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24 juin 2016 5 24 /06 /juin /2016 15:52

 

Source : http://www.bastamag.net

 

Accès à la terre

Quand paysans et citoyens s’associent pour sauver des terres agricoles

par

 

 

C’est l’histoire d’une ferme perchée sur le Causse du Quercy, dans le Lot, que le propriétaire envisage de revendre à prix d’or à un riche retraité. Mais un jeune couple, bien décidé à s’y installer pour élever des chèvres, décide de lutter pour conserver la vocation agricole de la ferme. Ils entrainent avec eux des citoyens du coin, et d’autres plus lointains. Leur aventure singulière a été filmée par Eric Maizy, qui en a tiré un documentaire éclairant sur la gestion des terres agricoles en France, intitulé La Terre, ça vaut de l’or !. Un film qui permet de comprendre pourquoi et comment des milliers de fermes y disparaissent chaque année.

Au début des années 2000, Alex et Manue arrivent dans le Lot, sur les terres arides du Causse du Quercy. Le rêve du jeune couple ? Devenir paysans, dans ce coin majestueux de campagne. Jean-François, éleveur de chèvres installé en bio, à quelques années de la retraite, cherche justement des successeurs pour reprendre « la Terre », une ferme de plus de 150 hectares où il travaille depuis bientôt trente ans. Mais la Terre ne lui appartient pas. Et le propriétaire aimerait bien la vendre, mais pas forcément à un paysan. Le premier qui allonge l’argent l’emportera !

Située en pleine nature, à quelques kilomètres d’une quatre-voies, et dotée de magnifiques bâtiments de pierre, la ferme a de quoi faire rêver plus d’un amateur de maison de vacances. Pour que la Terre reste entre les mains de ceux qui la travaillent, et que les campagnes ne soient pas simplement un lieu de résidences secondaires pour riches urbains, un collectif se monte alors : "Vivre sur les Causses", qui ambitionne de racheter la ferme.

 

 

Alex sillonne la France pour trouver des preneurs de parts — une part s’élevant à 100 euros. Avec Manue, et une solide équipe de gens du coin, ils organisent des soirées et des repas de soutien, campent sur les marchés, animent de vives et dynamiques assemblées générales. Eric Maizy, journaliste de France 2 responsable de la rubrique agricole, réalise pour eux un petit documentaire de présentation, dont ils se servent pour présenter leur projet. Puis décide de suivre cette aventure peu commune. Caméra à l’épaule, il filme pendant quatre ans les moments d’excitation et de doutes du collectif, et en tire un documentaire de 90 minutes, La terre, ça vaut de l’or !, dans lequel on suit les jeunes paysans qui partent à la rencontre des autres citoyens [1].

Les coups de mains et encouragements sont divers, voire inattendus. Alex rencontre une banquière qui propose de prêter 40 000 euros à taux zéro à l’association, et qui mettra finalement 150 000 euros dans l’affaire. Le documentaire montre aussi la colère d’ouvriers furieux d’envisager que les plus riches puissent s’imposer, et qui proposent de mettre « des limites » à la propriété privée.

Trois générations d’ouvriers investissent dans le foncier agricole, extrait de « La terre, ça vaut de l’or ! ».

Eric Maizy filme aussi les renoncements successifs des politiques : mairies, Conseil général et Conseil régional, sont ravis que des jeunes veuillent être agriculteurs, mais se révèlent incapables de les soutenir réellement, notamment d’un point de vue financier [2]. Le sujet met ces élus si mal à l’aise qu’ils demandent à Eric Maizy de ne plus les filmer. De même que les représentants de la chambre d’agriculture, ou encore le notaire.

Finalement le terrain restera agricole. Mais il est racheté au prix fort [3]. L’expert de la Safer, se basant sur le coût de la pierre, plus que sur celui des terres et de l’argent qu’un agriculteur peut en tirer, a chiffré le prix de vente de la ferme à plus de 350 000 euros ! L’arrivée de la toute jeune société foncière Terre de liens – qui soutient l’installation d’agriculteurs par une action sur le foncier – doublée d’un don conséquent, permettent de conserver la vocation agricole de la Terre. Le rachat collectif s’avère donc efficace, « mais une limite apparait, que le film met en exergue, souligne le réalisateur Stéphane Goxe [4] : on finit presque toujours par s’aligner sur les prix du marché, exorbitants. Sans plus aucun rapport avec l’activité agricole, ces prix sont littéralement "hors-sol". »

Nolwenn Weiler

Aquarelles : Véronique Abadie, pour C-P productions.

Notes

[1La terre, ça vaut de l’or !, un documentaire d’Eric Mazy, distribution C-P productions.

[2L’une des idées du collectif Vivre sur les Causses, c’est que les collectivités publiques paient les frais de stockage exigés par la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), organisme habilité à préempter les terres agricoles pour les remettre en priorité aux agriculteurs. Les collectivités locales — gérées par le Parti socialiste — refusent de le faire.

[3Au moment où la société foncière créée rachète la ferme, Alex et Manue se sont retirés du projet. C’est Sabine et Stéphane qui prennent la suite.

[4Stéphane Goxe a notamment co-réalisé Chili, dans l’ombre du jaguar en 1998, sur la résistance populaire chilienne ; Tu n’est pas mort avec toi en 1999, qui donne la parole à des enfants de disparus, d’exilés ou de prisonniers politiques. En 2003, il co-réalise avec Christophe Coello et Pierre Carles le documentaire Attention danger travail

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

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24 juin 2016 5 24 /06 /juin /2016 15:29

 

Source : https://la-bas.org

 

 

LÀ-BAS Hebdo n°53, avec Eva JOLY [RADIO 1h07]

ILS ONT DES MILLIARDS, NOUS SOMMES DES MILLIONS !

Le

 

 

 

 

 

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Eva JOLY (photo : Jeanne LORRAIN)

 
Chaque année, ils nous  volent 80 milliards. Les évadés fiscaux ne risquent rien ou presque. Pour les poursuivre en justice, il faut l’accord du ministère des Finances, le fameux « verrou de Bercy » qui ne s’ouvre pas souvent. Il faut voir dans cette justice de classe une victoire culturelle des possédants.
Avocate, députée européenne, ancienne juge d’instruction, EVA JOLY continue le combat contre l’impunité fiscale (lire son article dans le Monde diplo de juin 2016)
 
LÀ-BAS Hebdo n°53 (EXTRAIT)
Les « Panamas papers » ont mis à jour 11 millions de fiches provenant d’un seul cabinet d’avocats. Les plus riches et les plus malins trichent en toute impunité, grâce au soutien des instances politiques. Un exemple, la Royal Bank of Scotland a bénéficié de 58 milliards d’euros d’aides publiques pour son renflouement, alors que l’on vient d’apprendre que cette banque aide ses plus riches clients à se soustraire à leurs obligations fiscales. La fraude fiscale coûte 1 000 milliards d’euros à l’Europe et 80 milliards à la France. C’est un crime au détriment de tous et d’abord des plus vulnérables.
Que pourrait-on faire avec de telles sommes ? L’Observatoire des Inégalités propose quelques idées :


- accorder un minimum social de 500 euros mensuels à 200 000 jeunes de moins de 25 ans (coût : 1,2 milliard d’euros)

- construire 50 000 logements sociaux supplémentaires et en rénover 50 000 (coût : 3 milliards d’euros)

- ouvrir 200 000 places de crèches supplémentaires (coût : 4 milliards d’euros)

- allouer un chèque autonomie de 500 euros mensuels à 500 000 personnes âgées démunies (coût : 3 milliards d’euros)

- créer 200 000 emplois d’utilité publique (environnement, action caritative, culture, etc.) (coût : 4 milliards d’euros)

- rendre accessibles les bâtiments publics aux personnes à mobilité réduite (coût : 2 milliards d’euros)

- créer 200 000 emplois d’aide éducative en milieu scolaire (coût : 5 milliards d’euros)

En France, les 150 000 contribuables les plus riches relèvent d’un service à part. Pour eux, le ministre des Finances dispose d’une sorte de « droit de grâce ». Il faut voir dans cette justice de classe une victoire culturelle des possédants.

Les différentes séquences de l’émission :

 

 
 
 
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01. Vos messages sur le répondeur


Merci à Eva JOLY.

Programmation musicale :
- Marty : L’Impôt sur les feignants
- Bernard Tapie : Réussir Sa Vie
- ISF : L’Exil

Marie GALL attend vos messages sur le répondeur de Là-bas si j’y suis au 01 85 08 37 37.

entretien : Daniel MERMET
préparé par : Jonathan DUONG
réalisation : Sylvain RICHARD et Grégory SALOMONOVITCH
photos : Jeanne LORRAIN

(Vous pouvez podcaster cette émission en vous rendant dans la rubrique « Mon compte », en haut à droite de cette page.)

 

 

Source : https://la-bas.org

 

 

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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 20:37

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

A Paris, la manifestation est cadenassée par la police
 
 
 

Entre 20 000 et 60 000 personnes ont manifesté jeudi à Paris contre la loi sur le travail et pour la défense du droit de manifester, après la semaine de cafouillage gouvernemental qui a failli aboutir à une interdiction. L'impressionnant dispositif de sécurité déployé, avec notamment des fouilles sévères à tous les accès, a abouti à une manifestation morne et sans vie.

Ce n’est pas un mais deux, voire trois barrages qu’il fallait passer, jeudi 23 juin, pour parvenir place de la Bastille et espérer pouvoir manifester. Vers 13 heures, une heure avant le départ officiel du cortège, du côté de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, une file de véhicules de police est déjà garée le long du trottoir sur plus de 500 mètres. Un premier barrage filtrant se tient au niveau de la station Ledru-Rollin. Les sacs sont systématiquement fouillés, les casques, lunettes, masques chirurgicaux (pour éviter de respirer les gaz lacrymogènes) sont interdits.

Ailleurs dans Paris, en arrivant par un autre côté, deux journalistes, Alexis Kraland et Gaspard Glanz, sont, eux, tout bonnement arrêtés, sur le motif d’attroupement en vue de commettre un délit. Ils ne sortiront que vers 17 heures, après avoir passé plus de quatre heures au commissariat de l’Évangile, dans le XVIIIe arrondissement, en compagnie d’une cinquantaine d’autres personnes arrêtées préventivement.

 

Boulevard Richard-Lenoir, jeudi 23 juin 2016 © Dan Israel Boulevard Richard-Lenoir, jeudi 23 juin 2016 © Dan Israel

 

Un cycliste tente vainement d’expliquer à un CRS qu’il habite 20 mètres après le barrage, et qu’il veut juste rentrer chez lui. Le ton monte. Le cycliste est obligé de renoncer. Une jeune fille avec des béquilles se voit refouler. Un membre des street medic, ces manifestants qui viennent aux défilés avec une trousse de premier secours, est obligé de faire demi-tour, son masque en papier chirurgical est interdit.

