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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 16:51
 
challenges.fr - Créé le 05-05-2012 à 18h50 - Mis à jour à 18h50
 
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Nuc-Japon.jpg

TOKYO (AP) — Pour la première fois en quatre décennies, il n'y a plus de réacteur nucléaire en service au Japon. Le dernier encore en fonctionnement, celui de la centrale de Tomari à Hokkaïdo dans le nord du pays, a été arrêté samedi pour vérifications et travaux de maintenance, une nouvelle célébrée par des milliers de manifestants à Tokyo.

Avant le tsunami du 11 mars 2011 et l'accident consécutif à la centrale de Fukushima, le plus grave depuis celui de Tchernobyl en 1986, le Japon comptait 54 réacteurs. Tous sont désormais à l'arrêt pour contrôles de sécurité, maintenance programmée ou ont été mis hors service par le tsunami, comme à Fukushima. Le nucléaire, avant Fukushima, constituait environ 30% de la production d'électricité au Japon.

Ce sont actuellement des centrales thermiques, alimentées en pétrole et gaz naturel importés, qui permettent de subvenir aux besoins du pays en énergie. D'après un porte-parole de Hokkaido Electric Power Co, exploitant de la centrale de Tomari, le processus d'arrêt graduel du dernier réacteur a débuté samedi dans la matinée pour s'achever sans incidents dans la soirée.

Le rédémarrage des réacteurs en état de fonctionnement dans l'archipel est désormais conditionné à de nouveaux tests de résistance et à l'avis des autorités locales. Le gouvernement ne semble pas désireux sur ce point de passer en force, face à une opinion publique de plus en plus inquiète. Un sondage publié par le quotidien "Tokyo Shimbun" à l'occasion du premier anniversaire de Fukushima montre qu'une large majorité de japonais (76,9 est favorable à une sortie progressive du nucléaire.

Des élus locaux comme le maire de Tomari, Hiroomi Makino, souhaitent cependant la remise en service de réacteurs, évoquant les répercussions négatives d'un arrêt des installations pour l'économie locale, notamment en terme d'emplois et de subventions. L'édile qualifie ainsi d'"extrêmement regrettable" la décision de l'opérateur.

Reste maintenant à savoir si le Japon va connaître une pénurie d'électricité pendant la période estivale, chaude et humide, en raison de l'usage intensif des climatiseurs. Les autorités japonaises disent le redouter, incitant citoyens et entreprises à faire des économies d'énergie.

Ces campagnes, l'été dernier, ont contribué à éviter des coupures brutales et massives de courant. Les employés de bureaux étaient par exemple invités à s'habiller plus léger pendant l'été, sans veste ni cravate, pour avoir moins chaud et éviter de pousser la climatisation à fond. Les horaires de travail ont été adaptés dans certaines administrations et entreprises pour consommer moins de courant.

L'arrêt du dernier réacteur de Tomari -deux autres sur le même site avaient déjà été stoppés- a été salué par un rassemblement dans un parc de Tokyo de plusieurs milliers de manifestants contre le nucléaire.

"C'est aujourd'hui un jour historique", a lancé un des orateurs, Masashi Ishikawa. "Il y a tellement de centrales, mais aucune ne sera plus en fonctionnement aujourd'hui, et c'est grâce à nos efforts", a-t-il ajouté.

"Non au nucléaire", "Nucléaire, non merci", pouvait-on lire entre autres sur les banderoles. Parmi les manifestants, Yoko Kataoka, une retraitée, souhaitait que l'on puisse "laisser à nos enfants et à nos petits-enfants une Terre où jouer sans s'inquiéter". AP

ll/v0294/mw

 

 

                                                                          **********************************************

 

 

Le Japon a cessé, provisoirement, de produire de l'énergie nucléaire

Le Monde.fr avec AFP | 05.05.2012 à 11h52 • Mis à jour le 05.05.2012 à 11h52

 
 
Le réacteur nucléaire de Hepco à Tomari, mis à l'arrêt samedi 5 mai.

Le processus d'arrêt du dernier réacteur actif au Japon a débuté samedi 5 mai, en vue d'une session de maintenance de plusieurs mois, réduisant à néant la part de l'énergie nucléaire dans l'électricité japonaise.

Un peu plus d'un an après la catastrophe de Fukushima, Hokkaido Electric Power (Hepco), l'une des neuf compagnies régionales de l'archipel, a indiqué avoir commencé à stopper le réacteur Tomari 3, dernière unité active des cinquante que compte le Japon.

A la suite du séisme et du tsunami qui, le 11 mars 2011, avaient engendré un énorme accident dans le complexe atomique Fukushima Dai-Chi, submergé par une vague de 14 mètres de haut, onze réacteurs sur trente-sept en fonctionnement avaient été subitement arrêtés dans les centrales du Nord-Est. Deux autres présentant des risques à Hamaoka, dans le centre du pays, l'ont été plus tard, sur ordre du gouvernement. Par la suite, toutes les autres unités ont successivement été stoppées pour des sessions d'entretien de routine, obligatoires tous les treize mois d'activité continue.

 

 PLAN ÉNERGÉTIQUE PRÉSENTÉ CET ÉTÉ

Le redémarrage de tous les réacteurs viables stoppés pour maintenance ou à cause des secousses sismiques est conditionné à de nouveaux tests de résistance (notamment vis-à-vis des catastrophes naturelles) et à l'approbation des autorités locales, ce qui retarde l'échéancier habituel. Le gouvernement a validé la possibilité de redémarrer deux réacteurs de l'Ouest, mais a promis qu'il ne passerait pas en force sur ce sujet, la population étant beaucoup plus réticente depuis l'accident de Fukushima, la pire catastrophe nucléaire depuis celle de Tchernobyl en Ukraine en 1986. Aucun calendrier n'a en conséquence été avancé, mais le gouvernement promet de proposer un nouveau plan énergétique à long terme durant l'été.

Manifestation anti-nucléaire dans les rues de Tokyo, samedi 5 mai.

 

Afin de compenser l'absence totale d'énergie nucléaire, qui représentait avant le drame de Fukushima près de 30 % de la production d'électricité du pays, les opérateurs sont contraints d'augmenter massivement leurs importations de pétrole et de gaz naturel liquéfié pour doper leurs centrales thermiques. Les citoyens et entreprises nippones sont quant à eux priés de réduire leur consommation d'électricité pour éviter des coupures massives inopinées.

 

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 17:48

 

Publié par Poetes Indignes le 28/04/2012

 

La crise économique européenne, les présidentielles en France, il n’en faut pas plus pour que nous en oublions la catastrophe de Fukushima de mars 2011. Pourtant, la crise est loin d’être terminée, c’est même tout le contraire. TEPCO ajoute à la malchance ses boulettes et le risque d’assister à une catastrophe sanitaire majeure, loin d’être écarté, devient petit à petit une effrayante réalité. Comme il est de coutume dans ce genre de crise, ce n’est pas sur le gouvernement que la population peut compter.


Il y à peine 4 jours, le 24 avril dernier, la chaine d’information japonaise ANN News diffusait un très inquiétant reportage sur la situation de la piscine à combustibles usés du  réacteur 4 de la centrale de Fukushima. Cette information n’a tout simplement pas du tout été relayée par les média français, et très peu de média européens. Voici le reportage en question (en japonais)

 

 

La situation est très critique attendu que cette piscine à combustibles usés, des matériaux très hautement radioactifs dont un contact de seulement 10 minutes suffirait à tuer une personne, est pleine. Ces matériaux accusent une radioactivité au Cesium 137 dans des proportions 10 fois supérieures et pour des quantités de matériaux 85 fois supérieures à ce que nous avons connu au coeur de la catastrophe de Tchernobyl. Dans ce contexte, le traitement de l’information par les chaînes de télévision locales a de quoi faire froid dans le dos, comme en seconde partie de ce documentaire dans lequel le journaliste affirme benoîtement qu’en fait, la nourriture n’est pas si contaminée que ça… japonaises, japonais, dormez tranquilles, #toutvabien®

 

 

 

Des choix douteux

Sur la figure ci-dessous qui présente l’architecture du réacteur de type Mark-1, on peut prendre conscience du risque d’un affaissement de la structure, un risque bien réel, craint par les autorités comme le relate le reportage d’ANN News. La centrale, oeuvre de General Electric, comporte placée dans un coin une structure plaçant l’eau en hauteur et dans laquelle les barres à combustibles trempent. Dans un pays à l’activité sismique notoire, ce simple fait a déjà de quoi interpeller.

 

 

Pour pallier un affaissement de la structure, TEPCO prévoit donc de pomper l’eau de la piscine afin de la rejeter… dans l’océan. La récupération des barres de combustible est prévue par l’entreprise pour 2013. La sécurisation de la structure quant à elle n’est pas prévue par TEPCO avant 2025 !

 

Les débris radioactifs, au lieu d’être traités dans la zone interdite, circonscrite dans un rayon de 20 kilomètres autour des réacteurs, sont envoyés aux quatre coins du pays pour être incinérés. Même si des filtres capturent une partie des particules de fumée radioactive, on se doute bien que celle-ci contamine tout le pays. Et il n’y a pas que les débris contaminés qui posent problème.

 

Ainsi, à Okinawa on a relevé une contamination. Des gens sont tombés malades, et ce n’est qu’après deux mois d’enquête que le pot aux roses a été découvert : une pizzeria du coin a continué d’acheter du bois pour son four à pizza à son fournisseur basé dans le Tohoku, précisément la région dans laquelle se trouve la préfecture de Fukushima. Le bois qui cuisait les pizzas était contaminé à hauteur de plus de 9000 becquerels par kilos !

 

Les secousses continuent à endommager la structure fébrile de la centrale

Le 13 avril 2012, l’activité sismique de l’île pourrait bien avoir eu un impact sur la structure de ce qu’il reste de la centrale.  Les autorités se sont bien gardées de communiquer sur les effets de ces nouvelles secousses. Sur la carte ci-dessous, en regardant attentivement, on peut se rendre compte de la proximité de l’épicentre avec Fukushima. À Fukushima même, les secousses ont atteint une magnitude de 5,9 sur l’échelle de Richter. TEPCO en avait alerté le gouvernement japonais par le biais d’un fax… le gourvernement japonais a préféré étouffer cette information.

 

De l’eau contaminée dont on ne sait comment se débarrasser

Sur la photo illustrant cet article, on peut voir le stock d’eau contaminée dont il va bien falloir faire quelque chose. Jusque là, cette eau était traitée à posteriori. Mais voila que TEPCO accuse maintenant un déficit entre eau usagée et contaminée, et eau injectable pour refroidir le combustible. Encore un sérieux sujet d’inquiétude.

