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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 16:08
journaliste
Publié le 29/03/2012 à 01h14

La déchèterie de Rikuzentakata (Alissa Descotes-Toyosaki)

 

Dans la petite case en préfabriqué, il fait bon. Ça sent le café et le tabac. Assis à côté du poêle, un vieux grignote des biscuits salés. Il a fait de la pêche au thon pendant 40 ans. Maintenant il trie les déchets laissés par mer. « Ça pue », dit-il en guise de commentaires.

A Rikuzentakata, à l’emplacement du supermarché en ruine, il y a maintenant un centre de tri des déchets en plein air. Des voitures, des montagnes de tatamis lessivés par le tsunami qui a décimé 1/10e des habitants. Comme beaucoup de villes du Tohoku, le triage des déchets du tsunami représente pour l’instant la seule alternative de travail. Une tache ingrate que beaucoup de travailleurs accomplissent pourtant sans rechigner.

 « C’est mon gagne-pain et ma façon de contribuer à la reconstruction“ explique Satomi Shida. 

Cette étudiante avait fait une demande d’embauche dans un supermarché. Qui par ironie du sort est devenu le centre de déchets dans lequel elle travaille depuis le séisme. Pêcheurs, mères de famille, ils sont nombreux à travailler dans les déchèteries mais sans plus de garanties d’avenir. 

‘Malgré l’ampleur du travail et les années que cela prendra, on ne peut pas salarier les travailleurs. Le gouvernement ne nous donne pas les moyens nécessaires.’

Le chef de chantier, Yasuo Araki avoue ne pas toujours comprendre la politique de reconstruction du pays :

‘Tout ce que je sais, c’est que les déchets que nous trions seront traités dans la cimenterie d’Ofunato et non pas à Rikuzentakata.’

Pourtant la ville, détruite à 90%, tient le triste record de toute la préfecture d’Iwate, soit 1 million de tonnes de déchets.

Déchets radioactifs

En avril dernier, le charismatique maire de Rikuzentakata, Futoshi Toba, avait présenté un projet de construction d’une usine spéciale pour traiter localement les gravats. Le projet avait été refusé par la préfecture qui avait invoqué des délais trop longs de construction. M.Toba avait surtout critiqué le délai des procédures qui même en période de crise, la plus grave depuis 1945, était de deux ou trois ans, rien que pour un permis de construire.

Une critique d’autant plus justifiée que la question du traitement des déchets n’était toujours pas réglée un an après la catastrophe. En effet, les mesures sur la radioactivité avaient démontrées que les gravats du tsunami, de la préfecture de Miyagi à Iwate, contenaient du césium.

En juin, le gouvernement Noda présentait son ‘projet d’aide urgent au traitement des déchets du tsunami’, un projet d’envergure nationale qui demandait la collaboration de toutes les collectivités locales du pays pour recevoir les déchets et les incinérer sur leur sol. Ce projet était destiné à aider les régions sinistrées à se reconstruire. Cependant, le refus de la majorité des préfectures à brûler des déchets à composante radioactive, avait fini par faire du traitement des déchets une polémique nationale, retardant considérablement le processus de reconstruction. 

Dans une récente interview du Tokyo Shinbun, M.Toba déclarait que l’obstination du gouvernement à faire traiter les dechets à grande échelle défavorisait en fait les zones sinistrées et décourageait toute initiative locale de création d’emplois.

Projets de reconstruction ratés

Depuis un an, la reconstruction est le thème principal de la politique intérieure japonaise. Dans un pays où la moitié nord-est a été ravagé par un séisme et un tsunami, cela n’a rien d’étonnant. Sauf que l’accident nucléaire de Fukushima est venu petit à petit anéantir toute illusion de reconstruction ‘normale’.

A Rikuzentakata, on se souvient encore du projet avorté des bûches. Lancé par des volontaires, le projet avait rassemblé tous les pins morts de la célèbre pinède pour les transformer en bûches et les vendre caritativement à travers le pays. Mais en août, une analyse de la radioactivité sur un échantillon de 500 bûches réalisée par la ville de Kyoto avait révélé un taux de césium de 1130 Bq/kg. Le projet s’était alors dépêché d’informer les acheteurs mais le succès de l’entreprise avait déjà disséminé les bûches contaminées dans tout le Japon.

‘Il y avait déjà eu avant ça, le scandale de la paille de riz contaminée et de la viande de bœuf. Les autorités ne pouvaient-elles pas prévoir aussi que le bois allait être radioactif ? ’, s’interroge un habitant de Kyoto. 

Autre exemple dramatique des échecs de la politique de reconstruction, le scandale du béton contaminé de Nihonmatsu dans la région de Fukushima. Au mois d’août dernier, la préfecture y avait fait construire un logement social pour accueillir les réfugiés nucléaires du périmètre d’exclusion.

Teiko Suzuki, un des locataires n’en revient toujours pas. Il a été évacué de Namie pour se retrouver dans un immeuble radioactif :

 ‘On était tous contents d’emménager dans un logement flambant neuf. Mais en décembre, suite à des relevés alarmants de radioactivité chez les enfants de l’immeuble, on nous a appris que les fondations étaient contaminées’

L’enquête a mis trois mois pour révéler que la société de construction avait continué à exploiter jusqu’en avril 2011 une carrière à Namie, à une dizaine de kilomètres de la centrale. Une zone hautement contaminée qui avait été fermée et évacuée seulement le 11 avril.

‘Le RDC a été évacué car la radioactivité était plus forte à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais les locataires des autres étages sont toujours là. Je me dis que partout où j’irai à Fukushima, il y aura de la radioactivité, alors à quoi bon déménager encore… 

Une contamination qui au fil des mois a malheureusement dépassé la préfecture de Fukushima pour se propager un peu partout dans l’archipel.

 


Déchets dans la préfecture d’Iwate (Alissa Descotes-Toyosaki)

Un appel à la solidarité aux airs de propagande 

 Au début, c’était les appels à consommer les produits de Fukushima, maintenant on nous demande d’accepter des déchets radioactifs ! ’

Mariko Tateyama, membre de l’association pour la reconstruction du Tohoku dénonce ce qui lui apparait être clairement une propagande d’Etat.

‘ Il y a quelques semaines encore, c’était seulement Tokyo et la préfecture de Yamagata qui avaient accepté les déchets sur leur sol. Et puis brusquement, beaucoup de préfectures ont commencé à donner leur accord.’