« Ah c’est comme en boîte de nuit, contrôle au faciès et à la tenue. Mais j’ai mis des baskets aujourd’hui ? Vous allez me laisser passer ? » Un couple d’étudiants charrie gentiment un policier qui leur demande d’ouvrir leurs sacs à dos. « On se croirait sous une dictature », lance un vieux routard de la CGT, beaucoup moins souriant avec les forces de l’ordre. 

 

Fouilles systématiques rue du Faubourg-Saint-Antoine © EP Fouilles systématiques rue du Faubourg-Saint-Antoine © EP

Derrière ce premier rideau policier, d’autres CRS font le pied de grue, certains avec des fusils. Un second barrage se trouve 100 mètres plus loin : nouvelles fouilles. Des grilles portées par des camions sont installées sur toutes les grosses avenues. Des cars de CRS et de gendarmes sont parqués tout le long des rues. Les voies les plus larges sont barrées de rubans bicolores, le passage étant réduit à un ou deux mètres de large, devant lequel sont postés gendarmes ou policiers, qui fouillent systématiquement tous les sacs. 

 

À un autre accès, des journalistes photographes sont obligés de longuement se justifier pour pouvoir garder leur matériel. Un policier prend la carte professionnelle de l’un et veut la photographier. Il renonce devant les protestations mais note le nom du journaliste, et part la comparer avec une liste. Laquelle ? On ne saura pas. Cent personnes avaient été interdites de manifestation à Paris, contre 130 sur tout le territoire pour celle du 14 juin. La plupart parce qu’elles avaient été interpellées lors de précédents défilés. Interpellées, mais pas forcément condamnées.

Étrange ambiance en ce début de manifestation. Dans la matinée, un journaliste de Mediapart, qui avait passé plusieurs années là-bas, expliquait que le dispositif ressemblait à ce qui se fait en Russie, où les manifestations doivent être déclarées à l’avance avec le nombre de manifestants prévus. Ceux-ci sont fouillés à l’arrivée, voire doivent passer sous des portiques détecteurs de métaux, et sont strictement encadrés par la police.

 

Au coin de la place de la Bastille avec la rue Saint-Antoine, jeudi 23 juin 2016 © Dan Israel Au coin de la place de la Bastille avec la rue Saint-Antoine, jeudi 23 juin 2016 © Dan Israel

 

Il manquait les portiques jeudi à Paris. Mais pour le reste… Il y a bien un ou deux membres des forces de l’ordre qui tentent de prendre leur mission à la rigolade. « Les bébés sont interdits, Madame, c’est le ministère de l’intérieur qui l’a dit », lâche un CRS à une femme avec sa poussette. « Un conseil : les lunettes de soleil, ça passe, et avec du chatterton pour bien les coller sur le visage, ça marche contre les gaz lacrymos », sourit-il encore face à des jeunes qui voulaient passer avec un foulard pour se protéger au besoin. Mais souvent, l’ambiance est tendue. À l’angle de la place et du boulevard Richard-Lenoir, les esprits s’échauffent facilement. Cécile Duflot et Esther Benbassa, députée et sénatrice écolos, passent sans encombre, avec le sourire, tout comme Marie-George Buffet, députée et ex-dirigeante du PCF. Mais qu’un manifestant se fasse confisquer son drapeau, et les autres qui patientent crient immédiatement au « fascisme ». Qu’un autre se fasse embarquer sans ménagement, « parce qu’il est fiché depuis une autre manif et qu’ils ne le laissent plus passer », expliquent ses camarades, et plusieurs groupes entonnent un chant contre « l’État policier » et l’état d’urgence.

 

« Blouson confisqué car de couleur noire »

Un jeune, énervé, entame une grande discussion avec un couple de sexagénaires qui revendiquent avoir fait Mai-68. Il leur explique pourquoi il ne condamne pas les “casseurs”. La dame est ravie : « Ah voilà, dites bien ça à mon mari ! Je ne comprends pas, lui, il se laisse influencer par les médias, il a peur des casseurs. Il est intelligent, pourtant… » Les journalistes sont tolérés – ce n'est pas le cas partout – dans la zone de contrôle, les autres sont invités fermement à déguerpir. Quelques mètres plus loin deux gendarmes gradés s’emportent contre un couple de hipsters qui vient de les prendre en photo avec un téléphone : « On est visés monsieur, on est visés. Si vous mettez notre visage sur les réseaux sociaux, on est en danger ! »

 

Manifestation sous haute surveillance contre la loi sur le travail, 23 juin 2016, Paris © Rachida EL Azzouzi Manifestation sous haute surveillance contre la loi sur le travail, 23 juin 2016, Paris © Rachida EL Azzouzi

 

Les drapeaux ne passent pas toujours, même lorsque leurs hampes sont en plastique, démontées et rangées dans les sacs. « N’oubliez pas de raconter ça, c’est totalement indigne », s’agace un manifestant qui s’extirpe difficilement des contrôles avec un groupe de collègues. C’est Hervé Quillet, le secrétaire général de la fédération chimie de Force ouvrière. « Il y a moins de monde que dans celle du 14 juin, c’est normal, ce n’est qu’une manif régionale, et non nationale, dit-il. Mais on ne lâchera pas avant le retrait total de la loi sur le travail. On remettra le couvert la semaine prochaine, mardi. Et s’il le faut, on recommencera à la rentrée, même si la loi a été votée entre-temps à l’Assemblée ! On ne lâchera pas. » 

Place de la Bastille, au rassemblement des street medic, l’un d’eux a pu faire passer un casque. Il le sort le temps d’arranger ses affaires, mal lui en a pris : trois CRS arrivent et l’entraînent du côté de la rue de la Roquette. Contrôle d’identité, fouille en règle. Un de ses camarades, qui l’avait suivi, filme la scène. Pas de chance : un CRS ne prend pas bien le geste. Le second est à son tour soumis à une fouille. Il ressort quelques minutes plus tard… sans son blouson, confisqué car de couleur noire.

 

La place de la Bastille au début de la manifestation © EP La place de la Bastille au début de la manifestation © EP

 

Depuis quatre mois de mobilisation contre la réforme du code du travail, jamais une manifestation n’avait été aussi étroitement encadrée et aussi courte : 1,6 kilomètre, plié en quelque 55 minutes avec un final où le serpent se mord la queue, les premiers croisant les derniers à Bastille. Vu le dispositif et comparé aux précédents défilés, elle a été « très calme », c’est-à-dire sans débordements, ni gaz lacrymogènes, ni blessés. « C’est la preuve que la police peut sécuriser une manif si elle en reçoit l’ordre », pointe un manifestant fatigué de « la casse dans les dernières manifs qui desservait le mouvement » et content de ne pas avoir les yeux qui piquent sous les lacrymogènes. Il aimerait en revanche que les forces de l’ordre utilisent les canons à eau tant il fait chaud. C’est la blague qui a circulé dans tous les rangs. « C’est la preuve qu’on vit sous un gouvernement devenu fou », dénonce un autre manifestant qui trouve « honteux » que les syndicats aient accepté à l’arraché ce compromis avec le gouvernement après une cacophonie au sommet du pouvoir qui avait vu la manifestation interdite puis autorisée. 

 

Pendant le tour du bassin de l'Arsenal © CG Pendant le tour du bassin de l'Arsenal © CG

 

Étonnamment, cette mini-manif autorisée sur un parcours imposé par l’État ridiculement petit (Bastille et le tour du bassin de l’Arsenal) – « une sacrée régression démocratique tout de même », remarque un syndicaliste –, a été selon les chiffres de la préfecture de police très suivie : 19 à 20 000 manifestants à Paris (60 000 selon le syndicat FO), et entre 70 000 et 200 000 personnes dans toute la France. C'est beaucoup. La semaine dernière, la manifestation dite nationale du mardi 14 juin avait été, selon la police, suivie par 75 000 personnes (quand les syndicats annonçaient 1 300 000 manifestants). Mais pour les deux dernières manifestations dites régionales, il y avait moins de monde à Paris : 18 à 19 000 le 26 mai et 13 000 le 19 mai. À Paris toujours, les plus gros cortèges « régionaux » étaient le 9 mars, la première grande manifestation où la police avait compté un peu moins de 30 000, et le 31 mars, 26 à 28 000. 

« Est-ce que si on fait dix tours, on a droit à un pompon ? », ironise Sabrina, hôtesse de l’air et membre de la section FO de tous les personnels navigants commerciaux, partout en France. Venue avec deux collègues, elle assure qu’elle continuera à manifester « tant que la loi ne sera pas abrogée ». Véronique, militante à la CFDT, oui, la CFDT, aussi, promet de revenir aussi manifester. Elle est fonctionnaire dans un ministère régalien mais elle a revêtu le gilet orange de la CFDT métallurgie, une fédération vent debout contre la loi sur le travail et la position de son secrétaire national Laurent Berger. Elle raconte les unions locales vandalisées comme celle de Limoges comme si c’était des annexes du parti socialiste, que le quotidien des militants CFDT est devenu difficile depuis quatre mois dans les entreprises, qu’ils essuient des insultes, même dans les manifs pour la minorité qui défile. « J’ai vu des gens brûler des drapeaux de la CFDT. Moi, en près de quarante ans de syndicalisme à la CFDT, je n’ai jamais brûlé un seul drapeau d’un syndicat concurrent ! »

 

« Ils nous ont tout fait »

Sur les marches de l’Opéra, des manifestants qui ont terminé leur « petite ronde » ont hissé une gigantesque banderole sans équivoque : « Qu’elle soit nationaliste, républicaine ou socialiste, virons la droite ». « Eh oui, il faut se rendre à l’évidence. L’ennemi de Hollande n’était pas la finance mais le code du travail. Il faut n’avoir jamais travaillé même si on est de gauche et un peu libéral pour oser une telle loi », lance Denise, une retraitée de l’enseignement qui a toujours voté socialiste – sauf en 2002, à droite pour faire barrage au Front national.

Elle dit qu’elle ne votera plus jamais socialiste, même pas pour contrer l’extrême droite qu’elle sent monter autour d’elle dans les conversations : « Ils nous ont tout fait. » En 2017, elle pense « voter blanc » : « On prend les mêmes qu’en 2012 et on recommence. C’est terrifiant. » Jacques, son mari, penche pour Jean-Luc Mélenchon même si « le personnage [l’]agace » : « Ce sera le moins pire, le moins soumis. » Le 6 mai 2012, le couple avait passé la soirée place de la Bastille pour fêter la victoire de François Hollande, le retour de la gauche… Sans imaginer que quatre ans plus tard, ils reviendraient avec une banderole : « Hollande, dehors ».