 

Selon le METI (Ministry of Economy, Trade and Industry), dans ce document en mars, le réacteur 2 aurait recraché 7 millions de becquerels/heure. Le vent poussant naturellement les particules vers l’est, c’est dans l’océan Pacifique que ces particules se sont déversées.

 

Le cauchemar ne s’arrête pas là. Les containers qui stockent ces eaux contaminées accusent des fuites ; cet hiver, les tuyaux ont gelé, ce sont pas moins de 600 litres d’eau très hautement radioactive qui ont fui avant que TEPCO ne s’en rende compte ! Ces réservoirs, d’une contenance de 40 000 tonnes d’eau radioactive, ont une fâcheuse tendance à connaître régulièrement des fuites.

 

La population s’organise face à la propagande gouvernementale

Le projet Citizen Radioactivity Mesuring Station effectue une veille active sur les mesures de radioactivité. Petit problème, les données qui y sont relevées par les citoyens tranchent particulièrement avec ce qu’il convient bien de qualifier de  propagande gouvernementale.

 

Mais la propagande ne s’arrête pas à des mesures de radioactivité sous-estimées ou bidonnées, le gouvernement a même financé des spots publicitaires incitant les japonais à consommer des fruits et légumes ultras contaminés, provenant de la région de Tohoku. Dans ce spot publicitaire totalement surréaliste, c’est le chanteur d’un célèbre boys band local qui incite la population à consommer ces fruits et légumes, un geste patriote pour aider la région de Tohoku. Le chanteur du boys band que l’on peut voir dans ce clip a été hospitalisé il y a une dizaine jours. Ce même chanteur, véritable ambassadeur de la propagande, s’est rendu il y a peu à Tchernobyl dans le cadre du tournage d’un autre spot de propagande également financé par le gouvernement japonais, dans lequel il expliquait que Fukushima c’était comme Tchernobyl aujourd’hui, et qu’il n’y avait en gros aucun risque. Et dans ce clip, il y a d’ailleurs une perle. On peut y voir notre chanteur, muni d’un anthropogammamètre (whole body counter en anglais) servant à mesurer la contamination d’un corps humain. Pendant que la voix off parle on voit rapidement le résultat : 32bq/kilos… une dose impressionnante dont ce document vous donnera idée.

 

Une autre star locale, le bassiste du groupe Dragon Ash, âgé de 46 ans, est mort en début de semaine de complications cardiaques. Ces cas sont appelés à se multiplier, tout comme en Biélorussie où le nombre d’anomalies cardiaques a quadruplé depuis la catastrophe de Tchernobyl. Le syndrome est bien connu, il porte d’ailleurs le nom de Chernobyl Heart Disease

 

Sur cette vidéo, une personne relève une radioactivité supérieure à 344 microsieverts/h ! À titre de comparaison, la moyenne en Ile-de-France est de 0.12 microsieverts/h.

 

 

 

Dès avril 2011, on observait au Japon des mutations des pissenlits comme l’explique cette chaîne de télévision japonaise.

 

 

 

Voici l’un des rares blogs scientifiques japonais qui dénonce cette propagande du gouvernement en se basant sur les mesures d’un habitant de la zone de la préfecture de Mie, prévoyant à l’horizon mars 2015 une radioactivité inacceptable.

Voici enfin les relevés de la faculté de médecine de Fukushima.

Une chose est bien certaine, Fukushima, c’est un peu comme la crise économique qui frappe l’Europe : le pire est bien devant nous.

 

Source: http://globalpresse.wordpress.com

Source: http://reflets.info

 

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 17:41

 

Publié par Poetes Indignes le 28/04/2012

 

 

En dépit des messages rassurants qui seuls percent (rarement) l’indifférence médiatique, la crise que le Japon traverse depuis le début de l’accident de Fukushima demeure ingérable et affectera durablement l’avenir du pays. Mais cet avenir n’affectera pas tout le monde. La prochaine ville japonaise sera… en Inde.


Le recouvrement achevé d’un des quatre bâtiments éventrés par une tente en nylon est loin de constituer une début de résolution de la crise environnementale que le Japon traverse.Pour comprendre ce qui se passe derrière ce paravent pudique, je vous propose de regarder la situation en partant d’abord des décombres de la centrale nucléaire pour s’en éloigner progressivement. Une périple qui nous mènera jusqu’en Inde.

 

 

Sur le site même de Fukushima.


Il faut d’abord relever les conditions dramatiques et héroïques dans lesquelles les équipes sur place travaillent. Un quatrième employé, âgé d’une soixantaine d’année, est mort subitement le 11 janvier, officiellement d’un  arrêt cardiaque. La police a emporté le corps pour autopsie.

La température dans le réacteur n° 2 a effectué de subites variations passant de 48.4°C à 102°C le 12 janvier puis atteignant les 142°C le 14 janvier. Une « panne de la sonde » selon TEPCO.

Les travaux de construction de la tente du bâtiment 2 ont été suspendus à partir du 5 janvier pour concentrer les efforts sur le bâtiment n° 4 dont plusieurs pans de murs ont été démolis depuis novembre. Il est acquis désormais que le couvercle de l’enceinte de confinement de ce réacteur git à plusieurs dizaines de mètres de son emplacement d’origine.
Le réservoir de désalinisation du système de refroidissement de secours présente des fuites.

300 tonnes d’eau contaminée de Césium radioactif (49 à 69 Becquerels par cm²) a été trouvé le 13 janvier dans des tunnels proches de l’unité 3.

 

En zones contaminées

Les cartes des zones contaminées les plus récentes montrent que la contamination s’étend bien au delà ces précédentes évaluation. Deux zone très contaminées se trouvent dans les faubourgs de Tokyo. Les zones plus faiblement contaminées s’étendent jusqu’a 250 km au sud-ouest de la centrale, une zone où l’on rencontre une des plus hautes densités de population de la planète.

http://blog-imgs-26-origin.fc2.com/…

 

Dans le reste du japon.

Mais la contamination s’exporte aussi hors des zones directement atteintes. Ainsi une jeune habitante de la ville de Nihonmatsushia constaté avec stupeur que l’appartement dont elle venait de prendre livraison était anormalement radioactif. La raison en était qu’on avait intégré dans le béton des matériaux contaminés à la suite de l’accident de Fukushima.

Le même phénomène de dissémination affecte aussi les usines de traitement des eaux usées : Dans certains centres de traitement des eaux usées, les boues résultat du traitement concentrent des taux élevés de radioactivité, interdisant leur usage comme fertilisant. Les autorités les stockent sans savoir comment s’en débarrasser.

 

La fuite vers l’étranger.

Face à cette perte irrémédiable de terres habitable, le Japon se tourne vers l’étranger.
Le gouvernement Japonais, accompagné des grands nom de l’industrie Japonaise, vient de signer un accord afin de créer une ville japonaise dans le sud de l’Inde.

 

 

D’une capacité de 50.000 personnes et d’une superficie d’environ 2 km², cette « station balnéaire de qualité Japonaise » offrira tout le luxe de la vie moderne, « parc industriel, hôpital, galeries marchande, mini-golf ». Certains au Japon y voient un plan de l’élite Japonaise en vue d’ abandonner le navire.

 

Les lignes de crédits que la banque du Japon a ouvert pour favoriser les échanges avec l’Inde ( 15 milliards de $) et la Corée du sud (70 milliards) indignent la population qui s’attendait à ce que la priorité aille à la reconstruction et la décontamination des zones dévastées au Japon même et à l’évacuation des zones trop fortement contaminées encore habités.

 

Bref, selon que vous serez puissant ou misérable, vous cohabiterez avec des becquerels ou vous jouerez au golf dans une station balnéaire bien loin de Fukushima.

 

Une ville balnéaire où vos enfants ne risqueront pas de jouer dans des bacs à sables rayonnant 20 µS/h, la norme pour le reste des enfants japonais.

 

Elle est pas belle la mondialisation ?

 


 

Source: http://globalpresse.wordpress.com

Source: http://www.agoravox.fr

 


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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 11:04

 

Rue89 - La Liberté 23/04/2012 à 11h52
Thierry Jacolet | La LibertéEnvoyer l'article par email
 

Des travailleurs dans le centre d’urgence de la centrale Fukushima Daiichi, le 28 février 2012 (Kimimasa Mayama/Reuters)

 

Rares sont les employés de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi à parler de leur mission à haut risque. Un volontaire a accepté de témoigner. Un kamikaze de l’atome fier d’aider son pays.

(De retour d’Iwaki)

« Je crois que mon chef nous a vus ensemble ! Il faut sortir du magasin. »

Takehiro – le prénom a été changé – est pris d’une montée de stress en plein rayon surgelés du FamilyMart d’Iwaki, une ville située à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi.

Ce Japonais de 48 ans vient d’apercevoir le patron de son entreprise.

« S’il se rend compte que je suis avec un journaliste, je vais avoir de gros problèmes. »

Takehiro n’est pas autorisé par sa boîte à parler aux médias. Il a néanmoins accepté de mettre en danger sa nouvelle « carrière » pour évoquer ses conditions de travail.

Plus de 3 000 liquidateurs au casse-pipe

Prendre des risques est devenu une routine pour Takehiro. Il travaille sur le site ultracontaminé de la centrale dévastée par le tsunami, le 11 mars 2011. Cet homme est un liquidateur, un terme utilisé depuis Tchernobyl pour désigner le personnel envoyé au casse-pipe après un accident nucléaire. Ils sont plus de 3 000 à intervenir comme lui quotidiennement pour décontaminer la centrale ou refroidir les réacteurs.

Depuis le mois de mai, il participe à la construction des cuves : près de 1 000 d’entre elles contiennent déjà 100 millions de litres d’eau très radioactive. De l’eau utilisée pour refroidir les réacteurs. L’employé ne veut pas donner de détails sur sa tâche. Si ce n’est qu’il travaille hors du bâtiment de la centrale.

« Mais j’aimerais être à l’intérieur. Je m’y sentirais encore plus utile. Peut-être parce que je suis un peu kamikaze. »

Takehiro veut être au cœur de la « bête ». Comme si trimer dans un milieu contaminé jusqu’à 13 microsieverts par heure (µSv/h), c’est-à-dire 113,9 millisieverts par an (mSv/an) – plus de cent fois le niveau annuel de radioactivité toléré pour la population au niveau international –, ne lui suffisait pas.