Cette militante se bat pour que sa ville de Wajima, dans la préfecture d’Ishikawa, ne collabore pas au projet d’incinération des déchets. Elle accuse :

‘A Yamagata, on a trouvé des taux de césium 14 fois plus élevés depuis l’incinération des déchets du tsunami. Pourtant, on continue à nous dire que c’est sans danger.’

Le Japon a augmenté les normes internationales, fixées de 100 Bq/kg, à 8000 Bq/ kg pour le traitement les déchets. Un responsable de la mairie de Tokushima s’insurge :

‘Ces normes ont été fixées par l’AIEA et ne sont en fait appliquées que pour les déchets de Fukushima, qui eux sont incinérés à part. Quant aux déchets jusqu’à 80 fois plus radioactifs, ils sont envoyés à Tokyo et ailleurs.’

Tokushima, sur l’île de Shikoku, a refusé clairement toute proposition d’incinération des déchets du tsunami tant que le problème de la radioactivité n’était pas réglée.

Une attitude que certains habitants n’hésitent pas à qualifier de ‘hikokumin’ – un terme utilisé pendant la guerre pour qualifier tout acte non patriotique.

 


M.Teiko Suzuki dans son immeuble contaminé de Nihonmatsu (Alissa Descotes-Toyosaki)

‘ Taisez-vous ! ’ 

 

‘ Vous ne pensez qu’à vous mêmes. Vous êtes la preuve que les Japonais ne sont plus bons à rien. On vous a dit qu’on avait mesuré la radioactivité et qu’il n’y avait pas de problème, alors taisez-vous  ! ’ 

Cette déclaration en novembre dernier du maire ultra-conservateur de Tokyo s’adressait aux quelques 2 800 personnes qui avaient osé s’opposer à l’incinération des déchets dans la capitale. Malgré l’inquiétude de la population, Tokyo avait commencé à donner l’exemple en acceptant 11 000 tonnes de gravats sur les 500 000 tonnes prévus d’ici 2013.

Depuis, malgré plusieurs incidents vite étouffés, dont le cas d’un employé de l’usine de traitement de Tokyo qui avait accumulé une dose radioactive de 0,03 mSv en trois mois, la campagne du ministère de l’Environnement battait son plein.

‘Les médias martèlent l’opinion publique de témoignages larmoyants de sinistrés qui demandent qu’on les aide à déblayer tous ces gravats qui leur rappellent des mauvais souvenirs, mais ce n’est pas en contaminant tout le pays qu’on va les aider.’

L’acteur Taro Yamamoto, devenu chef de file du mouvement anti-nucléaire au Japon, est au cœur de la bataille contre la prolifération des déchets dans l’archipel.

‘ Les fours incinérateurs des déchets domestiques ne sont pas équipés pour filtrer les particules radioactives. Les échappées dans l’atmosphère risquent une contamination à grande échelle.’

Mariko Tateyama s’inquiète à son tour :

‘On dirait que le gouvernement veut disséminer partout des poussières radioactives pour brouiller les pistes de la contamination à Fukushima. ’

Effacer les traces de l’accident nucléaire ? Renflouer les caisses de l’Etat ? Le traitement des déchets est un business qui rapporte, selon plusieurs enquêtes qui dénoncent les pots-de-vin versés aux collectivités locales, soit 40 millions de yens de subventions pour accepter les gravats.

‘ Le gouvernement nous prend pour des imbéciles et ne pense qu’à acheter le silence des gens comme pour le nucléaire. ’

Le site Nanohana met clairement en avant le fait que Tokyo a délégué pour le traitement des déchets une entreprise du groupe de Tepco, le tristement célèbre opérateur nucléaire. Une réalité soigneusement cachée par les médias.

Sur Internet, on avait pu voir une carte précise montrant le couloir nord-ouest où les vents et les pluies avaient déposés les particules radioactives après l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, correspondant aux zones du tsunami. A présent, une autre carte circule [ci-dessous, cliquez pour agrandir]. En rouge, les zones potentiellement contaminées par les gravats du 11 mars, une catastrophe qu’on est pas encore prêt d’enterrer.

 


Carte de la radioactivité par les déchets : en rouge, les collectivités locales ayant accepté l”incinération des déchets (Association d'Akita contre la proliferation des dechets)

 

 

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 11:04

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 18.03.2012 à 11h57

 
Vue de la centrale de Fukushima, le 13 mars 2012.

Les Japonais sont dans une très large majorité favorables à ce que leur pays sorte progressivement du nucléaire mais acceptent que certaines centrales redémarrent pour garantir une production d'électricité suffisante à court terme, montre un sondage publié dimanche par le Tokyo Shimbun.

Ils sont 80 % à se dire favorables à l'abandon du nucléaire comme source d'énergie, et seulement 16% à vouloir son maintien, selon cette enquête menée auprès de 3 000 personnes. Toutefois, 53 % estiment qu'il faut continuer à court terme à employer les réacteurs nucléaires lorsque la demande en électricité l'exige.

Depuis l'accident de l'an dernier à la centrale de Fukushima, à la suite du tremblement de terre suivi du tsunami le 11 mars 2011, la quasi-totalité des réacteurs ont été soit arrêtés pour vérification, soit maintenus à l'arrêt après leur période d'entretien en attendant de nouvelles règles de sécurité. Seuls deux des 54 réacteurs du pays sont actuellement en service. Les centrales nucléaires produisaient 30% de l'électricité du pays avant la crise de Fukushima.

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 16:07
Lundi 12 Mars 2012 à 12:00

 

Régis Soubrouillard
Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales En savoir plus sur cet auteur

 

Népotisme, collusion, aveuglement, un an après la catastrophe de Fukushima, le premier rapport rédigé par une commission indépendante présidée par l'ancien rédacteur en chef du plus grand quotidien de l'archipel met en lumière les failles et l'opacité du système de gouvernement japonais. En un mot, son immaturité. La défiance qui frappe depuis longtemps les politiques, désormais les grands groupes industriels et les médias sera longue à résorber. Il y faudra un long processus de reconstruction démocratique.