 

Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly, manifestation contre la loi sur le travail, 23 juin 2016 © Rachida EL Azzouzi Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly, manifestation contre la loi sur le travail, 23 juin 2016 © Rachida EL Azzouzi

 

Adrien, Paul-Antoine, Coralie et Corentin ont la vingtaine, sont en fin d’études, à la recherche d’un emploi ou prof. Leurs motivations pour venir manifester tous ensemble sont diverses. « On a voulu nous interdire de manifester, c’est un bon argument pour venir », justifie Adrien, le prof, par ailleurs plus libre de ses mouvements avec les vacances de ses élèves, et ravi du beau temps. Paul-Antoine et Coralie sont quant à eux là principalement pour protester globalement contre la politique du gouvernement, et Corentin tient à manifester contre « l’utilisation abusive du 49-3 ». Il tient aussi à faire passer un message : « On peut être à la fois contre la loi travail, contre les violences policières et contre celles qui visent les policiers. Défendre les travailleurs et les policiers, cela va de pair, ils sont tous pris dans un même système. »

 

Des gendarmes contrôlent la CGT, à l'entrée du bd Henri-IV, 23 juin 2016 © Dan Israel Des gendarmes contrôlent la CGT, à l'entrée du bd Henri-IV, 23 juin 2016 © Dan Israel

 

Cédric et Guillaume, éducateurs, sont venus avec un ami, Hugues, intérimaire. Ils disent « se méfier des syndicats ». « On ne croit pas qu’ils nous représentent, même si ce qu’ils font contre la loi travail, c’est bien pour l’instant. » D’ailleurs, Guillaume faisait partie du cortège autonome le 14 juin, devant le carré officiel des syndicats : « Je suis pacifiste, je ne suis pas un casseur, mais j’y suis plus à l’aise. Je ne me sens pas défendu par un syndicat. » Hugues explique qu’il survit grâce aux heures supplémentaires, payées 25 % de plus, et craint que ce tarif ne baisse jusqu’à 10 %, comme l’autoriserait la loi. Tous sont peu optimistes sur l’issue du combat : « À la fin, ils se coucheront. »

Même opinion pour Lisa, Anouk et Robin, étudiants parisiens qui sont loin d’avoir fait toutes les manifs, mais tenaient à être là aujourd’hui, après la quasi-interdiction du rassemblement. « C’est triste à dire, mais à part si quelqu’un meurt dans un cortège, le gouvernement maintiendra son texte », pronostique Anouk. Robin voit d’un assez mauvais œil le filtrage sévère à l’entrée de la place : « Ils se donnent le beau rôle en offrant finalement la liberté de manifester, mais ils décident qui vient, et comment on doit se comporter… » La casse sur les banques et les abribus JC Decaux, systématique lors des précédents défilés, ne le choquent pas franchement. « Je serai toujours plus du côté d’un manifestant, quoi qu’il fasse, que d’un policier », complète Anouk.

Peu avant 18 heures, il ne reste plus que quelques centaines de personnes, nassées autour de la colonne de Juillet, au centre de la place de la Bastille, par le double voire le triple de forces de l’ordre. Quelques personnes sont arrêtées, les autres sont relâchées progressivement, par groupes de dix. 

 

Les dernières personnes nassées, place de la Bastille à Paris, jeudi soir © CG Les dernières personnes nassées, place de la Bastille à Paris, jeudi soir © CG

 

Dans les rues adjacentes, les véhicules policiers sont toujours là, avec des policiers en tenue anti-émeutes qui ont l’air de prendre leur mal en patience. Alors que leur fatigue était mise en avant pour interdire la manifestation Bastille-Nation que demandaient les syndicats, pas sûr que ces six heures à faire le planton, harnachés pour la guerre urbaine, les aient reposés.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 20:17

 

Rappel

 


CAC30

Fait inhabituel à Nîmes, dans une démarche impulsée par le Collectif d’audit citoyen de la dette publique de Nîmes (CAC 30), deux élus et un contribuable local ont déposé jeudi 26 mai devant le tribunal administratif quatre recours, dont deux en référé, pour faire annuler deux délibérations de la Métropole nîmoise.


Quelles sont les raisons de cette procédure ?

Le 29 mars dernier, le président du conseil de la Métropole, Yvan Lachaud, a fait voter deux délibérations dont l’objet était le remboursement anticipé d’un emprunt toxique dont le taux d’intérêt indexé sur la parité euro/franc suisse dépasse aujourd’hui 25 %. Mais pour réaliser cette opération, la Métropole a dû accepter de payer à la banque, en plus des 10 millions d’euros du capital restant dû de l’emprunt, une indemnité de remboursement anticipé de 57,4 millions d’euros. En clair, les contribuables vont devoir rembourser près de 7 fois le montant de l’emprunt !

57,4 millions d’euros représentent 4 années de frais de personnel de la collectivité, plus de la totalité des taxes foncières et d’habitation perçues annuellement, ou encore le coût prévisionnel du Musée de la Romanité qui doit voir le jour à Nîmes début 2018 !

Même si la collectivité va bénéficier d’une aide de l’État (c’est-à-dire des contribuables) de 36,6 millions d’euros, il restera à la charge de la Métropole un reliquat de 20,8 millions d’euros sur les 57,4 millions. Pourtant, malgré le caractère hors norme de l’opération et l’énormité des sommes en jeu, le conseil communautaire a pris sa décision sans disposer des éléments indispensables pour se prononcer, qu’il s’agisse de la convention entre la Métropole et l’État, du protocole passé avec le Crédit Foncier de France (filiale du Groupe BPCE) ou du mode de calcul de l’indemnité. Toutes les demandes d’éclaircissement sont restées lettre morte. Cet état de fait est d’autant plus scandaleux que la collectivité n’aurait jamais dû accepter les conditions d’un tel protocole, au contraire, il était de son devoir d’attaquer la banque en justice, en suivant l’exemple de nombreuses collectivités. En effet, la réglementation est formelle en cette matière puisque selon une circulaire du 25 juin 2010, reprenant une circulaire de septembre 1992, « les collectivités territoriales ne peuvent légalement agir que pour des motifs d’intérêt général présentant un caractère local. L’engagement des finances des collectivités locales dans des opérations de nature spéculative ne relève ni des compétences qui leur sont reconnues par la loi, ni de l’intérêt général précité. »

Ainsi, le Crédit Foncier de France n’aurait jamais dû faire souscrire à Nîmes Métropole le contrat spéculatif indexé sur l’euro et le franc suisse. Quant à la collectivité, au lieu d’accepter de payer des intérêts usuraires et une indemnité léonine, elle aurait dû refuser de payer et exiger devant les tribunaux l’annulation de la clause de taux d’intérêt du contrat pour y substituer le taux légal (ce taux est de 1,01 % pour le 1er semestre 2016). Ce sont ces raisons qui ont amené le CAC 30 et le CAC national à se rapprocher de deux élus, François Séguy et Sylvette Fayet, ainsi que d’un contribuable de la ville, pour engager un recours contre les délibérations litigieuses, qui plus est adoptées en violation du droit à l’information des élus.

Aujourd’hui, le CAC 30 et le CAC national(audit-citoyen.org), à l’initiative de l’action, ainsi que les auteurs des recours, appellent la population à soutenir et à renforcer leur combat citoyen pour faire respecter les intérêts de la Métropole nîmoise, les intérêts de ses habitants, l’intérêt public et le droit. Ils invitent les habitants de la Métropole à signer la pétition sur papier ou en ligne avec le lien : http://www.mesopinions.com/petition/justice/refuse-credit-foncier-france-detrousse-contribuables/20335

Le CAC 30 invite les habitants de la Métropole à venir nombreuses et nombreux assister à la

réunion publique

avec Patrick Saurin
auteur du livre Les prêts toxiques : Une affaire d’État


le 24 juin 2016 » à 20h

Résidence Maurice Albaric
27 rue Jean Reboul  Nîmes


Lors de cette réunion, le dossier sera présenté dans le détail. Les citoyennes et les citoyens pourront poser leurs questions, échanger avec les initiateurs de ces recours et voir avec eux comment s’associer à cette action.




la pétition en ligne http://www.mesopinions.com/petition/justice/refuse-credit-foncier-france-detrousse-contribuables/20335


Nous comptons sur vous pour diffuser largement toutes ces infos. Signez et faites signer la pétition.



flyer soirée 24 juin

 

 

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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 20:07

 

Info reçue par mail

 

 

Bonjour à tous et à toutes,
 
Venez, si vous le pouvez.Non seulement le film est excellent mais les fonds récoltés serviront à l'envoi d'un véhicule qui se joindra à la caravane nationale prévue pour acheminer des médicaments et du matériel médical pour les dispensaires grecs, gérés depuis la crise par des médecins et pharmaciens bénévoles.
 
En effet,les chômeurs ne bénéficient plus d'aucune couverture sociale.
 
 
amicalement.
 
isabelle

 
 

 


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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 13:37

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Qui sauve qui ?

22 juin par Anouk Renaud

 
 

 

L’Europe a sauvé la Grèce.

C’est ce qu’affirment, depuis 2010, les discours politiques et médiatiques. Grands seigneurs dans l’âme, les dirigeants de l’époque auraient concédé à utiliser l’argent de leurs contribuables pour payer fonctionnaires et retraités Grecs. Bref pour sauver la Grèce, qui, il faut bien le reconnaître, avait quand même largement déconné…

Bon, il y aurait déjà beaucoup à dire sur cette idée selon laquelle les Grecs en seraient arrivés là à cause d’un trop plein de magouille et de farniente. Mais concentrons-nous ici sur l’utilisation de l’argent prêté à la Grèce : à quoi a servi cet argent ? Qui en a profité ? Et finalement qui a été sauvé dans cette affaire… ?

 

Petit rappel des épisodes précédents…

Dans les années 2000, les banques privées européennes disposent de beaucoup de liquidités, notamment mises à disposition par la banque centrale américaine (FED), qu’elles cherchent à investir. Et c’est vers les marchés en pleine expansion des pays périphériques européens, dont la Grèce qui vient de rentrer dans la zone euro, qu’elles vont se tourner. Les banques européennes, en particulier françaises et allemandes |1|, vont alors largement augmenter leurs prêts aux banques grecques, qui vont à leur tour accroître leurs crédits, ou vont directement prêter à des ménages et entreprises grecs. Avec cet afflux de capitaux à des taux très attractifs, la dette privée explose en Grèce. Durant cette période les prêts faits aux ménages grecs ont augmenté de 600 % et ceux aux entreprises de 300 %. Les banques européennes rachètent aussi des filiales de banques grecques ou prennent des parts dans les banques grecques (par exemple la Société Générale dans Geniki ou le Crédit agricole dans Emporoki |2|). Booster l’économie grecque via le crédit était d’autant plus intéressant que cela permettait aux entreprises européennes d’élargir leurs débouchés en vendant leurs marchandises aux Grecs.

