Autriche.

C’est ensuite au lobbyiste de Foratom de continuer. Il commence en précisant qu’une prolongation de vingt ans des centrales nucléaires en France et en Allemagne rapporterait entre 600 et 900 milliards d’euros, que le nucléaire en Europe est propre et n’a pas connu d’accident (il ne connaît pas Saint-Laurent-des-Eaux, la fosse des Casquets ou les mines d’Asse…).

« Une expérience salutaire à Fukushima »


Document qualifiant Fukushima d’« expérience salutaire » (François Damerval)

Le ridicule ne tuant pas, le document projeté parle d’une « expérience salutaire » de Fukushima… les Japonais apprécieront.

Il présente en plus un baromètre d’opinion dont la référence ne correspond pas et qui paraît ne pas être cohérent. Dans la salle sont présents de nombreux lobbyistes (parmi eux, celui d’EDF) et membres de staff des membres du Congrès américain.

Nous partons l’après-midi pour la maison de l’Europe. Le premier rendez-vous est avec Antoine Ripoll, qui conduit l’office de liaison avec le Congrès américain (structure unique en son genre, cette mission appartient plutôt au SEAE, Service européen pour l’action extérieure).

Les députés demandent qu’on leur transmette à chaque fois qu’elles sont publiées les études sur les gaz de schiste afin de pouvoir contribuer au débat. Nous rencontrons ensuite Christian Burgsmüller, le conseiller Energie, Transport, Environnement et Climat de la délégation de l’Union européenne.

C’est la première fois que l’on va avoir une pondération et un esprit critique sur le discours gaz de schiste. Du haut de sa neutralité de fonctionnaire, ce brillant diplomate saura mettre des réserves, allant jusqu’à parler de ce qu’on pourrait appeler un changement d’affectation du gaz.

Il décortique le discours comme étant celui de diplomate à l’approche d’une COP dans une période complexe de négociations du TPP, du TTIP et la préparation de Varsovie et de Paris.

Le lobbyste d’EDF surpris de me voir là

Le soir, nous nous rendons à un cocktail avec quelques membres du Congrès intéressés par le sujet énergie. Je rencontre le lobbyiste d’EDF, assez surpris de me voir dans ce type de déplacement. Il me fera une confession quand je lui parle de la stratégie d’EDF à l’international, qui a pu parfois se montrer problématique et tellement différente dans le mix que celle développée en France. Euphémisme. EDF aujourd’hui occupe une place prépondérante aux Etats-Unis dans les « utilities » après avoir soldé son aventure Constellation.

Le mercredi matin, l’ambassadeur UE nous rejoint à l’hôtel pour le petit déjeuner. Il commence en indiquant qu’on ne peut parler des gaz de schiste sans parler du changement climatique et que les choix ne sont pas scientifiques mais politiques. Et d’enchaîner sur la naïveté de l’Europe sur l’impact et la géopolitique mondiale d’une révolution énergétique.

Il insiste sur une culture et un cadre légal différents avec une culture du risque en rappelant indirectement Sandy et Katrina. Et de dire qu’au-delà du développement des bonnes initiatives, il y a aussi une forte réflexion militaire. De nombreux choix doivent être faits dans le pays – Keynote, LNG (gaz naturel liquéfié), charbon, mais les Etats-Unis, en vue de la COP21, vont capitaliser pour arriver avec un bilan flatteur.

A la Maison Blanche, l’avenir c’est le nucléaire

Nous partons après pour la Maison Blanche. En juin dernier, le président Obama a prononcé un grand discours sur l’énergie. Nous sommes un an quasi jour pour jour après Sandy. Les Etats-Unis ont choisi une stratégie d’adaptation avant la mitigation sur le changement climatique, et cela représente un grand challenge.

Une agence R&D (recherche et développent), dotée de 800 millions de dollars, est là pour préparer l’avenir du nucléaire. L’avenir, ce sont des petits réacteurs modulables (SMR), la maîtrise d’un accident et la qualité des combustibles pour baisser les déchets en augmentant la part d’uranium et un retour du plutonium.

Il faut réfléchir aussi aux déchets, maintenant que Yucca Mountain est enterrée, et trouver un endroit consensuel pour l’entreposage alors que 31 Etats ont au moins une centrale.

Pour le déjeuner, nous rencontrons le Nuclear Energy Institute. Cet organisme estime que l’avenir du nucléaire aux Etats-Unis, c’est une prolongation à 80 ans des réacteurs existants et sinon c’est ailleurs. Mais ils sont confrontés à certains vetos sur l’exportation. Ils ont un ennemi juré : le sénateur du Nevada qui a tué Yucca Montain, Harry Reid.

Mais l’avenir, c’est surtout le gaz de schiste

Dernier rendez-vous de la journée, le CSIS (Center for Strategic and International Studies) et le CSSD (Center for Sustainable Shale Development) : retour sur la question des gaz de schiste et du mix énergétique au niveau international. Bien entendu, l’avenir, ce sont les gaz de schistes.

Néanmoins, nos interlocuteurs concèdent cinq tremblements de terre reconnus, dus aux gaz de schiste dans la phase postérieure – en raison de mouvements souterrains – mais pas pendant le fracking.