 

(Fukushima - CHINE NOUVELLE/SIPA)
(Fukushima - CHINE NOUVELLE/SIPA)
« Il est temps de dire adieu à l’énergie nucléaire ! ». C’est un cri du cœur poussé par le  Mainichi Daily News, l’un des quotidiens japonais les plus diffusés (plus de 5 millions d’exemplaires).
Un an après Fukushima, seuls 2 réacteurs continuent de tourner sur les 54 que compte l’archipel. Ils devraient, eux aussi, être arrêtés sous peu pour des tests. Tout l’enjeu pour les opposants au nucléaire est de profiter de cette «fenêtre de tir» pour s’opposer localement  au redémarrage des réacteurs. 
 
« Les préoccupations économiques ont cependant commencé à « user » la crainte du nucléaire » écrit l’éditorialiste du journaliste, « si le gouvernement a en effet commencé à établir des plans pour réduire la dépendance du pays vis-à-vis du nucléaire, il n'y a pas d’informations quant à un arrêt du nucléaire. D'autre part, nous n'avons pas de vision globale sur la façon dont le gouvernement va désormais évaluer les risques associés à l'énergie nucléaire et de quelle manière le gouvernement envisage de  découpler notre économie de cette énergie ». Beaucoup d’inconnues. 
 
Pendant ce temps, le premier Ministre Yoshihiko Noda a appelé à redémarrer les centrales dès que possible, s’engageant néanmoins prudemment pour une sortie progressive du nucléaire. Face à l’hostilité du public, il a promis qu’aucun réacteur stoppé pour maintenance ne redémarrerait sans l’autorisation des autorités locales. Or, d’après un sondage, 79% des autorités locales sont hostiles au redémarrage des réacteurs atomiques. 
Même les maires de certaines municipalités qui accueillent des centrales nucléaires et reçoivent en retour des subventions du gouvernement sont majoritairement favorables à une diminution de la dépendance du pays à l'égard des installations nucléaires.
 
Bref, la peur du nucléaire l’emporte largement. Plus de 50% des résidents des zones sinistrées se disent inquiets pour leur santé et 70% sont convaincus que le gouvernement et la société Tepco ont caché des informations au moment de la crise. D’autant plus que les causes exactes de l’effondrement du réacteur n°1 ne sont toujours pas connues. 

L'absence d'un chef

Le choc provoqué par Fukushima a bouleversé bien des mœurs politiques dans l’archipel. Le gouvernement japonais s'apprête ainsi à mettre en place un plan de renflouement public de près de 10 milliards d'euros pour Tepco. L’objectif du gouvernement est d’obtenir deux tiers des actions du groupe avec droit de vote au conseil d’administration. Malgré les résistances affichées par le groupe, les sommes qu’envisage d’injecter l’Etat lui permettrait d’obtenir plus de 70% de Tepco ce qui reviendrait à une nationalisation de fait de la société. Par ailleurs, les actionnaires de Tepco réclament 51 milliards d'euros d’indemnités aux dirigeants du groupe. 
 
Sur les quatre rapports qui doivent être rendus sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, seule la commission indépendante présidé par un ancien rédacteur en chef du Asahi Shimbun, le quotidien japonais le plus diffusé (12 millions d’exemplaires), a rendu ses conclusions.
 
Si la commission n’épargne pas l’ancien premier Ministre, elle estime néanmoins que Naoto Kan « a fait le job » et salue notamment sa décision d’empêcher le retrait total des travailleurs de   la centrale, ce qui aurait encore aggravé la situation. Paradoxalement la commission met néanmoins en avant « l’absence d’un chef » politique capable de s’adresser à la population pour la tenir informée en temps réel de l’étendue des dégâts.    
Car le rapport met en lumière les défauts d’information du public et estime que dans les premiers jours le public n’a tout simplement pas été prévenu de ce qu’il se passait. 
Un document officiel, publié vendredi, indique qu'au cours d'une réunion en présence des principaux ministres organisée le 11 mars environ quatre heures après le déferlement de vagues géantes contre le site atomique, un participant non identifié a pour la première fois évoqué le risque de fusion mais le gouvernement n'en a pas informé le public.
 

Les failles de la gouvernance japonaise

Le rapport pointe aussi le mauvais fonctionnement de l’alliance Etats-Unis/ Japon dans ce moment de crise : 
« Les Etats-Unis ont émis un avis recommandant de ne pas entrer dans la zone dans un rayon de 80 kilomètres de l'usine de Fukushima n °1 lorsque le gouvernement japonais a mis en place une zone de 20 kilomètres de rayon d'évacuation. Le Japon n'a pas non plus donné suffisamment de renseignements aux États-Unis, même s’il faut reconnaître que certaines informations était impossible à obtenir ». 
 
Les autorités japonaises ont été embarrassées et n’ont pas souhaité montrer aux américains l’étendue des dégâts, préférant faire valoir qu’elles étaient capables de gérer la crise elles-mêmes.

« La crise de Fukushima a surtout révélé l’immaturité de la démocratie japonaise et les failles du système de gouvernement » tranche sèchement Yoichi Funabashi, l’ancien directeur du puissant Asahi Shimbun. Ciblant la collusion entre les experts, les lobbys du nucléaire, les médias et les politiques, l'ancien journaliste espère que Fukushima servira de sonnette d’alarme pour briser « les liens confortables qui unissent nos gouvernants et nos industriels, qui sont un héritage de la ruée vers le développement qu’a connu le Japon après la seconde guerre mondiale. Le Japon est une société fortement « emboîtée » où les liens de népotisme prévalent partout. Tout le monde est connecté à quelqu'un, les gens ne veulent pas dire la vérité parce que cela peut causer des ennuis aux autres. Donc, tout le monde reste silencieux, même s’il sait quelque chose et il n'y a pas de discussion. Cela s’est souvent  répété dans le passé ».  
 
Pas sûr que des élites aussi délégitimées endosseront « l'irresponsabilité » politique d'amorcer le redémarrage des réacteurs nucléaires après les stress-tests prévus dans les semaines qui viennent au risque de se couper toujours de populations qui ne leur accordent plus aucune confiance.  C’est tout un travail de reconstruction démocratique qui attend le Japon.
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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 14:26

LEMONDE.FR avec AFP | 12.03.12 | 10h41   •  Mis à jour le 12.03.12 | 11h11

 
 

 

Défilé en mémoire des victimes des catastrophes du 11 mars 2011 à Koriyama, dans la préfecture de Fukushima, le 11 mars 2012. Un panneau indique le taux de radioactivité : 0,434 microsievert/heure.