 

Mais une bulle spéculative de crédit, en général, ça finit par péter… Et ça n’a pas manqué, puisqu’en 2008, dans le sillon de la crise financière, les banques grecques se retrouvent au bord du gouffre. Comme partout en Europe, l’État grec s’endette pour renflouer ses banques et éviter la contagion aux banques européennes. Le gouvernement grec fait passer cette crise bancaire pour une crise des finances publiques. Les statistiques du déficit ont été falsifiées pour appuyer ce discours, si bien que d’un coup de baguette magique la dette grecque a gonflé de 28 milliards d’euros |3|. Forcément, face à cette situation les marchés financiers s’emballent et les taux d’intérêt de la Grèce atteignent des niveaux record. La Grèce ne peut plus emprunter sur les marchés financiers : elle sollicite un « plan de sauvetage ».

En mai 2010, un premier « bail-out program » est conclu entre la Grèce et la Troïka. Il consiste en un prêt de 110 milliards d’euros, dont 30 milliards du FMI et 80 milliards des pays européens sous forme de prêts bilatéraux |4|. En février 2012, un deuxième accord est conclu. Il consiste en un prêt de 130 milliards.

Bien loin de sauver la Grèce, l’argent de ces deux accords de prêts a avant tout permis de sauver les banques privées européennes, y compris grecques. Et cela via plusieurs mécanismes.


1° S’assurer que la Grèce rembourse ses dettes détenues par les banques françaises et allemandes.

Faire un nouveau prêt à la Grèce pour qu’elle rembourse ses dettes, voilà la logique du premier accord de prêt. Mais à qui la Grèce devait cet argent ? Aux banques européennes, particulièrement françaises et allemandes. En effet, en 2009, 89 % de la dette publique grecque étaient entre les mains de banques privées européennes et les banques françaises et allemandes en détenaient à elles seules 57 % |5|.

Vous allez me dire : pourquoi les banques privées possédaient-elles des titres de l’État grec alors qu’elles ont avant tout prêté aux banques, voire aux particuliers grecs ?! Même si la crise grecque est en réalité une crise de dettes privées, il n’en reste pas moins qu’en 2010 l’État Grec était fortement endetté. Un endettement qui résulte de plusieurs facteurs (taux d’intérêts élevés, dépenses militaires exorbitantes, exonérations fiscales, sortie illicite de capitaux, sauvetages bancaires… |6|). Et pour rappel, un État de la zone euro n’a pas d’autres choix que de se financer sur les marchés financiers, donc auprès de banques privées |7|. Avant l’intervention de la Troïka, la Grèce était donc endettée auprès de banque privées européennes, y compris des banques grecques.

Mais pourquoi les banques européennes achetaient tant de la dette grecque ?
D’une part, parce qu’avec la déréglementation financière, investir dans la dette publique est considéré comme une prise de risque zéro et donc permet aux banques de prêter sans compter et sans prendre de risque… du moins en apparence. De cette façon les banques maintiennent de « bonnes notes » auprès des agences de notation |8|.

D’autre part, parce que dans les années 2000, prêter à la Grèce ça rapporte quand même plus que prêter à la France ou à l’Allemagne. Bref, la dette grecque, c’était sûr, tu soignais ton image et tu te faisais du pognon.

L’argent des prêts de la Troïka a donc permis à ces banques d’être remboursées et de se désengager du risque que représentaient les titres grecs. Risque qu’elles ont elles même créé.


2° Éviter que les banques grecques ne s’effondrent, entraînant avec elles les banques européennes.

En plus d’avoir servi à rembourser les banques européennes qui détenaient la dette publique grecque, l’argent des prêts de la Troïka a également permis de recapitaliser les banques grecques afin d’éviter qu’elles ne s’effondrent. Sauver les banques grecques permettait de sauver les banques européennes car elles possédaient des filiales de ses banques, avaient des parts dans leur capital et surtout leur avaient prêté beaucoup d’argent ! Et la crainte de l’effet domino ne s’arrêtait pas là, puisque les banques américaines étaient également très exposées vis-à-vis des banques européennes. Bref, il fallait sauver les banques grecques pour sauver le système bancaire.

Outre la mise en œuvre de mesures d’austérité et la restructuration des obligations détenues par les créanciers privés, le deuxième mémorandum était clairement conditionné à la recapitalisation des banques grecques à hauteur de 48 milliards d’euros |9|.


3° Laisser du temps aux banques privées pour réduire leur exposition à la Grèce

C’est l’histoire d’une bombe qui va exploser. L’enjeu c’est que, lorsque ça arrive, ce ne soit pas vous qui l’ayez entre les mains… ou si c’est le cas, que vous fassiez tout pour repousser le moment fatidique et vous en débarrasser ! C’est peu ou prou ce qui s’est passé dans le cas grec.
Les banques privées européennes étaient très exposées à la Grèce autant dans son secteur public (45%), bancaire (16%) et privé (39%) |10|.

En 2010, prêter de l’argent à la Grèce sans restructurer sa dette permettait d’éviter aux banques européennes que la bombe n’explose et d’assumer les pertes d’un défaut ou d’un allègement. Et peu importe si le FMI savait déjà que ce prêt serait non seulement inefficace mais également jamais remboursé |11| ! La restructuration de la dette publique fut finalement imposée en 2012 comme une des exigences du second accord de prêt, précisément par les mêmes institutions qui la refusaient deux ans plus tôt.

Entre 2010 et 2012, les banques européennes (y compris les banques grecques) vont donc s’empresser de revendre leurs titres souverains grecs ainsi que les filiales ou les actions des banques grecques qu’elles avaient pu acquérir dans les années 2000.

Mais les États et les institutions de l’Union européenne vont faire bien plus que de laisser du temps aux banques pour se débarrasser entre autres de leurs titres grecs : ils vont également les y aider en les rachetant ! Dès mai 2010, la Banque centrale européenne (partie prenante des memoranda) ainsi que les banques centrales nationales rachètent des titres souverains grecs via les programmes respectifs SMP (Securities Market Programs) et l’ANFA (The Agreement on Net Financial Assets). Cerise sur le gâteau, les banques privées vont en obtenir un prix bien plus élevé que leurs valeurs sur le marché obligataire |12|. En effet, en rachetant massivement la dette publique grecque, la BCE et les banques centrales nationales en ont fait augmenter le prix et ont donc permis aux banques de réduire leurs pertes au moment de la revente.

Et pour la petite histoire drôle : afin de faire pencher la balance en faveur d’un prêt sans restructuration, les directeurs exécutifs hollandais, français et allemand ont transmis au conseil du FMI, en mai 2010, « l’engagement de leurs banques commerciales à soutenir la Grèce et à y maintenir sans restrictions leurs expositions |13| ». Autrement dit, les banques européennes promettaient de ne pas revendre les titres de la dette grecque qu’elles détenaient. Croix de bois, croix de fer, si je mens… En 2012, la restructuration de la dette publique grecque a enfin lieu. Les créanciers privés voient la valeur de leurs titres réduite de 53,50 %. Les banques grecques et étrangères qui ne s’étaient pas encore délestées des titres grecs ont été indemnisées pour amortir leurs pertes, contrairement aux fonds de pensions et aux particuliers Grecs, qui avaient placé leurs économies dans la dette de l’État.


Opération « sauvetage des banques privées » réussie !

Au total, l’argent des deux premiers plans de « sauvetage » de la Grèce est allé à 46 % au remboursement de la dette publique (sans compter le paiement des intérêts) et à 20 % à la recapitalisation des banques grecques, auxquels s’ajoutent 14 % correspondant aux coûts liés à la restructuration de 2012 |14|.

Comble de l’affaire, l’argent des « plan de sauvetage de la Grèce » est directement allé dans la poche des banques. On aurait pu croire que cet argent avait été versé à la Grèce et puis que via les remboursements de la dette et les recapitalisations, il était reparti aussitôt. Mais non. En réalité, 90 % de cet argent n’est même pas passé par les comptes de l’État grec et aurait été transféré sur un compte spécifique à la BCE, qui l’aurait versé aux créanciers |15|.

Le soi-disant sauvetage de la Grèce reste en réalité la plus importante transformation d’une dette privée (celle des banques) en une dette publique. Alors qu’en 2010, la quasi-totalité de la dette publique grecque était détenue par les banques privées, elles sont parvenues à refiler la patate chaude aux pouvoirs publics. Aujourd’hui, les institutions publiques (FMI, BCE, FESF) et les États européens détiennent 80 % de la dette grecque.

L’artillerie lourde a donc été sortie non pas pour sauver la Grèce, mais les banques privées européennes, grecques y compris. D’ailleurs à y regarder de plus près, les nouveaux créanciers de la Grèce ne s’en cachent pas tellement… Le FMI est on ne peut plus clair à ce sujet, puisque en 2013 un de ces rapports admet que « repousser la restructuration de la dette offre une fenêtre aux créanciers privés pour réduire leur exposition et transférer leurs créances au secteur public » |16|.

Le truc, c’est que tout cet argent demeure des prêts, qui impliquent donc des remboursements… et des intérêts. Des prêts qui, en outre, sont conditionnés à la mise en place de toute une série de mesures anti-sociales censées (car ça ne marche pas du tout !) permettre leur remboursement.

Avec les deux memoranda, la Grèce s’est endettée pour 40 ans. Ne serait-ce qu’en 2016, elle devra payer 20 milliards d’euros. Et qui rembourse cette dette ? Le peuple grec en rognant sur les salaires, les pensions, les dépenses de santé, d’éducation, de culture, de logement, les indemnités chômage mais aussi en vendant les aéroports, les ports, les plages, les îles, les bâtiments publics…

Alors, qui se fout de la gueule de qui ?