« Je sais que c’est hyper radioactif. Parfois, j’ai encore peur. C’était surtout le cas au début. Maintenant, le danger fait partie de ma vie. Peut-être que dans cinq à dix ans je sentirai les effets. »

« Ils s’évanouissent tellement il fait chaud »

D’ici là, il aura déjà quitté la centrale. Un liquidateur ne fait pas de vieux os sur un site aussi irradié. En mars 2011, Tepco, propriétaire de Fukushima Daiichi, a relevé le plafond de la limite d’exposition de 20 mSv/an à 250 mSv/an afin de pouvoir réquisitionner plus longtemps les liquidateurs. Takehiro ne semble visiblement pas au courant.

« Je travaille pour le sous-traitant d’une entreprise partenaire de Tepco. La limite est de 30 mSv. Au-delà, on ne peut plus venir travailler. »

L’employé a encore de la marge, puisqu’il a encaissé pour l’instant 20mSv en moins d’un an.

L’homme est pourtant mis à rude contribution. Engagé en mai 2011, il a travaillé tous les jours durant les quatre premiers mois. Pas une matinée ou un après-midi de repos durant cette phase d’urgence. Depuis septembre, il a droit à six jours par mois. Les vacances ? Un concept abstrait pour lui. Son contrat ne le mentionne pas. En moyenne, il ne sue pas plus de trois heures par jour afin d’éviter une trop longue exposition à la radioactivité. Bien assez au vu des conditions de travail dantesques. En particulier en été, quand la température peut frôler les 40°C.

« A cause de la combinaison, on transpire énormément. Des travailleurs s’évanouissent tellement il fait chaud. C’est l’enfer. »

Et pas question de boire ou de manger pendant le service : l’entreprise le leur interdit. Takehiro s’en moque :

« J’enlève parfois mon masque pour fumer ou pour boire une bouteille d’eau en cachette. C’est dangereux, mais je ne peux pas attendre la fin du travail. Si Tepco sait cela, je suis viré. »

De l’eau radioactive qui fuit dans le Pacifique

Des failles dans la sécurité, Takehiro en observe souvent. Parfois, l’eau hautement radioactive fuit dans le Pacifique ou s’échappe d’une cuve.

« Un jour, l’eau a même jailli du réservoir. Mieux vaut ne pas se trouver à proximité. Normalement, l’alarme nous prévient. Mais il arrive qu’elle ne fonctionne pas. »

Au 31 janvier 2012, sur les quelque 20 000 personnes qui sont intervenus sur le site, 167 ont déjà été gravement irradiées (plus de 100 mSv). Six autres employés sont décédés, mais Tepco a affirmé que ces décès n’étaient pas liés à la radioactivité. « J’ai aussi entendu des histoires de travailleurs qui ont vu le nombre de leurs cellules blanches chuter », ajoute Takehiro.

Pas de quoi le décourager pour autant. Même pas son salaire de la peur : 18 000 yens par jour seulement (167 euros). Sans prime de risque, bien sûr. Ceux qui ne sont pas qualifiés gagnent à peine 8 000 yens (74 euros).

« Je m’en fiche, je ne travaille pas pour l’argent. Je suis heureux de faire ce boulot. »

« Etre un héros de films américains »

Et il en est fier en plus. Lui qui s’est porté volontaire pour cette mission quasi suicidaire... Lui qui menait une vie peinard de chauffeur de camion sur l’île de Kyushu, au sud de l’archipel. Jusqu’à ce que le tsunami détruise la centrale.

« Quand j’ai vu ça à la télé, je me suis dit que le pays allait sombrer dans le chaos. Il fallait que je fasse quelque chose pour le Japon. C’est à notre génération de faire cela. Pas aux jeunes. »

Takehiro le patriote surfe alors sur les sites internet pour débusquer les appels aux volontaires. Il décroche un emploi dans une petite entreprise de construction. Divorcé – il a un fils à Tokyo –, il emménage en mai 2011 près d’Iwaki et se met illico à la tâche. Avec un sens du sacrifice propre aux Japonais :

« Je suis prêt à donner ma vie pour mon pays. Je pense que ce qui se passe ici, c’est comme une guerre. Fukushima Daiichi c’est notre champ de bataille... »

Une bataille loin d’être gagnée par l’armée de l’ombre de Tepco, qui se donne quarante ans pour assainir la centrale.

« Je suis d’une génération de Japonais qui aimerait être un héros de films américains. »

Et qui sont aussi prêts à mourir en héros ?

Publié initialement sur
La Liberté
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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 13:33
Rue89 - Tribune 16/04/2012 à 15h40
 

Nathalie Kosciusko-Morizet (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

 

En lisant l’interview par les lecteurs de Rue89 de Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre de l’Environnement et actuelle porte-parole de Nicolas Sarkozy, on remarque des erreurs factuelles importantes.

On aurait pu imaginer que l’accident et ses conséquences avaient été longuement analysés par les décideurs d’un pays qui dépend aussi fortement de l’énergie nucléaire. Ce n’est malheureusement pas le cas. L’incompétence est criante de la part d’une personnalité qui, par ses fonctions passées, devrait être bien informée sur les thématiques environnementales.

Les Français, « marchands de mort »

NKM réduit le voyage de Sarkozy à Tokyo vingt jours après la catastrophe à un témoignage de solidarité au peuple japonais. Elle omet de préciser que le Président y allait également, ou peut-être même surtout, en tant que VRP du nucléaire. Dans son discours du 31 mars 2011, celui-ci déclarait :

« Je voudrais dire que l’effroi devant la violence de la nature a été redoublé lorsque cela même qui aurait dû vous en protéger, je veux dire le progrès technologique, loin de représenter un secours, a fait naître de nouveaux risques. Ne perdons pas pour autant confiance dans la capacité des hommes à se protéger du malheur et à rester maîtres de leur destin. »

Depuis ce voyage express, les Français ont discrètement reçu le surnom de « shi no shônin », « marchands de mort », dont la mission est de préserver le commerce du MOX à n’importe quel prix, même au cœur de la pire crise humanitaire. Je l’ai entendu de mes propres oreilles !

Mensonge vérifiable, mensonge acceptable

Interrogée par les riverains, NKM reconnaît le mensonge de Nicolas Sarkozy, répété à plusieurs reprises, notamment durant son discours à Caen. Elle tente alors de le justifier en disant que tous les journalistes connaissaient l’emploi du temps de leur visite au Japon.

A l’UMP, si un mensonge est facile à dégommer, on peut le proférer dans un meeting électoral devant plusieurs milliers de personnes !

1« Une zone interdite qui doit faire une cinquantaine de kilomètres »

 

Madame Kosciusko-Morizet pense que la zone interdite « doit faire une cinquantaine de kilomètres autour de Fukushima ».

Elle n’est en fait que de 20 km. Il y avait récemment encore une zone dite d’évacuation volontaire de 10 km supplémentaires.

2« Personne ne va à Fukushima »

 

On peut aller à Fukushima. Fukushima n’est pas qu’une préfecture (un département) de 2 millions d’habitants, c’est aussi une grande ville du même nom qui comptait près de 300 000 habitants avant la catastrophe nucléaire.

Cette ville, située à une cinquantaine de km du Pacifique et de la centrale de Fukushima-I, n’a jamais été interdite mais beaucoup d’habitants l’ont quittée pour mettre leurs enfants à l’abri dans d’autres régions du pays. La raison de cet exode ? Les taux de radioactivité y sont excessifs et les radionucléides ont envahi parcs, jardins et cours d’écoles et contaminé les produits alimentaires.

 

Eva Joly et son équipe y ont mesuré la radioactivité

Eva Joly est la seule candidate à l’élection présidentielle à être allée dans le département et la ville de Fukushima. En octobre 2011, elle a rencontré de nombreux citoyens accablés par l’accident nucléaire et ses conséquences : des mères de famille, des parents et grands-parents d’enfants malades des radiations et contaminés au césium ; des bénévoles qui se relaient avec un courage acharné au sein du CRMS (Citizens’ Radioactivity Measuring Station), ce centre que la Criirad a équipé d’un appareil capable de mesurer le taux de contamination du corps entier (« whole body counting »).

Tout au long de ses déplacements, madame Joly et son équipe ont mesuré la radioactivité. Partout, elle était excessive. Partout des espaces, des champs, des fermes, étaient condamnés. Je suis bien placée pour en témoigner : j’ai accompagné Eva Joly dans son périple.

Ma visite dans la zone interdite...

Il y a des gens qui vont dans la zone interdite. J’en suis. En février 2012, afin de pouvoir témoigner de la tragédie, j’ai accompagné une famille japonaise amie dans la petite ville de Futaba, à moins de 2 km de la centrale N°1. Bien sûr, il nous a fallu revêtir une combinaison de protection, des gants et des protège-chaussures, porter un masque léger et un bonnet.

 


Maison intacte mais contaminée, devenue inhabitable, à Futaba, dans la zone interdite (Janick Magne)

 

Nous portions un dosimètre enregistreur permettant de connaître notre irradiation et un compteur Geiger pour vérifier la radioactivité en temps réel des endroits dans lesquels nous nous trouvions (petite précision pour la ministre, qui semble penser qu’un compteur Geiger ne sert pas à calculer la radioactivité).

Bien sûr, nous n’étions pas autorisés à rester plus de cinq heures sur place ni à nous approcher de la centrale. Mais j’y suis allée et je ne suis pas la seule. Il y a eu plusieurs témoignages sur le sujet en français.

... et celle d’Eric Besson

Le ministre de l’Industrie Eric Besson, du même gouvernement que madame Kosciusko-Morizet, a pénétré dans la zone interdite en février. Il avait fait sourire (en plus de révolter) les Français du Japon lorsque, masqué et en tenue de protection complète, méconnaissable, il déclarait devant les caméras qu’il était « rassuré ».

NKM, en affirmant que « personne ne va sur les lieux de la centrale, à part les gens qui y travaillent », admet de ne pas être au courant que son collègue s’y est rendu. Il est pour le moins aberrant de constater qu’il n’y a pas eu de consultation entre la ministre de l’Environnement et le ministre de l’Industrie au sujet de cette visite.

Comment se peut-il qu’un ministre se rendant sur le lieu du plus important accident nucléaire de ces 25 dernières années ne fasse pas de débriefing de sa visite aux ministres du gouvernement d’un pays obtenant 75% de son électricité par l’atome ?