Défilé en mémoire des victimes des catastrophes du 11 mars 2011 à Koriyama, dans la préfecture de Fukushima, le 11 mars 2012. Un panneau indique le taux de radioactivité : 0,434 microsievert/heure.REUTERS/YURIKO NAKAO


Des militants écologistes japonais ont annoncé avoir déposé plainte, lundi 12 mars, pour empêcher le redémarrage d'une centrale nucléaire dans le centre du Japon, au lendemain du premier anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

La plainte, qui émane d'un groupe de 259 militants, demande à un tribunal d'Osaka d'ordonner le maintien à l'arrêt des deux réacteurs 3 et 4 de la centrale Oi, située dans la préfecture de Fukui, dans le centre. Les écologistes affirment que cette centrale est située à proximité de failles sismiques et n'est pas suffisamment résistante.

Dimanche, des dizaines de milliers d'opposants au nucléaire ont manifesté dans la région de la centrale de Fukushima pour exiger la fermeture définitive des sites atomiques, un an après qu'un séisme et un tsunami géants eurent provoqué la plus grave catastrophe nucléaire au monde depuis vingt-cinq ans.

 

2 RÉACTEURS SUR 54 ACTUELLEMENT EN MARCHE

Dans un communiqué, l'opérateur de la centrale Oi, Kansai Electric, a déclaré : "Bien que nous nous refusions à commenter une plainte dont nous ne connaissons pas les détails, nous allons faire des efforts pour expliquer au public que nous avons pris toutes les mesures pour exploiter les réacteurs nucléaires de façon sûre."

Seuls deux réacteurs sur les 54 construits au Japon sont actuellement opérationnels, les autorités exigeant des "tests de résistance" avant d'autoriser le redémarrage des tranches arrêtées pour maintenance. Le gouvernement japonais pourrait approuver la relance des deux réacteurs d'Oi dès ce mois-ci. Le premier ministre, Yoshihiko Noda, s'est engagé dimanche à "faire tous les efforts" pour obtenir l'approbation des autorités et de la population locales avant le redémarrage de réacteurs.

 

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 18:35

LEMONDE.FR | 11.03.12 | 11h55   •  Mis à jour le 11.03.12 | 15h22

 
 

 

Commémoration du premier anniversaire du tsunami, le 11 mars 2012, à Tokyo, en présence de l'empereur.

Commémoration du premier anniversaire du tsunami, le 11 mars 2012, à Tokyo, en présence de l'empereur.AP/Yoshikazu Tsuno

Tokyo, correspondant - C'est un Japon triste et recueilli qui a commémoré le premier anniversaire du tremblement de terre, du tsunami et de l'accident nucléaire du 11 mars 2011. Après une nuit ayant vu la tour de Tokyo afficher un message vantant la force du kizuna" — mot qui signifie "le lien" et qui fut choisit comme mot de l'année 2011 —, l'archipel a observé ce dimanche une minute de silence à la mémoire des 15 854 morts et 3 155 disparus de la catastrophe.

A Tokyo, une cérémonie s'est déroulée en présence du premier ministre Yoshihiko Noda et de l'empereur Akihito, pourtant convalescent après une opération du cœur le 18 février. Sobre, elle n'a duré qu'une heure. Devant 1 200 personnes réunies pour l'occasion et après avoir présenté ses condoléances aux familles des victimes et fait part de son "profond chagrin" à la pensée des vies perdues et des existences brisées, M. Noda a pris trois engagements.

Il s'est engagé à une reconstruction "sans délai" des zones sinistrées, notamment du département de Fukushima, où "la lutte pour résoudre la crise nucléaire se poursuit". M. Noda veut également transmettre aux générations futures "les leçons et réflexions tirées de cette catastrophe". Et puis le premier ministre a promis de ne jamais oublier "l'esprit d'entraide" qui s'est manifesté au moment du drame et qui devrait se poursuivre.

MANIFESTATION CONTRE LE NUCLÉAIRE

 

Une chaîne humaine organisée à Tokyo, le 11 mars 2012

Une chaîne humaine organisée à Tokyo, le 11 mars 2012REUTERS/ISSEI KATO

Dans le parc de Hibiya, au cœur de la capitale, des milliers de personnes ont participé à un grand rassemblement, intitulé "Peace on Earth". Il fut ponctué de débats sur l'avenir du nucléaire et les problèmes d'information, entre plusieurs intervenants comme Ryuichi Sakamoto, musicien du groupe YMO. Le philosophe anthropologue Shinichi Nakazawa a lui officiellement lancé Green Active, un mouvement écologiste destiné à engager une action politique, voire à présenter des candidats à des élections. "Nous voulons réveiller l'intérêt des jeunes pour la politique, a déclaré au Monde M. Nakazawa, engager des réflexions sur la redynamisation des économies locales et lutter contre la volonté du gouvernement Noda de redémarrer les centrales nucléaires."

En marge de cet événement, une importante manifestation contre le nucléaire était organisée près du siège de la Compagnie d'électricité de Tokyo (Tepco), propriétaire et opérateur de la centrale de Fukushima et très critiquée pour sa manière de gérer la crise. Malgré l'important dispositif policier et quelques contre-manifestants de l'extrême-droite, le défilé a réuni des milliers de personnes.

 

Manifestation anti-nucléaire devant le siège de Tepco, le 11 mars 2012.

Manifestation anti-nucléaire devant le siège de Tepco, le 11 mars 2012.REUTERS/STRINGER

Le président de Tepco Toshio Nishizawa était ce 11 mars à la centrale endommagée. Dans un communiqué, il a une nouvelle fois présenté les excuses de son groupe et promis qu'il allait "intensifier les efforts pour le bien des personnes affectées et pour fournir les dédommagements qui leur sont dus dans les meilleurs délais". Une remarque qui rappelle que l'entreprise a conçu un système de dédommagements jugé complexe, avec une grande quantité de documents à remplir par les victimes. Près de la moitié d'entre elles avouent ne pas avoir le courage de le faire en raison de la complexité de la démarche.

L'HIVER S'ÉTERNISE

Dans la région du Tohoku (le nord-est du Japon), où l'hiver s'éternise — ce qui rend plus difficile la vie des quelque 340 000 réfugiés qui vivent dans des logements provisoires — chaque communauté meurtrie a honoré ses disparus. A Ishinomaki, dans le département de Miyagi, comme dans la plupart des villes dévastées, des services de bus ont été organisés pour amener les réfugiés sur le lieux de la cérémonie. Non loin de là, à Kesennuma, une chaîne humaine s'est formée le long de la rivière Okawa et à Rikuzentakata, dans le département d'Iwate, des dizaines de personnes sont venues prier sous une neige légère au pied de l'unique pin, sur 70 000 plantés le long du littoral, ayant résisté au tsunami. Agé de 270 ans, il est aujourd'hui un symbole de la reconstruction.