Illustrations de Pierre Gottiniaux

 

Notes

|1| Il s’agit en réalité de peu de banques : BNP, Société Générale et Crédit Agricole pour la France ; Commerzbank, Baden Bank, Postbank et DZ Bank pour l’Allemagne. Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, La vérité sur la dette grecque, Les Liens qui libèrent, 2015, p. 50

|2| Ibid., p. 47

|3| Ibid., p. 59

|4| La Belgique a prêté 1, 942 milliards d’euros à la Grèce en 2010 sous forme de prêt bilatéral.

|5| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op.cit., p. 62

|6| Pour creuser la question des causes de l’endettement public grec : http://cadtm.org/Quelques-verites-s...

|7| Le traité de Maastricht interdit à la Banque centrale européenne de prêter aux États. Ainsi, la Banque centrale européenne prête aux banques, qui re-prêtent ensuite aux États… à un taux plus élevé.

|8| C’est ce qu’on appelle dans le jargon « la pondération des risques ». Pour en savoir plus sur ce que c’est et ce que concrètement ça entraîne comme pratiques bancaires, voir : http://cadtm.org/Les-banques-bluffe...

|9| Le troisième mémorandum, conclu en juillet 2015, prévoit à nouveau une enveloppe de 25 milliards pour la recapitalisation des banques grecques. 13 milliards ont déjà été injectés dans les banques grecques en décembre dernier.

|10| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op.cit., p. 48-49

|11| Ibid., page 77

|12| Le marché obligataire, c’est tout simplement le lieu (virtuel, of course) où se vendent et s’échangent les obligations. Une obligation, c’est un emprunt émis par une entreprise ou un pouvoir public.

|13| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op.cit., p. 87

|14| Ces chiffres sont tirés du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op.cit., p. 70. D’autres études, mettent en avant d’autres chiffres. C’est le cas de Pablo Bortz qui démontre que « Un décompte réaliste montre que 54% de l’aide financière fournie à la Grèce a été utilisé pour rembourser la dette (étrangère), et 21% pour recapitaliser les banques grecques (dont certaines détenues par des banques étrangères) ». Ou encore une très récente étude allemande de l’école européenne de management et technologie, qui conclut que 95% de l’argent du soi-disant sauvetage grec a servi à rembourser la dette et à recapitaliser les banques (https://www.esmt.org/where-did-gree...). Malgré des chiffres qui peuvent différer d’une étude à l’autre, les ordres de grandeur restent les mêmes et les conclusions à en tirer aussi : l’écrasante majorité de l’argent des prêts de la Troïka est allé au secteur bancaire et une infime partie a servi à financer les dépenses publiques de la Grèce.
Voir, Miche HUSSON, « Où est allé l’argent des prêts à la Grèce ? », CADTM, 9 mai 2016 : http://cadtm.org/Ou-est-alle-l-arge...

|15| Ibid., p. 91

|16| Ibid., p. 82

Auteur.e
 

Anouk Renaud

Permanente au CADTM Belgique

 

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 13:27

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

La menace du Brexit révèle les fractures françaises
21 juin 2016 | Par Lénaïg Bredoux
 
 
 

Brexit ou pas, François Hollande, qui s'est mouillé aux côtés de David Cameron contre la sortie de la Grande-Bretagne, promet de nouvelles « initiatives » pour relancer l'Union européenne. Mais si l'Europe se fracture, la gauche française aussi.

 

Un échec de plus. Une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, le “Brexit”, signerait un revers pour les autres dirigeants européens, notamment pour François Hollande. Le président français a promis de relancer le projet européen au lendemain du vote britannique prévu jeudi. Mais, à l'instar des Britanniques, tous les partis français, à gauche comme à droite, sont divisés, bien en peine de répondre à l’exaspération croissante à l’égard du projet européen.

 

À l’Élysée, François Hollande consulte à tout-va. Deux réunions ministérielles ont été organisées ces dernières semaines. Il a en parlé à plusieurs reprises avec la chancelière Angela Merkel. Il a eu le premier ministre italien Matteo Renzi le week-end dernier au téléphone. « On travaille sur les deux scénarios, le oui et le non, pour mesurer les conséquences économiques, explique-t-on dans l’entourage du président français. En cas de Brexit, il nous faut préparer les amortisseurs nécessaires. »

 

À Paris, on rappelle que ce sera d’abord à la Banque centrale européenne (BCE) d’apaiser les marchés financiers en cas de turbulences. « On pense que l’économie européenne encaissera le choc. Mais il faut être vigilant et se préparer à intervenir. Notamment avec le mécanisme européen de stabilité », dit-on à l’Élysée où l’on s’inquiète notamment pour d’éventuelles conséquences sur le bilan des banques françaises. En cas de Brexit, François Hollande devrait aussi lancer « très vite » une série de consultations avec les principaux partis politiques français, et s’exprimer publiquement vendredi. Une nouvelle réunion ministérielle pourrait aussi avoir lieu à l’Élysée.

 

Pour le PS français, qui a fait de la construction européenne un marqueur idéologique fondamental, une sortie de la Grande-Bretagne serait un revers politique. Il signerait aussi l’échec des dirigeants en place, notamment François Hollande, qui s’est prononcé à plusieurs reprises pour le “Remain”, allant jusqu'à menacer les partisans xénophobes de la sortie de l’Union de mesures de rétorsion. Il a ainsi répété ces dernières semaines qu’il y aurait « des conséquences si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne », sur le marché unique, les services financiers, mais aussi « la manière de gérer les situations en matière de migration ».

 

Son ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a été encore plus clair : dans un entretien au Financial Times, il a estimé qu’en cas de Brexit, « les migrants ne seront plus à Calais ». En clair : la France ne jouerait plus les gardes-frontières pour les Britanniques et les laisserait passer vers Douvres. L’ancien conseiller de François Hollande a aussi promis d’accueillir à bras ouverts les banquiers britanniques qui fuiraient la City. Pour la Grande-Bretagne, « la sortie de l’UE signifierait la "guernesey-fication" [du nom de l’île anglo-normande qui dépend de la couronne britannique mais ne fait pas partie de l’UE] du Royaume-Uni, qui serait alors un petit pays à l’échelle du monde. Il s’isolerait et deviendrait un comptoir, une place d’arbitrage à la frontière de l’Europe », a insisté Emmanuel Macron dans une interview au Monde.

 

Mais dans tous les cas, le président français a promis de nouvelles « initiatives » pour relancer le projet européen, éviter une contagion à d’autres pays, comme la Hongrie ou la Pologne, et contenir la progression de l’extrême droite, partout sur le continent, y compris en France. « Tous les populistes, dans toute l’Europe, vont demander des référendums et pousser vers la sortie, explique Henri Weber, ancien député européen socialiste. Il ne tient qu’à nous qu’ils restent minoritaires. »

 

© Fondation Jean-Jaures

 

François Hollande a déjà expliqué qu’il souhaite « un Parlement de la zone euro, dans le cadre du Parlement européen, qui pourra disposer d'un pouvoir de contrôle, un budget propre pour la zone euro, qui puisse financer des investissements d'intérêt général, de nouvelles perspectives en matière de numérique, en matière de transition énergétique, pour les pays qui le voudront, une Europe de la défense ». « La France, depuis longtemps, s'y était préparée, l'Europe doit maintenant s'en convaincre, alors je ferai ces propositions au lendemain du vote du peuple britannique », a-t-il expliqué le 3 mai lors d’un colloque organisé par la Fondation Jean-Jaurès, rappelant des propositions qu’il a déjà faites depuis 2012.

 

« On travaille à une initiative politique pour sortir du cycle de crise auquel est confrontée l’Union européenne, avec l’Allemagne, les pays fondateurs », insiste un proche de François Hollande. Avec pour priorité « la politique étrangère, de défense, et de maîtrise des réfugiés ». « Il faut revenir aux fondamentaux », explique la même source, qui rappelle l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) au début des années 1950, rejetée par la France – les gaullistes et les communistes s’y étaient opposés au parlement, provoquant l’abandon du projet. « Les questions économiques aujourd’hui ne sont pas au cœur de l’enjeu, entend-on à l’Élysée. La question, c’est comment faire pour éviter que les États ne se replient pas parce qu’ils ont le sentiment d’être envahis [par les migrants – ndlr]. »

 

Les chances de réussite d’une telle initiative, qui s’adresse une nouvelle fois davantage aux forces conservatrices qu’à sa gauche, sont bien minces. La présidentielle française a lieu dans un an et François Hollande ne s’engagera pas dans un bouleversement de l’UE avant la campagne, surtout en étant aussi impopulaire. « Le problème du président, c’est qu’il est inaudible, concède son camarade du PS Henri Weber. Il dit beaucoup de choses sur l’Europe depuis 2012 mais qui l’écoute ? » Et puis son camp est divisé, entre ceux qui ne jurent que par une intégration plus forte, et de nouveaux transferts massifs de souveraineté, et ceux qui, plus prudents, veulent conserver une primauté aux chefs d’État et de gouvernement. Sans compter que l’Europe de la défense peut difficilement se faire sans la Grande-Bretagne, principal pays, avec la France, à pouvoir projeter son armée au-delà de ses frontières.

 

« C’est le début de la fin »

Le débat traverse tout autant la droite, encore plus sous la pression du Front national, favorable à un référendum sur la sortie de l’UE, que le PS de François Hollande. En plein débat pré-primaire de LR (Les Républicains, ex-UMP), les candidats partagent surtout la critique du président en exercice, insistent sur le danger migratoire, avant de se contenter bien souvent d’en appeler à une hypothétique refonte du projet européen.

 

Mais le vote britannique vient aussi bousculer toutes les autres formations de gauche. Même les écologistes d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) sont plus en difficulté qu’autrefois pour vanter les mérites de la construction européenne. Ils sont bien entendu opposés à un Brexit. « Le départ de la Grande-Bretagne créerait un précédent extrêmement préjudiciable sur le sens de l’Europe », explique l’eurodéputé EELV Yannick Jadot. De ce point de vue, « le pire serait une sortie de la Grande-Bretagne et que les eurofainéants qui nous gouvernent lui donnent ce qu’elle veut ».

 

Comme ses camarades, il en veut beaucoup à François Hollande d’avoir renoncé à renégocier le traité budgétaire en 2012 (TSCG). « Cela fait quatre ans que François Hollande tient le même discours sur l’Europe, sans que rien n’ait commencé ni abouti. Plutôt que d’affronter Angela Merkel au Conseil européen, il préfère gérer en direct avec elle des flexibilités pour ne pas respecter le cadre qu’il lui laisse imposer », dit encore Jadot. Mais lui qui a longtemps prôné pour des avancées à 28, et la fameuse « politique des petits pas » qui a construit l’Europe, est désormais conquis par « l’Europe à plusieurs cercles », défendue en son temps par François Mitterrand (les « cercles concentriques ») et aujourd’hui par François Hollande.

 

Partisans et opposants du maintien dans l'Union européenne, le 15 juin 2016 à Londres © Reuters Partisans et opposants du maintien dans l'Union européenne, le 15 juin 2016 à Londres © Reuters

 

« Le Brexit est le symptôme d’un processus de fragmentation interne du tissu social et politique que rien ne semble pouvoir arrêter. Les forces politiques aujourd’hui ne savent pas encore comment en sortir », explique Alain Coulombel, récemment élu secrétaire national adjoint d’EELV. D’où, dit-il, « un attentisme, une distance et une crainte » face à une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne. « Aujourd’hui, les grandes envolées lyriques sur le projet européen ne suffisent plus à lui donner un sens. On ne parvient plus à exprimer la complexité. Même nous, les écologistes. »

 

La gauche radicale n’est guère plus en verve. Sur le papier, le référendum britannique, précédé par une renégociation spectaculaire opérée par le premier ministre David Cameron à Bruxelles, ouvre un boulevard à tous ceux qui se réclament encore aujourd’hui du “non” au Traité constitutionnel européen de 2005. Sauf que les tenants de la sortie sont, cette fois, majoritairement ultralibéraux et/ou anti-migrants et que le “Lexit”, une version de gauche de la sortie de l’Union, reste très minoritaire.

