Près de deux ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, dans le nord-est du Japon, et de multiples allégations sur l'implication de la pègre japonaise dans la reconstruction, la police a arrêté, jeudi 31 janvier, un yakuza soupçonné d'avoir illégalement envoyé des travailleurs dans les zones sinistrées. D'après la police, Yoshinori Arai dirige un gang basé dans le département de Yamagata (nord du pays) et affilié au syndicat du crime Sumiyoshi-kai, le deuxième plus puissant du Japon avec 12 600 membres.
M. Arai aurait envoyé à plusieurs reprises des journaliers à un sous-traitant de Yamagata engagé dans la décontamination radioactive de Date, ville du département de Fukushima. Ces travailleurs n'auraient touché que la moitié des 20 000 yens (158 euros) promis par journée de labeur. Le reste serait allé dans la poche du groupe de M. Arai.
Cette affaire montre que la reconstruction et les milliards de yens qu'elle draine, attirent la pègre. Le chantier est d'autant plus alléchant que le milieu nippon souffre depuis plusieurs années d'une perte de ses sources de revenus en raison d'une législation plus répressive et d'une police mobilisée contre ses membres. Un décret du 1er octobre 2011 sanctionne ainsi toute personne entretenant des liens ou faisant des affaires avec les membres du milieu.
Dans le Tohoku, la région sinistrée, les gangs seraient impliqués à des degrés divers dans la plupart des activités liées à la reconstruction, comme les travaux de démolition et le traitement des déchets. La police mènerait des enquêtes sur 37 affaires. En mai 2012, elle avait arrêté Makoto Owada, autre cadre de la Sumiyoshi-kai, pour avoir envoyé des travailleurs à la centrale nucléaire de Fukushima en passant par une société écran du département de Tochigi (nord-est).
INTER
Cette présence de la pègre notamment dans la gestion de la catastrophe nucléaire est avérée depuis longtemps. Le journaliste d'investigation Tomohiko Suzuki en a fait un livre en 2011 – Les Yakuzas et l'industrie nucléaire. Pour l'écrire, il a travaillé durant l'été 2011 pendant un mois et demi à la centrale en se faisant embaucher par une société locale, filiale de Toshiba, sans lien, précise-t-il, avec le milieu.
Selon lui, des yakuzas ont travaillé à Fukushima dès le début de la catastrophe, participant à la lutte pour limiter les dégâts. Ils "sont chargés de trouver des gens et de les envoyer sur le site". Ils cibleraient les personnes endettées, les sans-domicile et des personnes souffrant d'un handicap psychologique. Selon M. Suzuki, la pratique ne daterait pas de l'accident de Fukushima et concernerait l'ensemble de la filière nucléaire, qui aurait recours à ces services pour les travaux les plus dangereux.
Dans les premiers jours du drame, l'exploitant de la centrale, la Compagnie d'électricité de Tokyo (TEPCO), en manque de main-d'oeuvre, aurait demandé aux recruteurs de faire venir "ceux qui n'ont pas peur de mourir".
Autant d'éléments qui avaient incité TEPCO à annoncer, le 19 juillet 2011, son intention d'écarter les yakuzas des activités liées à la centrale. L'entreprise a décidé de faire signer un document à ses sous-traitants affirmant qu'ils n'avaient aucun lien avec la pègre. Mais le recours aux sociétés écrans complique les vérifications éventuelles.
L'annonce de l'arrestation de M. Arai coïncide avec l'affaire impliquant Tetsuo Nayuki, un membre éminent de l'agence de régulation du nucléaire (NRA) – mise en place en septembre 2012, notamment pour "restaurer la confiance au Japon et à l'étranger dans la régulation" du nucléaire dans l'Archipel. Le 22 janvier, M. Nayuki a transmis illégalement des informations à une entreprise du secteur nucléaire, la Japan Atomic Power Company (JAPC), concernant les failles passant sous la centrale de Tsuruga dans le département de Fukui (centre du pays).
Alors que la NRA inspecte toutes les centrales pour en évaluer les risques sismiques, la JAPC désirait prendre connaissance de ce rapport afin de préparer en amont un contre-argumentaire et être prêt à contrer la diffusion publique de ces informations.
L'entreprise se défend de toute action de lobbying et affirme ne pas avoir versé d'argent à M. Nayuki.
Des cadres du nucléaire en poste au moment de la catastrophe de Fukushima viennent d'être entendus par la justice nippone.
Après plusieurs dirigeants (dont l'ancien président Tsunehisa Katsumata, de la compagnie d'électricité de Tokyo TEPCO, fin janvier), la police a convoqué Haruki Madarame, ancien responsable de la Commission de sûreté nucléaire (NSC). Il fut l'un des conseillers du gouvernement au moment du drame de mars 2011.
Des habitants du département de Fukushima ont déposé plainte contre lui. Ils lui reprochent d'avoir tardé à rendre publics les chiffres de la diffusion de substances radioactives et de ne pas avoir pris de mesures efficaces pour protéger la centrale contre le tsunami à l'origine de la catastrophe nucléaire. Le parquet devrait se prononcer en mars sur d'éventuelles mises en examen.
Des cadres du nucléaire en poste au moment de la catastrophe de Fukushima viennent d'être entendus par la justice nippone.
Après plusieurs dirigeants (dont l'ancien président Tsunehisa Katsumata, de la compagnie d'électricité de Tokyo TEPCO, fin janvier), la police a convoqué Haruki Madarame, ancien responsable de la Commission de sûreté nucléaire (NSC). Il fut l'un des conseillers du gouvernement au moment du drame de mars2011.
Des habitants du département de Fukushima ont déposé plainte contre lui. Ils lui reprochent d'avoir tardé à rendre publics les chiffres de la diffusion de substances radioactives et de ne pas avoir pris de mesures efficaces pour protéger la centrale contre le tsunami à l'origine de la catastrophe nucléaire. Le parquet devrait se prononcer en mars sur d'éventuelles mises en examen.