 


Tour de ville en voiture, en tenue de protection, Futaba, zone interdite, le 18 février 2012 (Janick Magne)

3 A propos de l’ex-premier ministre japonais

 

L’ex-premier ministre Kan (qui a démissionné en août), dont Nathalie Kosciusko-Morizet cite un proverbe (« les vrais amis sont ceux qui viennent sous la pluie »), et qui avait reçu Nicolas Sarkozy le 31 mars 2011 à Tokyo, est aujourd’hui un ardent antinucléaire. Il a récemment déclaré à l’agence de presse Reuters :

« Avoir fait l’expérience de la catastrophe nucléaire du 11 mars m’a fait changer d’opinion. La principale raison est que nous avons été à un moment confrontés à la possibilité qu’il n’ait plus été possible de vivre dans la région englobant Tokyo et qu’il ait fallu évacuer. [...] Si nous en étions arrivés à ce stade, non seulement cela aurait été une terrible épreuve pour la population, mais l’existence même du Japon aurait été mise en péril. »

Peut-être cette compréhension tardive inspirera NKM, qui ne cache pas son ambition d’être investie d’une candidature à l’élection présidentielle de 2017. D’ici là, espérons qu’elle renonce à sa tendance à occulter les faits et qu’elle prenne le temps de s’imprégner de la situation au Japon et de comprendre le terrible impact des conséquences de la catastrophe nucléaire sur le peuple japonais.

 

 

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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 15:47

 

Rue89 - Nuage de fumée 13/04/2012 à 13h48
Nicolas Sarkozy a finalement admis, ce vendredi matin, ne s’être jamais rendu à Fukushima avec sa ministre de l’Ecologie, comme il le prétendait jusque-là. Interrogée par Rue89, Nathalie Kosciusko-Morizet admet que le président-candidat avait enjolivé son récit de voyage.

Le 6 avril, lors d’un meeting à Caen, Nicolas Sarkozy revenait sur les projets de François Hollande sur le nucléaire, et notamment la fermeture de la centrale de Fessenheim, en Alsace :

« Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons été à Fukushima. Apparemment, François Hollande, non. Parce que s’il avait été à Fukushima se renseigner, il se serait rendu compte de ce qui s’est passé à Fukushima, c’est d’abord un tremblement de terre, ensuite un tsunami extravagant. [...] Alors j’avoue que j’ai eu du mal à suivre la logique de M. Hollande. Alors, je suis à Fukushima au Japon, et voilà qu’il s’abat sur Fessenheim ! »

 

Nicolas Sarkozy au meeting de Caen

NKM : « Personne ne va à Fukushima »

NKM répondait justement ce vendredi matin aux questions de Rue89 et de ses riverains, au QG de Nicolas Sarkozy (cet entretien sera mis en ligne dans son intégralité en fin d’après-midi).

Elle reconnaît que Nicolas Sarkozy ne s’est jamais rendu à Fukushima (et elle non plus).

« Mais personne ne va à Fukushima ! Quand on dit “je vais à Fukushima, sur les lieux de l’accident”, c’est au plus proche des Japonais qui sont à ce moment-là dans la peine et la souffrance... Personne n’est allé à Fukushima. Fukushima, c’est une zone interdite [...]. C’est une espèce de fausse polémique comme ceux qui n’ont rien à dire en ont le secret. »

 

 

NKM sur le voyage de Sarkozy au Japon

Pas plus que Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet ne s’est donc rendue à Fukushima, mais elle s’en est davantage approchée :

  • comme elle l’expliquait déjà début avril sur son blog, elle s’est approchée à « une quarantaine de kilomètres » de la centrale ;
  • Nicolas Sarkozy, à Tokyo, est resté à une distance de plus de 200 km de la zone de l’accident ;
  • il pourra toujours faire valoir que François Hollande, à Paris, se trouvait encore plus en sécurité, à plus de 9 500 km de Fukushima.

Sarkozy : « Je ne suis pas ingénieur »

Nicolas Sarkozy a dû lui-même admettre, ce vendredi matin sur i>Télé, qu’il avait enjolivé son récit de voyage... mais en assurant à nouveau que sa ministre s’était bien rendue à Fukushima :

« Je ne suis pas ingénieur, je n’ai pas besoin d’aller mettre le nez dans la situation à Fukushima où par ailleurs il y avait un périmètre interdit. »

 

Nicolas Sarkozy sur iTélé

Sa mémoire lui joue décidément des tours :

  • Nicolas Sarkozy avait déjà raconté s’être rendu à Berlin dès le 9 novembre 1989 pour assister à la chute du mur : un décalage de 24 heures avec la réalité, qui modifiait la portée de son récit ;
  • pour dénoncer l’intolérance de la gauche, il a expliqué à plusieurs reprises avoir voté l’Acte unique européen voulu par François Mitterrand : un texte adopté en 1986, soit... deux ans avant que Nicolas Sarkozy devienne député.
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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 23:10
Vendredi 30 mars 2012
censureLes faits présentés ci-dessous sont réels. Ils ont servi et servent à atténuer l’impact d’informations dramatiques sur l’industrie nucléaire, voire à faire oublier aux hommes qu’une catastrophe de grande ampleur a lieu sur la Terre, celle qui a commencé il y a un an à Fukushima.
Toutes les astuces utilisées pour cacher les données, pour minimiser les dangers, pour éviter de reconnaître les responsabilités seront évidemment réutilisables pour la prochaine catastrophe qui ne manquera pas d’arriver bientôt, selon les lois statistiques, à l’un des 
                                                                            440  réacteurs répartis tout autour de la planète.
 
Alors voyons, quelles sont ces astuces ?
 
 
1) Effacer les données
 
Au Japon, les données de contamination obtenues via Speedi entre le 11 mars et le 15 mars ont été effacées « par mégarde ». Le système Speedi était sensé alerter la population rapidement en cas de pollution radioactive. Il n’a pas été utilisé, car les données recueillies ont été estimées « surréalistes ».
http://mainichi.jp/select/today/news/20120322k0000m040030000c.html?inb=tw
 
 
2) Etre frappé d’amnésie
 
Haruki Madarame« Je n'ai pas dormi pendant plus d'une semaine, et je ne me souviens de presque rien », a déclaré M. Haruki Madarame, directeur de la NISA (agence japonaise de sûreté nucléaire). Quand on est directeur de la sécurité nucléaire, il n’y a pas besoin d’assumer, il suffit d’être amnésique.
 
 
3) Ne pas communiquer les informations sensibles
 
Si toutefois on ne peut pas faire autrement, attendre plusieurs mois, par exemple avant d’annoncer la fonte des cœurs des réacteurs.
 
rapportcaviardéSi par hasard un organisme de sécurité vous demande la copie d’un rapport, il suffit de le caviarder pour éviter d’être reconnu responsable.
 
 
4) Une fois les cœurs fondus, ne jamais utiliser le mot « corium »  et ne jamais parler de reprise de criticité.
 
Si on en parle par mégarde, se rétracter immédiatement.
 
 
5) Surtout, ne pas diffuser les images des explosions !
 
La vidéo de l’explosion de l’unité 4 n’a jamais été rendue publique.
 
La vidéo de l’explosion de l’unité 3 ne doit plus être diffusée.
Exemples  :
- Le documentaire « Fukushima » (Thierry Lefranc) ne montre aucune explosion. Pourtant cette vidéo est censée expliquer les circonstances de la catastrophe.
 
- « Le déroulement de l'accident de Fukushima Daiichi » (IRSN) ne montre pas l’explosion de l’unité 3. Pourtant, ce film est censé détailler le déroulement de l'accident de la centrale de Fukushima Daiichi.
 
fukushima3Et bien sûr, si une explosion dont on a malencontreusement diffusé la vidéo a une allure bizarre, a un panache noir ou est trop puissante, surtout marteler qu’il s’agit d’une explosion d’hydrogène. Il n’est pas nécessaire d’en dire plus, les gens n’y connaissent rien en explosion nucléaire.
 
 
6) Nier une explosion si elle n’est pas visible
 
Tepco a modifié sa position sur l'existence d'une explosion dans le réacteur 2 et a conclu, 7 mois après les faits, qu'elle n'a pas eu lieu. Il est en effet préférable de nier ce qui ne se voit pas. 3 explosions au lieu de 4, c’est toujours ça de pris.
 
 
7) Faire des tours de magie pour démontrer l’innocuité de la radioactivité
 
401830-yasuhiro-sonoda-occupe-poste-secretairePar exemple, boire en public de l’eau de refroidissement d’un réacteur nucléaire, comme l’a fait Yasuhiro Sonoda, secrétaire parlementaire.
 
 
8) Diffuser des cartes truquées
 
Mabesoone contamination-des-sols-monitoring-aerien mUne carte de contamination du Japon a été diffusée, puis rapidement modifiée. Il ne faut pas affoler inutilement les populations. Il ne faut pas non plus accréditer l’idée que la pollution radioactive ait pu retomber à des centaines de kilomètres de la centrale.
 
 
9) Ne jamais parler de plutonium
 
Ne parler que de l’iode et des césiums, surtout ne pas parler ni rechercher de traces de plutonium, d’américium, de strontium, etc. qui ont des périodes radioactives trop longues. Et si par hasard on retrouve du plutonium, surtout dire qu’il n’est pas dangereux pour la santé et qu’il provient des essais atmosphériques des années 60. Mais en général, il faut éviter de rechercher du plutonium, ça permet de ne pas en trouver, et du coup de ne pas inquiéter la population.
 
Si on est obligé de parler de plutonium, alors il ne faut pas hésiter à mentir, à la télévision, on peut dire n’importe quoi ça passe bien et ça rassure les gens :
« Si vous comparez la toxicité, le plutonium, lorsqu'il est ingéré, n'est pas très différent de celle du sel. » (Tadashi Narabayashi)
 
 
10) Modifier les seuils légaux
 
eau-robinet-verreComme on ne peut pas tout manipuler et que les gens achètent des compteurs Geiger, un moyen radical est de changer les normes. S’il y a trop de radioactivité, il suffit que le gouvernement décrète des seuils plus hauts. Par exemple au Japon, les normes de radioactivité pour l’eau potable ont été relevées : le taux limite était précédemment de 10 Bq/litre pour le césium et l’iode ; il est à présent de 200 Bq/litre pour le césium et de 300 Bq/litre pour l’iode.
Comme la radioactivité est invisible et inodore, tout le monde n’y voit que du feu !
 
Une autre astuce est de déplacer les sondes. Au Japon, on les a remontées entre 20 et 80 m au dessus du sol et de ce fait les mesures ont été plus faibles. Peu importe si cela conduit les enfants japonais à être exposés à 20 mSv/an ‒ comme la limite des travailleurs d’une centrale nucléaire en France ‒ cela ne se verra pas. S’ils tombent malades dans l’avenir, personne ne pourra prouver l’origine des maladies.
 