Pour maintenir l’industrie des gaz de schiste, il a fallu une adaptation de la législation en permanence. Interrogé sur les fuites de méthane et sur le chiffre de 4% que je lui avance, mon interlocuteur CSSD reconnaît des fuites entre 0,42% (chiffre de l’industrie) et 1,5% (consensus). La question reviendra de toute façon l’année prochaine au moment du rapport de l’EPA, dont la méthodologie est déjà remise en cause par les pro-gaz de schiste en regard de l’usage de données depuis 2005, considérées comme datant du Moyen Age.

Pas de jet privé, pas de prostituées

Lors de ce voyage, on est très loin des images habituelles du lobbying : point de club de cigares ni de députés bedonnants mangeant dans des restaurants hors de prix. Les députés ont pu payer leur avion sur une enveloppe de 4 200 euros approximativement par an pour les voyages en dehors de leur Etat d’élection.

Les hôtels n’étaient pas grand luxe et le prix des chambres variait entre 130 et 200 euros, que les députés peuvent prendre aussi à leur charge. Si elles ont été financées par le Forum européen de l’énergie ou un de ses membres, les députés ont un mois pour déclarer ces frais aux services du Parlement.

La logistique était simple : un système de bus, pas de jet privé, pas d’image sensationnelle, pas d’enveloppes de billets, pas de prostituées…

Pourtant, nous étions tout de même dans un lobbying ordinaire. Cela m’a rappelé le film « Le Président » de Henri Verneuil et cet échange entre un ministre et le ministre des Finances :

« Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas confiance à des financiers en matière de finances.


– L’ennui, c’est que leur intérêt ne coïncide pratiquement jamais avec ceux du pays. »

Nous étions exactement dans ce cas-là : la délégation faisait confiance aux entreprises des gaz de schiste et du nucléaire pour défendre l’énergie. Le président Beaufort aurait probablement rajouter :

« Or, je comprends très bien que le passif de ces entreprises n’effraie pas une assemblée où les partis ne sont plus que des syndicats d’intérêts. »

Légiférer, pour l’intérêt... mais général

Intérêt, c’est le mot exact et approprié. Nous ne sommes pas au milieu d’une législation en cours de négociation comme avec les agrocarburants, mais au milieu de très nombreuses législations qui vont des négociations sur le changement climatique à une harmonisation des règles d’assurance du nucléaire dans l’Union, en passant par une directive sur les gaz de schiste.

Après la catastrophe de Fukushima, le Parlement européen avait à l’ordre du jour une résolution sur le nucléaire. C’est la seule fois de la mandature qu’aucune résolution des groupes politiques ne trouvera de majorité au sein du Parlement. Ceux qui ont souhaité un renforcement et ceux qui ont souhaité un statu quo se sont retrouvés dos à dos.


Le député luxembourgeois Robert Goebbels écoute l’explication du fonctionnement d’un trepan (François Damerval)

Au sein du Conseil, l’action conjointe franco-britannique pour amoindrir les stress-tests a été d’une efficacité sans nom. Le traité Euratom est archaïque, tout le monde le sait, mais faute d’unanimité il reste ainsi et la Cour de justice de l’Union européenne donne les impulsions législatives des réformes pour que le nucléaire respecte le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Dans ces conditions, chacune des voix compte au sein du Parlement. Le mandat sur les agrocarburants a été perdu à une voix, la procédure pour un mandat en seconde lecture rapide en commission Envi a été caduque, malgré une très large majorité mais à deux voix d’une majorité qualifiée. Car quand on ne veut pas voter contre, on peut ne pas voter au sein de son groupe.

Le lobbying n’est pas bon ni mauvais

Légiférer, c’est confronter des points de vue pour l’intérêt général, mais pas préparer des argumentaires pour faire passer certains intérêts particuliers. Siéger dans une commission au Parlement européen, c’est avoir une certaine influence sur son groupe politique et sur les listes de vote du groupe.

A grand pouvoir, grande responsabilité, à commencer par indiquer ses intérêts. L’argument du déplacement sur le terrain est efficace dans une commission du Parlement ou au sein de son groupe. Dire « Je suis allé sur place et j’ai vu » pèse dans un débat. Il faut donc le dire.

Le lobbying n’est pas bon ni mauvais. Maintenant, au député de se renseigner pour avoir des points de vue contradictoires afin d’exercer son devoir et sa capacité d’arbitrage.

Langage des fleurs et des chiffres

Lors de ce voyage, les études, les chiffres qui nous ont été donnés sont impossibles à confronter. Il y a deux Etats voisins sur un même massif : l’un fait le choix de l’exploitation (Pennsylvanie) et l’autre d’un moratoire (New York). Nous ne pouvons nous limiter uniquement aux chiffres du premier et ne pas écouter le second.

« En écoutant M. Chalamont, je viens de m’apercevoir que le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l’on veut. Les chiffres parlent, mais ne crient jamais. C’est pourquoi ils n’empêchent pas les amis de M. Chalamont de dormir. Permettez-moi, Messieurs, de préférer le langage des hommes : je comprends mieux. »

Toujours issue du film « Le Président », cette citation prend tout son sens.

 

 

 

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