 

Comme le PS et EELV, le PCF est ainsi opposé à un Brexit. « Nous sommes très critiques de la construction européenne mais la question posée, dans le contexte britannique, ne laisse aucune place à un débat sur les politiques alternatives à l’austérité, explique Anne Sabourin. Si le “reste” gagne, cela ne remettra pas en cause l’Europe telle qu’elle est. Et si le “départ” gagne, ce sont les forces de droite et de droite extrême qui sortent renforcées. » Pour la chargée des questions européennes au Parti communiste, ce référendum est « un piège pour les catégories populaires et pour la gauche ». Mais, concède-t-elle, pour pouvoir en sortir, « il nous faut des victoires » – le « nous » évoquant la gauche progressiste.

 

Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, lui, n’appelle ni à la sortie ni au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Europe. Bien plus critique de Bruxelles, et de Berlin, du moins dans le ton, que son ancien partenaire communiste, le candidat à la présidentielle de 2012 et de 2017 voit dans le référendum britannique un nouvel argument pour son « plan B ». « Quand on interdit l’harmonisation fiscale et sociale et qu’on impose le verrou de la monnaie unique, les peuples sont condamnés à entrer en compétition. Cette dynamique folle a tué l’Europe. Le Brexit va être un point d’orgue. C’est le début de la fin. Ce qui nous donne une opportunité de construire les choses autrement », a-t-il récemment expliqué à L’Obs.

 

« Contrairement au non de gauche, majoritaire en France en 2005, il y a une captation par la droite britannique de la sortie de l’Union, avance une de ses proches, l’élue parisienne Danielle Simonnet. Tout dépend de qui pose la question et comment : là, c’est présenté comme le choix entre l’ordolibéralisme allemand et l’ultralibéralisme anglais. » Mais, ajoute la responsable du Parti de gauche, « sur la méthode, cela montre qu’on a intérêt à assumer une logique de rapport de force frontal et qu’il est possible de négocier ». Sans compter, dit encore Simonnet, que même si le débat en Grande-Bretagne est mal posé pour la gauche, « cela ne disculpe pas l’Union européenne de son caractère anti-démocratique et n’invalide pas la justesse d’un référendum ».

 

Jeudi, en Grande-Bretagne, les bureaux de vote ouvriront de 7 heures à 22 heures. Les résultats définitifs devraient être connus le lendemain.

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 13:17

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/jerome-fraisse

 

 

Au pays de la désinformation

 

 

Les manifestations que je vois de l'intérieur et celles racontées par les médias ne se ressemblent pas du tout. Plus les années passent et plus l'écart se creuse. Démonstration à travers la manifestation du 14 juin 2016 contre la loi travail : le point de vue du simple manifestant avec ses jambes, ses yeux et ses oreilles en parallèle de celui du simple français moyen avec son canapé et sa télé...

Partis tôt (6h45) de Limoges en bus affrété par la FSU pour rallier la manifestation nationale du 14 juin 2016, le voyage commence par un débat animé sur l'heure de retour. En effet, les contraintes du voyage en bus nous imposent de revenir à 16h45 à la Gare d'Austerlitz, ce qui ne nous laissera pas à priori le temps de terminer la manifestation, surtout s'il y a du monde. Une petite négociation (syndicale!) nous permet de gratter 1/2h pour un retour vers 17h15 à Austerlitz, loin de la fin de la manif mais qui devrait nous faire gagner du temps pour nous extraire de la capitale.

Arrivés dans les bouchons parisiens, nous voici largués près de la Porte d'Orléans pour rallier par nos propres moyens la place d'Italie. La plupart choisissent les pieds comme mode de transport, et les diverses applications de guidage, toutes plus efficaces les unes que les autres, nous dispersent dans les rues parisiennes. C'est donc séparé de mes camarades que j'arrive vers 12h15 sur la Place d'Italie qui commence à se remplir bruyamment.

Quelques textos et coups de fils plus tard, je dois rejoindre les copains sur l'Avenue d'Italie. Facile, ils sont près d'une grande tour ronde avec leurs drapeaux SNES au milieu de drapeaux rouges! Alors je remonte l'avenue... Des drapeaux rouges il n'y a que de ça, les convois CGT descendant en masse l'avenue d'Italie, et les drapeaux FO étant rouges aussi. Je vais bien repérer des drapeaux SNES dans tout ça! J'en trouve en effet, mais pas les bons. 15 minutes et un kilomètre plus loin je retrouve la délégation limousine. Et il y a encore beaucoup de monde qui convergent derrière eux. C'est comme une pré-manif avant la manif...

Nous rejoignons alors notre position attitrée sur le Boulevard de l'Hôpital pour le départ prévu à 13h. Nous cassons la croûte comme il se doit, avec rouge, saucisson et fromage! 14h, nous n'avons pas bougé d'un iota, c'est plutôt bon signe pour la mobilisation... 14h30 toujours pas de mouvement et nous devrons quitter le cortège avant 16h30 pour arriver à l'heure à notre bus... Tans pis, nous trichons, raccourci par une petite rue perpendiculaire, pour rejoindre l’avenue des Gobelins où le cortège est en marche.

Nous marchons un peu plus vite que le cortège pour sonder son ampleur et rejoindre l'arrivée la manif avant de devoir la quitter pour attraper notre bus. Ambiance sonore et bon enfant, et chapeaux bas à la CGT pour sa mobilisation et son animation. Mention spéciale aux CGT Dockers : leur nombre, la carrure des gaillards et leurs joueurs de tambour imposent le respect!

 

CGT Docks © Jérôme FRAISSE CGT Docks © Jérôme FRAISSE

 

Sinon, nous étions bien parqués : toutes les rues adjacentes étaient verrouillées par les CRS qui interdisaient de sortir de la manif ou d'y rentrer. Pour protéger qui, pour protéger quoi? Le mystère reste entier... Ça donnait en tout cas la drôle d'impression d'être dans un zoo. Le manifestant serait-il une espèce protégée?

 

Grille pour ne pas se tromper de direction © Jérôme FRAISSE Grille pour ne pas se tromper de direction © Jérôme FRAISSE

 

Petites rues ou grandes avenues, aucune chance de s'échapper!

 

Barrage anti-fuites © Jérôme FRAISSE Barrage anti-fuites © Jérôme FRAISSE

 

Il ne s'agissait pas non plus de prendre le métro!

 

Verrouillage des bouches de métro © Jérôme FRAISSE Verrouillage des bouches de métro © Jérôme FRAISSE

 

De la casse? Oui il y en a eu, même si nous n'avons été témoins d'aucun acte. Les cibles? A de rares exceptions près, les banques quasiment exclusivement les banques.

 

Vitrine de banque cassée © Jérôme FRAISSE Vitrine de banque cassée © Jérôme FRAISSE

 

Et aussi les panneaux publicitaires de Jean-Claude Decaux dont assez peu ont été épargnés.

 

Panneaux publicitaires cassés © Jérôme FRAISSE Panneaux publicitaires cassés © Jérôme FRAISSE

 

Personnellement, je ne me serais pas interposé entre la massette d'un blackbloc et une de ces plaques de verres... Je pense que la police ne l'a pas fait non plus, trop occupée qu'elle était à empêcher les journalistes et les passants de quitter la manif...

 

Négociations sans succès pour quitter la manifestation © Jérôme FRAISSE Négociations sans succès pour quitter la manifestation © Jérôme FRAISSE

 

Tout ce spectacle sous le regard bienveillant de l'hélico dont on ne verra jamais les photos vues d'en haut...

 

L'hélico à Montparnasse © Jérôme FRAISSE L'hélico à Montparnasse © Jérôme FRAISSE

 

Vers 16h, alors que nous avions passé la tour Montparnasse, le cortège devenait de plus en plus dense pour finalement s'immobiliser. On a su par des copains postés à l'avant que ça chauffait là bas et qu'ils étaient noyés sous les lacrymos. Ça ne sentait pas très bon et il était de toute façon temps pour nous de partir pour rallier notre bus. Nous avons donc demandé aux CRS postés sur la rue adjacente s'ils pouvaient nous laisser passer pour rentrer à la maison. NON! et pourquoi? Pas de réponse. On est bloqués et on va bientôt être comprimés les uns sur les autres, comment on fait? Vous n'avez qu'à remonter le cortège, nos collègues vont sûrement ouvrir les rues précédentes. Y a-t-il un responsable avec qui on peut négocier réellement? OUI, le Préfet de Paris, vous n'avez qu'à l'appeler. Rien à faire! Au bout d'1/2h de négociations, personne n'a pu sortir, même pas un vieux parisien coincé là avec son vélo. Seul un handicapé sur un fauteuil roulant a suffisamment ému les robocops pour qu'ils le laissent passer sous les applaudissements de la foule.

 

Négociation avec les CRS pour quitter la manif © Jérôme FRAISSE Négociation avec les CRS pour quitter la manif © Jérôme FRAISSE

 

Et puis, on voit sortir des personnes au compte-goutte les mains en l'air moyennant un semblant de fouille au corps. Les ordres auraient-ils changé? Nous nous approchons espérant sortir également. On nous demande alors de ranger les drapeaux et d'enlever tous les autocollants et autres signes d'appartenance à la manif. Les ordres sont de laisser sortir uniquement les gens normaux, alors vous comprenez....

Après une traversée de Paris au pas de course, nous arrivons à l'heure au RDV à Austerlitz avec même 5min pour nous jeter une petite bière bien méritée dans un troquet.

Débriefing dans le bus.

On a bien fait de se donner RDV à Austerlitz. Un autre bus Limousin qui a voulu attendre vers l'arrivée de la manif a perdu toutes ses vitres sur un côté... Les bus garés aux Invalides étaient toujours bloqués à 19h.

Ceux qui étaient remonté jusqu'à l'avant de la manif ont vu débouler les blackblocs sur les CRS et ont subit les dommages collatéraux de la lacrymo.

Un copain FO cheminots n'avait toujours pas bougé de sa rue adjacente à la place d'Italie à 17h et n'aura finalement pas défilé.

Que disent les médias sur nos smartphones? Entre 90 000 et 1 000 000 de manifestants! Non de Dieu! Je déplorais qu'en quelques années les écarts entre les chiffres de la police et des organisateurs avaient glissé progressivement de 1 à 2 puis de 1 à 4, là on a dépassé le 1 à 10!

Je ne suis pas expert en comptage de manifestants dans les rues de Paris et je conçois que les organisateurs aient une tendance à gonfler les chiffres, mais j'ai quelques éléments qui m'ont toujours fait douter de la véracité des chiffres des préfets:

- J'ai déjà vu des marées humaines sur des autoroutes près d'un certain projet d'aéroport nantais où, juché sur un pont transverse, je ne voyais ni le début, ni la fin de la manif, pendant que la PQR locale affichait sur mon smartphone le chiffre de la préfecture d'une extrême précision: 7200 personnes.

Nantes 9 janvier 2016 © Jérôme FRAISSE

 

- Nous avons des relations cordiales avec les RG Limougeauds qui font du comptage sérieusement mais avouent que les chiffres qu'ils font remonter ne sont pas ceux publiés par la préfecture.