 

Commémoration du premier anniversaire du tsunami, le 11 mars 2012, à Kesennuma.

Commémoration du premier anniversaire du tsunami, le 11 mars 2012, à Kesennuma.AP/Koji Sasahara

A Minamisoma, dans le département de Fukushima et à une vingtaine de kilomètres au nord de la centrale endommagée, une flamme du souvenir a été allumée devant la mairie. Plus au sud, à Iwaki, les gens se sont rassemblés sur la plage, face à cet océan Pacifique devenu le temps d'un séisme de magnitude rare, une force destructrice d'une ampleur exceptionnelle.

 

 

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Japon : minute de silence pour les victimes du tsunami du 11 mars 2011

LEMONDE.FR avec AFP | 11.03.12 | 07h56   •  Mis à jour le 11.03.12 | 09h11

 
 

 

A 14 h 46 locale, la vie s'est figée dans les villes du Japon, pour une prière collective en hommage aux victimes du 11 mars.

A 14 h 46 locale, la vie s'est figée dans les villes du Japon, pour une prière collective en hommage aux victimes du 11 mars.REUTERS/KYODO

Les Japonais ont observé, dimanche 11 mars, une minute de silence à la mémoire des victimes du séisme et du tsunami qui ont dévasté la côte nord-est de l'archipel il y a un an, faisant plus de 19 000 morts et disparus.

A 14 h 46 locale (6 h 46 à Paris), heure précise à laquelle est survenu le violent tremblement de terre le 11 mars 2011, la vie s'est figée dans les villes du Japon, pour une prière collective en hommage aux personnes emportées ou sinistrées par la catastrophe naturelle doublée d'un grave accident nucléaire à la centrale de Fukushima.

Les transports publics se sont interrompus, pendant que se les quartiers commerçants des principales villes nippones. Dans les régions dévastées par le pire désastre enduré par le Japon depuis la guerre, les survivants ont allumé des milliers de bougies à la mémoire des victimes.

"HOMMAGE À TOUS CEUX QUI Y ONT PERDU LA VIE"

A Tokyo, immédiatement après la minute de silence, le premier ministre, Yoshihiko Noda, a prononcé un discours lors d'une cérémonie au Théâtre national de Tokyo, en présence de l'empereur Akihito et de très nombreuses personnalités. Le chef du gouvernement a promis de tout faire pour reconstruire la région ravagée et transmettre la mémoire de cette tragédie aux générations suivantes.

 

Le premier ministre, Yoshihiko Noda, a prononcé un discours lors d'une cérémonie au Théâtre national de Tokyo.

Le premier ministre, Yoshihiko Noda, a prononcé un discours lors d'une cérémonie au Théâtre national de Tokyo.REUTERS/KYODO

L'empereur Akihito, à peine remis d'un pontage coronarien, s'est ensuite levé, accompagné de l'impératrice Michiko, pour prier à son tour devant un immense monument floral. "Un an s'est écoulé depuis le 'Grand tremblement de terre de l'est', je rends profondément hommage à tous ceux qui y ont perdu la vie", a déclaré le souverain, symbole du peuple, lors d'une brève allocution.

DIFFICULTÉS DE LA RECONSTRUCTION

Outre les 19 000 morts, Akihito a évoqué la douleur les dizaines de milliers de personnes forcées de quitter leur domicile à cause de l'accident nucléaire provoqué par le tsunami à la centrale Fukushima Daiichi. Il a ensuite déploré que la reconstruction rencontre de nombreuses difficultés dans les provinces dévastées et en partie contaminées par la radioactivité.

 

De nombreux résidents ont prié en direction de l'océan Pacifique.

De nombreux résidents ont prié en direction de l'océan Pacifique.REUTERS/CARLOS BARRIA

Ailleurs dans le pays, notamment dans les villes de la côte nord-est, de nombreux résidents ont prié en direction de l'océan Pacifique, accompagnés de membres de leurs familles revenus spécialement sur leurs terres natales en cette journée de recueillement. "Je voudrais que la reconstruction aille vite", a témoigné devant les caméras de télévision un habitant de Rikuzentakata, ville dévastée par l'immense vague qui a submergé le littoral.

Plus de 340 000 personnes vivent depuis un an hors de chez elles, parfois dans des conditions très précaires. Le traitement des quelque 22 millions de tonnes de déchets accumulés en une seule journée dans les trois préfectures les plus dévastées (Miyagi, Iwate, Fukushima) n'avance pas, moins de 10 % ayant un an après été pris en charge, en raison du manque de lieux d'incinération et de la hantise de la radioactivité. Mais pour les familles des quelque 3 200 personnes encore portées disparues, le plus urgent est de retrouver les corps afin qu'ils reposent en paix.

MANIFESTATION DEVANT LE SIÈGE DE TEPCO

Un peu plus tard, des manifestants antinucléaires se sont rassemblés devant le siège tokyoïte de la compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco), opérateur de la centrale de accidentée de Fukushima.

 

Devant le siège de Tepco, des manifestants ont scandé des slogans réclamant la fermeture de toutes les centrales nucléaires.

Devant le siège de Tepco, des manifestants ont scandé des slogans réclamant la fermeture de toutes les centrales nucléaires. REUTERS/STRINGER


Quelques dizaines de personnes ont scandé des slogans réclamant la fermeture de toutes les centrales nucléaires. "Arrêtez tous les réacteurs maintenant !", ont-ils crié, levant le poing en l'air et frappant sur des tambours, sous le regard de plusieurs dizaines de policiers.

"Nous demandons à Tepco de cesser d'alourdir les charges pesant sur nous", a déclaré un organisateur, Manabu Kurihara, ajoutant "nous ne tolérerons pas que l'entreprise essaie de dédommager le moins possible les victimes". Le groupe Tepco, financièrement aidé par l'Etat, est censé dédommager plus d'un million et demi de personnes dont la vie a été bouleversée par l'accident nucléaire, même si à ce jour le gouvernement ne reconnaît aucun décès dû aux radiations.