 
11) Eparpiller les déchets radioactifs dans tout le pays
 
Cette technique est nouvellement expérimentée au Japon, mais ça marche ! Cela a deux avantages : d’abord ça permet d’augmenter en douceur le bruit de fond radioactif général sans créer de manifestation antinucléaire ; la banalisation de la radioactivité est l’avenir de cette énergie ! Ensuite cette dissémination des radionucléides dans l’environnement provoquera des maladies mieux réparties sur l’ensemble du territoire japonais, ce qui permettra de pourfendre l’idée que la région de Fukushima a été plus atteinte que les autres, et donc que globalement, un accident nucléaire n’est pas si catastrophique que ça.
 
<span style= "font-family: Times New Roman; font-size: 12pt;"><span style="font-family: Times New Roman; font-size: 12pt;" _mce_style="font-family: Times New Roman; font-size: 12pt;"><span style="font-family: Times New Roman; font-size: 12pt;" _mce_style="font-family: Times New Roman; font-size: 12pt;"><br> <a href="http://www.dailymotion.com/video/xpkpwd_pression-du-gouv-du-japon-pour-incinerer-les-debris-radioactifs-dans-tout-le-pays-28-01-2012_news" _mce_href="http://www.dailymotion.com/video/xpkpwd_pression-du-gouv-du-japon-pour-incinerer-les-debris-radioactifs-dans-tout-le-pays-28-01-2012_news" target="_blank">Pression du gouv. du Japon pour incinérer les...</a> <em>par <a href="http://www.dailymotion.com/kna60" _mce_href="http://www.dailymotion.com/kna60" target="_blank">kna60</a></em></span></span></span>
 
Si des municipalités refusent de brûler des déchets radioactifs, proposer aux élus de plus grosses enveloppes. L’industrie nucléaire réussit à acheter toutes les consciences, que ce soit pour la construction d’une centrale, l’implantation d’un centre de stockage et maintenant l’acceptation d’incinérer ou d’enterrer des déchets radioactifs n’importe où.
 
 
12) Ne jamais utiliser le terme de catastrophe
 
Préférer les termes « accident » ou « incident » qui sont plus appropriés. L’industrie nucléaire n’a pas les moyens d’assumer une nouvelle catastrophe, Tchernobyl a déjà beaucoup trop coûté.
 
Et surtout, toujours faire l’amalgame avec la catastrophe naturelle provoquée par le tsunami, c’est très important de brouiller les pistes.
 
 
13) Diffuser des articles affirmant que l’accident n’a fait aucun mort.
 
Il est important que ces articles soient écrits par des « experts scientifiques ».
Exemple, l’article de Michael Hanlon publié dans le Daily Telegraph et repris par de nombreux sites francophones, « Tsunami : 20 000 morts - Fukushima Daiichi : zéro mort »
 
Il est primordial de diffuser cette idée que l’énergie nucléaire n’est pas dangereuse. Peu importe s’il y a déjà eu des morts ou s’il y en aura, le seul intérêt visé étant la sauvegarde des profits générés par l’industrie nucléaire.
 
Utiliser les hommes politiques pour diffuser ces mensonges est important, ça fait plus sérieux :
« [Le nucléaire] est une énergie qui n'a tué personne ». (Gérard Longuet)
 
 
14) Si par malheur il y a des morts, ne jamais dire que les personnes sont mortes à cause de la radioactivité.
 
Il existe des tas de noms de maladies, il faut utiliser un de ces noms, c’est assez simple : leucémie foudroyante, infarctus, surmenage, etc.
Sinon, une astuce pour éviter de parler des décès des ouvriers est de ne pas comptabiliser les employés qui font des travaux dangereux, surtout dans les premiers mois. Il suffit d’utiliser massivement des entreprises de sous-traitance, de licencier les ouvriers concernés une fois qu’ils ont terminé leur travail et le tour est joué !
 
 
15) Organiser la vie des territoires contaminés comme si rien ne s’était passé pour faire croire à la population que tout est normal.
 
marathonExemple : organiser des marathons sur les routes et chemins contaminés de la préfecture de Fukushima. Le fait d’utiliser des enfants qui n’ont pas conscience du danger est excellent en termes d’impact visuel : « Si les parents laissent leurs enfants respirer à pleins poumons la poussière de Fukushima, c’est qu’il n’y a vraiment aucun danger », pensent les gens qui ont connaissance de ces évènements.
 
 
16) Effacer des moteurs de recherche les liens directs vers des articles trop sensibles
 
Ce qui est gênant avec l’Internet, c’est que d’autres sites reprennent ces articles et que les internautes peuvent finalement y avoir accès. Il est très regrettable que la population obtienne trop d’informations sur les effets des radiations à faible dose sur la santé car des millions de personnes vivent à côté de centrales nucléaires dans le monde. Désinformer sur les faibles doses est primordial pour l’avenir de l’industrie nucléaire.
Au besoin, il ne faut pas hésiter à neutraliser les scientifiques qui tendraient à prouver ces dangers.
BandazhevskyExemple : le professeur Bandazhevsky, recteur de l'Institut de médecine de Gomel, a été condamné à 8 ans de réclusion après avoir tenté de faire connaître ses résultats sur les faibles doses pour les enfants de Tchernobyl.
 
 
17) Et surtout, il faut à la fois minimiser et positiver ! C’est excellent pour le moral, et ça permet de ne pas à avoir à expliquer l’inexplicable.
 
Quelques exemples :
Ce n’est « pas une catastrophe nucléaire » (Eric Besson, ministre de l’industrie)
 
11 avril 2011 : « Dans trois mois (…) les habitants pourront théoriquement revenir » (Thierry Charles, IRSN)
...phrase en parfaite concordance avec ce que pense Jean-Marc Jancovici : « Il n’y a plus de raison sanitaire, aujourd’hui, d’empêcher le retour des populations évacuées à Fukushima, qui, au final, n’aura fait aucun mort par irradiation. »
 
 « Le corium (...) s’est retrouvé en partie au fond des réacteurs, on verra en quoi ce n’est pas forcément un problème en termes d’impact environnemental. » (Olivier Isnard, IRSN)
 
Il faut aussi bien expliquer à la population que si on reste de bonne humeur, cela stoppe les radiations : selon le professeur Yamashita, Conseiller à la Gestion des risques de santé dus aux radiations dans la préfecture de Fukushima, « Pour dire la vérité, les radiations n'affectent pas les gens qui sourient, mais ceux qui sont soucieux. Cela a été clairement démontré par des études sur des animaux. »
 
« Nous souhaitons que tous viennent au Japon en toute quiétude pour travailler, étudier ou faire du tourisme."
 « Venir au Japon et acheter des produits japonais, y compris ceux produits dans les régions sinistrées, constitue le meilleur soutien à la reconstruction que l’on puisse fournir. » (ambassade du Japon en France)
   
 « Nous avançons assurément vers la reconstruction et la régénération de notre pays » (Ichiro Komatsu, ambassadeur du Japon en France)
 
 
18) Pour finir, une bonne couche de désinformation et le tour est joué !
 
Au cas où tout le reste ne prendrait pas, réaffirmer des mensonges fondamentaux du genre : « L’accident de Fukushima n’est pas un accident nucléaire » (le président de la république française, Nicolas Sarkozy)
 
Puis, produire des vidéos idylliques de ce type pour convaincre définitivement les récalcitrants, en particulier les touristes, pour leur faire croire qu’au paradis de Fukushima, la poussière du sol est propre, et que les enfants peuvent y jouer en toute quiétude.
 

 
 
 
Donc résumons le discours des tenants de l’industrie atomique qui veulent effacer cette catastrophe nucléaire : oui, il y a bien eu un accident à Fukushima dans une centrale nucléaire. Mais bon, c’était il y a plus d’un an. En fait, il n’y a pas eu de mort, et la centrale est depuis longtemps sous contrôle. Le peu de radioactivité qui s’en est dégagé s’est finalement dilué dans l’immensité de l’océan, et de toute manière la radioactivité n’est pas dangereuse pour la santé. Au contraire, elle crée des paradis où il fait bon vivre et se régénérer.
 
Vue comme ça, elle n’est pas belle la vie ?
 
 
 
   

 

 

--------------------------------

 

Mises à jour : astuces en bonus

 

 

19) Décontaminer au maximum les endroits où sont placés les compteurs

 

Exemple 1 : un lecteur de ce blog a remarqué que les taux de radioactivité de la centrale de Fukushima Daiichi avaient chuté au mois de mars 2012. Ainsi, pour éviter que l’on se rende compte que la centrale pollue chaque jour de l’année avec effet cumulatif, il suffit de bien nettoyer les abords des 8 sondes, ce qui permet de faire croire que l’ensemble du site voit son taux de radioactivité décroître.

http://fukushima.over-blog.fr/article-voir-fukushima-32-101800233-comments.html#anchorComment

 

Exemple 2 : après avoir remarqué que ses propres mesures au compteur Geiger étaient nettement plus faibles que celles présentées par les postes de contrôle des radiations du MEXT, un citoyen de Fukushima a prouvé qu'un poste de surveillance des rayonnements est décontaminé secrètement pour réduire les niveaux de rayonnement enregistrés.

http://aweb2u.free.fr/dotclear/index.php?post/2012/03/29/Decontamination-secrete-autour-des-moniteurs-publics

 

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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 18:03
| Par Michel de Pracontal

Un an après la catastrophe, où en est-on à Fukushima ? Mediapart a interrogé Mycle Schneider, consultant international dans le domaine de l'énergie et de la politique nucléaires, et membre de l'International Panel on Fissile Materials (IPFM), basé à l’université de Princeton, aux Etats-Unis. Coordinateur et auteur principal du World Nuclear Industry Status Report, Mycle Schneider a conseillé des organismes aussi divers que la Commission européenne, le CNRS, l’IRSN, l’Unesco, l’AIEA ainsi que Greenpeace, le WWF et l’INPPW. Il a aussi été conseiller des cabinets du ministre français de l’environnement et du ministre belge de l’énergie et du développement durable (de 1998 à 2003) et du ministère de l'environnement allemand (2000-2010). Membre du conseil d’administration du Takagi Fund for Citizen Science à Tokyo, il connaît bien le Japon où il a effectué de nombreuses visites. Il s'est rendu au début de cette année dans la région de Fukushima et brosse ici un tableau inquiétant de la situation.

 

Mycle Schneider en 2010 
Mycle Schneider en 2010© Boellstiftung

Mediapart. Vous avez lu notre fiction décrivant ce que pourrait être une catastrophe majeure à la centrale nucléaire de Fessenheim. Vous qui séjourniez récemment au Japon, pensez-vous qu’un Fukushima à Fessenheim est possible ?