 

De retour à la maison et à la vie active les réactions ne se font pas attendre:

- Tu étais à la manif? Alors, tu as vu, ils ont tout cassé! Ils ont cassé l'hôpital Necker, les salles d'opération, avec des enfants dedans! C'est la CGT? On les a vus sur les vidéos!

Le grand amalgame comme d'habitude!

Je ne savais pas pour l'hôpital Necker, je n'étais pas du bon côté et je ne suis pas arrivé à sa hauteur. Alors j'ai essayé de me renseigner jonglant entre les titres racoleurs comme "Loi travail : les casseurs s'en prennent à l'hôpital Necker" pour essayer de capter des faits, pas des émotions:

- 15 vitres dégradées sur le bardage vitré qui cache la façade du bâtiment. Une détruite par un écervelé avec une massette, les autres fissurées par des jets de projectiles à destination des CRS, sur un lieu où ça a chauffé et où les lances à eau poussaient les affrontement vers l'hôpital.

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/15/degradations-a-l-hopital-necker-ce-qu-il-s-est-passe_4951016_4355770.html

- 1 manifestant portant un gilet rouge filmé devant les invalides avec un pavé à la main.

http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/reforme-code-travail-el-khomri/20160616.OBS2737/loi-travail-y-avait-il-des-militants-de-la-cgt-parmi-les-casseurs.html

Alors cet amalgame suffit au dictateur en puissance à dire qu'il faut interdire les manifestations!

Et pourquoi pas la coupe d'Europe de foot tant qu'on y est?

Nous vivons une période trouble, et il faut se poser la question: à qui profite le trouble?

 

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/jerome-fraisse

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 13:01

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Maintien de l’ordre

Un siècle de manifestations interdites et de répression du mouvement social

 

par

 

La manifestation syndicale parisienne du 23 juin a été interdite, puis finalement autorisée sur un parcours imposé par le ministère de l’Intérieur, autour du bassin de l’Arsenal, près de la Bastille. Cette quasi interdiction est une première depuis un demi-siècle. La dernière manifestation syndicale interdite est de triste mémoire. C’était le 8 février 1962. Six syndicats, dont la CGT, la CFTC et l’Unef, ainsi que le Parti communiste et le Parti socialiste unifié (PSU, dont une partie des membres fonderont ensuite le PS), appellent à manifester à Bastille contre les « tueurs fascistes » de l’OAS (l’organisation terroriste d’extrême droite combattant pour l’Algérie française) et pour la paix en Algérie.

Nous sommes en pleine guerre d’indépendance. L’état d’urgence a été décrété depuis un an. Le Préfet de police – un certain Maurice Papon, condamné 36 ans plus tard pour complicité de crimes contre l’humanité pour avoir collaboré aux déportations vers les camps d’extermination nazis – interdit la manifestation. Les rassemblements pacifiques sont violemment dispersés par les forces de l’ordre : neuf syndicalistes de la CGT et membres du Parti communiste meurent sous les coups des matraques ou de grilles jetées par les agents à l’entrée du métro de la station Charonne. Quatre mois plus tôt, c’est une manifestation appelée par les Algériens de France qui est interdite et réprimée. 11 500 manifestants sont arrêtés, entre 30 et 200, selon les historiens, sont tués. Des corps sont jetés dans la Seine par la police.

Auparavant, au plus fort de la guerre froide au début des années 50, plusieurs manifestations « pour la paix », auxquelles participe la CGT, sont systématiquement interdites. Il faut remonter à 1906, soit plus d’un siècle, pour retrouver un parallèle direct avec la situation actuelle, comme le note le site Terrains de lutte. Le 1er mai 1906, les ouvriers défilent pour la journée de 8h – aujourd’hui remise en cause par la loi Travail… Pour le ministre de l’Intérieur de l’époque, le radical-socialiste Georges Clémenceau, et son préfet Louis Lépine, pas question de laisser faire.

« Les manifestants ne circuleront, à aucun prix, en dehors du rayon que nous leur assignons »

« Vous supposez bien que si nous laissons dans la rue 500 manifestants déambulant au chant de L’Internationale, ce groupe sera bientôt grossi et fera la boule de neige, au point de former 1000, 2000, 10,000, 50,000… Ça, non. Ce pourrait être l’émeute, et nous devrions nous résigner à faire donner l’artillerie. Eh bien ! On n’en arrivera pas là. Les manifestants, les chômeurs ne circuleront, à aucun prix, en dehors du rayon que nous leur assignons », communique alors la Préfecture de police. La troupe est mobilisée : 20 000 soldats dont 5000 cavaliers, 36 000 policiers sont réquisitionnés. Et la manifestation fortement réprimée, dans les rues qui avoisinent la place de la République : 860 arrestations et de nombreux blessés. « C’est un miracle que ces actes d’inutile et sauvage brutalité, ajoutés à bien d’autres, n’aient pas surexcité la foule et déterminé des bagarres », commente L’Humanité de Jean Jaurès.

« Par la suite, le pouvoir ne craindra plus de faire des morts dans le mouvement social. En juillet 1907, deux manifestants sont tués à Raon-l’Etape. En juin 1908, à Vigneux, les gendarmes ouvrent le feu sur des grévistes réunis dans leur permanence, en tuant deux et en blessant une dizaine. Le 30 juillet 1908, à Villeneuve-Saint-Georges, les dragons attaquent 400 manifestants, en tuent quatre et en blessent presque une centaine. Dans la foulée, Clemenceau fait arrêter tout l’état-major de la CGT (…) au motif qu’ils seraient les « responsables moraux » des violences », rappelle Terrains de lutte. Georges Clemenceau, dont le portrait trône dans le bureau du Premier ministre, est l’un des modèles politiques de Manuel Valls.

- Lire aussi : Pourquoi la loi Travail et les interdictions de manifester révèlent une radicalisation de l’oligarchie néolibérale

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 12:46

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Nouvel ordre social

Pourquoi la loi Travail et les interdictions de manifester révèlent une radicalisation de l’oligarchie néolibérale

par

 

 

 

Pour la première fois depuis un demi-siècle, une manifestation syndicale est frappée d’interdiction à Paris. L’attitude du gouvernement vis-à-vis des opposants à la loi Travail et, surtout, le contenu de cette loi, montrent un durcissement en cours : pas celui de la CGT ou de « l’extrême gauche » mais « de l’offensive oligarchique dirigée contre les droits sociaux et économiques des citoyens ». Car derrière la loi de Myriam El Khomri, c’est un nouvel ordre social qui pointe. Un ordre où les plus fragiles devront être les plus flexibles, pour le seul bénéfice du taux de marge des entreprises et de leurs actionnaires.

La veille du match France-Roumanie, coup d’envoi de l’Euro 2016, le compte Twitter du ministère de l’Intérieur affiche pendant plusieurs heures un message pour le moins étrange. Parmi les consignes de sécurité aux abords des stades : « Ne pas tenir de propos politiques, idéologiques, injurieux, racistes ou xénophobes. » La communication de Bernard Cazeneuve met ainsi sur le même plan parole politique d’une part, insultes et propos sanctionnés par la loi, d’autre part.

Le lendemain de la manifestation nationale contre la loi Travail du 14 juin 2016, François Hollande amalgame le stupide acte de vandalisme contre des vitres de l’hôpital Necker et la menace terroriste. Il prévient : « À un moment où la France accueille l’Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir d’autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties. » Manuel Valls enfonce le clou sur les ondes de France Inter : « Il y a un besoin d’autorité, d’ordre exprimé par les Français. » Interdiction de tenir des propos politiques aux abords des stades, besoin d’autorité et d’ordre, recours du 49-3 en l’absence d’une majorité favorable à la loi Travail, les temps sont durs pour le débat démocratique. Pour la première fois depuis un demi siècle, et la guerre d’Algérie, une manifestation syndicale est interdite dans les rues de Paris.

 

Une radicalisation du néolibéralisme

Pourtant, depuis deux mois, seuls les opposants à la loi Travail, en premier lieu la CGT, sont accusés, par plusieurs médias et le gouvernement, de « se radicaliser ». Sur la radicalisation néolibérale des partisans de la loi Travail, point de commentaires. La loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s », dite loi Travail ou loi El Khomri, s’inscrit bien dans ce cadre idéologique. Présentée comme une simplification du Code du travail par le gouvernement, elle en est plutôt une déconstruction. Les différentes séquences du cheminement du projet de loi depuis la remise en septembre 2015 du rapport Combrexelle, jusqu’à la menace d’interdire les manifestations d’opposants à la loi illustrent cette radicalisation. Celle-ci prend deux formes, estiment le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Lava : « D’une part, la puissance renouvelée de l’offensive oligarchique dirigée contre les droits sociaux et économiques des citoyens. D’autre part, la multiplication des dispositifs sécuritaires dirigés contre les droits civils et politiques de ces mêmes citoyens. » [1]

Les politiques néolibérales sont systématiquement favorables au capital, poursuivent les deux universitaires. Une erreur de diagnostic présente le néolibéralisme comme une idéologie prônant la disparition de l’État dans une logique de pur laisser-faire des entreprises et des marchés. Or loin de disparaître, l’État néolibéral s’inscrit dans une logique qui transforme la puissance publique en véritable partenaire des intérêts privés. Dans quels domaines les chantres du « laisser-faire » lui laissent les coudées franches ? Dans le cadre réglementaire, en érodant le droit public au profit des normes privées. Ainsi que par sa mission régalienne de maintien de l’ordre et de répression, voire de criminalisation, de toute action considérée comme un obstacle à la liberté des grandes entreprises et à la valorisation du capital. « La liberté de la concurrence, la compétition acharnée et débridée entre les acteurs appellent le renforcement de la « sécurité » comme la condition indispensable [du] déploiement [du néolibéralisme]. »

 

Un État fort quand il s’agit de réprimer

Côté maintien de l’ordre face à la contestation sociale, le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens : flash-ball, canons à eaux et utilisation intensive de gaz lacrymogènes sont de rigueur dans de nombreux défilés contre la loi Travail. Intervention du Raid le 13 mai pour évacuer une salle municipale de Rennes occupée par des opposants à la loi Travail. Interdiction de manifester le 19 mai à Nantes avec 30 arrêtés d’interdiction de séjour dans le centre-ville.

Une mise en bouche avait déjà été inscrite au menu des mesures gouvernementales, cet hiver, avec l’interdiction des marches pour le climat des 29 novembre et 12 décembre 2015, assortie d’assignations à résidence de militants écologistes. Depuis fin mars plus de 750 personnes, dont une centaine de jeunes de moins de 18 ans, ont été poursuivies par la justice, avec souvent des condamnations lourdes à la clé. Une qualification de « tentative de meurtre » a été ouverte suite à l’incendie d’un véhicule de police à Paris.