 

 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 18:54

 

Rue89 - 10/03/2012 à 09h04

 

 

 

Une websérie poétique et émouvante nous mène à la rencontre de ces Japonais vivant dans l'enfer de la radioactivité, ce poison invisible. Angoissés, ils commencent tout juste à se révolter contre un gouvernement qui continue de leur jurer que tout va bien.

Un an après l'accident à la centrale de Fukushima, la catastrophe « n'est pas finie, elle vient de commencer ». C'est le constat dressé par Alain de Halleux, réalisateur de la série de huit petits films qu'Arte nous autorise exceptionnellement à publier.

A la fin du premier épisode, les larmes d'Eiko nous font comprendre ce qui est dit explicitement dans le dernier des huit films :

« Nous avons perdu le Japon que nous connaissons. »

Rien ne sera plus jamais comme avant pour ceux qui refusent de croire le discours trop rassurant du gouvernement.

Eiko vit à Tokyo, elle tient une crêperie avec son mari français et c'est pour ne pas jouer l'avenir de petite fille de quatre ans à la roulette russe qu'ils ont décidé de partir :

« Dans vingt ans elle tombe amoureuse de quelqu'un, et si elle hésite à faire un enfant avec lui, c'est malheureux, et je ne veux pas de ça. »

Elle n'habite pas dans la zone concernée par la radioactivité, mais refuse de prendre le risque d'avaler une nourriture contaminée, car la traçabilité totale est impossible.

« Je ne viens pas pour les aider, c'est eux qui vont nous aider »

Alain de Halleux est parti à l'automne pour un repérage en vue d'un documentaire pour la RTBF. Mais le réalisateur, à qui on devait le très remarqué documentaire sur les travailleurs du nucléaire (en France cette fois), a fait des rencontres si fortes qu'il a monté in extremis cette série. Il a trouvé un pays en mouvement :

« Une minorité de citoyens se réveillent et se demandent comment ça se fait qu'ils ont suivi le gouvernement depuis la deuxième Guerre Mondiale.

Comme personne n'avait voulu prendre la responsabilité de la défaite, il s'est développé une culture de l'irresponsabilité : il n'est pas possible d'émettre une idée qui va à l'encontre de l'opinion générale. »

Pour obtenir des témoignages aussi poignants, Alain de Halleux a fait très attention à ne pas être dans la démarche classique du journaliste qui vient prendre de l'information et retourne chez lui (d'ailleurs en général il devient ami avec les personnes qu'il interviewe) :

« Je ne viens pas pour les aider, c'est eux qui vont nous aider : ils doivent témoigner pour qu'on ouvre les yeux. Je veux que cette catastrophe serve à ce que la France sorte du nucléaire. »

« Les médecins : la radioactivité n'est pas dangereuse »

A Minami Soma, ville située juste au-delà de la zone d'exclusion de 20 km autour de la centrale, de plus en plus de citoyens font leurs valises. Maki, maman dont la petite fille est confinée à l'intérieur depuis un an, raconte :

« Ne plus promener son chien, ne plus laisser son enfant jouer dehors... si encore c'était pour le court terme. »

« Quand on est en prison, au moins, on sait quand se termine la peine », compare Alain de Halleux. Il a rencontré les bénévoles du Citizen's Radioactivity Measuring Station (CRMS), association qui a ouvert des laboratoires à Fukushima City, à 65 km de la centrale. Son récit ressemblerait à de la fiction s'il n'était recoupé par les informations livrées par nos contacts sur place depuis des mois :

« Les médecins des hôpitaux sont tenus d'avoir le même discours que le gouvernement, c'est-à-dire que la radioactivité n'est pas dangereuse, et qu'il ne faut pas paniquer. Quand les citoyens évoquent les mesures du CRMS, on leur répond qu'il ne faut pas écouter ces gens qui sont des activistes, des musiciens... »

Derrière ce discours rassurant se cache aussi une affaire de gros sous, explique-t-il, car :

« Au-delà de la zone des 20 km, les gens sont libres de partir ou pas. Rappelons que les victimes du tsunami sont fortement aidés, ceux de la centrale n'ont rien. »

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 18:00

LEMONDE.FR | 10.03.12 | 17h24

 
 

 

Dans la ville désertée de Futaba, située à l'intérieur du rayon d'évacuation de vingt kilomètres mis en place autour de la centrale nucléaire de Fukushima.

Dans la ville désertée de Futaba, située à l'intérieur du rayon d'évacuation de vingt kilomètres mis en place autour de la centrale nucléaire de Fukushima.AP/Sergey Ponomarev


Kazo, envoyé spécial - Dans la cour du lycée balayée par le vent de l'hiver, en complet noir et chemise blanche, tiré à quatre épingles comme pour une cérémonie, un porte-voix à la main, Katsukata Idogawa s'adresse à une quarantaine de personnes. Assez âgées, graves et silencieuses, elles écoutent les encouragements de leur maire.

"Nous sommes toujours dans le tunnel, mais ne perdez pas espoir". Comme ses administrés, Katsukata Idogawa n'a plus de ville : la commune de Futaba machi (sept mille habitants), à quelques kilomètres de la centrale accidentée de Fukushima Daichi, a été évacuée dans les premiers jours après la catastrophe du 11 mars.

UN LIEU DE STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Elle se trouve désormais dans la zone des vingt kilomètres interdits d'accès en raison d'un taux élevé de radioactivité. C'est une de ces villes fantômes appelées à devenir un lieu de stockage de déchets radioactifs. En d'autres termes, une poubelle nucléaire.

M. Idogawa, 65 ans, a été élu en 2005. Il vit avec 576 de ses administrés dans le lycée désaffecté de Kisei dans la ville de Kazo (département de Saitama) à deux cents kilomètres au sud-ouest de la centrale. Le 11 de chaque mois, il tient à honorer les disparus et à rappeler aux survivants qu'ils forment encore une communauté.

Derrière les fenêtres du bâtiment, sèche du linge. Les salles de classes ont été équipées de tatamis (nattes) et de légères cloisons. En fin de journée, les habitants vont chercher un casse-croûte à la cantine. Une grande salle a été transformée en mairie provisoire où s'affairent quelques employés. Sur les murs du couloir sont affichées des offres d'emploi. "Nous sommes une population en exil, abandonnée à son sort", confie M. Idogawa. "Un 'modèle' de communauté dans la précarité : des réfugiés de l'intérieur emportés dans un voyage sans fin."