Mycle Schneider. Votre fiction est parfaitement plausible. On peut bien sûr discuter de tel ou tel détail technique, mais cela ne change rien au fond. Une catastrophe nucléaire pourrait se produire en France. D’ailleurs, les autorités ne le nient plus. À cet égard, la rhétorique des responsables français a changé de manière remarquable depuis Fukushima. Le patron de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) admet qu’il n’existe aucune garantie qu’un accident grave ne se produira jamais en France. Et le directeur de l’IRSN, l’organisme responsable de l’expertise technique dans le nucléaire, dit qu’il faut « imaginer l’inimaginable ». De tels propos sont inédits de la part des responsables du nucléaire français. Pourtant, au-delà de ce discours, on continue de faire comme si de rien n’était. À Fessenheim, dont les points faibles sont bien connus, et dans une moindre mesure sur d'autres sites, on a prévu des modifications pour améliorer la sûreté, mais elles ne sont pas considérées comme une urgence, c’est le moins qu’on puisse dire.

Il ne faudrait pas que l’accident arrive demain… Pour en revenir à Fukushima, un an après le tsunami, peut-on dire que la catastrophe est sous contrôle ?

Non, loin de là. À certains égards la situation reste aussi incertaine qu’il y a six mois ou un an. Le discours officiel affirme que la centrale de Fukushima Daiichi est en « arrêt à froid », mais ce terme s’applique à une installation en exploitation normale. Il n’a aucun sens ici. Le gouvernement et Tepco, le propriétaire de la centrale, s’efforcent de créer l’illusion d’une normalité qui ne correspond pas à la réalité. Cette illusion est d’ailleurs dénoncée par des articles dans les grands journaux japonais, à l’image du quotidien Mainichi qui a récemment publié un article expliquant que la crise était loin d’être réglée (« far from over »). C’est aussi ce qu’affirment des experts de plus en plus nombreux. Et il ne s’agit pas d’écologistes ou de militants antinucléaires, mais de professionnels de l’industrie de l’atome civil. Tel est le cas, par exemple, de Masashi Goto, un ingénieur à la retraite qui travaillait à la conception d’installations nucléaires chez Toshiba jusqu’en 2009. Aujourd’hui, Goto se montre très critique à l’égard de l’industrie nucléaire japonaise. Il a affirmé (voir Science, 27 janvier 2012) que les stress tests effectués sur les centrales japonaises à la suite de la catastrophe étaient insuffisants et « ne constituaient pas une preuve de la sûreté » des installations. Son point de vue est d’autant plus significatif que Goto fait partie d’un comité scientifique consultatif pour la Nisa, l’autorité japonaise de sûreté nucléaire. Masashi Goto a déclaré, avec le physicien Hiromitsu Ino, lui aussi membre du comité de la Nisa, que leurs objections avaient été ignorées dans le rapport final sur les stress tests. De telles déclarations constituent un élément nouveau. Des gens comme Goto ne s’exprimaient pas publiquement, jusqu’à un passé récent.

Le Japon ne possède pas de robots adaptés à l'exploration d'une centrale nucléaire accidentée

Que peut-on dire de la situation à la centrale de Fukushima ?

On ne sait toujours pas quel est l’état précis de l’installation. Une grande partie des informations dont on dispose découle de calculs, de scénarios, faute de données réelles fournies par des instruments de mesure et des capteurs. Un exemple frappant : la première fois que les opérateurs ont introduit une caméra dans un bâtiment réacteur, ils pensaient arriver au niveau de l’eau, alors qu’en fait ils n’y étaient pas du tout. La deuxième fois, le 26 mars 2012, ils ont introduit une caméra dans la cuve du réacteur n°2 et se sont rendus compte qu’il ne restait que soixante centimètres d’eau environ, cinq fois moins que ce qu’ils pensaient. Tepco n’est même pas capable de dire où se trouve l’eau dans les bâtiments ni combien il y en a dans la cuve du réacteur n°2. La radioactivité mesurée dans le bâtiment réacteur atteint jusqu’à 73 sieverts par heure (Sv/h). C’est une dose létale, à comparer à la dose maximale admissible sur le plan réglementaire pour le public qui est de 1 millisievert par an !

N’était-il pas possible d’introduire des robots sur le site ?

Paradoxalement, bien que le Japon soit le pays des robots, on a découvert qu’il n’y en avait pas qui soient adaptés à l’exploration d’une centrale nucléaire accidentée. Les Japonais n’ont pas de robots qui puissent circuler parmi les gravats. De plus, il se pose un problème de télécommande : les parois de béton sont trop épaisses pour laisser passer les ondes radio. Bref, il n’y a pas de solution robotique prête à fonctionner aujourd’hui. Il faut ajouter que le niveau très élevé de radioactivité complique le problème. Les radiations dégradent la qualité des images filmées. Et rendent évidemment très difficile et risqué le travail sur le site. Du fait de ces problèmes, les opérateurs manquent de données réelles sur l’état de la centrale, et doivent se baser sur des scénarios dont la fiabilité reste à déterminer. 

Quels sont aujourd’hui les principaux risques sur le site nucléaire ?

J’en citerai deux. D’une part, on ne peut toujours pas exclure un scénario de re-criticité avec redémarrage de la réaction nucléaire au sein du combustible d’un des réacteurs (voir à ce sujet notre article ici). Un tel phénomène provoquerait un dégagement de chaleur et d’énergie, et une émission de neutrons très dangereuse pour les travailleurs de la centrale. Plusieurs physiciens affirment que l’hypothèse d’un phénomène de re-criticité reste d’actualité, même si elle est controversée. Il existe un autre risque très sérieux : c’est qu’un bâtiment s’effondre. En particulier, le bâtiment réacteur n°4, qui a été fragilisé par des explosions et dont la piscine contient une grande quantité de combustible irradié. Il faut savoir que la piscine se trouve entre les quatrième et cinquième étages. Si le bâtiment s’écroulait, ce serait un véritable cauchemar, car la dose reçue à un mètre de distance du combustible serait létale en moins d’une minute, interdisant tout accès. Tepco a renforcé la structure de la piscine de la tranche 4, mais cela paraît très insuffisant pour garantir qu’il n’y aura pas de problème. La situation ne sera vraiment stabilisée que lorsqu’on aura sorti le combustible irradié de l’installation. Le début des opérations n’est pas prévu avant 2013 sur la tranche 4 et plus tard pour les autres. De nombreux équipements ne fonctionnent plus, en particulier les ponts de levage au-dessus des piscines. Un château de transport de combustible irradié pèse 100 tonnes. Il va falloir reconstruire un aménagement à côté de chaque tranche…

« Depuis un an, on n'a guère progressé vers une situation stable et sûre »

En somme, on n’est pas près de régler la situation...

Non, d’autant qu’une autre difficulté vient s’ajouter : si le séisme principal s’est produit il y a un an, il y a eu depuis des centaines de secousses. Jusqu’au début du mois de février 2012, le gouvernement japonais a recensé 588 tremblements de niveau 5 sur l’échelle de Richter, 96 de niveau 6 et six de niveau 7. On imagine les conséquences pour l’intégrité des bâtiments. En outre, au début de l’année, on a observé au moins vingt-huit ruptures de tuyaux en quelques jours à cause de gels. Ce genre d’incident complique la tâche de l’exploitant, qui continue d’injecter de l’eau en permanence, entre dix et vingt mètres cubes par heure au total, pour refroidir les cœurs des réacteurs via des tuyauteries improvisées. Il y a toujours environ 100 000 mètres cubes d’eau contaminée dans la partie basse des bâtiments. On n’arrive pas à diminuer sensiblement cette quantité d’eau. La décontamination produit des boues hautement radioactives, dont il faut gérer le stockage.

 Globalement, ce que vous décrivez donne une impression d’à-peu-près, de bricolage…

C’est le cas. Depuis un an, on n’a guère progressé vers une situation stable et sûre. Tepco n’arrive toujours pas à maîtriser la situation.

Quelle stratégie alternative serait possible ?

Je reste persuadé qu’il ne faut pas laisser Tepco travailler seule dans son coin. Il ne s’agit pas de pointer du doigt la firme japonaise, mais de lui tendre la main. Je suis étonné, à cet égard, de l’absence de proposition des autorités françaises, allemandes, américaines… Jusqu’à présent, il n’y a pas de véritable coopération internationale pour résoudre cette crise qui est pourtant mondiale, et sans précédent. Il n’y a eu que des coopérations bilatérales, entre le Japon et les Etats-Unis, le Japon et la France, etc. Dès le mois de mars 2011, j’ai lancé un appel à constituer une task force internationale, avec les meilleurs experts de chaque pays possédant une industrie nucléaire. Mais cet appel n’est pas entendu et on maintient ce système dans lequel Tepco se débrouille plus ou moins seule, alors qu’elle a largement démontré qu’elle était dépassée par la crise. Le résultat, c’est que les Japonais continuent d’improviser, sans résoudre réellement les problèmes. Cela dit,  je n’abandonne pas cette idée d’une task force internationale, bien au contraire.

Ce caractère improvisé, ce bricolage, s’applique-t-il aussi aux mesures de protection des populations à l’extérieur du site ? 

Malheureusement oui, dans une large mesure. Au cours d’une visite au Japon en janvier, j’ai vu aux abords de la zone d’évacuation des camions transporter de la terre probablement contaminée de l’extérieur de la zone vers l’intérieur. J’ai vu des équipes de décontamineurs en habits de protection « nettoyer » un parking au Kärcher, sans récupérer l’eau ! Autrement dit, on pousse la radioactivité d’un endroit à un autre. Le gouvernement a lancé le mot d’ordre de « décontamination », mais il n’y a pas de plan d’ensemble, de dispositif global pour décontaminer efficacement les endroits ciblés et gérer durablement les déchets engendrés.

Le gouvernement ne dispose-t-il pas d’une carte de la contamination ?