Cette répression s’exprime en-dehors des grandes manifestations : en janvier 2016, huit salariés de Goodyear, dont cinq syndicalistes de la CGT, ont été condamnés à 2 ans de prison dont 9 mois fermes pour la séquestration de deux cadres de leur usine. En avril 2016, treize militants de la CGT du CHRU de Lille et deux agents ont été convoqués au commissariat de police sur demande du Procureur de la République pour des faits remontant au 28 novembre 2014. L’épisode de la chemise arrachée du DRH d’Air France a conduit à l’inculpation de quinze personnes – dont cinq adhérents de la CGT – poursuivies pour « violences en réunion » et qui encourent jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

 

Une loi du marché interdit toute politique sociale exigeante

Côté sécurité juridique des entreprises, la loi Travail s’inscrit dans un vaste mouvement de réformes du « marché » du travail amorcé au début des années 1970 avec l’introduction de l’interim. Depuis, plus d’une vingtaine de réformes se sont succédées avec une accélération depuis 1999 et la « refondation sociale » proposée par le patronat. « À l’avenir, tout dispositif social devra être passé au crible du raisonnement économique », exige alors Denis Kessler, vice-président du Medef. Traduction : toute politique sociale menée par un gouvernement doit l’être à l’aune des exigences de la compétitivité des entreprises. Avec à la clé la réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée et l’affaiblissement du salariat organisé.

 

 

« Même des textes dont on se souvient qu’ils apportaient des protections nouvelles, contenaient également des flexibilités nombreuses », précise le juriste Emmanuel Dockès. Dans le cadre des Lois Aubry sur les 35 heures, une mesure crée le forfait jours pour les cadres. Un dispositif dont le patronat souhaite aujourd’hui qu’il soit « sécurisé » et étendu aux autres salariés. Dans l’accumulation de textes de loi de ces vingt dernières années, souvent seules les dernières étapes restent en mémoire. Notamment les lois Rebsamen et Macron toutes deux votées en août 2015. « Si la loi Macron continue de créer des exceptions supplémentaires à un certain nombre de principes, poursuit le juriste, la loi Rebsamen est plus originale puisqu’elle s’attaque à la représentation du personnel, jusque-là restée indemne depuis 1982. »

 

Négocier sous la menace du licenciement

Interrogé en 2012 par La Tribune, Denis Kessler n’a pas bougé d’un iota depuis 1999 : « L’ordre public social, fixant les droits fondamentaux, doit être défini au niveau européen. Et tout le reste doit relever principalement des accords d’entreprise. Même la branche n’est plus un échelon aussi pertinent que dans le passé. » Denis Kessler l’a demandé, le gouvernement et la ministre du Travail Myriam El Khomri ont obtempéré. L’article 2 de la loi Travail présente la négociation en entreprise comme la forme la plus démocratique d’élaboration de la norme sociale. « Mais quelle valeur donner au consentement lorsqu’il est obtenu sous la menace du licenciement ? », s’interroge-t-on à la Fondation Copernic [2], qui regroupe syndicalistes et chercheurs de gauche (lire aussi : Temps de travail, salaires, licenciements, dumping social, santé : tout ce que la loi va changer pour les salariés)

Le cadre européen est-il aussi pertinent que le décrit Denis Kessler ? Cela dépend pour qui. En visite à Paris le 31 mars 2016, Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, a qualifié la loi El Khomri d’initiative « destinée à répondre aux rigidités du marché du travail ». La loi est une réponse aux demandes de la Commission pour laquelle chômage et crise économique sont dus aux rigidités structurelles de l’économie française, notamment aux difficultés de licencier des salariés. Joli paradoxe (lire aussi : Loi travail : « Dire que c’est en facilitant les licenciements qu’on crée des emplois est ahurissant »).

Renflouer les actionnaires

Avec la promesse de « fluidifier » le marché du travail, la loi Travail bénéficiera-t-elle d’abord aux 5,4 millions de chômeurs en leur permettant de retrouver plus facilement un emploi ? Pour l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, le véritable mobile de la loi Travail consiste à maintenir constant, quelle que soit la conjoncture économique, le taux de marge des entreprises, c’est-à-dire leur pourcentage de gain. Après la crise de 2008, ce taux a perdu 3 points, soit environ 60 milliards d’euros. Comment récupérer ces milliards alors que le carnet de commande des entreprises peine à se remplir ? Par la baisse des cotisations sociales, qui a pris la forme du CICE (20 milliards en année pleine) et du pacte de responsabilité (20 milliards en 2017). La loi Travail amène un nouveau levier : diminuer le coût des indemnités en cas de licenciement. L’affaiblissement de la négociation syndicale et du Code du travail, qui permettait jusque-là d’avoir des normes nationales et valables pour toutes les entreprises, répond à des objectifs très pragmatiques lorsqu’on est actionnaire. Chaque entreprise pourra, à terme, fixer ses propres normes.

Liêm Hoang-Ngoc avance un second mobile, mais ce dernier reste pour le moment tabou : la réforme du CDI, jugé trop onéreux et peu sécurisant lorsque les entreprises souhaitent licencier. « La sécurité juridique est une valeur essentielle pour les juristes, pour l’État de droit et plus généralement pour tout système juridique démocratique », rappelle la note de la Fondation Copernic. Cette sécurité juridique exige un droit intelligible aux marges d’interprétation réduites et aux effets prévisibles, afin que les justiciables puissent se projeter dans l’avenir et connaître les conséquences juridiques de leurs actes. « Ce n’est toutefois pas dans ce sens que la sécurité juridique est aujourd’hui mobilisée. L’expression sert à revendiquer la réduction voire la suppression du risque pour les employeurs d’être juridiquement sanctionnés. » Le Sénat vient d’ailleurs d’ajouter à la loi Travail un nouvel amendement : la création d’un « contrat de mission », d’une durée de 18 mois à quatre ans, encore plus souple pour l’employeur qu’un CDD.

Le 22 février 2016, ils étaient trois à visiter au pas de course l’usine de fabrication de nylon de Chalampé, non loin de Mulhouse : Manuel Valls, Emmanuel Macron et Myriam El Khomri. « Il faut bouger, martèle le Premier ministre. Il y en a qui sont encore au XIXe siècle, moi, et les membres du gouvernement ici présents, nous sommes dans le XXIe siècle et nous savons qu’économie et progrès social vont de pair. »

Qu’est-ce que le Code du travail du XXIe siècle ?

Simple querelle entre les anciens et les modernes ? Mais qu’est-ce qu’un Code du travail du XXIe siècle ? Si les rapports Combrexelle et Badinter ont largement été évoqués, un autre document est depuis tombé aux oubliettes : celui rédigé par Bruno Mettling, directeur des ressources humaines de l’opérateur Orange, remis à Myriam El Khomri, fraichement nommée à la tête du ministère du Travail. La lettre de mission, signée par son prédécesseur François Rebsamen, est claire : « La révolution numérique de l’économie est engagée. Ses conséquences sur les métiers, les compétences, les organisations du travail, les relations de travail, le management ou le dialogue social sont réelles et croissantes. […] Il est temps de réfléchir à d’autres organisations du travail et régulations (sur les messageries, les temps de travail, le télétravail, la manière de dérouler sa carrière et de circuler entre les entreprises). »

 

 

Un Code du travail du XXIe siècle serait donc un code qui intègre la révolution numérique dans l’organisation du travail... Que cela signifie-t-il concrètement ? En remettant en cause le temps de travail et le temps de repos dans les métiers du numérique, le rapport du DRH d’Orange en livre un aperçu et suscite la polémique. « La charge de travail ne se mesure plus seulement par le temps de travail », déclare-t-il au site Rue 89. Avant d’ajouter : « Ce que nous ont dit les acteurs du numérique, c’est que quand on est "charrette" sur un projet qu’on termine tard le soir, il peut être nécessaire d’être là le lendemain matin pour son déploiement. Donc les 11 heures ne sont pas toujours respectées. » Certes. Mais cela devra-t-il s’appliquer à tous les métiers ?

 

Extension du modèle de l’industrie numérique

L’économiste Philippe Askenazy a largement décrit les conséquence de la révolution numérique sur les secteurs industriels « classiques » dans son ouvrage Les décennies Aveugles, emploi et croissance, 1970-2010 [3]. Les innovations technologiques – smartphone, Big Data, réseaux sociaux, applications – nécessitent un vivier de travailleurs diplômés dont ont besoin les entreprises du numérique. Les technologies et les organisations qui y sont associées exigent la flexibilité tant du travail que de l’emploi. Ce modèle n’est pas l’apanage des « start-up » numériques. Il tente de se déployer dans l’ensemble du monde du travail.

« On observe de manière récurrente certaines pratiques clefs et complémentaires de travail : le travail en équipe autonome, la rotation de poste, les démarches de qualité totale ou le juste-à-temps. Le cœur du principe du juste-à-temps, est que la production est enclenchée par les commandes auxquelles il faut répondre rapidement. Une conséquence espérée est une plus grande réactivité et des niveaux de stocks réduits », décrit Philippe Askenazy. Parallèlement, la recherche de flexibilité impose à la fois une intensification du travail et un volant accru de main d’œuvre précaire, en intérim ou en contrat court, ainsi qu’un usage intensif de la sous-traitance sur site.

Les plus faibles seront les plus flexibles

Cette mécanique propre du productivisme réactif a été accentuée partout par des politiques limitant les « rigidités » du marché du travail, analyse l’économiste. La logique de ces politiques est justement que le droit du travail ne doit pas être un obstacle à un processus d’innovation et de création de richesse. « De ce point de vue, la politique en tant qu’exercice du pouvoir n’est rien d’autre que la forme sous laquelle la guerre des classes est inlassablement menée par l’oligarchie politico-financière », affirment Pierre Dardot et Christian Laval. Cette guerre vise à transformer, parfois à détruire, les institutions sociales qui assuraient une relative autonomie individuelle, familiale et plus largement collective vis-à-vis du marché du travail et de la subordination au capital.

À l’heure actuelle, un salarié sur cinq ignore à quel moment il travaillera le mois suivant. Un pourcentage en hausse. Mais pas chez qui l’on croit : le nombre de cadres qui ne peuvent plus prévoir leurs horaires d’un mois sur l’autre diminue. « Ceux qui sont de plus en plus flexibles ce sont les ouvriers qualifiés et les employés du commerce et des services », décrit le juriste Emmanuel Dockès. Ce ne sont donc pas les plus forts – les mieux payés, disposant plus facilement d’un réseau en cas de recherche d’emplois – qui sont les plus flexibles mais les plus faibles. Loin de se cantonner au monde du travail, cette flexibilité débridée a des impacts sur la société toute entière. Elle a des conséquences sur le temps consacré à la vie personnelle, familiale, militante, associative… Des activités qui ont besoin de prévisibilité et qui sont extrêmement précieuses pour la société dans son ensemble. Seront-elles les victimes de ce nouvel ordre social qui se construit sous nos yeux ?

Nadia Djabali

Photos :
- Manifestation à Rennes contre la loi Travail / © Myriam Thiébaud
- Manifestation à Paris / © Eros Sana - Collectif OEIL
- Manifestation à Paris / © Eros Sana - Collectif OEIL

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