"NULLE PART OÙ ALLER"

Le lycée de Kisei a accueilli jusqu'à mille quatre cents personnes. Une autre partie de la population de Futaba vit dans des appartements loués à Kazo ; une autre a immigré dans le département de Fukushima. "Pour combien de temps encore vivrons-nous ainsi ? Personne ne nous répond", dit M. Idogawa, qui demande la création d'une ville provisoire pour ses administrés. Mais la cohésion de la population se craquelle : les jeunes sont partis et ne reviendront pas. Les plus âgés veulent retourner à Futaba pour y mourir. "Nous n'avons nulle part où aller", lance une femme entre deux âges, un tablier autour des reins.

M. Idogawa a envoyé le mois dernier une lettre au premier ministre Noda pour lui poser une question : "Les habitants de Futaba sont-ils encore des citoyens japonais ?" La réponse a été affirmative… Mais rien n'a changé. Le maire a les larmes aux yeux lorsqu'un journaliste local lui demande ce qu'il pense de l'asile que lui a offert le département de Saitama : "Je ne dirai jamais assez merci."

Avec ses administrés, M. Idogawa a pris la route de l'exode, sans savoir exactement où il pourrait trouver asile. "Dans les jours qui suivirent la catastrophe, nous n'avons reçu aucune instruction ni information de Tokyo. On savait seulement ce qui se passait par la télévision. On a ainsi appris qu'il fallait évacuer dans un rayon de trois kilomètres", avait-il raconté lors d'une grande manifestation antinucléaire à Yokohama, au milieu de janvier.

Et, chacun pour soi, les habitants ont commencé à partir en voiture. Près de deux mille d'entre eux ont d'abord bivouaqué dans un gymnase dans la ville de Kawamata. "Au moment de l'explosion (le 14 mars dans le bâtiment du réacteur n° 3), j'étais en train d'organiser l'évacuation des personnes âgées sur leurs fauteuils roulants. On a vu des déchets flotter dans l'air. Je pensais que c'était la fin. Les gens fuyaient dans le désordre. On n'avait toujours aucune instruction", avait-il poursuivi.

 

AVEUGLEMENT

Lorsque Futaba était encore habitée, un large panneau en arc de cercle surplombait la route à l'entrée de l'agglomération : "L'énergie nucléaire nous assure un avenir radieux."

Pendant des décennies, Futaba, qui se trouve à proximité des réacteurs 5 et 6 (arrêtés pour la maintenance au moment de la catastrophe), a vécu des subventions versées par l'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco). Certains critiquent vivement M. Idogawa pour son aveuglement. "Je ne nie pas ma responsabilité d'avoir collaboré avec Tepco. Mais ses dirigeants nous avaient assurés qu'il n'y avait aucun danger. Notre tort, c'est de les avoir crus. Nous avons été trompés, trahis. Aujourd'hui, nous sommes privés de nos maisons, de nos écoles, de notre vie, et ceux qui nous ont menti continuent à mentir et se permettent de dire aux victimes que leur ville sera désormais une poubelle. Avant de penser à décontaminer, il faut faire la lumière sur les responsabilités."

Assis sur un banc dans la cour du lycée, un homme âgé tire sur sa cigarette, penché en avant, regardant le sol. Il lève la tête, visage fermé : "Je n'ai rien à dire. Tout le monde a menti", dit-il d'une voix presque inaudible avant de s'absorber à nouveau dans la contemplation du sol.

 

Philippe Pons

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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 14:26

LEMONDE.FR avec AFP | 09.03.12 | 11h11   •  Mis à jour le 09.03.12 | 14h50

 
 

 

Vue de la carcasse de la mairie de Minamisanriku, dans la province de Miyagi , le 11 février 2012.

Vue de la carcasse de la mairie de Minamisanriku, dans la province de Miyagi , le 11 février 2012.AFP/KAZUHIRO NOGI


Le nombre de suicides a nettement augmenté l'an dernier au Japon après le séisme et le tsunami qui ont dévasté le 11 mars les côtes nord-est de l'archipel, annonce le gouvernement japonais.

Cette hausse de plus de 20 % du nombre de suicides enregistré en un mois est probablement due au moins en partie à l'anxiété qui s'est emparée de la société japonaise dans les semaines suivant cette catastrophe, estime un responsable.

En mai 2011, 3 375 personnes se sont donné la mort, soit plus d'un dixième du total annuel et plus de 20 % par rapport au même mois de l'année précédente. Selon les statistiques de la police et du gouvernement, le nombre de suicides a atteint 30 651 en 2011. "Un sentiment d'anxiété s'est diffusé au sein de toute la société japonaise après la catastrophe et nous soupçonnons cela d'avoir été un facteur aggravant", a déclaré un responsable du gouvernement. Il a ajouté que le nombre de suicides a été particulièrement élevé parmi les hommes de 30 ans.

Le séisme et le tsunami, qui ont fait 19 000 morts et provoqué la plus grave catastrophe nucléaire depuis 1986, ont eu des conséquences majeures sur l'économie japonaise avec notamment une flambée de faillites. Le Japon a l'un des taux de suicide les plus élevés du monde, selon l'OCDE.

 

 

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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 12:48

LEMONDE.FR avec AFP | 07.03.12 | 18h24

 
 

 

Des enfants évacués de la zone interdite autour de la centrale de Fukushima sont examinés, le 13 mars 2011.

Des enfants évacués de la zone interdite autour de la centrale de Fukushima sont examinés, le 13 mars 2011. REUTERS/© Kim Kyung Hoon / Reuters


Des enfants sont toujours contaminés à 220 km de la centrale de Fukushima près d'un an après la catastrophe nucléaire japonaise, a affirmé mercredi 7 mars l'Association pour le contrôle de la radioactivité de l'Ouest (ACRO), un laboratoire français indépendant, dans un communiqué.

Sur les 22 enfants japonais dont l'ACRO a analysé les urines, 14 sont encore contaminés au césium 134 et césium 137, selon le site Internet du laboratoire. Les prélèvements ont eu lieu entre décembre 2011 et février 2012.
 

"Ces résultats mettent en évidence une contamination des urines jusqu'à Oshu [province d'Iwaté] située à environ 220 km de la centrale", souligne l'association, un des deux laboratoires indépendants créés en France après la catastrophe de Tchernobyl. "Les valeurs ne sont pas extrêmement élevées comparées à celles que nous avions relevées en Biélorussie mais elles montrent que la contamination s'installe dans le temps", a estimé le président de l'ACRO, David Boilley.