Si, mais pas suffisamment détaillée. Un an après la catastrophe, on n’a toujours pas de cartographie précise de la radioactivité. Le problème est qu’il existe de grandes variations sur de petites distances, de sorte que pour être utile, la cartographie devrait être poussée à un degré de résolution très fin. J’ai pu me rendre compte de ces variations au cours de ma visite dans la région. Un dosimètre était placé à l’extérieur du bus et deux autres à l’intérieur. J’ai constaté que l’on avait deux fois plus de radioactivité à l’extérieur. Dans l’environnement, les mesures allaient jusqu’à 2,7µSv/h à deux mètres de hauteur soit plus de 10 µSv/h à un mètre, soit 100 fois la dose maximale admissible réglementaire en temps normal. Une association privée a établi une carte pour la zone de la ville de Koriyama, qui se trouve à soixante kilomètres de la centrale. On y a relevé des niveaux de radioactivité très supérieurs à ceux de la zone d’évacuation de Tchernobyl. À Minamisoma, à vingt-cinq kilomètres de la centrale de Fukushima, et en dehors de la zone de restriction, on mesure aussi en de nombreux points des niveaux de contamination supérieurs à ceux de la zone d’évacuation de Tchernobyl. Ces exemples montrent pourquoi il faudrait disposer d’une cartographie d’ensemble très détaillée pour savoir exactement à quel niveau de radiation, et donc à quel risque, sont exposées les populations.

« Il arrive que des parents soient évacués et pas leurs enfants »

Aujourd’hui, ce n’est pas le cas ?

On dispose de nombreuses mesures ponctuelles, de provenances diverses, qui permettent d’identifier certains des points chauds importants. En se déplaçant de moins d’un kilomètre, on peut constater une différence d’un facteur dix ! Il faudrait des relevés systématiques. On peut illustrer le problème par un cas qui a fait du bruit : on a découvert fortuitement qu’un bâtiment tout neuf, destiné à accueillir des habitants évacués de leur maison, avait été édifié avec des matériaux de construction à partir de pierres broyées très fortement contaminées. On s’en est aperçu quand une gamine de dix ans, qui portait un dosimètre, a emménagé dans le bâtiment. Après peu de temps, son dosimètre s’est mis à afficher des mesures hallucinantes. Mais ce bâtiment avait été entièrement construit sans qu’on ne remarque rien !

Par ailleurs, le fait qu’on s’appuie sur des mesures ponctuelles conduit à des absurdités. Par exemple, il peut arriver que des parents soient évacués et pas leurs enfants, parce que ces derniers n’habitent pas dans la maison des parents dont le taux de contamination dépasse les normes officielles justifiant l’évacuation, tandis que la maison juste à côté affiche une valeur juste en dessous du seuil fatidique.

Comment les gens réagissent-ils à la situation ? 

Il y a une revendication forte pour le « droit à l’évacuation ». Les gens veulent avoir le droit de décider individuellement de ce qu’ils jugent dangereux. Mais il faut aussi prendre des mesures de protection ciblées, en particulier pour les enfants qui sont doublement pénalisés, à la fois parce qu’ils sont plus sensibles et parce que leur taille les expose davantage à l’environnement contaminé. Il faut améliorer la décontamination des écoles. Dans des communes importantes comme Minamisoma, les enfants n’ont pas le droit de jouer dehors, ni dans les parcs ni dans les piscines. Des dizaines de milliers d’enfants ne peuvent pas faire de sport à l’extérieur.

Pourquoi les mesures de décontamination ne sont-elles pas organisées de manière plus méthodique ?

Actuellement, c’est le règne du bricolage. Il faudrait faire tout un travail d’éducation du public pour apprendre aux citoyens à identifier les endroits dangereux. Par exemple, les gouttières, et en général les endroits où les eaux se concentrent, accumulent de la radioactivité. Il faudrait apprendre aux gens à nettoyer leurs gouttières. Il faut créer des endroits où entreposer les matières contaminées. Un documentaire filmé par NHK, Mapping Fukushima, montre des situations absurdes comme celle-ci : pour décontaminer une école, on enlève trois centimètres de terre dans la cour ; mais où la mettre ? Faute de solution, on en a fait un tas… dans la cour de l’école !

Comment expliquer ce manque d’organisation, dans un pays aussi sophistiqué que le Japon ?

Un des principaux obstacles est d’ordre psychologique. Pour traiter sérieusement la décontamination, il faut avoir en tête que le problème ne va pas disparaître avant des années, voire des décennies. Que certains territoires seront perdus pour des siècles. Que la contamination radioactive s’inscrit dans la durée. Or, les habitants des régions concernées ne sont pas prêts à accepter cette notion de durée. Ils pensent que ça va s’arrêter comme ça ! Je suis allé à une réunion où j’ai expliqué cette notion de durée. Les gens ont fondu en larmes. Ils n’en peuvent plus, ils sont dans un état de stress et de désespoir.

Le pouvoir central est en conflit avec les autorités locales

Qu’en est-il de la contamination radioactive des aliments ?

C’est un peu la même chose : il n’y a pas de système homogène qui permette de contrôler l’ensemble de la chaîne alimentaire. On a bien sûr instauré des niveaux limites pour qu’un produit soit consommable. Mais le nombre de mesures officielles est insuffisant et n’inspire pas confiance. En conséquence, de nombreuses mesures sont effectuées de manière individuelle par les agriculteurs, les distributeurs, les associations et les citoyens, et c’est assez anarchique. De plus, même lorsque des produits sont exempts de radioactivité, si l’étiquette indique « Fukushima », les gens de Tokyo ne les achètent pas. La préfecture de Fukushima était la principale région de production d’agriculture biologique. Cette agriculture est menacée de faillite. À Iitate, un agriculteur, père de deux petits enfants, s’est suicidé, désespéré par la situation. Il faudrait un système de certification, un label officiel, qui permettrait aux agriculteurs de vendre leurs produits tout en garantissant la sécurité. 

Le gouvernement est-il globalement dépassé ?

Il ne fait pas ce qu’il faudrait pour donner l’impression qu’il va régler les problèmes. Il faut savoir que la contamination radioactive n’est pas une donnée statique, mais dynamique. La radioactivité redescend peu à peu des montagnes, de sorte que l’on va découvrir de plus en plus de terres contaminées, de lieux où les gens, en particulier les agriculteurs, seront exposés. Et ce n’est pas un cas isolé. Le pouvoir central n’anticipe pas. Face à cette incurie, on voit émerger un rôle de plus en plus important des municipalités, des communautés locales. Des maires se mobilisent, tentent de monter des projets pour leur ville… 

Quelle est l’attitude des municipalités vis-à-vis de l’avenir du nucléaire au Japon ?

Le pays se trouve aujourd’hui dans une situation de rupture tout à fait inédite : officiellement, le gouvernement n’a pris aucune décision politique de sortie du nucléaire ; mais en même temps, sur les 54 réacteurs nucléaires que compte le pays, 53 sont aujourd’hui à l’arrêt – au fait, l’île principale du Honshu est désormais sans électricité nucléaire – et le dernier qui tourne encore sur Hokkaido devrait être stoppé pour rechargement et inspection le 5 mai 2012. Le lobby dans le gouvernement et l’industrie – ce que l’on appelle au Japon le « village nucléaire » – veut faire redémarrer les centrales. Mais l’opinion est majoritairement contre, des experts de plus en plus nombreux critiquent le nucléaire, et les communautés locales sont fortement opposées au redémarrage des réacteurs. D’où une situation de conflit entre le pouvoir central, les préfectures et les municipalités. Or, il existe au Japon une loi non écrite selon laquelle le pouvoir n’impose pas le fonctionnement d’une installation nucléaire contre la volonté des populations locales. Et le premier ministre, Yoshihiko Noda, s’est engagé à respecter les vœux des municipalités. Dans ces conditions, il risque d’être très difficile de faire repartir les réacteurs. D’autant que, depuis un an, le pays s’adapte peu à peu à une vie sans électricité nucléaire. L’avenir dira si c’était une attitude de circonstance ou si le Japon a réellement pris le tournant de la sortie du nucléaire et de la réduction de sa consommation d’énergie. S’il y parvient, à côté de l’Allemagne, cela montrera que la prétendue fatalité qui interdirait, en France, de se passer du nucléaire, est en fait une fiction inventée par les nucléocrates. Pire, l’avance prise par ces pays dans la mise en place de concepts et de technologies innovants, ultra-efficaces et respectueux de l’environnement pourrait s’avérer irrattrapable. Une chose est sûre : il vaut mieux préparer une sortie du nucléaire que de la subir.

 

 

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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 17:50

 

Rue89 - Entretien 31/03/2012 à 17h42
Nadine et Thierry Ribault | Ecrivain et chercheur au CNRS
 

Capture d’écran de Wataru Iwata, lors d’une interview télé (Japan National Press Club)

Le 13 mars 2011, deux jours après le tremblement de terre du Tohoku, le raz-de-marée et l’accident nucléaire de Fukushima, le compositeur Wataru Iwata abandonne son studio de la banlieue de Tokyo pour se réfugier à Kyoto.

Il est parfaitement conscient, comme l’ensemble de la population désormais, qu’une catastrophe sans précédent – dont l’ampleur dépassera même de loin celle de Tchernobyl – vient d’avoir lieu. Après des nuits d’insomnie, Wataru Iwata, qui ne s’est jamais engagé dans aucun groupe activiste, humanitaire ou politique, décide de partir pour le département de Fukushima le 20 mars, dans un élan qu’il n’explique même pas.

Durant les trois mois qui suivent, il bâtit « Projet 47 », en référence aux 47 départements du Japon. Des fonds sont réunis pour organiser l’évacuation des sinistrés et acheter des appareils d’évaluation du rayonnement qui permettront de prendre des mesures et de les publier. Car il explique alors :

« La situation au Japon ressemble de plus en plus à celle d’une période de guerre : il est recommandé de porter à la télévision, dans les magazines et sur Internet, les bâillons de la restriction volontaire. »

Les observateurs de « Projet 47 » se rendent dans les fermes, les écoles, chez les gens, avec les radiomètres et les compteurs Geiger, prennent des mesures et les diffusent sur le site internet de l’association. Ils veulent provoquer ce qu’ils appellent « l’auto-évacuation » : les gens doivent décider à titre personnel d’évacuer la zone sinistrée, puisque l’Etat ne les contraint pas à le faire.

Wataru Iwata, « un entêté et un inquiéteur »

Face à l’infinie gestion du désastre, « il faut l’insoumission absolue », dit Wataru Iwata. L’indignation, tellement en vogue ces derniers temps, parce qu’elle est avant tout un aveu d’impuissance, ne suffit pas. En juin 2011, il résilie son bail à Tokyo et prend en location, dans la ville de Fukushima, un une-pièce où il vivra au milieu des instruments de mesure du rayonnement – matérialisant de la sorte et rendant effective, le 1er juillet 2011, l’existence de la première station autonome de mesure des radiations au Japon.

Cette station s’inscrit dans le cadre des actions menées par la nouvelle structure fondée par « Projet 47 » et baptisée « Laboratoire citoyen de mesure de la radioactivité » (CRMS pour « Citizen’s Radioactivity Measuring Station »). « Le jour de la mise en service du Whole Body Counter (WBC, l’appareil permettant d’effectuer des mesures anthropogammamétriques), dit Wataru Iwata, cent demandes ont été déposées en cinq minutes. Nous avons dû fermer. » Peu à peu, d’autres centres sont mis en service : à Kôriyama, Fukagawa, Nihonmatsu, Tamura. Le 14 décembre 2011, la première station citoyenne de mesure de la radioactivité du réseau CRMS ouvre ses portes à Tokyo.

Wataru Iwata n’appartient à aucune organisation hiérarchique et ne dépend de personne. C’est sa propre volonté qui l’a mis en mouvement au lendemain de la catastrophe de Fukushima. C’est un entêté et un inquiéteur.

Le 27 novembre 2011, lors d’un meeting d’information auprès de la population, organisé par le CRMS à Kyoto, il déclare qu’il se méfie du WBC dont l’usage a pour conséquence de déculpabiliser les gens qui ont décidé de ne pas bouger. Les gens de Fukushima ayant fui pour s’installer à Kyoto l’interrogent : comment prouver quoi que ce soir plus tard, en cas de maladie ? Wataru leur conseille de conserver les dents des enfants, leurs cheveux. Après le meeting, il nous avoue songer à changer de direction, qu’il veut mener une lutte plus franche contre les autorités, et contre tous les apathiques.


Wataru Iwata (deuxième à gauche) et l’équipe d’organisation de la Conférence internationale citoyens et scientifiques, à Tokyo le 12 octobre 2011 (Thierry Ribault)

Les mères n’avaient pas confiance

Nous avons rencontré Wataru Iwata le 12 février 2012, à Fukushima lors du symposium « Protéger la vie de l’irradiation ». Entretien.

Nadine et Thierry Ribault : Quel est votre bilan sept mois après la création de CRMS ?

Wataru Iwata : Les résidents de Fukushima se sont rapprochés de nous lorsque nous sommes arrivés avec nos appareils pour mesurer la radioactivité. Notre objectif n’était pas de pousser les gens à fuir, mais de leur donner l’information pour qu’ils soient en mesure de décider par, et pour eux mêmes.

Les gens ne pouvaient pas parler de radiations, ils ne pouvaient pas évoquer la centrale nucléaire. Les autorités centrales et locales ne faisaient aucune proposition pour lutter contre la contamination. En revanche, ils ont augmenté les seuils annuels tolérables de radiation.

Le mot d’ordre était « courage Fukushima ! » Et l’on incitait les gens, y compris les enfants dans les écoles, à consommer la nourriture de Fukushima. Les gens qui s’inquiétaient des risques liés aux radiations ont vite compris qu’il fallait se protéger de l’irradiation interne comme de l’irradiation externe. Les mères, inquiètes du régime alimentaire de leurs enfants, ont tiré la sonnette d’alarme.

Les mères n’avaient donc pas confiance ?


« Gare de Fukushima : le cheval du bonheur », le 25 mars 2012 (Thierry Ribault)

Non, ce qui était légitime. Les gens du gouvernement se souciaient peu de la santé et de la sécurité des gens. Il y avait un manque d’information précise. Les autorités m’ont avoué avoir sélectionné, par exemple, trois échantillons de riz avant de décréter que le riz était consommable puisque contaminé à moins de 5 000 becquerels par kilo. Or c’est beaucoup trop général, quand on sait que la contamination change tous les 100 m.

Un fossé énorme se creusait entre la réalité et la représentation de la réalité par les autorités. Leurs postes de contrôle des débits de dose externe étaient situés à 20 m du sol, conçus pour mesurer la radioactivité en cas de test d’armes nucléaires. Lorsque nous avons ouvert la première station à Fukushima, nous étions censés commencer à 13 heures et les gens faisaient déjà la queue à 11 heures. Je leur ai dit qu’on ne pouvait pas mesurer l’eau, alors que la plupart d’entre eux en apportaient.

Ils voulaient comprendre et savoir, y compris les producteurs. Au début, il y avait beaucoup de gens du monde de l’agriculture biologique. Ils se demandaient s’ls pouvaient cultiver puis vendre à la consommation. Les mesures sont nécessaires pour prendre des décisions.

« Les autorités se sont cyniquement excusées »

Quel type de relation avez-vous avec les autorités ?

Après avoir reçu les WBC, nous avons développé des relations avec les autorités sanitaires qui sont venues voir ce que nous faisions. Les gens leur avaient révélé les résultats obtenus chez nous. Ils se sont montrés amicaux et se sont cyniquement excusés du fait que ce type d’activité ne puisse être réalisé par eux-mêmes.

Les gens ne leur font plus confiance mais il y a, chez certains d’entre eux, une volonté de protéger. Reste qu’ils n’ont pas les appareils pour le faire. Ils ne cherchaient pas à le cacher, mais les gens ne les croyaient pas. A l’université de médecine de Fukushima, par exemple, les WBC étaient contaminés dès le début. Des résidents ont demandé à être mesurés et on le leur a refusé.

Les gens se tournent donc vers nous et nous avons fini par créer des relations de dépendance chez certains, qui ne dépendent plus des autorités… mais du CRMS. Certaines personnes n’ont plus aucune autonomie. Et quoi qu’il en soit, tout est fait, et continuera d’être fait, pour que les gens ne quittent pas les zones contaminées. Il n’est pas réaliste de penser que les gens vont tous partir. Or, tous ces gens qui restent là ont besoin de protection et de suivi médical.

De ce point de vue, nous envisageons de travailler avec les autorités. On ne peut pas toujours se plaindre. Il faut agir en fonction de ce que veulent les résidents. Or, seulement 3% d’entre eux sont partis, seulement 10% des enfants. Les autres sont là. A ces « autres », les autorités qui se sont refusées de conseiller l’« évacuation », conseillent désormais de « partir en voyage de ressourcement », comme on incite les personnes âgées, en temps « normal », à le faire.

Quel type de relations avez-vous avec les scientifiques ?

Les examens médicaux menés dans le cadre de l’enquête de santé publique dirigée par l’équipe du professeur Yamashita sont gratuits. Mais le département de Fukushima a demandé au gouvernement central de pouvoir assurer la gratuité de l’entièreté des soins médicaux pour les moins de 18 ans. Et officiellement, cette requête a été passée sous silence le 28 janvier par Tatsuo Hirano, ministre d’Etat chargé de la Reconstruction.

Donc certains scientifiques ont une attitude pour le moins étrange. Des conflits se déclarent : ainsi le vice-président Yamashita, de Nagasaki, et le vice-président Kamiya, de Hiroshima, sont en conflit ouvert au sujet de l’enquête. Selon les médecins de Hiroshima, la non-distribution de pastilles d’iode au début du désastre est une faute, alors que pour les autres ce n’est pas le cas.

Bien qu’il soit difficile pour les médecins de faire un travail indépendant, du fait de la domination puissante des associations de médecins qui leur interdisent d’alarmer les gens au sujet des radiations, et bien que certains pédiatres blâment les mères qui s’inquiètent de la santé de leurs enfants, beaucoup d’entre eux, originaires de Fukushima, veulent fournir une protection et une aide à la population. Nous sommes donc en train d’établir des liens de travail avec certains d’entre eux ainsi qu’avec certains chercheurs.

« L’université de médecine est devenue le château de Dracula »

Le CRMS est-il un lieu de vérité ?

Le CRMS doit établir une forme de confiance. Cela se fait peu à peu. Les gens ont été fortement exposés et on ne sait pas ce qui va arriver dans les années à venir. Des histoires circulent : des fœtus morts dans le ventre des mères, des malformations… mais on ne peut affirmer actuellement que ce soit à cause des radiations.

L’enfant du président de la radio de Koriyama vient de naître avec une malformation au cœur, telle qu’en ont présentée les enfants de Tchernobyl. Les journalistes en profitent pour répandre la terreur avec ces histoires, alors qu’aucune conclusion n’est encore possible.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que les gens doivent être suivis. Il faut leur faire subir des examens et les traiter sitôt qu’on trouvera des choses à traiter. Il faut les contrôler, car les possibilités de développer une maladie s’accroissent. Or, comme nous venons de le dire, le gouvernement refuse de rendre gratuits les frais médicaux pour les moins de 18 ans dans le département de Fukushima à l’exception de la prise en charge des examens menés dans le cadre de l’enquête de « gestions sanitaire ». Les frais médicaux devraient y être gratuits, mais il faut aussi être conscients que, si une telle loi passait, les gens ne pourraient plus choisir de ne pas fournir leurs données personnelles aux autorités.

Les gens seraient examinés à Fukushima et les résultats des examens resteraient « collés » à leur identité tels des casiers judiciaires. Les gens n’ont d’ailleurs été que 20% à répondre à l’enquête lancée par l’université de médecine de Fukushima.

Pour beaucoup, l’université de médecine de Fukushima est devenue le château de Dracula. C’est pourtant à cette université qu’il revient en priorité de s’occuper des gens, mais pour le faire correctement les responsables doivent changer de politique. Ils doivent discuter avec les résidents et les citoyens, tenir compte de leur opinion et de leurs demandes, dans la manière, par exemple, de mener l’enquête. Il faut être proche des gens. Il faut agir en tenant compte d’une situation précise. On ne sait jamais, une fois prise, si la décision sera la bonne.

 

 

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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 23:00

 

http://fr.euronews.com/2012/03/28/mauvaises-nouvelles-de-fukusima/

28/03 12:53 CET

 

Fukushima inquiète à nouveau… Des taux de radiation extrêmement importants, en tous cas beaucoup plus importants que prévu, ont été détectés à l’intérieur de l’un des réacteurs de la centrale dévastée par un tsunami il y a un an.

TEPCO, l’exploitant du site, y a introduit une petite caméra, un dosimètre de radioactivité ainsi qu’une jauge pour analyser l’eau de refroidissement du réacteur numéro Deux.

les résultats sont effrayants : plus de 70 sieverts par heure, soit un taux capable de tuer un homme en sept minutes d’exposition.

Pour décontaminer l’usine, des équipements spéciaux sont donc indispensables, et le processus pourrait prendre plusieurs dizaines d’années.

En outre, le niveau d’eau à l’intérieur du réacteur, que l’on estimait à trois mètres, est en fait tombé à soixante centimètres.

Bref, beaucoup de mauvaises nouvelles pour les ingénieurs chargés du dossier, beaucoup de mauvaises nouvelles aussi pour l’environnement direct de la centrale.

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