 

RÉPERCUSSIONS SUR LA SANTÉ À LONG TERME

Cette persistance "montre aussi que la contamination des enfants vient de l'alimentation et non du panache. Cela pose la question des répercussions sur la santé des contaminations à faible dose mais sur le long terme", un phénomène sur lequel la science s'interroge, a ajouté M. Boilley.

L'ACRO a cependant relevé une "baisse significative de la contamination d'une petite fille d'Ichinoseki", âgée de quatre ans, depuis qu'elle a arrêté de manger les légumes du jardin de ses grand-parents "sans se douter que ceux-ci puissent être contaminés", souligne le laboratoire.

Les césiums 134 et 137 sont des éléments radioactifs que l'on peut trouver après un accident nucléaire. Ils ont une durée de vie considérée comme moyenne. La quantité de césium dans le corps diminue de moitié en un mois chez un enfant qui mange sain, contre huit jours pour, par exemple, l'iode radioactif. Un individu qui n'est plus contaminé a cependant toujours davantage de risque de développer un cancer que celui qui ne l'a pas été, rappelle l'ACRO.

 

 

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 15:08
Publié le 07/03/2012 à 03h00


Crane de vache morte de faim à l'entrée de la ferme, près de Fukushima (Alissa Descotes-Toyosaki)

 

Nous longeons les côtes ravagées de Minami-Soma sud qui, comme par temps de guerre, a été coupée en deux.

Les terres à l'intérieur du périmètre 20 autour de la centrale ont été évacuées, celles au nord à partir du kilomètre 21 sont habitées.

« Des fois, je me demande vraiment à quoi cela sert de revenir ici », marmonne Masami Yoshizawa.

Comme tous les jours, cet éleveur de 330 vaches irradiées fait l'aller-retour entre sa ferme à Namie et son logement provisoire à Nihonmatsu pour ramener du fourrage.

« Je ne le laisserai pas tuer mes vaches »

Au barrage qui marque l'entrée dans la zone interdite, il passe avec un simple salut de la main. Il a obtenu un permis d'entrée provisoire mais, même sans permis, il serait arrivé à passer.

« Le gouvernement n'abandonnera pas sa décision d'euthanasier les animaux contaminés, et moi je ne le laisserai pas tuer mes vaches. »

Yoshizawa fait partie des irréductibles qui habitent encore dans la zone interdite. Non pas dans l'espoir de reconstruire sur sa terre natale mais pour ne pas abandonner ses animaux.

« Comme à Tchernobyl »

Les vaches de ce périmètre sont toutes contaminées, mais est-ce une raison pour les tuer ? Le gouvernement, en voulant éliminer ces animaux, ne cherche-t-il pas à effacer les traces de l'irradiation ? Ce sont les questions que pose Yoshizawa depuis des mois, à travers des speechs et interviews enflammés.

« Les enfants ne peuvent pas revenir vivre ici, restent les personnes âgées et les animaux. Comme à Tchernobyl. »

Nous croisons des camions conduits par des hommes en combinaison blanche et masques à gaz. A côté de moi, Masami Yoshizawa est comme je l'ai rencontré à Tokyo, le visage découvert.

Vaches à l'état sauvage

Namie, à 14 km de la centrale, n'est plus qu'une ville fantôme. Les 20 000 habitants ont été évacués par vagues successives, dont la dernière en avril 2011.

Devant la mairie, des vaches traversent la route et s'engouffrent dans une rue commerçante. Elles sont revenues à l'état sauvage et s'enfuient en notre présence. Dans cette ville ravagée par le séisme, le tsunami et les explosions nucléaires, la radioactivité oscille entre 5 et 6,0 µSv/h, un seuil bien supérieur à la « norme » des 0,6 µSv/h.

« On ne pourra plus cultiver cette terre, et les opérations de décontamination pour réhabiliter la région ne sont que du gaspillage d'argent. Tout ce qu'on peut faire de cette terre, c'est l'utiliser comme terrain d'expérimentation. »

Une ferme pour ne pas oublier

Tel un sanctuaire, l'entrée de la « ferme de l'espoir »est marquée par des tracteurs et autres ustensiles agricoles tagués de slogans. Un crâne de vache est posé là, à côté d'un écriteau assassin :

« Tepco, le gouvernement, à quand les dédommagements pour cet énorme gachis ? »

Yoshizawa est un éleveur en colère et militant anti-nucléaire depuis la catastrophe.

« J'ai entendu le bruit de l'explosion et vu de mes yeux le nuage radioactif. »

Le 17 mars, Yoshizawa est revenu à sa ferme :

« Le réacteur numéro 3 de la centrale qui avait explosé le 14 mars dégageait un épais nuage de fumée. Ce jour-là, il a commencé à neiger subitement, et nous étions tous dehors. »

« Mourir plutôt que de laisser mourir »

Les 16 et 17 mars, des milliers d'habitants de Namie étaient réfugiés autour des camps de fortune.

« Tout le monde a été contaminé de plein fouet. Les fonctionnaires de la mairie ont dit qu'ils avaient oublié dans leur bureau les compteurs Geiger et les pilules d'iode. Ils répétaient qu'ils les avaient oubliés, au lieu d'aller les chercher. »

Yoshizawa dit ne jamais avoir cru au mythe du nucléaire sûr mais depuis qu'il vit dans l'enfer de la radioactivité, il a décidé de tout sacrifier à son combat.

« Quand j'ai vu les forces d'auto-défense venir secourir les gens dans la zone contaminée, je me suis dit que je préférais mourir plutôt que de laisser mourir. »

A 58 ans, cet homme jure que, jusqu'à sa mort, il poursuivra Tepco et le gouvernement pour assumer la responsabilité de leurs actes :

« Fukushima a généré de l'électricité pour Tokyo, maintenant on les traite comme des pestiférés, comme à Hiroshima et Nagasaki.

Mes vaches ont accouché depuis. On parle dans la région de lapins sans oreilles, d'insectes hybrides, sans avoir aucune preuve. Je veux que mes vaches continuent à vivre pour raconter l'histoire du drame de Fukushima, pour que plus jamais il ne se reproduise.“ 


Masami Yoshizawa dans sa ferme (Alissa Descotes-Toyosaki)

 

 

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